Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Chartier |
2007 QCCS 2146 |
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JM1895 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
DRUMMOND |
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No : |
405-17-000731-070 |
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DATE : |
11 MAI 2007 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
LISE MATTEAU, J.C.S. |
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LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC. |
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Demanderesse |
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c. |
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Me MARCEL CHARTIER, ès qualité d'arbitre au sein de la Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI) |
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Défendeur et 9046-6962 QUÉBEC INC. Mise en cause et MIREILLE AUDET Mise en cause et SYLVAIN LAPIERRE Mis en cause |
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MOTIFS RÉVISÉS D'UN JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE LE 15 MARS 2007[1] |
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[1] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc. (APCHQ) demande la révision judiciaire d'une décision rendue le 21 décembre 2006 par l'arbitre Me Marcel Chartier (l'arbitre) agissant au sein de la Société pour la résolution des conflits Inc. (Soreconi).
[2] Dans le cadre de la décision qu'il a rendue, l'arbitre statue notamment sur les coûts reliés à l'arbitrage dont il était saisi. Il s'exprime ainsi:
«Les frais de l'arbitrage sont partagés en parts égales entre l'entrepreneur, Construction Serge Brouillette, 9046-6962 Québec inc., et l'administrateur de la garantie, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de L'APCHQ Inc., conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, à charge par l'administrateur de la garantie, à défaut par l'entrepreneur de payer sa part des frais de l'arbitrage dans les 30 jours de la présente sentence arbitrale, de payer pour et à l'acquit de l'entrepreneur tous les montants dus, sujet à ses droits de subrogation prévus à l'article 40 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.»
[3] Au soutien de sa requête, l'APCHQ plaide ce qui suit:
«(…)
a) Aucune disposition du Règlement n'est attributive de juridiction pour l'Arbitre aux fins du paragraphe 31 du dispositif de la décision arbitrale (pièce R-5), quant à l'ordonnance de faire payer la part de l'entrepreneur, en cas de défaut de ce dernier, par la demanderesse;
b) En effet, le Règlement à son article 37, alinéa 1, prévoit que les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre la demanderesse et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur;
c) Ainsi, en imposant à la demanderesse de cautionner et de se porter garante de la part de l'entrepreneur en cas de non paiement de ce dernier, l'Arbitre ajoute une obligation à la demanderesse non établie par le législateur et non prévue au Règlement;
d) De plus, la subrogation prévue à l'article 40 du Règlement dont l'Arbitre fait référence, s'applique uniquement lorsque l'administrateur de la garantie indemnise un bénéficiaire et devient parce fait, subrogé dans les droits de ce dernier;
e) L'Arbitre par ces faits, commet une erreur qui justifie la révision de sa décision (pièce R-5);»[2]
[4] L'arbitre et les mises en cause n'ont pas comparu.
LES FAITS
[5] Les faits qui s'avèrent utiles à l'analyse du présent litige sont exposés aux paragraphes 1 à 11 de la requête:
«1. La demanderesse est une personne morale de droit privé, constituée en vertu de la Loi sur les compagnies du Québec (L.R.Q. c. C-38) et elle est dûment autorisée par la Régie du bâtiment du Québec à administrer un plan de garantie, en vertu de l'article 81 de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1);
2. Les termes et modalités de ce plan de garantie sont spécifiquement prévus au Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1-a. 185, par. 19.3 à 19.6, 38 et 192), ci-après appelé le «Règlement»;
3. En vertu du Règlement, une garantie sous forme de cautionnement limité, est offerte par la demanderesse à l'acquéreur d'un bâtiment résidentiel neuf, ci-après appelé les «Bénéficiaires», ayant conclu un contrat pour la construction d'un tel bâtiment avec un entrepreneur dûment accrédité au plan de garantie par la demanderesse;
4. En vertu de ce plan de garantie, les obligations de la demanderesse sont limitées à ce qui est stipulé au Règlement, lequel est d'ordre public;
5. À toute époque pertinente au présent litige, la mise en cause, 9046-6962 QUÉBEC INC., était dûment accréditée à titre d'entrepreneur au plan de garantie administré par la demanderesse;
6. Le 11 août 2003, un «contrat d'entreprise et contrat de garantie» est intervenu entre les mis en cause, MIREILLE AUDET et SYLVAIN LAPIERRE, bénéficiaires du plan de garantie, et la mise en cause, 9046-6962 QUÉBEC INC., relativement à un immeuble situé au 11, rue Iberville, à Saint Nicéphore, province de Québec, district de Drummond, tel qu'il appert au contrat d'entreprise et contrat de garantie signifié et produit avec la présente comme pièce R-1;
7. Le 20 septembre 2004, les mis en cause, MIREILLE AUDET et SYLVAIN LAPIERRE, ont requis l'intervention de la demanderesse au sujet d'un désordre sur leur bâtiment résidentiel, tel qu'il appert à la lettre du 20 septembre 2004, signifiée et produite avec la présente comme pièce R-2;
8. Suite à une inspection dudit bâtiment en compagnie des mis en cause, MIREILLE AUDET et SYLVAIN LAPIERRE, et du représentant de la mise en cause, 9046-6962 QUÉBEC INC., la demanderesse a émis un rapport d'inspection, le tout tel qu'il appert au rapport d'inspection du 12 juin 2006, signifié et produit avec la présente comme pièce R-3;
L'ARBITRAGE
9. Insatisfait, la mise en cause, 9046-6962 QUÉBEC INC., a soumis le différend à la défenderesse, Société pour la résolution des conflits inc. (ci-après nommée «SORECONI»), soit un organisme d'arbitrage dûment autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec, tel qu'il appert à la demande d'arbitrage signifiée et produite avec la présente comme pièce R-4;
10. Suivant la demande d'arbitrage (pièce R-4), un arbitre fut assigné au présent dossier par SORECONI, en l'occurrence, Me Marchel Chartier, ci-après appelé «l'Arbitre»;
11. L'Arbitre a rendu sa décision le 21 décembre 2006, tel qu'il appert à la décision arbitrale signifiée et produite avec la présente comme pièce R-5; (…)»
ANALYSE
La norme de contrôle
[6] L'APCHQ reproche à l'arbitre d'avoir commis un excès de juridiction, non pas en interprétant une disposition législative qui se situe à l'intérieur de son champ de compétence, soit l'article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le Règlement), mais en y ajoutant à son endroit une obligation que le législateur ne lui aurait pas imposée.
[7] La norme de contrôle de l'erreur simple constitue ainsi la norme applicable, en l'espèce.
La décision de l'arbitre
[8] Le premier alinéa de l'article 37 du Règlement est rédigé en ces termes:
«Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur. (…)»
[9] Le législateur ne pouvait être plus clair.
[10] En imposant à l'APCHQ de cautionner et de se porter garante des obligations de l'entrepreneur en cas de non paiement par ce dernier, l'arbitre ajoute une obligation que le Règlement ne prévoit aucunement. Ce faisant, il a outrepassé ses pouvoirs et commis un excès de juridiction révisable par cette Cour.
[11] Comme le soulignait la Cour d'appel dans l'affaire La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc. c. Desindes et autres[3], le Règlement dont il est ici question en est un d'ordre public.
[12] Or, l'article 7 du Règlement prévoit qu'un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur «(…) dans la mesure et de la manière prévue dans la présente section.»
[13] Aucune autre disposition que celle visée par la section dont il est ici question n'impose tel cautionnement à l'APCHQ.
[14] La Requête en révision judiciaire doit donc être accueillie.
[15] Ici pourrait s'arrêter la présente analyse. Le Tribunal tient toutefois à souligner que l'arbitre a commis en outre une erreur manifestement déraisonnable dans l'interprétation de l'article 40 du Règlement, lequel spécifie clairement que subrogation peut s'opérer, mais uniquement dans la situation où l'administrateur indemnise un bénéficiaire, ce qui n'était pas le cas, en l'espèce.
[16] Le procureur de l'APCHQ a informé le Tribunal qu'il avait été convenu avec Soreconi que les dépens ne seraient pas réclamés.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
· ACCUEILLE la Requête introductive d'instance en révision judiciaire;
· RÉVISE la décision arbitrale rendue par l'arbitre le 21 décembre 2006;
· ANNULE le dispositif de la décision arbitrale rendue par l'arbitre le 21 décembre 2006, plus particulièrement à son paragraphe 31, afin que soient rayés de tel dispositif les termes suivants: «(…) à charge par l'administrateur de la garantie, à défaut par l'entrepreneur de payer sa part des frais de l'arbitrage dans les 30 jours de la présente sentence arbitrale, de payer pour et à l'acquit de l'entrepreneur tous les montants dus, sujet à ses droits de subrogation prévus à l'article 40 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs»;
· LE TOUT, sans frais.
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__________________________________ LISE MATTEAU, J.C.S. |
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Me Élie Sawaya |
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SAVOIE, FOURNIER |
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Procureur de la demanderesse |
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Date d’audience: |
15 MARS 2007 |
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[1] Demande de transcription des motifs du jugement reçue le 18 avril 2007.
Motifs du jugement transcrits et révisés le 11 mai 2007.
Transmis à Me Élie Sawaya le 11 mai 2007.
[2] Paragraphe 13 (a), (b), (c), (d) et (e) de la Requête introductive d'instance en révision judiciaire.
[3] (C.A.) Montréal, 500-09-013349-030, AZ-50285725 .