DÉCISION ARBITRALE
ARBITRAGE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS
RÉSIDENTIELS NEUFS
M. JEAN-PIERRE GACHON
-et-
MME SUZANNE HAMMOND,
bénéficiaires;
- et -
LE GROUPE TRIGONE
CONSTRUCTION INC.,
entrepreneur;
- et -
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS
RÉSIDENTIELS NEUFS DE
L’APCHQ INC.,
administrateur.
M. Claude Dupuis, ing., arbitre
Audience tenue à Laprairie le 5 février 2002
Sentence rendue le 28 février 2002
I : INTRODUCTION
À la demande du soussigné, l’audience s’est tenue à la résidence des bénéficiaires. Aucune objection n’a été soulevée par les parties relativement au suivi de la procédure non plus qu’à la juridiction de l’arbitre.
À l’audience, les bénéficiaires se représentaient eux-mêmes, l’entrepreneur était représenté par M. Patrice St-Pierre, tandis que l’administrateur était représenté par Me François Caron.
En cours d’audience, les parties ont fait entendre M. Jean-Guy Gaudreau, inspecteur, M. Patrice St-Pierre, entrepreneur, ainsi que M. Gachon et Mme Hammond, les bénéficiaires.
La demande d’arbitrage, déposée par l’entrepreneur en date du 13 décembre 2001, conteste le point 3 du rapport d’inspection du 4 décembre 2001 préparé par M. Jean-Guy Gaudreau de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.
Nous reproduisons ci-après le point 3 du rapport précité :
3. En façade, fissure à la jonction de la marche et du trottoir.
Concernant le point 3 mentionné précédemment, nous devons nous référer à l’article 3.2.2 du contrat de garantie lequel article stipule :
3.2.2 «La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. réparera les malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil du Québec et qui sont dénoncées par écrit, à l’entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des malfaçons.»
Dans le cas présent, la date de réception du bâtiment correspond au 14 décembre 2000 alors que la malfaçon mentionnée au point 3 a été dénoncée par écrit le 23 août 2001, soit à l’intérieur de l’année suivant la réception du bâtiment.
Par conséquent, en vertu de l’article 3.2.2 cité ci-dessus, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. doit considérer le point 3 dans le cadre du contrat de garantie. L’entrepreneur devra donc effectuer les travaux ci-dessous mentionnés, en conformité avec les règles de l’art et d’ici le 21 décembre 2001.
• Correctifs (point 3) - joint à la jonction de l’escalier et du trottoir.
L’entrepreneur devra procéder à une coupe franche pour désolidariser le trottoir de l’escalier et permettre un espace libre en cas de mouvement des éléments. L’entrepreneur utilisera un support de joint, de type boudin spongieux, puis appliquera une pâte à sceller de type élastomère à bas module et à base de polyuréthane spécialement conçue pour permettre un mouvement de l’ordre de +100%/-50%. Il choisira une couleur s’apparentant au béton et il prendra soin de produire un fini lisse et esthétique. Ces travaux devront être exécutés à une température au-dessus du point de congélation et si possible d’ici le 21 décembre 2001.
II : POSITION DE L’ADMINISTRATEUR ET DES BÉNÉFICIAIRES
L’administrateur explique qu’à l’escalier de façade (entrée principale), il s’est produit une fissure entre la dernière marche du balcon et le trottoir. Ce point, rapporté dans les délais, constitue une malfaçon au sens de l’article 3.2.2 du contrat de garantie ou de l’article 10.3° du décret 841-98.
Cette fissure serait attribuable à un problème de tassement du sol sous le trottoir ou à un gonflement du remblai sous l’effet du gel; en effet, il s’agit ici d’une coulée monolithique, alors qu’il aurait fallu effectuer la coulée en deux sections et inclure une planche de «désolidarisation» entre le balcon et le trottoir.
La méthode de correction consiste en une coupe du trottoir afin de le dégager de la première marche; par la suite, il s’agit de combler l’espace avec du scellant approprié à l’aide d’un support de joint.
La fissure existante est de ¼ de pouce; toutefois, elle serait de beaucoup supérieure dans le cas de balcons avoisinants ayant été fabriqués selon le même procédé monolithique.
Le procureur, se référant à la clause 3.2.2 du contrat de garantie, est d’avis qu’il s’agit d’une malfaçon relativement aux règles de l’art.
Un entrepreneur doit tenir compte de l’effet de gel, surtout lorsqu’il s’agit d’attacher un joint fixe à un balcon.
Le procureur donne la définition de «bâtiment» apparaissant au décret 841-98 et soumet que le balcon et le trottoir sont des points rattachés au bâtiment; à cet effet, il cite les extraits suivants du Code civil du Québec annoté[1] :
Art. 901. Font partie intégrante d’un immeuble les meubles qui sont incorporés à l’immeuble, perdent leur individualité et assurent l’utilité de l’immeuble.
(...)
901/5 Les matériaux qui entrent dans la construction d’une bâtisse sont meubles au moment où ils sont employés. À mesure de leur incorporation au sol, ils perdent leur individualité et deviennent immeubles parce qu’anéantis, confondus avec l’immeuble dont ils deviennent partie intégrante.
(...)
901/9 Des installations qui ont été conçues et fixées pour s’adapter à un immeuble et qui ne peuvent être déplacées à quelque lieu que ce soit à l’intérieur de l’immeuble sont immeubles.
(...)
901/17 Seuls les biens qui complètent le bâtiment en lui-même peuvent se voir attribuer la qualification d’immeubles.
(...)
901/34 Un balcon qui repose sur des piliers de ciment enfouis partiellement dans le sol constitue une prolongation de la maison. Il s’agit d’un «bâtiment» incorporé à un autre bâtiment.
Le balcon et le trottoir sont intégrés à l’immeuble et assurent l’utilisation du bâtiment.
À l’appui de son argumentation, le procureur a déposé les documents suivants :
# BAUDOUIN et RENAUD, Code civil du Québec annoté, 4e édition 2001, tome 1, Montréal, Wilson & Lafleur, 2001, pages 1023-1026.
# Code civil du Québec, Éditions FD, Mise à jour no 2, page 1.
III : POSITION DE L’ENTREPRENEUR
M. St-Pierre est d’avis que le plan de garantie couvre le bâtiment, mais qu’il ne couvre pas les parties extérieures du bâtiment, telles que le terrassement, etc.
Il n’y a donc pas ici de malfaçon existante ou de défaut de construction.
Les escaliers Tremca (exemple soumis par l’administrateur) sont des unités préfabriquées et fixées au bâtiment; il s’agit donc d’un procédé différent. M. St-Pierre reconnaît le procédé proposé par l’administrateur, soit la coulée en deux sections, mais il est d’avis que ce n’est point une obligation selon le Code national du bâtiment.
Se référant à l’article 4.2 du contrat de garantie (exclusions de la garantie), l’entrepreneur soumet qu’une partie étant fixe, il est normal que l’autre partie, appuyée sur le sol, obéisse au gel et au dégel.
Dans le présent dossier, le problème n’est pas relié au balcon, lequel est rattaché au bâtiment, mais au trottoir, soit entre la dernière marche et ledit trottoir; or, le balcon et le trottoir sont deux entités distinctes.
IV : DÉCISION ET MOTIFS
Les faits sont clairs et admis par les parties; à l’escalier de façade, entre la dernière marche du balcon et le trottoir, il s’est produit une fissure.
Il n’existe pas non plus de mésentente entre les parties relativement à la cause de cette fissure et aux méthodes de correction.
L’administrateur prétend qu’il s’agit d’une malfaçon au sens de l’article 10.3° du plan de garantie, alors que l’entrepreneur est d’avis, compte tenu du fait que ledit plan ne couvre pas les parties extérieures au bâtiment (article 12.9° du plan), qu’il s’agit ici de réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux (article 12.2° du plan).
Les deux parties admettent toutefois qu’une malfaçon sur un balcon extérieur, si ce dernier est fixé au bâtiment, est couverte par le plan de garantie.
Or, il a été démontré que dans le présent litige, le balcon et le trottoir ont été formés d’un seul bloc (coulée monolithique); ainsi, le balcon a été fixé à l’immeuble et le trottoir est la continuation du balcon.
Le témoin expert de l’administrateur, M. Gaudreau, dont la compétence n’a pas été contestée, a expliqué que pour éviter la présente situation, il aurait fallu effectuer la coulée en deux sections.
Aussi, dans le présent dossier, l’article 12.9° du plan de garantie (exclusions telles que trottoirs, terrassement, etc.) ne peut trouver application, puisque le balcon incorporé à l’immeuble est couvert par ce plan et que le trottoir incorporé au balcon est la continuation de ce dernier, le tout au sens de l’article 901 du Code civil du Québec :
Art. 901. Font partie intégrante d’un immeuble les meubles qui sont incorporés à l’immeuble, perdent leur individualité et assurent l’utilité de l’immeuble.
Une certaine jurisprudence[2] en découle :
901/34 Un balcon qui repose sur des piliers de ciment enfouis partiellement dans le sol constitue une prolongation de la maison. Il s’agit d’un «bâtiment» incorporé à un autre bâtiment.
Roy c. Boucher, J.E. 79-638 (C.S.); inf. J.E. 81-72 (C.A.)
Dans le cas présent, le balcon est incorporé au bâtiment et le trottoir est incorporé au balcon.
La décision aurait pu être différente si la coulée n’avait pas été monolithique.
Pour ces motifs, le tribunal maintient la décision de l’administrateur relativement au point 3 de son rapport d’inspection daté du 4 décembre 2001 portant le numéro de dossier 016334.
Les travaux devront être complétés avant le 31 mai 2002.
SENTENCE rendue à Beloeil, ce 28e jour de février 2002.
Claude Dupuis, ing., arbitre