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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

09261

 

2006-19-002

 

Date :

12 juillet 2006

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

JEAN MORISSETTE

______________________________________________________________________

 

JIMMY BUREAU

Et

MARTINE CONTANT

Bénéficiaires

Et

LE GROUPE PLATINUM CONSTRUCTION 2001 INC.

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

Administrateur

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

 

PRÉSENTATION

[1]   Le soussigné a été désigné par le GAMM et, suite aux échanges entre les parties par conférence téléphonique, l’audience de cette affaire a été fixée au 14 juin 2006.

[2]   L’audience s’est tenue à l’adresse des bénéficiaires et une visite des lieux a été effectuée.

[3]   Toutes les parties étaient présentes. Les bénéficiaires étaient représentés par monsieur Jimmy Bureau, l’entrepreneur par messieurs Serge Gauthier, président de l’entrepreneur et Lucien Ouellette, gérant de  projet ainsi que Me Rhéal E. Fortin, et l’administrateur de la garantie par Maître François Laplante et monsieur Michel Hamel, inspecteur-conciliateur.

[4]   À l’ouverture de l’instance, les parties ont reconnu que la procédure d’arbitrage avait été respectée et que l’arbitre avait compétence pour disposer du litige tel que soumis.

[5]   Les témoins ont été assermentés avant d’être entendus.

LA PREUVE

[6]   La décision de l’administrateur du 28 novembre 2005 concernant les lattes de bois franc fissurées n’a pas été portée en arbitrage, l’entrepreneur consent à se conformer à cette décision et la présente en fera état.

[7]   L’entrepreneur veut exécuter ces travaux, l’a offert et le bénéficiaire exige d’être indemnisé de ses frais de relogement, entreposage et déménagement pendant la période des travaux. Sur ce sujet et avant l’exécution de ces travaux, il a été choisi de procéder au présent arbitrage pour obtenir une décision sur cette demande.

[8]   La question en litige se résume en quelques mots :  est-ce que les frais de relogement, déplacement, déménagement et autres dommages sont payables à l’occasion des travaux qui seront exécutés par l’entrepreneur puisque ces travaux sont couverts par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ?

[9]   Toutes les personnes présentes ont admis que l’exécution des travaux dans une résidence occupée par deux adultes et quatre enfants comportera des inconvénients.

[10]        Le coût du relogement des occupants et l’entreposage des meubles est-il couvert par le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement) ?

[11]        Les articles pertinents du Règlement mentionnent :

« 9.  La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment doit couvrir :

 

1º         dans le cas d’un contrat de vente ;

a)            soit les acomptes versés par le bénéficiaire ;

b)            soit le parachèvement des travaux lorsque le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu’une entente à cet effet intervient avec l’administrateur ;

 

2º         dans le cas d’un contrat d’entreprise :

a)            soit les acomptes versés par le bénéficiaire à la condition qu’il n’y ait pas d’enrichissement injustifié de ce dernier ;

b)            soit le parachèvement des travaux lorsqu’une entente à cet effet intervient avec l’administrateur ;

 

3º         le relogement, le déménagement et l’entreposage des biens du bénéficiaire              dans les cas suivants :

a)            le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l’entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés ;

b)            il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l’entrepreneur afin de permettre à l’administrateur de parachever le bâtiment.

 

10.  La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

1º         le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au                        moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les                    3 jours qui suivent la réception ;

 

2º         la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;

 

3º         la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons ;

 

4º         la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil ;

 

5º         la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de leur découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. »

[12]        Le texte de ces deux articles (que j’ai souligné) mentionne expressément que les sous-paragraphes de l’article 9 s’appliquent avant la réception du bâtiment alors que l’article 10 s’applique après la réception du bâtiment.

[13]        Sur ce sujet, les auteurs Doyon et Crochetière([1]) relèvent spécifiquement le texte de loi pour appuyer que les différentes couvertures du contrat de garantie se distinguent par l’arrivée de la réception du bâtiment.

[14]        Soulignons d’abord que le contrat intervenu entre les bénéficiaires et l’entrepreneur n’est pas un contrat d’adhésion.  L’honorable juge Pierrette Rayle, de la Cour d’Appel du Québec([2]), sur cette question, définit le contrat  comme un contrat réglementé :

« [37]    Mon désaccord se situe également au niveau de l’importance que le juge accorde au contrat de garantie, ce document signé le 14 décembre 2001, à la veille de l’abandon des travaux par l’entrepreneur.  Le juge y voit (paragraphe 31, note 26 et paragraphe 37) un contrat d’adhésion qui l’autorise, par application de la règle contenue à l’article 1432 C.c.Q., à laisser de côté les limites de couverture au motif qu’il peut interpréter le contrat « dans tous les cas en faveur de l’adhérent »13.

 

[38]       Avec égards pour l’opinion contraire, je suis d’avis que l’article 1432 C.c.Q. ne s’applique pas en l’espèce.  Les droits des parties et les difficultés d’interprétation susceptibles de se poser, le cas échéant, ne découlent pas du contrat mais du Règlement lui-même, ce qui exclut le recours à une règle d’interprétation qui ne s’applique qu’à certains types de contrat.  D’ailleurs, comme je l’ai indiqué antérieurement, il est admis que les intimés auraient bénéficié d’une protection identique même si un contrat de garantie n’avait pas été signé le 14 décembre 200114.

 

[39]       Au mieux, nous sommes en présence d’un contrat réglementé, c’est-à-dire d’un contrat dont le contenu est imposé par le législateur et non par l’appelante, elle aussi obligée de se plier aux volontés du législateur et de faire approuver son plan par la Régie15.  Cet élément de subordination d’un plan de garantie réglementé, de celle de la société publique dans l’arrêt Hydro-Québec c. Surma16 où notre Cour qualifiait de contrat d’adhésion le contrat de fourniture d’électricité.  Hydro-Québec était un agent de la couronne qui détenait le pouvoir de réglementer les tarifs et les conditions essentielles apparaissant à son contrat de fourniture d’électricité. »

[15]        L’usage de l’article 1432 du Code civil du Québec pour interpréter le contrat (onglet 1 du cahier du bénéficiaire) du 23 février 2005 ne peut alors être utilisé pour étendre une couverture d’assurance qui n’existe pas.

[16]        Les articles 9 et 10 du Règlement sont clairs et ne comportent aucune ambiguïté. Je n’ai d’autre choix que de constater que les frais de relogement,  entreposage et déménagement ne sont payables que pour des événements visés à l’article 9 qui se produisent avant la réception du bâtiment.

[17]        Cette conclusion a par ailleurs été atteinte dans les autres affaires soumises par le savant procureur de la Garantie([3]).

[18]        J’ajouterais que les dispositions relatives aux frais de déménagement, relogement et entreposage prévoient expressément que le remboursement des frais raisonnables doit être effectué sur présentation de factures et preuves de paiement.

[19]        Sur ce sujet, l’article 13, alinéa 2, du Règlement édicte :

« 13. (…)

 

2º         pour la protection à l’égard du relogement, du déménagement et de l’entreposage des biens du bénéficiaire, sur présentation des pièces justificatives et à condition qu’il n’y ait pas enrichissement injustifié du bénéficiaire, 5 000 $ soit

 

a)            le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le déménagement et l’entreposage ;

b)            le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le relogement comprenant gîte et couvert sans toutefois dépasser, sur une base quotidienne :

-                      pour 1 personne :  75$

-                      pour 2 personnes :  100$

-                      pour 3 personnes :  125$

-                      pour 4 personnes :  150$

(…) »

 

[20]      Sur ce dernier sujet, même si le bénéficiaire avait raison sur l’interprétation qu’il propose, aucune pièce justificative ou soumission de coûts n’a été déposée en preuve et je ne pourrai rendre un jugement dans le sens demandé.

 

DÉCISION

Considérant que les dispositions de l’article 1432 du Code civil du Québec ne s’appliquent pas au contrat soumis au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ ;

Considérant que le texte des articles 10 et 11 du Règlement est clair et  qu’il n’y a pas d’ambiguïté :

Considérant que la malfaçon non-apparente décrite par l’inspecteur-conciliateur Michel Hamel dans son rapport du 28 novembre 2005 a été découverte après la réception du bâtiment du 22 juin 2005 (pièce A-2) ;

Considérant que de toute façon aucune preuve n’est déposée du coût de ces frais de relogement, déménagement et d’entreposage ;

De plus, malgré les inconvénients certains que ces réparations occasionneront aux occupants de cette maison, je considère raisonnable que des réparations, dues à des matériaux défectueux, se fassent en collaboration et coopération entre les bénéficiaires et l’entrepreneur ;

Ainsi et pour m’assurer d’une période la moins dommageable possible pour les occupants et conformément aux pouvoirs que me sont dévolus à l’article 106 du Règlement,  j’ordonnerai que les travaux soient effectués lors d’une semaine où 4 des 6 occupants seront à l’extérieur de la maison ;

 

POUR CES MOTIFS :

Prend acte du consentement de l’entrepreneur à exécuter les travaux décrits à la décision de l’administrateur du 28 novembre 2005 (pièce A-9) qui dit :

1.    Lattes de bois fissurées

« Travaux :

 

L’entrepreneur devra effectuer tous les travaux requis afin de corriger la situation, de façon définitive. 

 

Une fois les travaux complétés, les lieux devront être remis à leur état d’origine. »

 

Ordonne aux bénéficiaires et à l'entrepreneur de convenir d’une période de travaux qui sera la moins dommageable pour les occupants des lieux soit au moment où quatre (4) des six occupants vivent à l’extérieur de la maison;

 

Rejette la demande d’arbitrage des bénéficiaires du 15 février 2006 et déclare qu’il n’y a pas de frais de relogement, déménagement et d’entreposage en vertu du Règlement lorsque les travaux relèvent d’un manquement décrit à l’article 10 après la réception du bâtiment ;

 

 

 

En ce qui concerne les frais, ils seront payés par l’administrateur malgré le rejet de la demande  puisque le contrat, dans sa forme et fourni aux parties peut laisser croire à un consommateur que sa couverture est plus large que ce que le Règlement prévoit. Frais que je considère payables suivant une estimation des coûts de travaux  de 5 000 $.

 

 

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JEAN MORISSETTE

 

Monsieur Jimmy Bureau

Bénéficiaire

 

Me Rhéal E. Fortin

Bissonnette et Fortin, avocats

Procureur de l’entrepreneur

 

Me François Laplante

Savoie et Fournier, avocats

Procureur de l’administrateur

 

 

Date(s) d’audience :

14 juin 2006

 

Date(s) de délibéré :

14 juin 2006

 



[1]     Doyon, Gilles et al.  Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté.  Éditions Yvon Blais, 1999.

[2]     C.A.  500-09-013349-030, Les honorables Thérèse Rousseau-Houle, J.C.A., Benoît Marin, J.C.A., Pierrette Rayle, J.C.A., le 15 décembre 2004

[3]     C.Q.M  500-32-085072-041, 12 mai 2006, L’honorable Simon Brossard, J.C.Q., Perron c.La Garantie de l’APCHQ et al.

      Régie du Bâtiment du Québec, dossier 050923001, Arbitre Alcide Fournier,  Pelletier c. C=B02 inc. et La Garantie de l’APCHQ