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Centre Canadien d’Arbitrage Commercial

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (c. B-1.1, r. 0.2)

 

C A N A D A

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER N°:           S09-050101-NP

 

DATE                         :           10 juillet 2009

 

 


ARBITRE       :           Me PIERRE BOULANGER

 

 

 


MADAME ILDA LOPES

-et-

MONSIEUR CARLOS LOPES,

 

Bénéficiaires

 

c.

GROUPE CONSTRUCTION ROYALE INC.,

 

Entrepreneur

 

et

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.,

 

Administrateur de la garantie

 

 

 


DÉCISION ARBITRALE

 

 


INTRODUCTION

 

[1]        Je suis saisi d’une demande d’arbitrage des bénéficiaires conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.0.2). La demande fait suite à la décision de l’administrateur de la garantie datée du 3 décembre 2008.

 

[2]        La demande d’arbitrage ne vise qu’une partie de la décision de l’administrateur, soit les points numéros 4, 5 et 6 qui ont été jugés non recevables dans le cadre de l’application du contrat de garantie :

 

            4.   COLONNES DE BRIQUES AU BAS DE L’ESCALIER DE FAÇADE;

            5.   APPUIS DES FENÊTRES (ALLÈGES);

            6.   COULEUR DES CLOUS RETENANT LE SOFFITE EN BORDURE DU TOIT.

 


 

[3]        À l’audience, tenue le 23 juin 2009, les bénéficiaires et l’entrepreneur ont rédigé une entente quant au point numéro 4.  Cette entente, dont j’ai pris acte, est annexée à la présente décision. Dans les circonstances, il ne me reste qu’à trancher le litige quant aux points numéros 5 et 6.

 

 

POINT N° 5:   APPUIS DES FENÊTRES (ALLÈGES)

 

 

[4]        Les bénéficiaires se plaignent du fait que les allèges au bas des fenêtres n’excèdent pas, de chaque côté, la largeur des fenêtres de quelques pouces, comme on peut le voir généralement sur d’autres bâtiments et comme on peut le voir aussi sur les plans d’élévation du bâtiment concerné, plans dont les bénéficiaires et l’entrepreneur avaient convenus.

 

[5]        Dans sa décision du 3 décembre 2008, l’inspecteur-conciliateur de l’administrateur rapporte qu’il a constaté que les allèges de pierre sous les fenêtres sont de la même largeur que celles-ci tout en ajoutant que, bien qu’inhabituelle, cette méthode de pose lui semble conforme aux règles de l’art.

 

[6]        À l’audience, le représentant de l’entrepreneur a concédé que les allèges tel qu’installées, ne sont pas identiques à celles montrées aux plans. Il a fait valoir la clause numéro 7 apparaissant dans la promesse d’achat et qui se lit comme suit :

 

 

            7.       CONFORMITÉ AUX PLANS:  L’Entrepreneur s’engage à ce que l’unité résidentielle soit complétée substantiellement conformément aux plans et devis consultés par les parties et identifiée à l’article des présentes. Le promettant-acquéreur accepte que l’entrepreneur puisse effectuer les changements raisonnables qu’il jugera nécessaires, à condition qu’ils n’affectent pas substantiellement la superficie totale de l’unité résidentielle.

 

 

[7]        De leur côté, les bénéficiaires, en plus d’être déçus quant à l’esthétique, se plaignent du fait que cette divergence constitue une malfaçon couverte par le plan de garantie.

 

[8]        Les bénéficiaires ont produit le témoin expert Marcel Julien, ingénieur retraité, dont le rapport écrit daté du 10 juin 2009 n’est d’aucune utilité pour la présente cause puisqu’il traite de d’autres problèmes quant à la brique extérieure de la maison, problèmes ne faisaient pas partie de l’objet du présent litige.

 

[9]        À l’audience, ce témoin a expliqué que les allèges font office de larmiers et qu’elles doivent être un peu plus larges que la fenêtre; sinon l’eau qui s’écoule au bas de la fenêtre pourrait éventuellement causer des dommages aux briques et au mortier. D’ailleurs, a-t-il ajouté, on commence déjà à voir des taches causées par l’écoulement de l’eau. Avec le temps, selon ce témoin, il y aura des dommages aux briques.


 

[10]     En contre-interrogatoire, ce témoin n’a pu citer aucune disposition règlementaire stipulant que les allèges au bas des fenêtres doivent être plus larges que ces dernières. Il n’a pu qu’invoquer les règles de l’art en général tout en se référant à des articles de doctrine qu’il n’avait pas avec lui. Deux articles m’ont été fournis après l’audience par l’avocat des bénéficiaires.

 

[11]     Dans le premier article, publié par le Conseil National de recherche du Canada, on peut lire :

 

 

                 «  Les appuis de fenêtre devraient être inclinés vers l’extérieur et faire saillie pour éviter que l’eau ne dégoutte sur le mur   (…)

 

                     À moins que l’appui lui-même ne soit imperméable à l’eau, il devrait y avoir un solin au-dessous comme dernière ligne de défense contre l’eau indésirable. Ce solin devrait faire saillie d’au moins 12 millimètres par rapport à la face du mur   » .

 

La saillie dont il est question ici est par rapport à la surface du mur, pas à la largeur de la fenêtre.

 

 

[12]     Dans le deuxième article, publié par l’Institut de recherche en construction, on traite de l’importance de réduire le ruissellement de l’eau sur les façades de briques mais il n’est pas question, non plus, que les appuis des fenêtres doivent être plus larges que ces dernières.

 

[13]     De son côté, l’inspecteur Michel Hamel a témoigné qu’il n’a pas retracé dans le Code National du Bâtiment de dispositions traitant de la largeur des allèges. Dans le présent cas, a-t-il ajouté, le tout est conforme aux règles de l’art. Il n’y a pas de risque d’écoulement indu d’eau sur la brique.

 

[14]     L’examen visuel des fenêtres et de leurs appuis lors de l’audition du 23 juin 2009 ne m’a pas permis de voir des taches dignes de ce nom sur la brique. Celle que m’a montré le témoin Marcel Julien ne m’est pas apparue importante ni inquiétante.

 

[15]     Bref, les bénéficiaires ne m’ont pas démontré, ce dont ils avaient le fardeau, que les appuis de leurs fenêtres représentent une malfaçon. Au demeurant, je ne partage pas leur avis qu’ils ne sont pas jolis.

 

[16]     Mais il y a plus. Selon l’article 10(2) du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les malfaçons apparentes doivent avoir été dénoncées par écrit (à l’entrepreneur) dans les trois jours qui suivent la réception du bâtiment, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé :

 


 

10.              La garantie d’un plan dans les cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

1°        (…)

 

2°        La réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code Civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception.

 

 

[17]     Dans le cas qui nous concerne, le bâtiment a été livré le 25 septembre 2007. À cette occasion, une liste d’éléments à parachever, à corriger et à réparer a été rédigée et signée par les bénéficiaires et l’entrepreneur. Elle ne comprend pas les appuis des fenêtres. Des éléments ont été ajoutés sur cette liste le 17 décembre 2007 à l’occasion d’une visite d’un représentant de l’entrepreneur. Encore-là, il n’est pas question des appuis des fenêtres. Ce n’est que le 11 juillet 2008, soit plus de neuf mois après la réception du bâtiment, que les bénéficiaires ont dénoncé par écrit à l’entrepreneur, avec copie à l’administrateur, « les bordures de fenêtres trop courtes » parmi une liste de travaux à compléter.

 

[18]     De manière évidente, la largeur des appuis des fenêtres est « apparente » au sens de l’article 10(2) cité plus haut. Si les bénéficiaires jugeaient que cette largeur était insuffisante, ils auraient dû, pour se prévaloir de la garantie sous étude, dénoncer dans la liste rédigée le 25 septembre 2007. Cette dénonciation écrite est « impérative et essentielle »[1].  De plus, au vu de l’article 10 du règlement lu dans son ensemble, une jurisprudence constante[2] reconnaît le caractère impératif de l’obligation des bénéficiaires de dénoncer à l’administrateur les malfaçons et vices dont ils se plaignent dans un délai de six mois de leur découverte. Tel que nous l’avons vu plus haut, l’avis à l’administrateur n’a été donné que plus de neuf mois après la réception du bâtiment lors de laquelle, comme je l’ai déjà dit, la largeur des appuis des fenêtres était évidente.

 

[19]     En résumé, tous les éléments jouent contre les bénéficiaires quant aux appuis des fenêtres. Il ne s’agit pas d’une malfaçon. La dénonciation à l’entrepreneur n’a pas été faite dans le délai requis et l’avis à l’administrateur non plus.

 

 

POINT N° 6:    COULEUR DES CLOUS RETENANT LE SOFFITE EN

                       BORDURE DU TOIT

 

[20]     Les bénéficiaires se plaignent du fait que les clous d’acier retenant le soffite d’aluminium de la toiture ne sont pas peints de la couleur brune du soffite.

 

[21]     Selon les témoignages entendus, le soffite aurait été installé après la réception du bâtiment mais avant les fêtes de fin d’année (2007).

 

[22]     Dans sa décision du 3 décembre 2008, l’inspecteur-conciliateur Michel Hamel mentionne que cette situation était apparente au moment de sa réception. Je suis d’accord.

 

[23]     Ce n’est que dans la mise en demeure du 11 juillet 2008 que les bénéficiaires se plaignent par écrit, pour la première fois, de la couleur des clous, soit postérieurement aux délais de trois jours et de six mois dont il est question plus haut.  Pour ce seul motif, je ne saurais faire droit à leur demande sur ce point.

 

[24]     Mais il y a plus. Les bénéficiaires ne m’ont pas démontré qu’il s’agit d’un « vice » ou d’une « malfaçon » au sens de l’article 10 du règlement. Si un examen visuel attentif à partir du sol permet de voir que les têtes de clous ne sont pas de la même couleur que le soffite, rien ne me démontre, dans le présent cas, qu’il s’agit d’une défectuosité.

 

[25]     Bref, quant à ce point, il ne s’agit pas d’une malfaçon non plus et tant la dénonciation à l’entrepreneur que l’avis à l’administrateur n’ont pas été donnés dans les délais.

 

 

POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE SOUSSIGNÉ :

 

 

            PREND ACTE de l’entente intervenue quant au point n°4 de la décision de l’administrateur et ordonne aux parties liées de s’y conformer.

 

            REJETTE la demande des bénéficiaires quant aux points n° 5 et n° 6.


 

 

            Vu l’entente partielle intervenue et l’article 123 du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ORDONNE à l’administrateur d’assumer les frais du présent arbitrage.

 

 

 

                                                                      

                                                                       _________________________________

                                                                                                Me PIERRE BOULANGER

                                                                                                                                   Arbitre

 

 

 

Me Marc-Antoine Oberson

Pour les bénéficiaires

 

M. Nicolas April

Pour l’entrepreneur

 

Me Élie Sawaya

(SAVOIE FOURNIER)

Pour l’administrateur



[1]      Ouellette et Weber c. Habitations G.Théberge Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels de l’APCHQ Inc., décision arbitrale rendue le 16 avril 2009 par Me Jean-Philippe Ewart.

 

[2]      Apollonatos et Karounis c. Habitations Luxim Inc.et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, sentence arbitrale rendue le 4 juin 2008 par Me Jean Philippe Ewart ;

 

       Moustaine et El-Houma c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., décision arbitrale rendue le 9 mai 2008 par Me Jean Philippe Ewart ;

 

       Dominique Lapierre et Jean Berthiaume  c. Les Habitations Gianni Grilli Inc. et  La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 4 octobre 2006, par Me Alcide Fournier ;

 

       Pierre Fleurant c. 9054-4651 Québec Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 18 septembre 2006, par M. Claude Mérineau ;

 

       Chantal Lechaussée et Martin Gayola c. Construction Julien Dalpé Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 15 juin 2006, par Me Alcide Fournier ;

 

       Adel Chackal et Lina Bardakji c. 9096-2556 Québec Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 5 mai 2006, par M. Henri P. Labelle ;

 

       Michel Gariépy c. Construction J. Thériault Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 19 mai 2005, par Me Marcel Chartier ;