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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:
LA SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DE CONFLITS INC. (SORECONI)
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ENTRE: MADAME MARIE ARSENAULT
MONSIEUR PIERRE VIDAL
(ci-après désignés « les Bénéficiaires »)
GESTION DU CAPITAL MAX INC.
(ci-après désignée « l'Entrepreneur »)
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC.
(ci-après désignée « l'Administrateur »)
No dossier SORECONI: 100210003
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre: Me Reynald Poulin
Pour les Bénéficiaires: Madame Marie Arsenault
Monsieur Pierre Vidal
Pour l'Entrepreneur: Monsieur Jacques Larouche
Pour l'Administrateur: Me Luc Séguin
Identification complète des parties
Arbitre: Me Reynald Poulin 79, boul. René-Lévesque Est Bureau 200 C.P. 1000, Haute-Ville Québec (Québec) G1R 4T4
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Bénéficiaires: Madame Marie Arsenault Monsieur Pierre Vidal […] St-Romuald (Québec) […]
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Entrepreneur: Gestion du Capital Max inc. 2500, chemin du Fleur, C.P. A St-Romuald (Québec) G1P 2H9
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Administrateur: La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. 5930, boul. Louis-H. Lafontaine Anjou (Québec) H1M 1S7 Et son procureur: Me Luc Séguin Savoie Fournier
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DÉCISION ARBITRALE
[1] Le 5 janvier 2010, l'Administrateur a rendu une décision (A-10) concernant quatre (4) réclamations des Bénéficiaires, lesquelles se détaillaient comme suit:
1. Fissure au plancher du sous-sol - dalle sur le sol;
2. Fissure à la fondation à l'avant du bâtiment - au bas de la fenêtre;
3. Affaissement du linteau de la fenêtre avant;
4. Fenêtre à l'étage.
[2] L'Administrateur n'a pas donné suite aux réclamations des Bénéficiaires.
[3] Par une lettre du 18 janvier 2010, les Bénéficiaires ont requis l'arbitrage des points 2, 3 et 4 de la décision de l'Administrateur.
[4] Après que l'arbitre soussigné eût été désigné par La Société pour la résolution de conflits inc. (SORECONI) pour procéder à la demande d'arbitrage dans le présent dossier, il a été déclaré que le Tribunal d'arbitrage avait compétence dans ce dossier aux termes du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2) (ci-après désigné le «Règlement»).
[5] À l'occasion d'une audience préliminaire, les Bénéficiaires ont soumis que leur demande d'arbitrage visait les quatre (4) points identifiés par l'Administrateur à sa décision du 5 janvier 2010. Des discussions et des échanges sont intervenus entre les parties dans le cadre de la préparation de l'audience. Les parties ont eu l'opportunité d'identifier tant les documents à être produits que les témoins devant être entendus lors de l'arbitrage.
[6] Après que les Bénéficiaires eurent déposé au dossier d'arbitrage des affidavits de Mme Louise Larochelle, présidente du Syndicat de copropriétés Ville du Prince Phases 1 et 2, de même que Mme Anne-Marie Tardif, ancienne propriétaire du […], à St-Romuald, le Tribunal a exigé, avant de permettre ce témoignage par écrit, que les autres parties, soit l'Administrateur et l'Entrepreneur, admettent le contenu desdits affidavits et renoncent à leur droit de contre-interroger les auteurs de ceux-ci. Or, l'entreprise ayant refusé d'admettre le contenu desdits affidavits, il a été requis des Bénéficiaires d'assigner les témoins à l'audience.
[7] Après que les parties eurent été dûment convoquées, les personnes suivantes étaient présentes lors de l'audition:
Mme Marie Arsenault, Bénéficiaire
M. Pierre Vidal, Bénéficiaire
M. Charles Tremblay, ingénieur et expert des Bénéficiaires;
M. Jacques Larouche, représentant de l'Entrepreneur;
Me Luc Séguin, procureur de l'Administrateur;
M. Yvan Gadbois, représentant de l'Administrateur.
LES PIÈCES PRODUITES À L'AUDIENCE
[8] Conformément à l'article 109 du Règlement, l'Administrateur a transmis à l'organisme d'arbitrage, soit La Société pour la résolution de conflits inc. (SORECONI), le dossier relatif à la décision qui a fait l'objet de la demande d'arbitrage. Les documents ainsi communiqués ont été produits au dossier d'arbitrage comme pièces A-1 à A-11. À l'audience, les pièces A-12, A-13, A-14 et A-15 ont été ajoutées à cette liste de pièces.
[9] Quant aux Bénéficiaires, ceux-ci ont déposé les pièces B-1 à B-7.
[10] L'Entrepreneur, quant à lui, n'a déposé aucune pièce au dossier d'arbitrage.
[11] Au début de l'audition, les parties ont révisé les pièces pour les fins de l'arbitrage et aucune objection n'a été soulevée en rapport avec celles-ci. Par conséquent et sous réserve de leur pertinence et de leur force probante, ces documents ont été dûment produits au dossier d'arbitrage.
LA PREUVE À L'AUDIENCE
[12] Dans cette affaire, les témoins ayant été entendus l'ont été, généralement, sur chacun des éléments visés par les réclamations des Bénéficiaires. Pour les fins d'une bonne compréhension de la présente décision, le soussigné abordera, dans l'ordre, les différentes réclamations, telles que l'Administrateur les a traitées dans sa décision A-10.
[13] De même, le Tribunal identifiera les documents produits au dossier d'arbitrage avec les numéros de pièces décrits ci-avant, les parties pouvant dès lors s'y référer plus aisément.
LA GARANTIE APPLICABLE
[14] Un contrat préliminaire et contrat de garantie est intervenu entre l'Administrateur et les Bénéficiaires le 22 février 2005. Ce contrat a été produit comme pièce A-1. Ce contrat prévoit notamment la vente d'un terrain et la construction d'une résidence totalisant un déboursé de 142 000,00 $.
[15] Les Bénéficiaires se sont adressés à l'Administrateur, avec copie à l'Entrepreneur, pour se prévaloir des garanties qui leur étaient offertes aux termes du contrat A-1. Ces demandes ont été produites comme pièce A-4 et A-6 et sont respectivement datées du 18 mai 2008 et du 9 juillet 2009. Une vérification au dossier nous apprend que l'Administrateur aurait reçu, au plus tôt, la première demande de réclamation en date du 19 août 2008. Ce constat a d'ailleurs été repris par l'Administrateur dans le cadre de sa décision A-10.
[16] Ainsi, il n'a pas été contesté à l'audition que les réclamations formulées par les Bénéficiaires, tel que mentionné précédemment, ont été ainsi transmises dans la quatrième et la cinquième année de garantie. Par conséquent et conformément à l'article 3.4 se retrouvant à la section B du contrat de garantie produit comme pièce A-1, les Bénéficiaires devaient démontrer, pour avoir droit à la garantie dont l'Administrateur est responsable, la présence de vices majeurs.
[17] Ce constat étant établi, le Tribunal analysera la preuve administrée dans le cadre de l'audience sur chacun des points visés par les réclamations des Bénéficiaires, tels qu'identifiés par l'Administrateur à la décision A-10.
1. FISSURE AU PLANCHER DU SOUS-SOL - DALLE SUR LE SOL
[18] Dans la décision de l'Administrateur A-10, il est précisé que l'inspection du 2 décembre 2009 aurait permis de constater l'état de la section apparente de la fissure affectant la dalle de béton du sous-sol de la résidence des Bénéficiaires. Selon l'Administrateur, cette fissure était visible dans un rangement du sous-sol et présentait une ouverture de moins de 2 mm, soit environ la même mesure que ce qu'indiqué à la correspondance transmise par les Bénéficiaires le 18 mai 2008, pièce A-4 au dossier d'arbitrage. L'Administrateur s'est déclaré en accord avec l'expert des Bénéficiaires qui considère que cette fissure en est une de retrait, laquelle ne devrait pas augmenter.
[19] Dans leur demande de réclamation du 18 mai 2008 (A-4), les Bénéficiaires ont inclus des photos de la fissure au plancher du sous-sol. De l'aveu des Bénéficiaires, cette fissure semblait stable et sans amplification apparente. Aucune référence à cette fissure n'apparaît expressément à la deuxième demande de réclamation des Bénéficiaires datée du 9 juillet 2009 et produite comme pièce A-6. Il était joint à cette dernière demande, un rapport d'expertise préparé par Laboratoires d'expertises de Québec ltée (ci-après désignée «LEQ»), daté du 6 juillet 2009, traitant, notamment, de cette fissure de la dalle sur sol. Selon cette expertise, une vérification sur place aurait été effectuée le 4 juin 2009 par M. Charles Tremblay, ingénieur. Dans son rapport, l'expert confirme que les essais de résonnance à l'impact d'un marteau confirment que le béton est sain au niveau de la dalle sur sol. L'expert est également d'avis qu'il était à prévoir que des fissures de retrait apparaissent sur cette dalle. Par surcroît, l'expert déclare que l'ouverture de cette fissure de retrait ne devrait pas augmenter avec le temps. Présumant que si une protection contre l'humidité a été mise en place sous la dalle sur sol, l'expert affirme que cette fissure ne devrait pas causer de problème.
[20] Interrogé à l'audience, l'expert Tremblay réitère que les fissures qu'il aurait remarquées, à l'occasion de la préparation de son expertise, sur la dalle sont assez communes et que si une protection contre l'humidité a été mise en place sous la dalle, ces fissures ne devraient pas causer de problème. Ces fissures, bien que nombreuses selon l'expert, sont assez «fines» et, dans les circonstances, normales. Il qualifie, une fois de plus, ces fissures comme étant du type de celles de «retrait».
[21] Aucune preuve n'a été apportée par l'Administrateur et/ou l'Entrepreneur au sujet de cette ou ces fissures au plancher du sous-sol.
[22] Considérant ce qui précède et selon l'opinion de l'expert mandaté par les Bénéficiaires, il n'apparaît pas au soussigné que ceux-ci ont fait la preuve que cette réclamation vise un vice majeur tel que couvert par la clause 3.4 du contrat de garantie A-1.
[23] Par conséquent, l'arbitre ne peut accueillir la demande d'arbitrage au sujet de cette réclamation et maintient donc la décision de l'Administrateur.
2. Fissure à la fondation à l'avant du bâtiment - au bas de la fenêtre
[24] Après que M. Yvan Gadbois, représentant de l'Administrateur, ait obtenu des commentaires des personnes présentes lors de son inspection de la résidence des Bénéficiaires, il était d'avis qu'il n'y avait pas de manifestation à l'intérieur du bâtiment due la présence d'une fissure à la fondation en façade, laquelle aurait été constatée par les Bénéficiaires en 2006. M. Gadbois précise que les Bénéficiaires auraient également observé une aggravation de cette fissure depuis ce temps. Rappelant que les parties ne se seraient pas entendues concernant la méthode de réparation appropriée, l'Administrateur a constaté qu'une fissure apparaît au mur de fondation, laquelle trouve son point de départ au coin inférieur gauche de la fenêtre du sous-sol en façade de la résidence des Bénéficiaires et se prolonge dans le sol, sans que ne soit précisé jusqu'à quel endroit. L'Administrateur constate que la fissure, d'une ouverture d'environ 2 mm, lui apparaît stable entre le 4 juin 2009, date d'une photo de l'expert des Bénéficiaires qui lui avait été soumise au moment de son inspection, le 2 décembre 2009. Considérant l'état de cette fissure, l'Administrateur était d'avis qu'il n'était pas en présence d'un vice qui pourrait compromettre la solidité ou la stabilité du bâtiment, d'où le rejet de la demande de réclamation des Bénéficiaires.
[25] Le Bénéficiaire, M. Pierre Vidal, a tout d'abord témoigné.
[26] Le 18 mai 2008, les Bénéficiaires ont transmis une première correspondance, pièce A-4, à l'Entrepreneur avec copie conforme à l'Administrateur dénonçant qu'ils avaient constaté, quelque temps auparavant, une fissure importante à la fondation du sous-sol de leur résidence. Ils ont qualifié cette fissure de profonde puisqu'elle semblait traverser l'épaisseur au complet de la fondation. Ils ont ajouté que cette fissure s'enfonçait sous la terre à une profondeur indéterminée. Toujours à cette lettre, les Bénéficiaires ont également dénoncé que cette fissure semblait s'amplifier avec le temps et qu'il était difficile de mesurer l'ampleur du problème compte tenu que le sous-sol de leur résidence était aménagé. Ils ont joint des photos de cette fissure à l'appui de leur lettre. L'une des photos démontre que cette fissure se manifeste à partir du joint inférieur gauche de la fenêtre du sous-sol à l'avant de la résidence des Bénéficiaires.
[27] Le 4 septembre 2008, l'Administrateur a transmis aux Bénéficiaires une lettre (A-12) requérant la transmission de plusieurs documents dans le but d'ouvrir un dossier de réclamation.
[28] Par une lettre du 3 octobre 2008, l'Entrepreneur a répondu aux Bénéficiaires qu'il n'y avait aucun correctif à apporter aux fondations puisque celles-ci correspondaient à la «performance minimale attendue». L'Entrepreneur a toutefois pris soin de demander aux Bénéficiaires de l'aviser de tout changement dans l'avenir.
[29] Le 9 juillet 2009, les Bénéficiaires ont répondu à l'Administrateur et informé celui-ci qu'ils désiraient poursuivre leur réclamation puisque l'Entrepreneur n'avait pas corrigé la situation et que la fondation semblait se détériorer. Craignant que des dommages externes et/ou internes (infiltrations d'eau) viennent occasionner des dommages plus considérables à leur propriété, ils ont exigé que des travaux soient effectués. Décrivant plus amplement les dommages à leur résidence, les Bénéficiaires ont mentionné que la fissure au coin inférieur gauche de la fenêtre avant de leur résidence semblait s'ouvrir avec le temps. Plus important, ils ont également déclaré qu'il y avait un décalage ou mouvement des murs de fondation à l'endroit de cette fissure. Ils ont ajouté que la fissure se prolongeait sous terre et que son étendue et son ampleur étaient, à ce moment, inconnues étant donné la finition du sous-sol intérieur de leur résidence. Dans cette correspondance, les Bénéficiaires ont également avisé l'Administrateur qu'ils ont mandaté une firme indépendante et experte en structure dans le but d'évaluer objectivement les problèmes et leur ampleur afin de leur permettre de découvrir certaines pistes de solutions. Ils ont ainsi joint le rapport de leur expert LEQ avec photos à l'appui. Enfin, ils ont terminé leur correspondance en demandant à l'Administrateur d'agir rapidement pour éviter l'aggravation des problèmes. Le Tribunal décrira plus particulièrement l'expertise dans l'analyse ci-après.
[30] Les Bénéficiaires ont, par une lettre datée du 21 août 2009, transmis à l'Administrateur certains documents que celui-ci exigeait, de même que requis, une fois de plus, l'intervention de celui-ci aux termes de la garantie couvrant leur résidence.
[31] Par une lettre du 30 septembre 2009 (A-7), l'Administrateur a confirmé l'ouverture du dossier de réclamation des Bénéficiaires, de même qu'informé ceux-ci que l'Entrepreneur désirait aller directement en inspection. M. Vidal témoigne qu'en date du 1er octobre 2009, M. Jacques Larouche, représentant de l'Entrepreneur, lui avait mentionné qu'il se rendrait «regarder la situation de la fissure en octobre».
[32] Les Bénéficiaires ont, une fois de plus, transmis à l'Administrateur une lettre, cette fois datée du 1er novembre 2009 (A-8), dont copie conforme a été transmise à l'Entrepreneur, par laquelle ils dénoncent que l'ouverture de la fissure semblait augmenter.
[33] Dans son témoignage, M. Vidal précise qu'en date du 17 novembre 2009, M. Jacques Larouche, représentant de l'Entrepreneur, lorsqu'il était à l'intérieur de son camion à la résidence des Bénéficiaires, aurait mentionné qu'il viendrait le lendemain ou le surlendemain pour procéder à la réparation de la fissure. M. Vidal lui aurait alors mentionné de prendre rendez-vous au préalable. Se déclarant surpris de cette démarche, M. Vidal a transmis, en date du 18 novembre 2009 (B-1), une lettre à l'Administrateur, avec copie à l'Entrepreneur, et dans laquelle il relate les récents événements survenus concernant sa réclamation. Acceptant le fait que l'Entrepreneur exécute des réparations, les Bénéficiaires semblaient contester la méthode qui devait être utilisée par l'Entrepreneur. Ils requéraient, encore une fois, l'intervention de l'Administrateur et désiraient être présents à l'occasion de tous travaux. M. Vidal ajoute être surpris que cette lettre du 18 novembre 2009 ne faisait pas partie du dossier transmis à l'organisme d'arbitrage.
[34] Le 2 décembre 2009, l'Administrateur, par l'intermédiaire de son représentant M. Yvan Gadbois, a procédé à une inspection de la résidence des Bénéficiaires. Mme Josée Piol et Mme Anne-Marie Tardif accompagnaient M. Gadbois à cette occasion. Des photos prises à l'occasion de cette inspection ont été produites en liasse comme pièce A-9 au dossier d'arbitrage. L'une des photos pertinentes à la fissure est similaire à celles jointes à la lettre du 18 mai 2008 (A-4) des Bénéficiaires.
[35] Le 18 janvier 2010, l'Administrateur a rendu sa décision sur les réclamations des Bénéficiaires. Comme mentionné précédemment, l'Administrateur s'est déclaré d'avis que «l'état actuel» de la fissure n'indiquait pas la présence d'un vice qui pourrait compromettre la solidité ou la stabilité du bâtiment.
[36] M. Charles Tremblay, ingénieur et chargé de projet auprès de LEQ, a été interrogé à l'audience.
[37] Le rapport de M. Tremblay a été produit en liasse comme pièce A-6. Ce rapport est daté du 6 juillet 2009 et comporte une série de huit (8) photos auxquelles il a été fait référence dans le cadre de l'arbitrage.
[38] M. Tremblay a déclaré être à l'emploi de LEQ et est spécialiste en enrobé bitumineux de même qu'en ciment. Il détient un baccalauréat en génie géologique (2000) avec une spécialisation en béton de ciment. Depuis 2005, il est associé à la firme LEQ dans la division «contrôle et qualité». Déclarant avoir témoigné à plusieurs reprises devant les tribunaux au sujet de son expertise, l'Administrateur et l'Entrepreneur ont reconnu sa qualité d'expert. Son curriculum vitae a par ailleurs été produit comme pièce B-2. Ce curriculum décrit notamment la participation de M. Tremblay à de nombreuses publications dans les domaines de sa compétence.
[39] Après avoir qualifié les fissures à la dalle de béton comme étant de «retrait», il était d'une toute autre opinion concernant la fissure aux fondations.
[40] Dans son rapport, M. Tremblay a confirmé avoir procédé à l'examen visuel du béton de ciment constituant les murs de fondation de la résidence des Bénéficiaires. Par contre, cet examen a été limité à l'extérieur du bâtiment, et plus particulièrement à la partie excédant le sol qui est recouverte en grande partie d'un crépi. L'expert a ainsi remarqué quelques fissures sur toutes les faces des fondations et a référé à une photographie portant le no. 4 (en annexe à son rapport) pour exposer ce qui précède. Ces fissures étaient peu ouvertes et attribuables au retrait du béton. Il a évalué que l'ouverture desdites fissures devaient demeurer stable pendant les prochaines années et qu'il était normal, vu la dimension de l'ouvrage, que ce genre de phénomène survienne.
[41] Par contre, il s'exprime comme suit concernant la fissure pour laquelle les Bénéficiaires ont fait une demande de réclamation:
«Toutefois, une fissure sur la face avant du numéro civique […] a retenu notre attention. Cette fissure, visible à la photographie no 5, est ouverte de quelques millimètres et porte à croire à un mouvement d'une partie de béton par rapport à l'autre. Pourquoi une fissure aussi importante à cet endroit? Plusieurs causes sont possibles et il faudrait ausculter davantage pour y répondre. Il n'y a aucun indice qui porte à croire à un tassement du bâtiment sur le sol-support. Cette fissure ne devrait pas connaître de nouveaux mouvements différentiels.»
[42] En conclusion, l'expert recommande un scellement de cette fissure afin d'empêcher l'éventuelle infiltration d'eau par cette ouverture aux fondations.
[43] À l'audition, M. Tremblay a qualifié la fissure de majeure lorsque celle-ci atteint de 2 à 3 mm et un décalage de 1,5 mm. La fissure en cause est, selon lui, perméable et inhabituelle. Il témoigne qu'il y a eu effectivement mouvement du sol et que cette fissure est ouverte du haut des fondations jusqu'à la base de celles-ci laissant, selon lui, la possibilité d'infiltration d'humidité et d'eau. Il recommande ainsi une injection à l'époxy et une membrane de protection. Contre-interrogé par le représentant de l'Entrepreneur, il réitère que l'eau peut entrer à l'intérieur de la résidence et corroder possiblement l'armature se retrouvant dans le béton. Il réfère également à la photo produite au dossier comme pièce B-3, prise le 28 mai 2010 par lui-même. Il apparaît évident à la vue de cette photographie qu'il y a effectivement eu un décalage latéral de 1,5 mm des murs de fondation de cette résidence, à l'endroit de la fissure. Ce type de fissure est davantage qu'une fissure de retrait, tel que constaté ailleurs sur les fondations.
[44] Toujours en contre-interrogatoire, M. Tremblay réfère le Tribunal à la photo no. 5 annexée à son rapport du 6 juillet 2009 et sur laquelle il peut constater un effritement des murs de fondation à l'endroit de la fissure. Pour un bâtiment, une telle fissure est, pour lui, majeure. Il recommande ainsi, une fois de plus, une injection par époxy et une membrane pour la protection contre l'humidité et l'eau. Interrogé par le procureur de l'Administrateur, il précise que l'ouverture de cette fissure est la même dans le crépi couvrant le solage mais qu'il est plus difficile, sur ce crépi, de constater le décalage présent. Il réfère le Tribunal à la photo B-4 qui est assez éloquente à ce sujet et qui démontre un certain effritement au niveau de la fissure. La photo B-5 produite au dossier d'arbitrage est encore plus évidente à ce sujet. Questionné à ce sujet, l'expert témoigne n'avoir eu connaissance d'aucune infiltration dans le cadre de ses visites. Confronté à l'affirmation de l'Administrateur apparaissant à la décision A-10 au sujet de la stabilité de la fissure, l'expert Tremblay n'est pas en mesure de dire qu'il y avait aggravation mais s'empresse d'ajouter que 1 mm de fissure, similaire à celle en présence, est quand même important. Il mentionne que le phénomène en place n'affecte pas la solidité ou la stabilité du bâtiment mais qu'il y a des infiltrations d'eau possibles et qu'un inspecteur en bâtiment, dans le cadre d'un mandat préachat, l'aurait certainement noté. Il qualifie la fissure comme étant un «chemin direct» pour une infiltration d'eau à la résidence.
[45] L'Administrateur a fait témoigner M. Yvan Gadbois, auteur de la décision A-10, dont toutes les conclusions ont été soumises à l'arbitrage.
[46] M. Gadbois est technicien en architecture et membre de l'Ordre des technologues professionnels du Québec. Il agit depuis de nombreuses années à titre d'inspecteur-conciliateur pour l'APCHQ et compte à son actif plusieurs centaines de dossiers exécutés. Par conséquent, M. Gadbois est reconnu comme expert d'autant plus que ce statut n'a pas été contesté par les autres parties. Il réitère les faits se retrouvant à sa décision A-10 quant au point 2 des réclamations des Bénéficiaires. La fissure à la fondation, visée par la réclamation des Bénéficiaires, serait présente depuis 2006, selon lui, et les Bénéficiaires en auraient constaté une certaine aggravation. Il ajoute être intervenu alors que l'Entrepreneur désirait faire des travaux de réparation. Ces travaux ont été suspendus compte tenu de la demande aux termes du Plan de garantie. M. Gadbois témoigne avoir pris des mesures sommaires et constaté une ouverture de plus ou moins 2 mm dans cette fissure. Il ajoute également avoir observé un léger décalage désaxant dans cette fissure. À noter que cette constatation n'apparaît pas à la décision A-10 et est conforme à ce qui a été décrit par l'expert Tremblay dans son témoignage. Il ajoute que pour obtenir des mesures plus précises, il faut une plaque témoin et une firme spécialisée en la matière. Témoignant au niveau des dommages ou des dégâts au bâtiment, il précise que les pièces au sous-sol étaient finies et qu'il n'avait pas remarqué de dommages ou de traces d'infiltration d'eau. Tout comme l'expert Tremblay, il confirme que cette fissure est présente jusqu'à la semelle de la fondation en plus d'être «franche» c'est-à-dire qu'elle traverse le mur de fondation d'un bord à l'autre. Questionné à ce sujet, il invoque également différentes façons de corriger le problème pour assurer l'étanchéité des fondations. Il affirme avoir rejeté la réclamation des Bénéficiaires compte tenu de la définition de «vice majeur» et que la situation n'était pas un risque sérieux de perte totale ou partielle du bâtiment conformément aux dispositions législatives applicables. Puisqu'il s'agit d'un colmatage, dit-il, cette intervention n'est pas suffisamment importante pour originer d'un vice majeur.
[47] Quant au représentant de l'Entrepreneur, il déclare que la fissure est un vice de construction et réfère le Tribunal à un extrait du Guide de performance de l'APCHQ disponible pour les professionnels de la construction résidentielle au Québec, édition de septembre 2006. Cet extrait du Guide prévoit, à sa section «Mur de fondation coulé sur place fissuré (fissuration verticale ou en diagonale)» que toutes les fissures dans les murs de sous-sol ne doivent pas permettre à l'eau de pénétrer à l'intérieur du bâtiment ou de créer un soulèvement par le gel. De même, cet extrait stipule également que toute fissure laissant pénétrer l'eau doit être réparée puisque l'eau de ruissellement peut, à tout moment, engendrer des infiltrations. M. Larouche invoque que même s'il y a possibilité d'infiltration d'eau à l'intérieur de l'immeuble, un tel type de fissure est sujet à la garantie dépendant de la période de sa découverte. Il prétend que la situation présente ne se prête pas à l'application de la définition de vice majeur. M. Larouche ajoute également qu'il a effectivement offert de réparer la fissure mais qu'il pouvait s'agir d'un problème de structure et qu'il ne voulait pas se compromettre davantage dans ce dossier.
[48] Ce qui précède résume essentiellement la preuve factuelle, documentaire et par expertise sur cette réclamation des Bénéficiaires.
[49] M. Vidal, pour les Bénéficiaires, a réitéré la problématique de la fissure et de l'infiltration d'eau possible, tel que confirmé par l'expert, à l'intérieur de sa résidence, ce qui peut assurément entraîner certains dommages. Il réfère le Tribunal à un extrait du site Internet de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. (B-7) qui définit ce que constitue un vice de construction visé par la garantie de cinq (5) ans suivant la fin des travaux de l'Entrepreneur. Ce vice de construction est ainsi défini:
«De façon générale, nous serons en présence d'un vice de construction lorsque les défectuosités affectent un élément important du bâtiment et que celles-ci sont de nature à compromettre la solidité de la construction ou à provoquer des difficultés importantes dans son utilisation.»
[50] Quant au procureur de l'Administrateur, celui-ci convient que les réclamations ont été logées dans la quatrième année suivant la fin des travaux et que pour être admissibles à la garantie, les réclamations doivent relever la présence d'un vice majeur, tel que défini à l'article 27, alinéa 5, du Règlement, à la section «Garantie relative aux bâtiments détenus en copropriété divise», de même qu'à l'article 3.4 du contrat de garantie A-1. L'Administrateur prétend que la fissure est une malfaçon mais non pas un vice majeur. Son procureur plaide qu'il n'y a pas eu démonstration d'une aggravation de la fissure et réfère au témoignage de l'expert Tremblay qui n'aurait pas été en mesure, selon le procureur, de confirmer qu'il y avait une telle aggravation entre le mois de juin 2009 à mai 2010. De même, M. Gadbois, représentant de l'Administrateur, n'aurait également pas constaté d'aggravation de la fissure.
[51] Nous sommes donc en présence d'une problématique qui aurait été dénoncée dans la quatrième année suivant la fin des travaux. Aucune objection préliminaire ni non plus aucune représentation ou preuve n'a remis en question les formalités à respecter pour mettre en œuvre une telle garantie, soit, plus particulièrement, la dénonciation écrite du vice à l'Entrepreneur et l'Administrateur dans les six (6) mois de la découverte ou survenance dudit vice, ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation. Le Tribunal prend pour acquis que cette dénonciation écrite a été conformément transmise.
[52] Le contrat de garantie A-1, à son article 3.4, prévoit que l'administrateur réparera les vices majeurs qui apparaissent dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux lorsqu'une dénonciation écrite a été transmise conformément aux dispositions applicables. Cette notion de vice majeur est définie à la section A de ce même contrat comme étant un vice de conception, de construction ou de réalisation, et vice du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil du Québec (ci-après «C.c.Q.»). Ce contrat vise ce que le législateur a prévu à l'article 27, alinéa 5, du Règlement qui stipule que la garantie d'un plan doit couvrir, notamment, la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 C.c.Q.
[53] Cet article 2118 C.c.Q. reprend, outre la stipulation de solidarité entre certains défendeurs, ce même texte que nous retrouvons tant au contrat de garantie qu'au Règlement. Conformément à cet article, toute personne désirant établir l'existence d'un vice majeur doit prouver, par prépondérance de preuve, les quatre (4) éléments suivants:
a) la perte de l'ouvrage
b) la manifestation ou la survenance de cette perte dans les cinq (5) ans qui suivent la fin des travaux
c) l'existence d'un vice de conception, de construction, de réalisation de l'ouvrage ou un vice du sol et
d) un lien de causalité entre le vice et la perte.
[54] Dans la présente affaire, le Tribunal considère que la question à décider se retrouve dans ce qui constitue «la perte de l'ouvrage» au sens de l'article 2118 C.c.Q.
[55] L'article 2118 C.c.Q. est de droit nouveau. Il remplace effectivement l'article 1688 du Code civil du Bas-Canada qui mentionnait, de façon spécifique, que la perte de l'ouvrage pouvait être totale ou partielle. Selon la doctrine et la jurisprudence, l'article 2118 C.c.Q. couvre aussi une perte partielle d'un ouvrage telle qu'une résidence familiale.
[56] Il n'est pas facile, parfois, pour un tribunal de différencier ce type de vice de celui désigné comme étant un vice caché au C.c.Q. ou même une malfaçon importante.
[57] Les auteurs Jean-Louis Beaudoin et Patrice Deslauriers, dans le recueil «La Responsabilité civile, volume 2 - La Responsabilité professionnelle», 7e édition, résume bien l'interprétation donnée par les tribunaux de ce que représente la notion de perte de l'ouvrage aux sens du C.c.Q.:
«Extension - La jurisprudence a donné une interprétation large à la notion de perte en l'appréciant par rapport à la destination et à l'utilisation prospective de l'ouvrage. Constitue donc une perte, toute défectuosité grave qui entraîne un inconvénient sérieux et rend l'ouvrage impropre à sa destination. En d'autres termes, le défaut qui, en raison de sa gravité, limite substantiellement l'utilisation normale de l'ouvrage entraîne une perte qui autorise la mise en œuvre du régime.
…
Perte partielle - En cas de perte partielle, la jurisprudence, en pratique, se montre relativement sévère. Elle exige que celle-ci soit grave et sérieuse et refuse de considérer comme rentrant dans cette catégorie de simples dégradations mineures qui ne compromettent ni la solidité globale de l'ouvrage, ni la solidité d'une partie importante de celui-ci, ni son utilisation normale ou sa destination. Ainsi, une toiture qui coule et endommage sérieusement l'immeuble a été considérée comme provoquant une perte partielle. La charge de la preuve à laquelle le propriétaire doit faire face est donc plus importante. (Nos. 2-273 et 2-274)»
[58] Dans la présente affaire, la preuve démontre que le bâtiment servant de résidence principale aux Bénéficiaires a été reçu, sans réserve, le 30 mai 2005 (A-3). De même, les parties communes du bâtiment ont également été reçues, sans réserve aucune, par le Syndicat des copropriétaires. Il apparaît donc que la fissure, objet de la réclamation traitée dans la présente section, n'était vraisemblablement pas présente au moment de la réception des parties privatives et communes du bâtiment. Force est d'admettre que l'Entrepreneur, tant par son comportement que son témoignage et ses engagements, considérait que la présence de cette fissure, minimalement, comme étant une malfaçon et même un «vice de construction» pour reprendre son expression. Il a également été reconnu par les experts à ce dossier que la fissure en était une en profondeur et non en capilarité puisque celle-ci, en plus d'être de bord en bord de la paroi de béton, s'étendait sur toute la hauteur des fondations et ce jusqu'à l'assise de celles-ci. L'Administrateur a beaucoup insisté que la preuve a révélé qu'il y avait absence d'aggravation de la fissure. Outre le fait que l'expert des demandeurs, M. Tremblay, ait admis ne pas avoir constaté d'aggravation entre mai 2009 et juin 2010, la preuve de l'absence d'une telle aggravation n'est pas très convaincante. Chose certaine, pour en arriver à la présence d'une telle fissure avec un désaxement par surcroît, il y a certainement eu, dans le temps, aggravation.
[59] Il n'a pas été prouvé d'infiltration réelle d'eau et/ou d'humidité dans la résidence par cette fissure qualifiée d'importante et de majeure par l'expert des demandeurs. Ce qui précède n'est pas étranger au fait que la finition du sous-sol de la résidence des Bénéficiaires ait été exécutée. Pour en arriver à décider si cette fissure est visée par la garantie de vice majeur prévue au contrat de garantie et à l'article 2118 du C.c.Q., l'Entrepreneur et l'Administrateur semblent invoquer, pour contester la couverture par la garantie, qu'il faut une preuve d'infiltration d'eau à l'intérieur de la résidence. Pour ce faire, il aurait été nécessaire, pour les Bénéficiaires et/ou leur expert, de procéder à la destruction d'une partie du sous-sol pour constater une telle présence d'eau et/ou d'humidité. Un tel fardeau de preuve n'apparaît pas nécessaire au soussigné pour en arriver à la conclusion que nous puissions être en présence d'un vice majeur.
[60] En effet, contrairement à plusieurs autres fissures à la fondation de la résidence des Bénéficiaires qualifiées par l'expert Tremblay de conséquence d'un comportement normal des matériaux, la fissure plus importante, avec un désaxement latéral, n'est pas de cette nature. Cette fissure fait croire à un tassement ou à une certaine instabilité du sol. Les conséquences possibles et probables de cette fissure ont été expliquées par l'expert des Bénéficiaires. Il s'agit effectivement d'une présence possible, à l'intérieur du sous-sol aménagé de la résidence, d'humidité et d'infiltration d'eau. Selon cet expert, cela s'apparente à un «chemin direct» pour l'eau pour s'introduire à l'intérieur du bâtiment. Le Tribunal doit-il, par surcroît, imposer aux Bénéficiaires de démontrer cette infiltration d'eau ou la présence de cette humidité, conséquence possible et probable, selon leur expert pour bénéficier de la garantie ?
[61] Il est utile de référer à l'ouvrage de Jean-Louis Beaudoin et Patrice Deslauriers décrit ci-avant au sujet du moment de l'appréciation d'une situation pouvant constituer un vice majeur:
«Moment d'appréciation - Enfin, le propriétaire n'est naturellement pas obligé d'attendre que la perte se produise effectivement pour intenter son recours. Il lui suffit, en effet, de démontrer que l'état de l'ouvrage permet de croire que celle-ci se produira dans l'avenir, si aucun remède n'est apporté. Il y aurait même, dans ce sens, faute du propriétaire si, en présence de défauts graves qui compromettent la stabilité de l'édifice, il attendait et laissait celui-ci se dégrader complètement, créant ainsi un risque pour les tiers.»
[62] En l'espèce, la présence de cette fissure importante, traversant de bord en bord les fondations de la résidence des Bénéficiaires, en plus d'être désaxée latéralement, compromet l'utilisation normale du sous-sol de la résidence. Il est évident que l'eau et l'humidité peuvent entraîner des troubles graves avec des conséquences sérieuses pour les habitants. Il va de soi que la situation aurait été différente si cette fissure rencontrait des normes plus reconnues et, de ce fait, pourrait être expliquée par un comportement normal des matériaux ou ne pouvant vraisemblablement pas provoquer d'infiltration d'eau ou d'humidité au sous-sol.
[63] Le Tribunal ne croit pas qu'il faut nécessairement que la probabilité d'infiltration d'eau et/ou d'humidité se soit manifestée réellement pour que soit donnée ouverture à une réclamation basée sur la garantie de vice majeur. Imposer un tel fardeau serait, de l'avis du soussigné, contraire aux enseignements des tribunaux qui reconnaissent visées par la garantie de vice majeur les pertes pouvant compromettre l'utilisation normale ou la destination d'un immeuble. Le concept de vice majeur se rattache à la gravité du vice et non à la gravité nécessairement de la perte qui peut être partielle suivant la jurisprudence et la doctrine applicables en cette matière.
[64] Par conséquent et pour les motifs décrits ci-haut, le Tribunal accueille la demande d'arbitrage des Bénéficiaires sur ce point et impose que soit procédé à tous les travaux requis et nécessaires afin de corriger ce vice et éviter toute infiltration d'humidité et/ou d'eau au sous-sol de la résidence des Bénéficiaires, le tout à une période qui pourra être favorable à de tels travaux.
3. Affaissement du linteau de la fenêtre avant
[65] Selon la décision de l'Administrateur (A-10), son inspection a permis de constater un léger affaissement du linteau de béton surplombant la fenêtre du sous-sol en façade du bâtiment. Il a été remarqué des fissures capillaires se manifestant dans le mortier, entre les briques de certains rangs se retrouvant au-dessus de cette fenêtre. Selon l'Administrateur, l'état du linteau de la fenêtre avant indique la présence d'armature dans le béton puisque la fenêtre du sous-sol, en dessous de ce linteau, aurait dû subir, ce qui n'est pas le cas, des avaries importantes considérant la faiblesse structurale de ce type de fenêtre. Tout comme pour la fissure traitée précédemment, l'Administrateur considère que les critères du vice majeur ne sont pas rencontrés quant à cette réclamation.
[66] Dans son rapport A-6, l'expert des Bénéficiaires a observé plusieurs fissures dans les linteaux au-dessus des fenêtres démontrant, selon lui, un affaissement de ceux-ci. Il réfère à la photographie no. 6 et la photographie no. 7 qui démontreraient certaines de ces fissures, de même qu'un espacement entre le parement de brique et un des linteaux. Il prétend à un affaissement des linteaux qui expliquerait un «lézardage» dans le parement de brique. En se référant au Code national du bâtiment 1995, il précise que les linteaux doivent être conçus pour supporter la charge prévue, ce qui ne semblerait pas le cas dans ce bâtiment. Aucun calcul de charge n'a été démontré tant dans l'expertise écrite que lors de l'audience. Compte tenu de la dimension des fenêtres, l'expert suggère que de l'acier d'armature en dimension et en quantité suffisante, sans le préciser, devrait être mis en place dans le béton des linteaux ou un linteau d'acier devrait être utilisé pour supporter les charges occasionnées par le parement de briques. En conclusion, il réitère que des mesures de correction devraient être appliquées afin de supporter adéquatement les charges et ainsi éviter que les lézardes déjà présentes «s'aggravent et que d'autres apparaissent». À l'audience, l'expert ajoute qu'il se pourrait que l'affaissement des linteaux provoque un disfonctionnement des fenêtres. Il confirme, dans le cadre de son interrogatoire, qu'il y a absence de relation entre la problématique de fissures aux fondations et celles des linteaux. Il recommande ainsi que soient ajoutés de nouveaux linteaux et que le mortier soit refait. Il qualifie les fissures dans ce mortier d'anormales sans donner davantage de détails. En contre-interrogatoire et confronté à la version de l'Entrepreneur qui prétend qu'il existe de l'acier à l'intérieur des linteaux, l'expert soumet que cet acier serait insuffisant puisqu'il y aurait eu mouvement. Toujours en contre-interrogatoire, il recommande, alternativement, un scellement des linteaux et une injection à l'époxy afin qu'ils soient solidifiés.
[67] Contre-interrogé par le procureur de l'Administrateur, ce même expert soumet que les lézardes sont des ouvertures fines dans le mortier. Il ajoute également que la brique se supporte elle-même, pour l'instant, et qu'il n'a pas vu d'aggravation entre ses constatations en juin 2009 jusqu'en mai 2010. Quant aux probabilités qu'il soit causé préjudice à la résidence, M. Tremblay précise que le revêtement extérieur est donc moins résistant, qu'il y a possibilité d'infiltration d'eau mais que la brique, en elle-même, n'est pas un matériau imperméable. Il précise que le système d'évacuation des eaux ou les chantepleures ne sont pas problématiques. Il affirme même que le «gros problème» est visuel. Enfin, il réitère que s'il n'y a pas de mouvement, il peut y avoir colmatage des lézardes et réparation du mortier.
[68] M. Gadbois, représentant de l'Administrateur, a également été entendu au sujet de la réclamation visant l'affaissement du linteau de la fenêtre avant. M. Gadbois, technologue professionnel et reconnu comme expert, tout comme M. Tremblay dans le cadre du dossier d'arbitrage, prétend que le léger affaissement empêche le support de plus ou moins trois (3) rangées de briques au-dessus de cette fenêtre. Les autres se supportent en pyramide. Il précise également que la fenêtre est fonctionnelle et qu'il n'y a pas d'atteinte à celle-ci puisque le matériau de fabrication de cette fenêtre n'a aucune capacité structurale. Il ajoute aussi qu'il ne croit aucunement que la maçonnerie allait s'affaisser. Au sujet des lézardes, il ajoute que certains joints de mortier entre les briques non supportées, selon la thèse de l'expert des Bénéficiaires, n'étaient pas même lézardés. Pour cet expert, il n'y a aucune perte de l'ouvrage, ni même partielle, aucun dommage au bâtiment et aucun désaxement dans le mur de briques pouvant démontrer une problématique structurale.
[69] Le représentant de l'Entrepreneur, M. Larouche, a également été entendu sur cet aspect de l'arbitrage.
[70] Il témoigne avoir ajouté de l'acier d'armature, selon la compréhension du Tribunal, en haut des fenêtres de la résidence. Il prétend donc que nous ne sommes manifestement pas en présence d'un vice majeur au sujet des lézardes au-dessus du linteau de la fenêtre avant.
[71] Comme mentionné précédemment, pour qu'une perte partielle en matière de vice majeur soit reconnue, la jurisprudence exige que cette perte soit grave et sérieuse. La jurisprudence ne reconnaît généralement pas, comme rentrant dans cette catégorie, des dégradations mineures qui ne compromettent ni la solidité de l'ouvrage ou une partie importante de celui-ci ni son utilisation normale et sa destination comme dans la réclamation précédente.
[72] Le Tribunal d'arbitrage considère que les Bénéficiaires n'ont pas démontré que l'affaissement du linteau de la fenêtre avant, de même que les lézardes dans la brique constituent une telle perte partielle de l'ouvrage donnant ouverture à la garantie prévue à la clause 3.4 du contrat A-1 et l'article 2118 C.c.Q. Les Bénéficiaires n'ont pas convaincus le Tribunal qu'ils rencontraient les critères requis pour avoir droit à cette réclamation. Par ailleurs, l'expert des Bénéficiaires n'a non plus prétendu, à la compréhension du soussigné, que nous étions en présence de la possibilité d'une telle perte partielle de l'immeuble résultant de dégradation non pas mineure mais suffisamment importante pour porter atteinte à l'intégrité du bâtiment et son utilisation selon les critères reconnus par les tribunaux.
[73] Pour les raisons ci-haut exposées, le Tribunal d'arbitrage maintient la décision de l'Administrateur.
4. FENÊTRE À L'ÉTAGE
[74] Cette réclamation a également fait l'objet d'une preuve à l'audience. Par contre, le rapport de l'expert des Bénéficiaires A-6 ne traite pas de cet élément.
[75] M. Vidal a été entendu à ce sujet. Il témoigne qu'il y a une seule fenêtre à l'étage de sa résidence. Il ajoute qu'en mai 2005, il a avisé l'Entrepreneur par écrit et a même précisé sur sa liste d'inspection une problématique au sujet de cette fenêtre qui semblait fonctionner difficilement depuis la réception du bâtiment. L'Entrepreneur lui aurait dit que cette situation était normale. M. Vidal produit comme pièce B-6 une note de service de Bonneville Portes et Fenêtres au sujet de cette problématique. Il appert de ce document que certains travaux ont été effectués, par cette entreprise, le 1er novembre 2005. Le problème a été décrit sensiblement de la même façon que l'a été la demande de réclamation du Bénéficiaire auprès de l'Administrateur.
[76] M. Vidal a par la suite décrit certaines communications intervenues entre lui-même et le représentant de l'Entrepreneur, de même que du fabricant de cette fenêtre, Bonneville Portes et Fenêtres. Il appert également qu'en novembre et décembre 2009, le sous-traitant de l'Entrepreneur aurait tenté de corriger la problématique affectant cette fenêtre qui serait difficile à utiliser. M. Vidal témoigne que, malgré ces interventions, la fenêtre est toujours difficile à ouvrir.
[77] M. Larouche, représentant de l'Entrepreneur, a aussi témoigné au sujet de cette réclamation.
[78] Selon M. Larouche, il s'agit d'un problème de mécanisme et non de structure. Il pourrait également s'agir, selon lui, d'un comportement normal des matériaux faisant en sorte qu'il y a eu un léger tassement dû au séchage du bois de cette résidence.
[79] M. Gadbois, représentant de l'Administrateur, a témoigné. Il précise qu'il a remarqué la présence d'un morceau de bois dans la fenêtre visée par la réclamation lors de sa visite en décembre 2009. En fait, il témoigne avoir été avisé de cette problématique par la lettre des Bénéficiaires datée du 1er novembre 2009 et reçue par l'Administrateur le 3 novembre 2009 (A-8). Précisant que les Bénéficiaires ont reconnu qu'il s'agissait d'un problème «vieux» de quatre ans et demi (4 ½), l'Administrateur a refusé cette réclamation sur la base du non-respect du délai de dénonciation écrite prévu au Règlement.
[80] Le Tribunal est confronté, quant à cette réclamation, à deux (2) problématiques. L'une relève de la forme et l'autre du fond.
[81] Quant à la forme, le délai de dénonciation écrite du vice, tel que prévu au Règlement et au contrat de garantie, pour les différentes garanties applicables sont des délais de rigueur et de déchéance, comme l'ont maintes fois décidé les arbitres ayant eu à appliquer le Règlement.
[82] Bien que la jurisprudence arbitrale majoritaire avait dégagé un certain consensus concernant les conséquences fatales de l'outrepassement des délais maximaux de dénonciations écrites prévues au Règlement, l'arbitre Jean Philippe Ewart dans l'affaire Esmaeilzadeh Danesh c. Solico inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., rendue le 5 mai 2008, a développé un raisonnement juridique particulièrement bien articulé et basé sur des autorités des tribunaux judiciaires qui confirment cette tendance majoritaire. Le passage suivant fait état des conclusions, que le soussigné partage, de l'arbitre Ewart:
«[64] In conclusion, this Court is of the view that:
§ The notice in writing to be given to the Contractor and the Manager in accordance with section 10 of the Regulation is in effect a denunciation, it must be in writing, it is essential and imperative, and, as the Manager is concerned, is a substantive condition precedent to the respective rights of the Beneficiary to require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration in connection thereto.
§ The six month delays under section 10 of the Regulation are each in the nature of a delay of forfeiture, delays of forfeiture are of public order and the failure by the Beneficiary to give notice to the Manager in writing within such delay of six months extinguish the respective rights of the Beneficiary to require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration in connection thereto.
§ The foreclosure of the rights of the Beneficiary by the expiry of the six month delays under section 10, as the Manager is concerned, to have the Beneficiary require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration respectively, are not subject to the provisions of suspension or interruption applicable in certain circumstances to delays of prescription.
§ The Court does not have discretion to extend the six month delays under section 10, including neither under 'an impossibility to act' concept nor any 'reasonable delay thereafter' element, both of which do not find application under section 10 of the Regulation.»
[83] Ayant à décider d'une autre affaire impliquant un moyen d'irrecevabilité basé sur le non-respect d'un délai maximal de dénonciation écrite à l'administrateur, l'arbitre, Me Jean Philippe Ewart, s'est de nouveau prononcé à ce sujet dans l'affaire Niki Apollonatos & George Karounis c. Habitations Luxim inc. et La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ inc, rendue le 4 juin 2008:
«[54] En résumé, la dénonciation prévue à l'article 10 du Règlement se doit d'être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n'est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l'arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés.»
[84] Dans la présente affaire, il apparaît évident au Tribunal que le délai de dénonciation écrite maximal de six (6) mois prévu tant au contrat de garantie qu'au Règlement a été largement outrepassé, ce qui conduit, inévitablement, au rejet de la réclamation des Bénéficiaires.
[85] Quant au fond, les Bénéficiaires, devant le présent Tribunal d'arbitrage, réclame l'application de la garantie pour vice majeur, la seule applicable après une période de plus de quatre (4) ans de la réception du bâtiment. Or, cette problématique, lorsque nous référons aux motifs explicités plus avant, ne rencontre pas la définition de vice majeur prévue à l'article 2118 C.c.Q. Il n'y a pas de perte totale ni même partielle de l'édifice ni non plus atteinte à l'utilisation normale de celui-ci. Du moins, il n'y a pas de preuve prépondérante à ce sujet. Il y a certes des désagréments à cette situation mais ceux-ci ne peuvent certainement pas justifier, à elle seule, l'application de la garantie pour vice majeur.
LES FRAIS D'EXPERT
[86] Après l'audition de l'arbitrage et à l'invitation du Tribunal, les Bénéficiaires ont produit les factures transmises par LEQ qui totalisent, incluant les honoraires pour le témoignage lors de l'arbitrage, une somme de 928,86 $. Considérant l'utilité du rapport d'expert, du témoignage de M. Tremblay lors de l'arbitrage et le fait que les Bénéficiaires aient eu gain de cause sur l'un des aspects de leurs réclamations, le Tribunal accorde aux Bénéficiaires le remboursement desdits frais d'expert selon les conclusions se retrouvant ci-après.
[87] Quant à la valeur estimée de la réclamation, la preuve a démontré que des travaux relativement importants quant à la fissure devront être exécutés et que la valeur de ceux-ci est évaluée entre 7 000,00 $ et 15 000,00 $. Cette évaluation ne peut évidemment servir que dans le contexte de la fixation des coûts de l'arbitrage dans la présente affaire.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE:
[88] MAINTIENT la décision de l'Administrateur datée du 5 janvier 2010 quant au point 1 «Fissure au plancher du sous-sol - dalle sur sol»;
[89] Quant au point 2 de cette même décision intitulé «Fissure à la fondation à l'avant du bâtiment - au bas de la fenêtre», le Tribunal ACCUEILLE la demande d'arbitrage des Bénéficiaires et ORDONNE que soient exécutés les travaux correctifs et ce, selon les règles de l'art;
[90] MAINTIENT les décisions de l'Administrateur quant aux points 3 et 4 intitulés «Affaissement du linteau de la fenêtre avant» et «Fenêtre à l'étage»;
[91] ORDONNE à l'Entrepreneur et à l'Administrateur de payer aux Bénéficiaires la somme de 928,86 $ déboursés par ces derniers en remboursement des frais de l'expert Charles Tremblay, ingénieur;
[92] LE TOUT avec frais (coûts de l'arbitrage) à être départagés entre le Bénéficiaire pour la somme de 100,00 $, plus les taxes applicables, et l'Administrateur pour la balance desdits frais, en plus des taxes applicables.
Québec, le 14 décembre 2010
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Me Reynald Poulin
Arbitre / La Société pour la résolution de conflits inc. (SORECONI)