TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide du

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

CCAC : S17-011501-NP

QH : 106703-10640                               

                                                                     ENTRE

 

MARIE-PIERRE LAROUCHE

STÉPHANE BAUER

« Bénéficiaires »

 

 c.

  

LES PLACEMENTS SERBEAU LTÉE

« Entrepreneur »

 

et

 

GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC

 « Administrateur »

 

 

 

            ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE

GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

 

DÉCISION ARBITRALE RECTIFIÉE RENDUE LE 1 er JUIN 2017

YVES FOURNIER ARBITRE

IDENTIFICATION DES PARTIES

 

 

BÉNÉFICIAIRES :                                                   MARIE-PIERRE LAROUCHE

et

STÉPHANE BAUER

[...]

ROSEMÈRE, (QUÉBEC)

[...]

                                                                               REPRÉSENTÉS PAR

Me RALUCA POPOVICI

 

            

ENTREPRENEUR :                                               LES PLACEMENTS SERBEAU LTÉE

 

PERSONNE MORALE DÛMENT CONSTITUÉE

DONT LE SIÈGE SOCIAL EST SITUÉ AU

59, CHEMIN DES L’ILE DE MAI,

BOISBRIAND, (QUÉBEC)

J7G 1R7

 

REPRÉSENTÉ PAR LEUR DIRIGEANTS

 

 

ADMINISTRATEUR :                                           GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC

PERSONNE MORALE DÛMENT CONSTITUÉE

DONT LE SIÈGE SOCIAL EST SITUÉ AU

9200, BOUL. MÉTROPOLITAIN EST,

MONTRÉAL, (QUÉBEC)

H1K 4L2

                       

REPRÉSENTÉE PAR

Me FRANÇOIS-OLIVIER GODIN

DÉCISION

 

 

MANDAT ET COMPÉTENCE RATIO MATERIAE

 

[1] Le Tribunal fut saisi du présent dossier suite à une demande d’arbitrage formulée par les Bénéficiaires le 15 janvier 2017. Le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) nomma le soussigné à titre d'arbitre le 19 janvier 2017 afin de disposer de deux points en litige.

 

[2] Les parties n'ont formulé aucune objection préliminaire et/ou touchant la compétence du Tribunal.

 

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

 

[3] Le 8 août 2013 les Bénéficiaires signaient avec l’Entrepreneur, Les Placements Serbeau Ltée, un contrat d'entreprise et de garantie obligatoire de maison neuve pour la construction d'une résidence située au [...], à Rosemère pour la somme de $333,427.50 dollars.

 

[4] L’inspection préréception prit place le 28 mai 2015 et le formulaire requis par l’Administrateur fut signé le même jour. Les parties convenaient par ce même document que la fin des travaux se situerait le 5 juin 2015.

 

[5] Tel qu'il apparaît à la décision du conciliateur, datée du 5 décembre 2016, et ceci n’étant pas contestée, la réception de l'unité résidentielle se situe le 28 mai 2015.

 

[6] Par courriel transmis à l’Entrepreneur et l’Administrateur, le 9 août 2016, les Bénéficiaires dénonçaient plusieurs points dont ´´la porte de chambre des maîtres qui ouvre dans le cadre de porte de salle de bain ´´ et ´´ le plancher de bois qui bouge et craque au deuxième étage ´´.

 

[7] Le conciliateur Benoît Pelletier, nommé par l’Administrateur, dans son rapport de conciliation du 5 décembre 2016, concluait quant à ces deux points que la Garantie Qualité Habitation ne pouvait reconnaître ceux-ci dans le cadre de son mandat, invoquant l'argument du délai de dénonciation.

 

[8] Le 15 janvier 2017, les Bénéficiaires avisaient le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) qu'ils portaient la décision du conciliateur en arbitrage.

 

[9]   La notification de cette demande fut transmise et reçue le 17 janvier 2017.

 

[10] Suite à sa nomination comme arbitre, le soussigné convoqua une conférence téléphonique préparatoire pour le 1er mars 2017 et le 4 mai 2017 l'audition prenait place en présence de toutes les parties.

 

 

PREUVE DES BÉNÉFICIAIRES

 

ALAIN BOUCHER

 

[11] Reconnu comme expert par les parties, monsieur Alain Boucher s'appliqua à démontrer que le plancher en bois du second étage n'avait pas été installé selon les spécifications du fabricant Lauzon Planchers de Bois Exclusifs Inc., ci-après appelé Planchers Lauzon, et considérant que les planchers de bois franc à l'étage craquent à plusieurs endroits, se soulèvent aux limites intérieures avant et arrière de la maison, se séparent à plusieurs endroits et qu'il y a gauchissement du plancher sur une bonne surface à l'étage, il conclut qu'il s'agit d'un vice caché.

 

[12] Il a procédé à une première visite des lieux le 24 mars 2017 en présence des Bénéficiaires. Il vérifia le taux d'humidité relative des planchers à l'étage laquelle se situait à 32.2%.

 

[13] Il explique que l'effet de gauchissement prend son origine dans la différence du taux d'humidité entre le sous plancher et le bois franc ou encore dans le taux d'humidité relative qui n'aurait pas été adéquat. Les Bénéficiaires lui ont confirmé avoir maintenu un taux se rapprochant du 40%.

 

[14] Le fait qu'à la livraison les boîtes de bois franc aient été empilées sur une hauteur de 10 boîtes et sur une largeur de deux boîtes n'a pas permis au bois de prendre un taux d'humidité adéquat. Les boîtes auraient dû atteindre au maximum trois boîtes en hauteur et être espacées afin de permettre une circulation d'air.

 

[15] Le second constat lors de cette première visite se veut le craquement dans tous les espaces de l'étage. Le clouage ne rencontre pas les directives du fabricant et les règles de l'art. Les planchers se doivent d'être cloués à tous les 6 à 8 pouces (15-20 cm) et à 2 à 3 pouces (5-8 cm) aux extrémités. Qui plus est, plusieurs planches décollent aux limites intérieures avant et arrière de la maison. Il s'agirait d’un manque d'adhésif ou la mauvaise qualité de celui-ci. Sans l'utilisation d'outils il a pu retirer plusieurs lames de bois uniquement avec ses doigts.

 

[16] Une autre situation se voulait d'une évidence non discutable. Les planchers présentent des espacements de plus de 5 mm et ce jusqu'à 7 mm.  Ce constat amène l'expert à soutenir que seul un taux d'humidité relative constant de moins de 20% peut provoquer ce type de retraits. Considérant que ses mandants maintenaient un taux se situant entre 30% et 50%, il faut conclure selon l’expert, que l'installation est en cause tant dans la déformation que dans le mouvement des planchers.

 

[17] Une seconde visite prit place en présence des Bénéficiaires en date du 12 avril 2017 afin de vérifier la distance de clouage des lames de bois franc. En moyenne, la distance s'établit à 12 pouces entre chaque agrafe et parfois 16 pouces et même 32 pouces. Il a pu retirer une lame avec ses doigts et il a remarqué l'absence de membrane malgré la recommandation du fabricant Planchers Lauzon. La vérification des distances s’est faite à l'aide de billes magnétiques. Il précise que la recommandation du fabriquant cible une distance maximale de 8 pouces.

 

[18] Quant à l’expert un espacement de 5 mm à 7 mm ne peut pas être causé par une mauvaise gestion du taux d'humidité relative.

 

[19] Pour lui, un taux se situant entre 40% et 45% d'humidité relative est synonyme d'une résidence bien contrôlée. Si le taux se situait au-delà de 60% en continuité on aurait des planchers qui ´´puffent ´´. Le fait qu'il y ait des espacements dans une pièce fermée qui est à 15-16 pieds du mur arrière, il indiquera… ‘’il ne s'agit plus d'une problématique d’humidité relative.’’

 

[20] Le 6 avril 2017 monsieur Alain Boucher rédigeait un rapport de 16 pages lequel fut produit comme pièce B-1-A.

 

[21] Pour conclure, le témoin-expert préconise de refaire en entier et à neuf le plancher en lames de bois franc en suivant toutes les directives du manufacturier et en utilisant la même qualité de bois franc.

 

[22] En contre-interrogatoire, il maintient fermement que ce ne sont pas les occupants qui ont causé le dommage. L’Entrepreneur, soutenant en l’interrogeant que lors de ses visites le taux d'humidité dépassait 50%, offrit à l'expert la possibilité de répondre qu'un excédent de 5% d'humidité relative ne déboucherait pas sur des espacements de 5 mm ou 7 mm. Un taux devient abusif lorsqu’il dépasse 60%, selon lui.

 

[23] L’Entrepreneur lui proposa l'hypothèse que le bois en gonflant a peut-être déplacé les planchers aux extrémités, car le gonflement pousserait les planchers vers les extrémités. Monsieur Boucher répliqua par le raisonnement suivant. Si le plancher est bien fixé, il ne peut se déplacer et si on retenait l’hypothèse suggérée pourquoi les planches aux abords des murs avant et arrière peuvent-elles être retirées avec les doigts.

 

 

STÉPHANE BAUER

 

[24] Monsieur Stéphane Bauer, l’un des Bénéficiaires, a très peu échangé avec le poseur de plancher, François St-Onge, si ce n'est qu'il lui fit part qu’il partirait le système de chauffage pour enlever l'humidité dans la maison ce, à quoi ce dernier acquiesça. Le poseur ne lui a donné aucune instruction quant au contrôle de l'humidité. Il souligne que Benoît Lapierre, l'un des deux associés de l’Entrepreneur, lui a mentionné à la prise de possession de garder l'échangeur d’air à 40%. ´´On a suivi ses instructions ´´, ajoute-t-il.

 

[25] À l'inspection préréception, le plancher ne montrait aucune défaillance. Au mois d'août 2015, il constatait l'apparition de ´´cupping ´´, à savoir du gauchissement.

 

[26] Il contacta l’Entrepreneur qui lui mentionna d'attendre, car grâce au chauffage la situation se rétablirait. Ce ne fut toutefois pas le résultat escompté.

 

[27] Le 17 novembre 2015, un courriel est transmis à monsieur Lapierre où son épouse lui expose notamment :

´´J'ai oublié de te montrer les planchers. La situation ne s'est pas résolue. Ça craque tout le temps … ´´

 

[28] En décembre, il transmit à l’Entrepreneur des photos du plancher montrant de l'espacement entre les lames (‘’gapping’’), ce qui déboucha sur la nécessité d'une rencontre avec les intervenants reliés au fabricant et au sous-traitant (poseur). La visite dont participaient les représentants de l’Entrepreneur, le poseur, la représentante des Planchers Lauzon, le distributeur et les Bénéficiaires prit place dans les faits en mars 2016.

 

[29] Selon le témoin, entre décembre 2015 et mars 2016, ils n'ont pas eu de nouvelles de l’Entrepreneur.

 

[30] Revenant sur la rencontre de mars 2016, il mentionne :

 

  ´´Ils ont pris des tests d'humidité, ils ont fait le tour. Ils             checkaient le gapping. Je sais que pour l'espacement des lattes dans la garde-robe, ils trouvaient ça bizarre. On n’a pas eu de nouvelles par la suite même à la suite d'un courriel que l'on a envoyé le 18 avril. ´´

 

[31] Quant à la porte de chambre qui ouvre dans le cadre de porte de la salle de bain, il n'y a pas eu de correction faite par l’Entrepreneur. Sa conjointe avait soumis un compromis, à savoir, d'installer une porte sur rail et l’Entrepreneur avait pourtant accepté et s'était engagé à l'installer. J’y reviendrai.

 

[32] L'exécution ne s'est jamais matérialisée compte tenu du fait que des travaux excédentaires, hors contrat, ont été exécutés par l’Entrepreneur suite à un estimé préalablement fourni par ce dernier. En effet, l'estimé offert se positionnait entre $5,000.00 et $10,000.00 dollars. À la fin des travaux, l’Entrepreneur exigea $3,000.00 dollars supplémentaire. Les Bénéficiaires refusèrent de payer l'excédent et décidèrent de payer la somme maximale ($10,000.00 dollars) indiquée par l’Entrepreneur, plus les taxes. Ce dernier décida de ne pas s’exécuter vu le non-paiement du $3,000 dollars additionnels et malgré l'entente confirmée par écrit.

 

[33] Monsieur Bauer nia le contenu de la déclaration écrite du poseur, François St-Onge. Contrairement aux prétentions alléguées de ce dernier, monsieur Bauer n'a jamais arrosé le plancher de béton. La photo produite sous B-4 et prise le 22 mai corrobore ses dires.

 

[34] Il rappellera à quelques reprises qu'il faisait confiance à l’Entrepreneur.

 

[35] En contre-interrogatoire il reconnaît l'échange de courriels entre sa conjointe et Benoît Lapierre tout comme ceux transmis par ce dernier aux Bénéficiaires afin de fixer une date de rencontre pour constater et évaluer la situation et ce, jusqu'à ce qu'ils donnent signe de vie le 29 février 2016 par courriel en justifiant leur retard à répondre par ´´des petits problèmes de santé qui nous a fait repousser le tout ´´.

 

[36] En formulant une question au témoin, monsieur Lapierre relate qu'en août 2015 il lui aurait fait savoir que la problématique de craquement se voulait normale et que le plancher ´´était en train de s'installer et qu'il n'y avait pas de problème ´´.

 

[37] Lors de l'inspection préréception l’Entrepreneur n’a fait aucune mention relativement quant au mauvais positionnement de la porte de la salle de bain.

 

 

MARIE-PIERRE LAROUCHE

 

[38] La Bénéficiaire révèle la grande nervosité qu’a connue son jeune garçon laquelle découlait du craquement répétitif du plancher, notamment en soirée, et ce même s'ils marchaient de façon à minimiser le bruit ou les craquements. L'enfant se réveillait en sursaut et en pleurant et cette situation semble persister.

 

[39] Elle précise que déjà en août 2015, il était difficile de passer la balayeuse à cause du gondolement des lattes de bois.

 

[40] Relativement à la porte, ils avaient beaucoup de difficulté à passer la porte et particulièrement lors de sa grossesse. Le Tribunal a pu noter lors de la visite des lieux cette difficulté.

 

 

PREUVE DE L’ENTREPRENEUR

 

MARTIN BEAUPRÉ

 

[41] Monsieur Martin Beaupré est le président de Placements Serbeau Ltée, l’Entrepreneur dans le présent litige. La compagnie œuvre dans le domaine de la construction depuis 15 ans. La compagnie est reconnue par la CCQ (Commission de la Construction du Québec).

 

[42] Etonnamment, pour monsieur Beaupré, il n'y a pas eu d'entente quant à la porte sur rail et ce, même s'il avait accepté de poser celle-ci. Il ajoute, curieusement, ‘’ on n’est pas bocké’’. Lorsqu'il a constaté que le $3,000.00 dollars excédentaire, plus taxes, qu'il réclamait des Bénéficiaires pour des services hors contrat, ne serait pas payé, il refusa de s'exécuter. Comment comprendre ce raisonnement s’il n’y avait pas eu supposément d’entente ! S'il n'y avait pas eu le litige du $3,000.00 dollars, il aurait livré la porte sur rail. Qui plus est, l'entente sur ce point est antérieure à la réclamation du $3,000.00 dollars. On se fait justice soit même.

 

[43] En contre-interrogatoire, il doit reconnaître que le compromis de la porte sur rail s'avère beaucoup moins coûteux que s'il avait eu à déplacer l'ouverture emportant aussi une modification substantielle de certains murs et espaces. Il ajoutera, avec tout le sérieux du monde :

´´On a trouvé un terrain d'entente qui ne fait pas l'affaire des   parties, mais qui est un compromis. ´´

 

[44] Il ne serait pas intervenu au dossier à compter du moment où les Bénéficiaires firent état des problèmes du plancher.

 

FRANÇOIS ST-ONGE

 

[45] Monsieur François St-Onge est le poseur du plancher de bois franc chez les Bénéficiaires. D'entrée du jeu, il reconnaît qu'il y a eu erreur sur la personne dans sa déclaration écrite où il fait état que le propriétaire aurait arrosé le plancher de ciment au rez-de-chaussée.

 

[46] Depuis 2002, il travaille dans le domaine du plancher. Il a appris ´´sur le tas ´´ au fil de années. Il ne pose que du Planchers Lauzon et il procède toujours de la même façon. Il est sous-traitant de l’Entrepreneur lequel retient presqu’exclusivement ses services. En ouverture il analyse la configuration des lieux afin de déterminer à quel endroit il entreprendra la pose.

 

[47] Il utilise la colle pour ´´la première rangée ´´ et par la suite ils posent des agrafes. À 12 pouces, il se sert d'une cloueuse de finition et de la colle, puis à proximité il utilise un certain marteau.

 

[48] Il admet avoir déjà vu dans d’autres occasions du gauchissement semblable après quelques mois de pose.

 

[49] Monsieur St-Onge n'a pas mesuré le taux d'humidité relative avant de poser les lames de bois alors que la pose s'est faite sur deux journées à savoir, le vendredi et le samedi ou possiblement le vendredi et le lundi, il ne peut le confirmer. Il reconnaîtra qu’il s’exécute autrement depuis la dernière année et qu’il prend le taux d’humidité avant d’entreprendre la pose des lames de bois franc.

 

[50] Il dit s'exécuter selon les règles de l'art mais ne mesure pas la distance entre les agrafes. ‘’Il se peut’’ qu'il y ait des espacements de 8 ou 12 pouces. Il ajoutera qu'il n'apposera pas 3 agrafes ou 3 clous sur une planche de 15 pouces.

 

[51] En mars 2016, il fut parmi les gens qui accompagnaient l’Entrepreneur. Il a constaté le déplacement des lames de bois qu'il qualifie d'anormal. Le fait que les dernières planches étaient collées et qui furent enlevées par l'expert avec ses doigts a permis de constater, selon le témoin, que le sous plancher était collé à certaines planches. Le lien mécanique ne se faisait plus puisque le sous plancher a arraché. Pour lui, sa colle était bonne.

 

[52] La procureure des Bénéficiaires lui fait remarquer qu'il y aurait eu un manque d'adhésif sur certaines lames retirées tel que montré par certaines photos prises par l'expert Boucher. Elle cible notamment au témoin une photo (#39) du rapport d'expert montrant l'absence d’agrafes sur une distance de près de quatre pieds, ce qu’il doit reconnaître.

 

[53] Contre-interrogé par Me François-Olivier Godin, il indique que s'il y a une problématique avant la pose du plancher il ne s'exécutera pas. Il sera avisé par l’Entrepreneur, car son travail se limite à la pose.

 

[54] Son épouse travaille de pair avec lui depuis plusieurs années. Elle place les lames et lui procède au clouage. Il a utilisé de la colle de menuiserie qu'il prend à la quincaillerie pour finir par ajouter que ‘’c'est la Lepage, la marque.’’ Il indique qu'il aurait pris probablement 1½ journée pour la pose. Il conclut qu'il prend ´´le temps de la faire. ´´

 

 

LORAINE DUMAIS

 

[55] Le 5 décembre 2015, le détaillant de Planchers Lauzon la contacte pour vérifier chez un particulier si le produit Lauzon présentait une problématique. En prémisse elle énonce : ´´mais, tout ce qui est relié à l'humidité n'est pas garanti ´´. Sur place, elle estime sur le coup qu'il s'agit de ´´cupping, de buckling ´´, de détachement de plancher de la surface d'installation. Elle affirme :

 

´´C’est dû habituellement à une problématique d'humidité, ça peut être aussi en lien avec une problématique de clouage et de collage.’’

 

[56] La procureure des Bénéficiaires considère qu'elle ne peut donner une opinion à titre d'experte. S'en suit un survol de ses expériences et de ses formations.

 

[57] Elle travaille dans l'industrie du bois depuis 1999 et du bois franc depuis 2004. Elle fut rattachée pendant ces années à Planchers Lauzon et à un compétiteur. Pour Planchers Lauzon elle touchait au côté technique et à la qualité du produit. Elle suit plusieurs formations qui lui permettrait éventuellement d’être inspecteur reconnu par la NWFA. Ces cours visent à être titrée experte au niveau de l'installation et de la réaction du produit, i.e. le bois franc, à l'environnement. Elle a déjà témoigné une fois aux Petites Créances comme représentante de Planchers Lauzon. Elle n’a jamais été reconnue experte devant un tribunal.

 

[58] Le Tribunal a conclu qu’elle ne pouvait être considérée comme experte à partir des informations qu'elle a livrées. Qui plus est, elle témoigne comme représentante du produit en cause, ce qui la place en quelque sorte en conflit d’intérêts. Il ne reste pas moins qu'elle peut donner une opinion, mais il appartiendra toujours au Tribunal d'en mesurer la valeur probante de son témoignage.

 

[59] Puis Me François-Olivier Godin fait rappel d'une lettre de Planchers Lauzon produite en annexe à la décision du conciliateur Benoît Pelletier et datée du 23 mars 2016.

 

[60] Relativement à ce document, elle dira qu'il a été écrit par Catherine Jardon, coordonnatrice du service technique chez Planchers Lauzon. Mais c’est le témoin, Loraine Dumais, qui ´´lui aurait dit quoi mettre dans la lettre ´´. Elle soutient qu'elle n'a pas signé le document parce qu'elle est ‘’continuellement en déplacement’’.

 

[61] Curieusement, la lettre n'est pas signée à la main par Catherine Jardon, on ne retrouve que son nom écrit à l'ordinateur. Cette dernière aurait certainement pu écrire le nom du témoin puisqu'il n'y avait pas de signature à apposer, ou écrire ´´pour Loraine Dumais ´´. La lettre met en copie Marc Bergeron et non Loraine Dumais. Minimalement on peut qualifier ce document de ouï-dire.

 

[62] Elle n'a pas observé de ´´buckling ´´, soit un plancher qui se surélevé, mais a pu constater l'espacement des planchers. Pour Planchers Lauzon, le taux d'humidité ne peut dépasser 55%. Le taux constaté lors de la visite en mars était aux alentours de 34%. Elle évalue le coût de réfection du plancher, avec la même qualité de bois franc, à environ $12,000.00 dollars, plus les taxes.

 

BENOÎT LAPIERRE

 

[63] Monsieur Benoît Lapierre est le vice-président de l’Entrepreneur. Le but de son entreprise est de bien servir le client. Celle-ci a l'habitude d'aller au bout des démarches entreprises.

 

[64] Lors de l'inspection préréception qui s’est déroulée sur deux (2) heures environ, il s'est appliqué à livrer le plus d'informations possibles aux clients, notamment en matière d'humidité, échangeur d'air et système central.

 

[65] Le 29 octobre 2015, lors de sa visite chez les Bénéficiaires, il comprend qu'’’il y a un problème de mouvement de plancher ´´. Il constate un taux élevé d'humidité relative (49%) et recommande d'abaisser le taux. Il reconnaît qu’ils se sont exécutés.

 

[66] Les craquements du plancher en août 2015 étaient dans la normalité car l'humidité s'installait dans la résidence.

 

[67] Trois (3) semaines plus tard les Bénéficiaires l'informent que la situation ne s'améliore pas. Étant au bout de ses ressources, ne sachant plus quoi faire, il décide de se retourner vers le poseur, le fournisseur de Planchers Lauzon et de madame Loraine Dumais. Le 5 décembre, il avise les Bénéficiaires de sa démarche en vue d’une rencontre bilatérale. Étant sans réponse de ces derniers pendant les 3 mois qui suivront, la rencontre avec les personnes ressources de l’Entrepreneur et l’un des Bénéficiaires prendra finalement place en mars 2016.

 

[68] Quant à la porte, monsieur Lapierre dira ´´mes intentions étaient bonnes ´´.

 

[69] En contre-interrogatoire, il confirmera que les recommandations faites à ses clients ont toujours été suivies par ceux-ci. Sa priorité était de régler la situation. Les Bénéficiaires ne pouvaient chauffer leur résidence de façon continue jusqu'à l'automne, puisque c'était ´´comme entre deux saisons ´´.

 

[70] La problématique des lames de bois aux extrémités de la résidence se voulait une première pour ce témoin. Il n'a jamais constaté pareille condition de plancher de bois franc auparavant.

 

 

PATRICK PERREAULT

 

[71] Monsieur Patrick Perreault a livré les lames de bois franc à la résidence des Bénéficiaires. Il travaille en tant que livreur de bois franc depuis 2 à 3 ans à l'époque de l'audition. Le rapport du taux d'humidité (E-1) montre que les taux furent respectés. Il indique que l'installateur doit attendre 48 heures avant d'entamer la pose des lames de bois franc.

 

[72] Il reconnaît avoir placé 10 à 12 boîtes de haut sur 2 ou 3 boîtes de largeur.

 

 

BENOÎT PELLETIER

 

[73] Monsieur Benoît Pelletier est technologue professionnel. Il fut contremaître et inspecteur en bâtiment dès 1980. Il occupa divers postes au niveau de certaines municipalités, notamment dans les services publics et l'inspection de bâtiments. Il est rattaché à La Garantie Habitation depuis cinq (5) ans.

 

[74] Le second point contesté de son rapport de conciliation du 5 décembre 2016 (A-4, point 6) apparaît sous le titre ´´Porte d’accès de salle de bain à l'étage : Ouverture ´´. Pour le signataire du rapport cette situation était observable au moment de la réception du bâtiment. Il en résulte qu'il n'a pu retenir ce point.

 

[75] Le premier point contesté touche évidemment le revêtement de plancher, particularisé par le ´´craquement et l'ondulation ´´. Au poste ´´commentaires des bénéficiaires au moment de l'inspection ´´, il écrit :

 

´´Les bénéficiaires mentionnent avoir remarqué la situation en octobre 2015 et que l'entrepreneur, l'installateur ainsi que le fabricant sont venus vérifier la situation en mars 2016. Par la suite, les bénéficiaires n'ont pas eu de nouvelles de l'entrepreneur quant à cette visite. ´´

 

[76] Malgré le fait que le ratio de sa décision laisse croire qu'il considérait comme un fait pertinent et concluant la rencontre en mars 2016 entre l’Entrepreneur, l'installateur et le fournisseur du revêtement, monsieur Pelletier tranche en invoquant un délai excédant le six (6) mois prévu au texte de la garantie (A-5) puisque la situation dénoncée à l’Entrepreneur en octobre 2015 ne fut reçue par l’Administrateur que le 9 août 2016.

 

 

CONTRE-PREUVE

 

 

[77] L'expert Alain Boucher traite de l'emphase du taux d'humidité relative présenté par l’Entrepreneur et les témoins qu'il a présentés. Dans son rapport, il situe la variation possible du taux, soit entre 30% et 50%. Considérant que les Bénéficiaires le situaient à 40% d'humidité, ce taux est dans la normalité reconnue. Comme le bois travaille avec le taux d'humidité relative, quelque chose a fait obstacle au bois de pouvoir réagir adéquatement, tant dans l'expansion que dans le rétrécissement. Pour l'expert, les seules causes possibles se retrouvent tant dans la pose tant au niveau du clouage que du collage.

 

 

 

 

ARGUMENTATION

 

BÉNÉFICIAIRES

 

[78] Me Raluca Popovici qualifie la problématique du plancher de vice caché car le vice existait au moment de la vente de l'immeuble et qu’il ne pouvait être perçu ou décelé par les Bénéficiaires. Elle argumente qu'il n’existe aucune preuve à l'effet que les Bénéficiaires n'ont pas respecté les taux d'humidité prescrits par le fabricant.

 

[79] Elle cible les articles 2103 et 2120 du Code civil du Québec qui définissent les vices cachés bénéficiant de la garantie des entrepreneurs comme étant ceux :

 

« … qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus ».

 

[80] Au soutien de sa position elle fait remarquer que Benoît Lapierre a avoué qu'il était arrivé au bout de ses mesures pour corriger la situation.

 

[81] Quant au délai de dénonciation face à un vice caché, c'est l'article 10 paragraphe 4 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui donne la réponse, soit six (6) mois.

 

´´ 10. La garantie d'un plan dans les cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

(…)

4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil ; ´´

 

[82] La seconde portion de l'article 1739 du C.c.Q. est cruciale dans l'analyse du présent dossier. Elle en retire le texte :

 

´´ 1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour ou l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue. ´´

 

[83] Elle rappelle que le conciliateur a indiqué qu'en cas de vice caché, il lui est nécessaire de procéder à deux (2) visites, ce qui confirmerait la difficulté de le déceler.

 

[84] La visite de la résidence en mars 2016 où plusieurs personnes rattachées de près ou de loin à l’Entrepreneur démontre la complexité de la situation. Faut-il ajouter que les Bénéficiaires se fiaient à l’Entrepreneur et que la problématique se réglerait s'ils maintenaient un taux d'humidité qui se situait dans les normes. Dès lors, le vice n’est devenu soupçonnable qu'au moment où l’Entrepreneur était orienté et conseillé par des tierces personnes.

 

[85] Ainsi le délai de six mois devrait prendre comme point de départ le mois de mars 2016.

 

[86] La décision Brodeur et Boucher c. Groupe Construction Royale Inc. et La Garantie de maisons neuves de l’ACHQ[1] est soumise par Me Popovici. L'arbitre Claude Dupuis écrit :

 

´´ [58] La visite des lieux a démontré plutôt un gondolement que des interstices sur le plancher de bois du salon. Ce gondolement à son point de départ à peu près vers le centre du salon et s'étend vers l'arrière et vers l'avant ainsi que du côté gauche de la propriété ; ce point de départ exclut l'infiltration d'eau de l'extérieur comme étant la cause de cet état.

 

[59] Les bénéficiaires informent que le gondolement est apparu et s'est étendu de façon lente et progressive. La réception du bâtiment a eu lieu le 3 juillet 2002 ; la réclamation écrite à l'entrepreneur relativement à cet élément est datée du 4 juin 2004.

 

[60] L'administrateur est d'avis que ce gondolement ne répond pas à la définition du vice caché mais qu'il constitue plutôt une malfaçon.

 

[61] L'entrepreneur prétend que ce défaut n'était pas présent lors de la réception et qu'il résulte plutôt d'un surplus d'humidité ou d'un événement important d'eau au point de départ du gondolement.

 

[64] Contrairement à la position de l'administrateur, le tribunal est d'avis que cette situation répond à la définition de vice caché au sens de l'article 1726 du Code civil :

 

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui les rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

 

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent ; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

 

[65] Il m'apparaît plus que probable que pour vendre leur propriété avec la situation actuelle du plancher du salon, les Bénéficiaires devront accepter une diminution du prix correspondant au coût de la réparation.

 

[66] Compte tenu de la lente progression de l'étendue du gondolement, le tribunal soutient que le délai de 6 mois de dénonciation a été respecté.    (SIC)

 

 

[87] Une autre décision est apportée au soutien des prétentions des Bénéficiaires. L'arbitre Alcide Fournier dans Elizabeth Séguin et Gilles Séguin c. Construction Cholette Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.[2] rappelait les énoncés d'une de ses décisions ainsi :

 

´´ [24] Dans l'affaire Martin Lapointe et Marie-Claude Fortin contre Construction Réjean D'Astous et la Garantie de l'APCHQ Inc., l'arbitre soussigné affirmait aux paragraphes 65 et 66 et ce, après l'analyse de la jurisprudence de tribunaux civils : 

65. « De l'avis du soussigné, il ne suffit pas d'affirmer avoir pris conscience de l'importance d'un problème à une date donnée pour qu'automatiquement, la compilation du délai pour aviser par écrit l'entrepreneur et l'administrateur commence à cette date.

 

66.  Il faudrait à tout le moins que cette affirmation soit corroborée par certains faits concrets, comme cela peut se produire lors de dommages progressifs, par exemple. » ´´

 

[88] Il est rappelé au Tribunal que l'installateur de plancher n'a pas pris le taux d'humidité avant de poser les lames de bois franc. Traçant un parallèle avec la présente cause, Me Popovici propose la décision de l'arbitre Claude Mérineau, dans la sentence arbitrale Ginette Bérubé c. Maisons Zibeline Inc. et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[3]. J'en rapporte les passages suggérés par la procureure :

 

´´[13]            Madame Bérubé décrit les déficiences dont elle réclame correction par l’entrepreneur et qui sont l’objet de la décision de l’administrateur du 6 juin 2005. Elle affirme solennellement qu’elle n’a pas reçu d’information spécifique sur l’entretien des planchers de bois francs de la part de l’entrepreneur.  Elle mentionne que les planchers de plusieurs   appartements voisin ont été refaits par l’entrepreneur.

[37]            Les experts des parties intéressées et de l’administrateur conviennent de la présence d’ondulations dans les lattes de bois franc qui doivent être corrigées. Monsieur Denoncourt, à la section 2 de son rapport du 30 juin 2006, note ;

 

       « À notre avis, l’ampleur de ces désordres n’est pas normal ».

 

[38]             Monsieur Denoncourt ajoute à la sous-section A de la Section 2 :

« Toutefois, en date de notre visite et en date des photos de M. Bossus, les lattes de chêne pré-vernies des parquets gondolaient d’une façon anormale, sous l’effet d’une humidification provenant du support de revêtement ».

 

[39]            M. Dubuc reconnaît que ces ondulations ont été causées par un « surplus d’humidité »

[57]            En conséquence, s’appuyant sur l’observation des anomalies et malfaçons identifiées par les experts et le représentant de l’administrateur, les trois reconnaissant que la cause des anomalies au plancher de bois franc est l’excédant   d’humidité dont la bénéficiaire ne peut être tenue responsable, qu’il y ait eu ou non inondation, tout en retenant avec prudence une partie des recommandations du rapport Benjel, l’arbitre ordonne à l’entrepreneur de procéder au remplacement de toutes les lattes de bois franc constituant les parquets de l’unité #112, propriété de la bénéficiaire. ´´ (SIC)

 

[89] Quant à la problématique de la porte, Me Popovici considère qu'il s'agit d'une malfaçon et que ses clients se sont fiés sur les représentations de l’Entrepreneur. L’Entrepreneur s'étant engagé à corriger la situation par un compromis respectable de ses clients, il serait inéquitable de ne pas satisfaire ces derniers.

 

 ADMINISTRATEUR

 

[90] Me François-Olivier Godin propose qu'il s’agirait dans le cas de la problématique de la porte d'une situation qui était apparente et qui aurait dû être dénoncée lors de la visite préréception où dans les trois jours suivants la prise de possession de la résidence par les Bénéficiaires.

 

[91] À la limite, si on retenait que le point de départ se situe en août 2015, date de la dénonciation à l’Entrepreneur, le délai de six (6) mois n'aurait pas été respecté. Par conséquent, la demande doit être rejetée.

 

[92] L'engagement de l’Entrepreneur quant à livrer la porte va au-delà de ce qu'accorde ou permet le Règlement au Bénéficiaire. Il n'existe pas de couverture sur une entente contractuelle entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires.

 

[93] Le conciliateur n'a pas accepté la demande quant au plancher sur la base des délais. Les courriels confirment clairement la situation où l'évolution de la problématique de plancher.

 

[94] Les courriels déposés par les Bénéficiaires sous B-2 en liasse montrent que le 25 août 2015, ils identifient à l’Entrepreneur que ´´le plancher craque au 2e étage ´´ et qu'il y a lieu d'en discuter ou de réparer, que le 17 novembre 2015 ´´la situation n'est pas résolue et ça craque tout le temps ´´ et finalement le 7 décembre 2015 que ‘’la situation ne s'est pas améliorée et qu'il y a une craque dans le plancher’’. Pour le procureur, à cette dernière date les Bénéficiaires ultimement auraient dû considérer qu'il y avait une réelle problématique et ils auraient dû dénoncer celle-ci à la Garantie Qualité Habitation et à l’Entrepreneur.

 

[95] Me Godin s'est appliqué à faire valoir que le délai de six (6) mois pour dénoncer un vice ou la malfaçon était un délai de rigueur. Il rapporte la décision de l'arbitre Jean Morissette dans l'affaire SDC lot 3977437 c. Gestion Mikalin Ltée et la Garantie Abritat Inc.[4] où l'état du droit quant au délai est passé en revue par ce dernier. Parlant de ce délai, l'arbitre écrit :

 

´´[26]    Les principes afférents à cette disposition ont été maintes fois exprimés dans des décisions d'arbitrage ou par les tribunaux de droit commun. Le procureur de l'Entrepreneur a résumé ces divers principes de la façon suivante, jurisprudences à l'appui :

 

[a] Le délai de 6 mois est de rigueur ;

[b] Il s'agit d'un délai de déchéance qui ne peut être ni suspendu ni prorogé ;

[c] Le pouvoir d'agir en équité de l'arbitre ne lui permet pas de passer outre à ce délai en le suspendant ou en le prorogeant ;

[d] L'ignorance du bénéficiaire ou sa bonne foi ne peuvent justifier qu'il soit passé outre à ce délai ;

[e] Il en est de même des représentations et des promesses de l'entrepreneur et même des travaux de correction qu'il aurait entrepris et/ou effectués ;

[f] Ce délai commence au moment où le bénéficiaire a connaissance d’un problème même s'il n'en connaît pas la cause ;

[g] Dans ce délai, une dénonciation écrite doit être reçue de l'entrepreneur et de l’administrateur ;

[h] Il est impératif que cette dénonciation soit reçue par l'entrepreneur et par l'administrateur dans ce délai de 6 mois ;

[27] Voici quelques citations des textes de jurisprudence soumis qui font état des principes résumés.’’ (SIC)

 

 

 

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

 [96] Le Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs[5] est d'ordre public[6]. Il campe les conditions applicables à ceux qui désirent administrer un plan de garantie. Il enchâsse tant les modalités que les limites du plan de garantie tout comme le contenu du contrat de garantie auquel les Bénéficiaires ont adhéré. Les difficultés d'interprétation que peut rencontrer l'arbitre ainsi que les questions quant aux droits des Bénéficiaires ou de l’Entrepreneur doivent trouver normalement réponse dans le Règlement.

 

FARDEAU DE PREUVE

 

[97] Puisque les Bénéficiaires contestent le bien-fondé de la décision de l’Administrateur, le fardeau de preuve repose sur leurs épaules. L'article 2803 du Code civil du Québec énonce :

                   

´´Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. ´´

 

[98] L’article 2804 Code civil du Québec mérite également qu'il soit reproduit puisqu'il définit la preuve prépondérante.

 

´´La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. ´´

 

[99] Il suffit donc pour les Bénéficiaires que leur preuve soit prépondérante. La Cour suprême, dans l’arrêt Montréal Tramways Co. c. Léveillé[7], nous enseignait :

 

«This does not mean that he must demonstrate his case. The more probable conclusion is that for which he contends, and there is anything pointing to it, then there is evidence for a court to act upon. »

 

[100] En 2008, le plus haut tribunal du pays traitait ainsi de la norme applicable en matière civile laquelle se veut similaire à celle en matière réglementaire[8] :

 

 « En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s’applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu (...) »

 

[101] Le Tribunal doit souvent agir en pesant les probabilités. Rien ne peut être mathématiquement prouvé[9]. La décision doit être rendue judiciairement et par conséquent en conformité aux règles de preuve généralement admises devant les tribunaux. Le Règlement étant d’ordre public, l’arbitre ne peut décider par complaisance ou par le fait que la preuve présentée par l’une des parties se veut sympathique. 

 

[102] Finalement, l'article 116 du Règlement donne au Tribunal le pouvoir de faire appel à l'équité en certaines circonstances.

 

´´116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.

 

[103] Le rôle du Tribunal est d’analyser la preuve soumise quant à un différend découlant d’une décision du conciliateur (Administrateur) touchant une ou des dénonciations et, par conséquent, de reconnaître ou pas si ce dernier a correctement analysé la ou les dénonciations dans le cadre de la Garantie et, par voie de conséquence, si l’Entrepreneur a manqué ou pas à ses obligations tant contractuelles que légales qui circonscrivent la couverture de la Garantie.

 

 

 

DROIT APPLICABLE QUANT AUX MALFAÇONS ET VICES

 

[104] Il convient de caractériser le droit applicable dans le cas où le Bénéficiaire dénonce des malfaçons, des vices cachés ou des vices de construction ou de réalisation. Le législateur l’a ainsi formulé à l’article 10 du Règlement :

 

10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

...

3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons ;

 

4° la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil ;

 

5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

                                                                  (Je souligne)

 

[105] L’article 1739 du C.c.Q. auquel réfère le Règlement enseigne à l'acheteur les limites de son exercice de dénonciation :

 

1739. L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue. 

                                                                 (Je souligne)

 

[106] Ajoutons que le délai de six mois entraîne la déchéance du recours. L’article 2878 C.c.Q. le confirme :

 

2878. Le tribunal ne peut suppléer d’office le moyen résultant de la prescription. Toutefois, le tribunal doit déclarer d’office la déchéance du recours, lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas, elle résulte d’un texte exprès’’ (Je souligne) 

                   

 

POINTS EN LITIGE

 

A - LE PLANCHER

 

[107] La question à laquelle le Tribunal doit répondre dans un premier temps est de savoir si les problèmes constatés et rattachés au plancher en bois franc peuvent-il être considérés comme un vice caché et dans un second temps la dénonciation fut elle livrée dans les six mois de la connaissance du vice par les Bénéficiaires tant à l’Administrateur qu'à l’Entrepreneur ?

 

LE VICE CACHÉ  

 

[108] D’entrée de jeu notons qu'un entrepreneur a une obligation de bonne exécution des travaux. Il doit agir également avec le souci de bien renseigner son client. Cette obligation est continue dans le temps. Qui plus est, il a une obligation de résultat. La juge T. Rousseau-Houle[10] le confirma dans ces termes :

 

´´De fait l'entrepreneur étant normalement considéré comme un expert en construction, il est généralement tenu à une obligation de résultat. ´´

 

[109] Plus récemment, l'auteur Vincent Karim concluait dans le même sens[11] :

 

´´En d'autres termes, pour remplir son engagement,

        l'entrepreneur doit donc, conformément à l'article

                                             2100  C .c .Q.,  rendre  un  ouvrage  conforme  à

                                             l’ensemble  des documents contractuels et   aux

                                             obligations  pouvant découler explicitement ou

                                              implicitement de la loi, des usages et des règles

                                             de l'art. En  effet,  il n'est pas inutile de rappeler

                                            que l’obligation de délivrer un ouvrage conforme

                                             aux règles de l'art est une obligation de résultat. ´´

 

[110] Le témoignage de l'expert Alain Boucher est fort convaincant et il n'y a pas eu de l’avis du Tribunal de preuve pouvant renverser les conclusions auxquelles il est arrivé.

 

[111] Pour monsieur Boucher le plancher n'a pas été installé selon les spécifications du fabricant Planchers Lauzon. Les causes rattachées aux anomalies constatées sur place sont les conséquences des probabilités suivantes :

 

A) Le taux d'humidité lors de l'installation. Cet énoncé est renforcé par le fait que le poseur n'a pas pris aucune mesure d'humidité relative les deux jours de la pose. Encore faut-il retenir que depuis un an ce même sous-contractant s'applique à prendre le taux d'humidité avant de s’exécuter.

B) Les boîtes de lames de bois n'ont pas été entreposées de façon à laisser le bois prendre la température et l'humidité de la pièce, tel qu'en fait foi une photo prise par les Bénéficiaires.

C) Sous plancher humide lors de l'installation. Cette avenue n'a pas été contredite par l’Entrepreneur ou l’Administrateur.

D) La pose de l'installation en relation avec la pose du plâtre et de la peinture. Ceci est une réalité qui n’a pas été réfutée.

E) Le clouage et l'adhésif sont insuffisants ou inadéquats. Les espaces de clouage dépassent en multiples endroits la recommandation du fournisseur de plancher.

F) L’absence de membrane sous le bois franc.

 

[112] En bout de piste l'expert conclut ainsi dans son rapport (B-1) :

 

´´Tous ces vices dans le plancher sont donc imputables selon nous, à l'installation du bois franc. Le plancher de bois franc peut subir des mouvements selon l'air ambiant trop sec ou trop humide. Mais lors de notre visite et celle du conciliateur, il est démontré que le taux d'humidité relative dans la maison respectait les conditions du fabricant. Les dommages sont trop importants pour que ce soit seulement causé par le taux d'humidité de l'air de la maison. À la suite de notre deuxième visite, nous sommes en mesure de confirmer que le plancher de bois franc à l'étage a été mal installé et doit être remplacé sur tout sa surface et doit être installé selon les critères d'installation du fabricant en respectant à la lettre le taux d'humidité dans l'air, le taux d'humidité dans le sous plancher et le taux d'humidité dans le bois franc. Les lames doivent être clouées selon les spécifications du fabricant et si des lames doivent être collées il est important d'utiliser un adhésif recommande par le fabricant. En respectant les spécifications du fabricant pour l'installation du plancher de bois franc, le fabricant pourra alors honorer sa garantie. ´´

 

[113] Quant au taux élevé d'humidité relative invoqué par l’Entrepreneur, l'expert fait part des taux maintenus par les Bénéficiaires. De plus, monsieur Benoît Lapierre a reconnu à plusieurs reprises lors de l'audition que les taux étaient conformes. Qui plus est, les taux ont toujours été à l'intérieur des normes du fabricant.

 

[114] Madame Loraine Dumais mentionne de façon transparente lors de son témoignage en traitant de la situation prévalant chez les Bénéficiaires :

 

´´C'est dû habituellement à une problématique d'humidité. Ça peut être aussi en lien avec une problématique de clouage et de collage. ´´  

 

[115] Le Tribunal rappelle que monsieur Benoît Lapierre a reconnu que les recommandations faites aux clients ´´ont toujours été suivies ´´. Au terme de son témoignage il admettra que la problématique des lames de bois aux extrémités intérieures de la résidence constituait une première pour lui.

 

[116] Le rapport du fabricant Planchers Lauzon daté du 23 mars 2016 indiquant qu'il a été écrit par Catherine Jardon m'étonne particulièrement. D'abord madame Loraine Dumais a prétendu qu'elle n'a pu signer ledit document puisqu'elle n'avait pas le temps. Pourtant, il n'y a pas de signature manuscrite sur ce document. Si elle n'avait pas le temps de signer, elle n'a sûrement pas eu le temps de le lire, mais elle aurait eu le temps de donner les éléments à traiter à Catherine Jardon.

 

[117] Curieusement, ce même document semble donner raison aux Bénéficiaires par le passage suivant :

 

´´Quand le plancher est exposé à un taux d'humidité trop élevé, il prend de l'expansion créant ainsi une pression interne élevée, stress, résultant par du gauchissement et pouvant causer de fractures internes dans le plancher.

 

Il est donc impératif que le client s'assure de respecter le taux d'humidité spécifié pour qu'il reste en dessous des 55% et ce partout dans la maison tout au long de l'année. ´´ Je souligne)

 

[118] La preuve de part de d'autre n'a jamais démontré que le taux n'avait pas été respecté. Pour le reste du texte, on peut reconnaître qu'il ne s'agit que de généralités. Bref, un rapport qui, quant au soussigné, n'est nullement concluant pour attaquer la responsabilité aux Bénéficiaires.

 

[119] Il est reconnu que quatre conditions sont requises pour qualifier un défaut de vice caché au sens de l'article 1726 du Code civil du Québec : Le vice doit posséder une certaine gravité, il doit précéder à la vente, il doit être inconnu et occulte[12]. La présente situation rencontre ces quatre éléments.

 

[120] Je me permets de rapporter l'opinion de Jean-Louis Baudoin dans son ouvrage, La responsabilité civile[13] :

 

´´2-378 - Notion de vice - La notion de vice du produit est essentiellement liée au déficit d'usage du bien. Comme le démontre un auteur, il existe trois formes principales de vice : une défectuosité matérielle (le bien s'avère endommagé), une défectuosité fonctionnelle (impossibilité de s'en servir selon la destination normale) ou une défectuosité conventionnelle (impossibilité de s'en servir pour un fin spécifique).

…….

2-380 - La règle se fonde essentiellement sur le concept d'utilité dû vie pour l’acheteur. L’acheteur dont il est question ici doit être défini comme étant un acheteur raisonnable. C'est donc selon un critère objectif qu'il faut évaluer l'utilité d'un bien et non selon un critère subjectif tenant compte des attentes spécifiques et l’acheteur, à moins que ce dernier ne les ait fait préalablement connaître au vendeur. ´´

 

 B-  LE DÉLAI DE SIX MOIS

 

[121] Les Bénéficiaires doivent en vertu de l'article 10, 4° du Règlement avoir dénoncé le vice ´´dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ´´.

 

[122] Je souscris sans hésitation à l'argument de Me François-Olivier Godin que le délai de six mois est d'ordre public et ne peut être prolongé. Le procureur a présenté plusieurs décisions[14] qui confirment qu'il s'agit d'un délai de déchéance. Plusieurs autres se rallient à cette approche.

 

[123] Le législateur n’a pas donné de pouvoir discrétionnaire à l’arbitre lui permettant de prolonger le délai de six mois (art.166 du Règlement). L’exercice d’un quelconque pouvoir discrétionnaire quant au délai prescrit à l’article 10 du Règlement ne saurait permettre l’extension ou la suspension du même délai.

 

[124] Un parallèle intéressant peut se faire avec certaines dispositions du C.c.Q. quant à la notion de délai de déchéance, en regard avec la déclaration de sinistre en matière d’assurances. Le juge en chef Michel Robert de la Cour d’appel l’élaborait ainsi[15] :

 

"En matière d’assurance de dommages, l’obligation d’informer l’assureur est prévue à l’article 2470 C.c.Q., celui-ci requérant de l’assuré qu’il déclare le sinistre avec célérité dès qu’il en a connaissance [ndlr « ...doit déclarer à l’assureur tout sinistre de nature à mettre en jeu la garantie, dès qu’il en a eu connaissance »]. Les tribunaux ont conçu que cette obligation naissait au moment où se produit le fait dommageable, et non au moment où l’étendue des dommages est constatée, la seule exception étant lorsqu’il est déraisonnable pour l’assuré de penser qu’il existe un lien entre le fait dommageable et la perte qui en résulte. » 

 

[125] Bref, la célérité, la vigilance et la diligence s’avèrent des considérants à retenir dans l’appréciation du moment de la connaissance. 

 

[126] L’évaluation de l’existence potentielle d’un dommage, d’un vice ou de sa présomption ne s’analyse pas uniquement eu regard au Bénéficiaire mais de tout acheteur raisonnable.

 

[127] Mon collègue, Me Jean Philippe Ewart traitait ainsi l’objection quant au délai de dénonciation en présence de vice majeur dans l’affaire Syndicat des Copropriétaires du 716 Saint Fernand et al.[16] :

 

« Point de départ du délai de dénonciation

 

[87] La preuve révèle que nous sommes dans un cadre de non simultanéité de la faute (vice de conception et construction - absence de blocage et d’entretoisement) et du préjudice (affaissement de structure et al.) et que la manifestation du préjudice peut être qualifiée de tardive qui emporte la manifestation graduelle de l’art.27 [note du soussigné, équivalent à l’article 10 pour la copropriété] du Règlement. [...]

 

[91] La doctrine nous enseigne sous la plume de Jean Louis Baudouin, citant d’autre part l’auteur et une jurisprudence très abondante de nos tribunaux, dans un cadre de simultanéité lorsque la faute et le dommage se produisent en même temps :

 

« La victime n’a pas à attendre que le dommage se réalise complètement, du moment que sa manifestation est certaine. » [BAUDOUIN, J.L. et DESLAURIERS, P., La responsabilité civile, 7e éd., Cowansville, Ed. Yvon Blais Inc., 2007, para.1-1419.]                  

                  

« ...que l’on doit se reporter au fondement même de la prescription extinctive : la sanction d’une conduite négligente. On doit donc, à notre avis, partir du jour où une victime raisonnablement prudente et avertie pouvait soupçonner le lien entre le préjudice et la faute » Idem, para.1-1420. VOIR pour jurisprudence la note 92, p.1199 sous le para.1-1420.

 

[92] Applicable en l’espèce, Baudouin indique sous une analyse de l’art. 2926 C.c.Q. et de la manifestation graduelle, que :

 

« ...la prescription du recours commence à courir du jour où il se manifeste pour la première fois. Le législateur entend probablement, par cette expression, la faire débuter au jour où le réclamant constate le premier signe appréciable ou tangible de la réalisation du préjudice, alors même qu’il ne s’est pas totalement réalisé ... » Idem, no.1-1421. 

                                                      (Je souligne et renforce le caractère)

 

[128] Ceci dit, qu'en est-il en l'espèce ?

 

[129] En août 2015, Stéphane Bauer constate du gauchissement. Il se souvient que lorsqu'il passait son pied sur le plancher ´´ça faisait comme de bosses ´´, et il ajoute ´´on voyait ça clairement dans notre chambre ´´. Quant à sa conjointe, elle note qu'à cette même époque ´´passer la balayeuse c'était compliqué ´´.

 

[130] Le 25 août 2015, madame Larouche transmet un courriel à l’Entrepreneur où elle énumère une liste de points ´´à discuter et à arranger ´´ et il est mentionné ´´le plancher craque au 2e étage.’’

 

[131] Le 17 novembre 2015 la Bénéficiaire écrit à Benoît Lapierre :

 

´´J’ai oublié de te montrer les planchers. La situation n'est pas résolue. Ça craque tout le temps ….´´

 

[132] Le 9 décembre 2015, monsieur Bauer transmet le courriel suivant à monsieur Lapierre :

´´Salut Benoît

Pour la dernière couple de semaine notre taux d'humidité est entre 35% et 40% tel que demander. Le bruit de craquement est pire maintenant. On dirais meme un manque d'humidité car le plancher est fendu à certaine place. Voir photo.

On a jamais eu ce problème là au deuxième sur notre autre maison.

Je ne comprends plus.

Merci

Stéphan ´´

(SIC)

 

[133] On comprend qu'à cette date les Bénéficiaires ont observé depuis le mois d'août 2015 que le plancher faisait comme des bosses, qu'il craquait, qu'il craquait tout le temps et qu'il craquait davantage malgré les consignes de l’Entrepreneur.

 

[134] Le conciliateur situe en octobre 2015 le moment où les Bénéficiaires auraient dû dénoncer la problématique.

 

[135] Les Bénéficiaires se doivent d'agir avec une diligence raisonnable i.e. qu'ils aient un degré de jugement, d'attention et de prudence auxquels on peut raisonnablement s'attendre d'une personne placée dans une situation similaire. Pour le Tribunal ces manifestations répétitives et cumulatives sur plusieurs mois et sous plusieurs formes auraient dû amener les Bénéficiaires à dénoncer la situation. Celle-ci n'était certes pas anodine ou négligeable, elle était devenue inquiétante et fort problématique.

 

[136] Comme l’a mentionné Me Godin, on peut repousser jusqu'en novembre 2015, mais aller au-delà du 9 décembre 2015 cela devient inacceptable.

 

[137] L'évaluation et l'analyse doivent se faire de manière objective pour un individu qui se doit d'être vigilant. Les faits constatés par les Bénéficiaires montraient en décembre des indications suffisantes d'une réelle problématique.

 

[138] Suivant mon appréciation des faits, ma compréhension de la Loi et de la jurisprudence, je me dois de maintenir la décision de l’Administrateur sur ce point, car l'ignorance de la Loi et la bonne foi ne constituent pas des éléments de droit qui habilitent le décideur à faire fi d'un délai de déchéance.

 

 

PORTE D’ACCÈS À LA SALLE DE BAIN À L’ÉTAGE

 

[139] Le conciliateur Benoît Pelletier rejette la situation dénoncée à l’Administrateur et l’Entrepreneur le 9 août 2016 ainsi :

 

´´Ainsi, étant donné que la situation était décelable lors de la prise de possession de la résidence par les bénéficiaires, il aurait fallu, pour être considérée par La garantie Qualité-Habitation, qu’elle soit dénoncée à la prise de possession. ´´

 

[140] Bien que le Tribunal soit convaincu qu'un contrat s'est conclu à l'automne 2015, quant à l’installation d’une porte sur rail, entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur et que ce dernier refuse ou néglige de respecter cette entente contractuelle, le soussigné ne peut forcer l'exécution car cette dernière ne relève pas du Règlement.

 

[141] Il est tout de même particulier que l’architecte, le technicien en architecture, l’ouvrier qui a installé le cadre de la porte,  l’ouvrier qui a posé les portes, le peintre, le superviseur de chantier, et monsieur Lapierre n’aient pas réalisé la problématique de la porte. Cela me paraît impossible. Pour certains ce fut de l’aveuglement volontaire, pour d’autres …..

 

 [142] Malgré toute la sympathie que le Tribunal peut avoir pour les Bénéficiaires, la décision de l’Administrateur doit être maintenue puisque le délai de dénonciation va au-delà de six mois.

 

 

LES FRAIS D’EXPERT

 

[143] Les Bénéficiaires réclament les frais d’expertise, de services professionnels pour les montants suivants, incluant les taxes :

 

Alain Boucher                       $ 2,040.81

 

[144] L'article 124 du Règlement stipule que l’arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au Bénéficiaire lorsque ce dernier a gain de cause en totalité ou en partie.

 

[145] L’administrateur a représenté que les frais n'étaient pas exagérés et qu'en l’espèce les Bénéficiaires n'ayant pas eu gain de cause, l’Administrateur ne devait pas supporter ces frais, tout en laissant toutefois l'entière discrétion au Tribunal.

 

[146] Les Bénéficiaires en l'espèce avaient le fardeau de preuve. La nécessité de retenir les services d'un expert se voulait essentielle puisqu'ils devaient prouver l'existence d'un vice caché.

 

[147] Le Tribunal est d'avis que l'expertise de monsieur Alain Boucher était indispensable à la compréhension de la problématique et éclairante pour la solution du litige quant au vice.

 

[148] Le Tribunal est d'avis que la preuve du vice était majeure pour les Bénéficiaires.

 

[149] Par conséquent, pour les frais d'expert, l’Administrateur devra les supporter à 75% du montant réclamé.

 

[150] Il y a donc lieu de faire droit en partie à la demande des Bénéficiaires et d'ordonner le remboursement par l’Administrateur de la somme de 1,530.60 $ à ces derniers

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

REJETTE la demande d'arbitrage des Bénéficiaires quant aux deux points soumis ;

 

MAINTIENT la décision du conciliateur Benoît Pelletier date du 5 décembre 2015 ;

 

 

RÉSERVE aux Bénéficiaires tous leurs droits et recours leur permettant de porter devant les tribunaux civils leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu'ils réclament, sujets bien entendu aux règles de droit commun et de la prescription civile ;

 

ORDONNE à l’Administrateur de payer aux Bénéficiaires la somme de $1,530.60 dollars dans les 45 jours de la présente décision ;

 

RÉSERVE à La Garantie Habitation du Québec Inc. (l’Administrateur) ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l'arbitrage (par.19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d'adhésion prévue à l'article 78 du Règlement ;

 

LE TOUT, avec les frais de l'arbitrage à la charge de La Garantie Habitation du Québec Inc. (l’Administrateur) conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l'organisme d'arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

 

 

   LAVAL,  le 1ER JUIN 2017

 

 

 

 Yves  Fournier

___________________________    

 

YVES FOURNIER ARBITRE

 



[1] GAMM : 2006-09-003, Claude Dupuis arbitre, 22 mai 2006

[2] SORECONI 06111001, 30 juin 2007

[3] SORECONI 05062000, 31 juillet 2006

[4] GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015

[5] Décret 841-98, 17 juin 1998

[6] Articles 3, 4, 5, 105, 139 et 140 du Règlement

[7] [1933] R.C.S. 456

[8] F.H. c. McDougall, [2008] CSC 53 (Call)

[9] Rousseau c. Bennett, [1956] R.C.S. 89

 

[10] Les contrats de constructions en droit public et privé, Montréal, Wilson et Lafleur/ Sorej, 1982, p. 194-195

 

[11] Contrats d'entreprise, contrat de prestation de service, Wilson et Lafleur, 2e éd., 2001, para. 248.ur/Sorej, 1982, p. 194-195

[12] Jeffrey Edwards. La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Montréal, Wilson & Lafleur, 1998, p.160 à 168.

[13] Jean-Louis Baudoin, La responsabilité civile, 7e Éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2007, 2-378 et 2-380.

[14] SOC Promenade de la Rive c. Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, 2014 QCCS 6396, juge Alicadia Soldevila, J.C.S., 21 août 2014 ; Domaine-Bellerive c. Construction Robert Garceau Inc. et Garantie Qualité Habitation, CCAC S13-091201-NP, Me Michel A. Jeanniot, 18 juillet 2014 ; Gattas-Aboud c. Groupe Constructions Royale Inc. et Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, SORECONI 130606001, Me T. Holländer, 10 octobre 2013.

[15] Bourcier c. Citadelle (La), compagnie d’assurances générales, 2007 QCCA 1145, para 27.

 

[16] Syndicat des Copropriétaires du 716 Saint Fernand et al. c. Développements TGB et Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, SORECONI 101206001, 15 avril 2011.