ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (RLRQ, c. B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
ENTRE : Monsieur MIKE KELWIN YAM LAN LIAH CHOON
Bénéficiaire de la Garantie
ET : 9253-5400 QUÉBEC INC. (Habitations Trigone)
Entrepreneur
ET : LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
(La Garantie Qualité Habitation)
Administrateur de la Garantie
Nº dossier CCAC : S14-053006-NP
Nº dossier du Plan de Garantie QH : 101023 - 7255
Nº dossier de l’arbitre : ARB-3717
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me Jean Robert LeBlanc
Pour le Bénéficiaire : Monsieur Mike KELWIN YAM LAN LIAH CHOON
Pour l’Entrepreneur : Madame Sophie PÉPIN
9253-5400 QUÉBEC INC. (Habitations Trigone)
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier GODIN, avocat
BÉLANGER, PARADIS AVOCATS INC.
Date d’audience : 4 mai 2015
Date de la décision : 4 septembre 2015
IDENTIFICATION DES PARTIES
Bénéficiaire : Monsieur Mike KELWIN YAM LAN LIAH CHOON
[…] Brossard, QC […]
Entrepreneur : 9253-5400 QUÉBEC INC. (Habitations Trigone)
1981, rue Bernard-Pilon
Beloeil, QC J3G 4S5
Administrateur : LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
9200, boulevard Métropolitain Est
Montréal, QC H1K 4L2
Et son procureur :
Me François-Olivier GODIN, avocat
BÉLANGER, PARADIS AVOCATS INC.
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 20 octobre 2014.
Chronologie du dossier :
4 novembre 2012 : Le Bénéficiaire signe un contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium portant le numéro 603622 pour l’acquisition d’un bâtiment de 3 pièces et demi en copropriété divise qui portera le numéro civique mentionné plus haut. Il s’agit d’une unité de coin;
Juillet 2013 : Mois prévu pour la livraison de l’unité au Bénéficiaire;
30 novembre 2013 : Acceptation par le Bénéficiaire d’un crédit total de 1 020$ sur le prix de son unité de condo;
10 décembre 2013 : Signature par le Bénéficiaire du Formulaire d’inspection préréception de son unité de copropriété;
19 décembre 2013 : Date de la possession et occupation de son unité par le Bénéficiaire;
13 janvier 2014 : Signature d’un acte de vente devant Me Michel Aubertin, notaire à Brossard;
14 mars 2014 : Réception par la Garantie d’une réclamation du Bénéficiaire datée du 12 mars 2014;
6 mai 2014 : Décision de l’Administrateur rejetant en entier la réclamation du Bénéficiaire sous la signature de Me Jean-Raymond Paradis, avocat;
30 mai 2014 : Le Bénéficiaire transmet au greffe du CCAC une demande d’arbitrage;
20 octobre 2014 : Nomination de l’arbitre;
26 mars 2015 : Tenue d’une Conférence préparatoire par téléphone par l’arbitre en présence de toutes les Parties;
2 avril 2015 : Transmission aux Parties du procès-verbal de la Conférence préparatoire daté du même jour et transmission d’un Avis de convocation pour la tenue d’une Audience au mérite le 4 mai 2015 à Longueuil;
4 mai 2015 : Enquête et audition du dossier au Palais de justice de Longueuil;
4 septembre 2015 : Date de la décision arbitrale. Les Parties ayant autorisé le Tribunal arbitral à rendre la présente décision arbitrale dans un délai excédent trente (30) jours tel que le permet le 2ième paragraphe de l’article 122 du Règlement.
DÉCISION ARBITRALE
APRÈS ENQUÊTE, AUDITION ET DÉLIBÉRÉ, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE:
[1] Il s’agit d’un arbitrage en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs [1] (ci-après le « Règlement ») demandé par le Bénéficiaire qui conteste une décision qui lui est défavorable rendue le 6 mai 2014 par l’Administrateur en vertu dudit Règlement. Le plan de Garantie de l’Administrateur reflète fidèlement les dispositions dudit Règlement.
[2] Aucune objection n’a été soulevée sur la compétence du Tribunal, en conséquence, le Tribunal se déclare compétent à rendre la présente décision.
Les réclamations du Bénéficiaire
[3] Par sa lettre de réclamation datée du 12 mars 2014 (Pièce A-8), le Bénéficiaire réclame premièrement une compensation additionnelle de 4 000$ à celle déjà reçue de l’Entrepreneur pour absence de conformité aux plans et devis de son unité spécifiquement pour l’absence de deux (2) fenêtres et d’une porte sur le côté extérieur droit de son unité de coin ainsi qu’une autre compensation dont il ne détermine pas le quantum pour une réduction de surface de HUIT (8) pouces sur toute la largeur de l’unité. L’Administrateur traite l’ensemble de ces réclamations au Point #1 sous le titre « Non-conformité aux plans et devis : »
[4] L’autre réclamation du Bénéficiaire que l’Administrateur intitule « Retard de livraison : » est traitée comme Point #2 dans la décision administrative de ce dernier datée du 6 mai 2014. Il réclame QUATRE (4) mois de loyer au taux de 440$ par mois pour un total de 1 760$ à ce titre.
La preuve
[5] La preuve faite devant le Tribunal arbitral révèle les éléments pertinents suivants :
● Le Bénéficiaire a acheté son unité sur plans avant que ceux-ci ne soient approuvés par la municipalité;
● Lors de la signature du Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium, le Bénéficiaire a reçu de l’Entrepreneur une feuille décrivant les caractéristiques et éléments inclus dans un condominium d’une chambre à coucher identifié comme étant la propriété J-01-3½;
● Le Bénéficiaire a acheté une unité de coin qu’il a payé 5 000$ de plus qu’il n’aurait payé pour une unité intérieure;
● Le Bénéficiaire voulait une porte d’entrée privée et des fenêtres additionnelles sur le côté extérieur de son unité;
● L’unité du Bénéficiaire est bel et bien située sur un coin mais ne comporte pas de porte ou d’entrée privée sur le côté extérieur et il n’y a qu’une seule fenêtre sur cette façade;
● Le bénéficiaire s’est plaint auprès de l’Entrepreneur de ce manquement le, ou vers le, 30 octobre 2013 soit plus d’un mois et demi avant de prendre réception de son unité;
● Le Bénéficiaire admet avoir accepté à contrecœur de l’Entrepreneur un crédit de 1 000$ le 30 novembre 2013 alors qu’il en demandait 5 000$ à titre de compensation pour l’absence de deux (2) fenêtres sur le côté extérieur de son unité de coin;
● Le Bénéficiaire n’a pas dénoncé la non-conformité aux plans et devis alléguée relativement à l’absence des deux (2) fenêtres et d’une entrée privée sur le côté extérieur de son unité de coin au moment de la réception du bâtiment;
● Le Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium ne fait état d’aucune superficie précise pour ladite unité. À la clause 1.1 du contrat, la mention « La surface approximative sera de _____ mètres carrés brut ( ____pi.ca brut) conformément à : Π Plans initialés Π Unité modèle Π Autres ________________________________ acceptés et annexés aux présentes par les parties. » est restée vierge.
● Le Bénéficiaire n’a pas demandé à voir les plans de l’unité pendant la construction et admet ne jamais les avoir consultés avant d’entreprendre sa réclamation auprès de l’Administrateur;
● Le Bénéficiaire allègue une différence de superficie mais ne présente aucune preuve de ce fait au Tribunal arbitral outre son témoignage, en effet, il soumet un document (Pièce B-10 dont il n’établit pas l’origine) prévoyant une superficie de 685 pieds carrés au prix de 124 995$ et prétend avoir reçu une unité de 539 pieds carrés sans toutefois le démontrer. Il s’agirait donc d’un manque de contenance d’une valeur de 26 640$;
● Dans sa lettre du 12 mars 2014 qui déclenche le processus d’enquête et de décision de l’Administrateur, le Bénéficiaire mentionnait que son unité mesurait HUIT (8) pouces de moins sur toute la largeur de celui-ci mais ne présente aucune preuve à cet égard;
● Le Bénéficiaire a prolongé son bail résidentiel de QUATRE (4) mois en raison du retard de livraison du bâtiment par l’Entrepreneur au loyer de 440$ par mois;
● Le Bénéficiaire paye en remboursement hypothécaires, taxes et frais de condominiums près de 800$ par mois pour se loger dans son unité depuis décembre 2014;
● Le Bénéficiaire n’a effectué qu’un seul déménagement entre son logement de la rue Adrien et son unité de condominium en décembre 2014;
● Le Bénéficiaire a pu quitter son logement sur la rue Adrien sans payer de compensation au propriétaire parce qu’il avait trouvé un sous-locataire en temps opportun;
L’analyse et la décision
[6] Le Bénéficiaire étant le demandeur de l’arbitrage, il a le fardeau de démontrer au Tribunal arbitral par prépondérance de preuve qu’il a raison de se plaindre et que la décision administrative de l’Administrateur doit être écartée.
[7] Malgré toute la sympathie que le Tribunal arbitral peut avoir pour le Bénéficiaire qui a expliqué lors de l’Audience qu’il était un récent immigrant au Québec qui travaillait avec acharnement, qu’il avait été mal informé par ses proches de ses droits et qu’il avait agi sans connaître les tenants et aboutissants de ses gestes, le Tribunal arbitral ne peut que constater que la décision de l’Administrateur est bien fondée en faits et en droit et il la maintiendra.
[8] En effet, la demande de compensation additionnelle de 4 000$ pour l’absence de fenêtres et d’une entrée sur le côté extérieur droit de l’unité du Bénéficiaire est irrecevable puisque le Bénéficiaire a accepté une compensation le 30 novembre 2013 spécifiquement pour cette absence. D’ailleurs, il admet par écrit l’avoir acceptée et en regrette maintenant le quantum.
[9] Le contrat qui découle de cette acceptation est une transaction au sens des articles 2631 et suivants du Code civil du Québec.
« 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.
Elle est indivisible quant à son objet.
[…]
2633. La transaction a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée.
La transaction n'est susceptible d'exécution forcée qu'après avoir été homologuée.
2634. L'erreur de droit n'est pas une cause de nullité de la transaction. Sauf cette exception, la transaction peut être annulée pour les mêmes causes que les contrats en général. »
(Les caractères gras sont nôtres)
[10] Le lecteur comprendra donc que la compensation de 1 000$ que le Bénéficiaire a acceptée de l’Entrepreneur mettait fin au différend concernant l’absence des fenêtres et de l’entrée sur le côté du condominium, cette entente a l’autorité de la chose jugée et l’erreur sur ses droits invoquée par le Bénéficiaire n’est pas une cause de nullité de cette transaction.
[11] Le Tribunal arbitral ne peut donc pas écarter cette transaction.
[12] De plus, cette déficience très apparente n’a pas été dénoncée lors de la réception du bâtiment tel qu’il se doit ce qui permettait à la Garantie de rejeter cet aspect de la réclamation.
[13] La réclamation du Bénéficiaire quant à la différence de superficie entre ce qu’il devait recevoir et ce qu’il a reçu doit également être rejetée d’une part, parce que cette superficie n’avait pas été déterminée lors de la signature du Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium et d’autre part, parce que même si la contenance de 685 pieds carrés était avérée, le Bénéficiaire n’a pas prouvé qu’il n’a pas reçu cette contenance.
[14] En effet, selon le plan qu’il dépose à l’Audience (Pièce B-6), l’unité du Bénéficiaire mesure environ VINGT (20) pieds de large par TRENTE-CINQ (35) pieds de long ce qui représente une surface brute approximative de SEPT CENTS (700) pieds carrés.
[15] Même si le Tribunal arbitral prenait pour acquis que le Bénéficiaire est privé de HUIT (8) pouces de superficie sur toute la largeur de son unité (qui est de VINGT (20) pieds) tel qu’il le prétend dans sa lettre du 12 mars 2014, il en résulterait un manque de contenance de 13,3 pieds carrés ce qui laisserait même une superficie de plus de 686,7 pieds carrés ce qui est déjà légèrement plus que les 685 pieds carrés mentionnés à la Pièce B-10. Dans les circonstances, à 182,47$ le pied carré (124 995$ / 685 pieds carrés), la déficience de contenance qui n’a aucunement été prouvée par le Bénéficiaire représenterait une valeur en litige de l’ordre de 2 427$ plutôt que 26 640$;
[16] Pour avoir droit à une compensation financière en raison du retard de livraison de son unité, le Bénéficiaire doit avoir encouru des frais de relogement, de déménagement (additionnel) et d’entreposage de ses biens. [2]
[17] Or, en l’espèce, le Bénéficiaire, n’a pas eu à se reloger, il a simplement continué son bail de location de l’appartement de la rue Adrien pendant QUATRE (4) mois additionnels. Il n’a pas eu à déménager une seconde fois et n’a pas eu besoin d’entreposer ses biens.
[18] Au surplus, son loyer lui a coûté près de la moitié moins cher pendant cette période de retard que le montant qu’il paie depuis décembre 2014 à titre de propriétaire du bâtiment.
[19] Lui accorder une compensation financière serait l’enrichir injustement puisqu’il n’a pas subi de perte quant au retard de livraison du condominium.
Les généralités
[20] Le Règlement prévoit que l’arbitre départage les coûts de l’arbitrage lorsque le Bénéficiaire n’obtient gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation. Ce qui est le cas en l’espèce. Donc le Bénéficiaire devra payer une partie des coûts de l’arbitrage. Cette part est établie à cinquante dollars en l’espèce.
« 123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.
[…]» [3] (Les caractères gras sont nôtres)
[21] Le Tribunal arbitral rappelle aux Parties que l’arbitre désigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de Garantie existant en vertu du Règlement, que sa décision lie les Parties et qu’elle est finale et sans appel.
« 120. La décision arbitrale, dès qu’elle est rendue, lie les parties intéressées et l’administrateur.
La décision arbitrale est finale et sans appel. » [4]
[22] Le Tribunal arbitral applique les règles de droit dont évidemment les dispositions du Règlement.
« 116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.» [5]
(Les caractères gras sont nôtres)
[23] Enfin, le Tribunal arbitral souligne également que la décision arbitrale rendue dans le présent dossier l’est uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits du Bénéficiaire d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE:
REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire sur tous les points;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 6 mai 2014 sous la plume de Me Jean-Raymond Paradis;
CONDAMNE le Bénéficiaire à payer la somme de CINQUANTE DOLLARS (50$) à titre de contribution aux frais et coûts du présent arbitrage;
CONDAMNE l’Administrateur à payer tous les frais et coûts résiduels du présent arbitrage.
Longueuil, le 4 septembre 2015
(S) Jean Robert LeBlanc
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Me Jean Robert LeBlanc
Arbitre / CCAC