TRIBUNAL D’ARBITRAGE
(constitué en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide du CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC), organisme d’arbitrage agréé par la RÉGIE DU BÂTIMENT DU QUÉBEC chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.q. c. b-1.1))
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
DOSSIER N°: S05-0501-NP
MONTRÉAL, le 15 décembre 2005
ARBITRE : Me ROBERT MASSON, ing., arb.
RICHARD VINCENT
Bénéficiaire
c.
LES CONSTRUCTIONS SYDOBERT INC.
Entrepreneur
et
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.
Administrateur de la garantie
SENTENCE ARBITRALE
[1] Il s’agit d’un arbitrage institué en vertu du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2) ci-après «Règlement».
[2] Le bénéficiaire a passé contrat avec l’entrepreneur pour la construction d’une résidence à Montréal.
[3] Alléguant que la construction comporte des malfaçons, et devant le refus de l’entrepreneur de les corriger, le bénéficiaire met en oeuvre le programme de garantie contractuelle fournie par l’entrepreneur : la «Garantie maisons neuves» administrée par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (La Garantie).
[4] L’arbitre soussigné est mandaté par le Centre canadien d’arbitrage commercial (C.C.A.C.) conformément à son «Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs» (R.A.P.G.).
[5] La procédure d’arbitrage débute par une conférence préliminaire tenue le 17 août 2005. De nombreux délais sont survenus avant que ne débute l’audition de la présente demande d’arbitrage et, avant le début de l’audience, toutes les parties à l’instance signent un consentement aux prorogations de délais. L’audience a lieu le 28 septembre 2005, précédée par une visite des lieux.
[6] Au début de l’audience, les parties ont confirmé avoir convenu ou accepté la nomination du soussigné comme arbitre. Elles ont aussi reconnu la compétence de l’arbitre soussigné pour entendre et pour trancher le différend qui les oppose. Elles ont enfin convenu que la décision de l’arbitre les liera et ont convenu de s’y conformer. Aux termes de la Loi, la sentence arbitrale est finale et sans appel (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2).
[7] Et l’arbitre rappelle aux parties que cet arbitrage est régi par les lois en vigueur dans la Province de Québec, par le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs et par le Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Il est convenu que les règles de preuve et les règles de procédures sont celles du Code civil du Québec et du Code de procédure civile, assouplies pour favoriser la meilleure et toute l’administration de la preuve.
[8] Les personnes suivantes sont présentes lors de l’audience et de la visite des lieux :
Richard Vincent, bénéficiaire ;
Donald Tremblay, représentant de l’entrepreneur ;
Me François Laplante, procureur de l’administrateur de la garantie ;
Rénald Cyr, T. P., inspecteur.
La demande d’arbitrage
[9] La demande d’arbitrage, datée du 2 mai 2005 porte sur tous les points du rapport de l’inspecteur, les points 1 à 4, savoir : encastrement de la moulure du cadre de la porte d’entrée au mur du vestiaire ; choix de céramique pour le plancher sous la laveuse et la sécheuse ; inégalité des carreaux de céramique au plancher de la cuisine, couleur et largeur du coulis ; léger grinchement (sic) au niveau du haut-parleur de l’intercom.
Les faits
[10] La chronologie des événements tel que nous la révèle la preuve testimoniale et documentaire non contestée soumise lors de l’audience est la suivante :
(Note : = bénéficiaire ; = entrepreneur ; = administrateur de la garantie)
26 février 2004 : entre et : contrat préliminaire ;
22 mai 2004 : par : signature de la feuille de route ;
15 juillet 2004 : entre et : convention intérimaire d’occupation ;
15 juillet 2004 : de et : déclaration de réception du bâtiment ;
24 août 2004 : de : déclaration de copropriété ;
29 septembre 2004 : entre et : acte de vente ;
29 septembre 2004 : de : liste des corrections à apporter (non signée) ;
12 octobre 2004 : de : demande de réclamation à La Garantie ;
9 mars 2005 : de : inspection ;
19 avril 2005 : de : décision de l’inspecteur ;
2 mai 2005 : de : demande d’arbitrage.
[11] Le 26 février 2004, le bénéficiaire signe avec l’entrepreneur un contrat préliminaire promettant d’acheter une unité résidentielle d’un immeuble détenu en copropriété divise, à construire selon un devis des finis (feuille de route). De ce contrat, il est utile de noter les clauses qui suivent :
“Date d’occupation : l’immeuble vendu sera substantiellement terminé et prêt pour l’occupation à la date du 30 juin 2004.
Réserve de propriété : la propriété de l’immeuble vendu ne sera transférée au promettant acheteur qu’à la date de signature de l’acte de vente devant le notaire du vendeur.
...
Livraison de l’immeuble :
5. Pourvu que l’acte de vente ait été préalablement signé devant le notaire instrumentant, la livraison de l’immeuble aura lieu à la date fixée pour l’occupation, sauf si une convention d’occupation intérimaire de l’immeuble est intervenue entre les parties.
...
Clauses spécifiques :
35. a) convention intérimaire : Advenant que la publication de la déclaration de copropriété n’ait pas encore été effectuée à la date prévue pour l’occupation par le promettant acheteur et qu’en conséquence l’acte de vente ne puisse être signé, le promettant acheteur convient de signer alors une convention d’occupation intérimaire préparée par le vendeur, et dans ce cas, le promettant acheteur paiera au vendeur tout montant encore dû sur le prix d’achat et qui devait être versé à la signature de l’acte de vente. De plus, le promettant acheteur paiera au vendeur, selon la convention d’occupation intérimaire, un honoraire d’occupation mensuel établi comme étant la somme des montants suivants :
i) la quote-part des charges mensuelles relatives aux dépenses communes afférentes à la copropriété dont serait responsable le promettant acheteur en vertu de la déclaration de copropriété ; et
ii) la proportion des taxes imposées sur l’édifice dont serait responsable le promettant acheteur pour son unité résidentielle ; et
iii) s’il y a lieu, un montant correspondant au revenu mensuel qu’aurait procuré au vendeur le placement du solde du prix d’achat à un taux de rendement égal à celui mentionné dans la présente offre (article 21), si l’acte de vente avait été signé à la date prévue pour l’occupation par le promettant acheteur.
b) remplacement de la convention : Dès la publication de la déclaration de copropriété contre l’immeuble, la convention d’occupation intérimaire sera remplacée par un acte de vente signé devant le notaire instrumentant.
...”
[12] Le 15 juillet 2004, les parties signent une convention intérimaire d’occupation conformément aux prescriptions du contrat. À cette date, elles signent également la déclaration de réception du bâtiment (étape 5) sous réserve de quelques éléments à corriger ou à parachever.
[13] Les témoins expliquent comment se sont déroulés les événements à ce moment et le pourquoi.
[14] Richard Vincent témoigne que le 15 juillet les travaux de construction ne sont pas finis. Avant de signer le contrat d’occupation intérimaire et de pouvoir déménager, Donald Tremblay insiste pour que l’inspection du bâtiment soit faite. Tremblay tenait le formulaire d’inspection dans ses mains ; il n’y avait aucune lumière dans les pièces, le ménage n’était pas fait ; il manquait des portes partout. Cette inspection a été faite en situation d’urgence et dans des conditions inadéquates, à la veille de la période des vacances de la construction. Tremblay l’a obligé à signer la déclaration de réception du bâtiment sous la menace de lui refuser l’accès à l’immeuble.
[15] Tremblay précise que cette inspection a été faite de jour. À ce moment, l’immeuble était vide. Vincent n’avait pas encore commencé à emménager. Il n’y avait pas d’obstacle à son inspection. Il n’a fait aucune menace. Il a simplement indiqué que si la déclaration de réception du bâtiment n’était pas signée, il n’y avait pas d’entente et Vincent ne pourrait pas occuper les lieux. À l’époque de l’emménagement par Vincent, le plan de cadastre vertical n’était pas encore déposé. Lorsque les unités de condominiums ne sont pas prêtes au moment d’emménager, il fait signer des conventions intérimaires d’occupation, et non des baux, pour éviter de donner juridiction à la Régie du logement.
[16] Le 29 septembre 2004, les parties sont convoquées devant le notaire instrumentant pour la signature de l’acte de vente. Ce qu’elles font. Et le bénéficiaire présente alors à l’entrepreneur, sur le formulaire de l’étape 5, une autre liste de travaux à exécuter pour corriger des malfaçons. L’entrepreneur refuse de signer cette liste. Devant la décision de l’entrepreneur, le bénéficiaire met en oeuvre le programme de garantie contractuelle fournie par l’entrepreneur en vertu du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs et présente une demande de réclamation auprès de La Garantie le 12 octobre 2004.
[17] L’inspecteur fait une inspection de l’unité résidentielle le 19 avril 2005 et rend une décision concernant les demandes du bénéficiaire dans un rapport daté du 2 mai 2005.
[18] Dans son rapport, l’inspecteur traite ainsi des demandes soumises :
“La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut considérer les points 1 à 4 dans le cadre du contrat de garantie :
Concernant les points qui suivent, nous sommes en présence de situations apparentes qui, contrairement aux exigences de l’article 3.2 du contrat de garantie, n’ont pas été dénoncées par écrit au moment de la réception du bâtiment.
De plus, concernant le point 2, nous sommes d’avis que la situation observée ne peut être considérée comme une malfaçon pouvant être de nature à porter atteinte à la qualité, la sécurité ou l’utilisation du bâtiment.
1. Encastrement de la moulure du cadre de la porte d’entrée au mur du vestiaire
2. Choix de céramique pour le plancher sous la laveuse et la sécheuse
Dénonciation :
Le bénéficiaire dénonce que le choix de la céramique du plancher, sous la laveuse et la sécheuse, ne correspond pas aux écrits convenus entre les parties.
Concernant les points qui suivent, le bénéficiaire n’a pas été en mesure de nous démontrer la présence de malfaçons lors de l’inspection.
3. Inégalité des carreaux de céramique au plancher de la cuisine, couleur et largeur du coulis
Dénonciation :
Le bénéficiaire dénonce que, lors de la possession du bâtiment, en juillet 2004, le coulis de la céramique nécessitait un nettoyage, que l’entrepreneur a exécuté dans les semaines suivantes.
Le bénéficiaire n’apprécie pas certaines dénivellations de carreaux, les uns par rapport aux autres, pas plus que la largeur et la couleur du coulis.
4. Léger grinchement (sic) au niveau du haut-parleur de l’intercom”
[19] Non satisfait des décisions de l’inspecteur contenues à son rapport, le bénéficiaire demande l’arbitrage le 2 mai 2005.
[20] La valeur de cette demande d’arbitrage telle qu’établie lors de l’audition se situe, entre 3,001 $ et 6,000 $.
[21] L’entrepreneur conteste la demande du bénéficiaire sur le fond même de cette réclamation. L’administrateur de la garantie conteste la demande à la fois sur le fond et au motif que cette demande est irrecevable, celle-ci ayant été déposée le 1er octobre 2004, bien au-delà des délais prescrits au contrat pour s’en prévaloir.
Discussion
A) La loi des parties
[22] Le contrat de garantie fourni par l’entrepreneur est un contrat de type contrat de cautionnement par lequel La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. garantit l’exécution des travaux convenus par un entrepreneur en construction. Ce contrat est à la fois un cautionnement d’exécution, garantissant la complète exécution des travaux, et un cautionnement contre les malfaçons, garantissant la qualité des travaux exécutés.
[23] Ce contrat de cautionnement est aussi un contrat intervenu en marge d’un autre contrat, le contrat d’entreprise (le contrat de construction), et au bénéfice d’une tierce partie, le propriétaire, qui n’y intervient pas.
[24] C’est un contrat conditionnel et limitatif en ce que la caution indique explicitement dans quelles conditions s’ouvriront les garanties qu’elle offre et quelles sont ces garanties. On retrouve ces conditions à la section «B» du contrat de garantie :
“En cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., dans les limites et aux conditions décrites dans le présent contrat garantit au bénéficiaire l’exécution de ces obligations qui résultent d’un contrat conclu pour la vente ou la construction...” (Le soulignement est du Tribunal d’arbitrage).
[25] Mais c’est aussi un contrat de cautionnement réglementé car toutes les clauses du contrat sont la reproduction intégrale, mutatis mutandis, d’extraits du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs qui impose cette intégralité.
[26] À cet égard, il est utile de reproduire certaines des clauses du contrat de garantie qui régissent la présente affaire :
“3. Dans le cas de manquement de lentrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment... la garantie des bâtiments résidentiels neufs de lapchq inc. garantit ce qui suit :
3.1 Parachèvement des travaux
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. parachèvera les travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception...
3.2 Malfaçon
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. réparera les vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil du Québec et dénoncés par écrit au moment de la réception...
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de lAPCHQ inc. réparera les malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, malfaçons qui sont visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil du Québec et qui sont dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des malfaçons.
3.3 Vice caché
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de lAPCHQ inc. réparera les vices cachés qui sont découverts dans les trois (3) ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de lAPCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil du Québec.” (Les soulignements sont du Tribunal d’arbitrage).
[27] Enfin, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs s’inscrit au chapitre des lois de la protection du consommateur, qu’à ce titre il est d’ordre public et qu’on ne peut y déroger.
“3 Tout plan de garantie auquel s’applique le présent règlement doit être conforme aux normes et critères qui sont établis et être approuvé par la Régie.
4 Aucune modification ne peut être apportée à un plan approuvé à moins qu’elle ne soit conforme aux normes et critères établis par le présent règlement.
5 Toute disposition d’un plan de garantie qui est incompatible avec le présent règlement est nulle.
...
140 Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.”
[28] Pour résumer, la garantie offerte par l’entrepreneur et administrée par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. dans le cadre du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs est un contrat de cautionnement réglementé d’ordre public s’apparentant aux lois de la protection du consommateur.
B) Analyse
[29] Dès le début de l’audience, l’entrepreneur et le procureur de La Garantie soulèvent l’argument que si les réclamations du bénéficiaire sont inscrites à la liste des travaux à corriger présentée le 29 septembre 2004, elles n’apparaissent pas à la liste dressée lors de l’inspection du bâtiment le 15 juillet 2004. Or cette liste du 15 juillet marque aussi la réception du bâtiment et en établi la date. C’est à partir de cette date que les délais prévus au contrat de garantie doivent être calculés.
[30] C’est aussi la position qu’a adoptée l’inspecteur, tel que relaté dans son rapport d’inspection :
“La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ a considéré comme document de réception rencontrant les exigences du contrat de garantie, le document «Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment», signée le 15 juillet 2004 par les parties, lors de la signature de la convention intérimaire d’occupation, à laquelle l’acte de vente réfère comme date de possession.
La seconde liste non signée, annexée à la réclamation du bénéficiaire, le 1er octobre 2004, devient l’objet de la plainte.”
[31] Mais le bénéficiaire oppose à ces arguments, en plus de ceux soulevés plus haut, que c’est au moment de la signature de l’acte de vente que doit se faire la réception du bâtiment et que, par conséquent, c’est cette date qui doit être retenue comme date de référence pour le calcul des délais prévus au contrat de garantie.
[32] Le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs définit la réception du bâtiment comme étant “l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique, le cas échéant, les travaux à parachever ou à corriger” (article 8). (Le soulignement est du Tribunal d’arbitrage).
[33] Le Règlement définit également le bénéficiaire comme “une personne... qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf...”(article 1).
[34] De ce qui précède, il ressort que seule une personne qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf, un bénéficiaire, peut signer un acte par lequel elle déclare accepter le bâtiment. Et il ne peut y avoir qu’une seule réception du bâtiment.
[35] Ces inférences sont logiques. C’est au moment de signer l’acte de vente, lorsque les travaux sont finis et au moment de devenir propriétaire de l’immeuble, que l’acheteur signe également une déclaration par laquelle il déclare accepter de prendre livraison de l’immeuble qu’il a demandé à un constructeur de bâtir pour lui, déclarant, à moins de réserves, qu’il est satisfait de la construction. Ces deux actes, l’acceptation et la vente, sont habituellement concomitants. Et c’est à ce moment que l’acheteur devient aussi titulaire de la garantie offerte par le constructeur. Un locataire ou un possesseur précaire ne pourrait prétendre à une garantie sur une chose qui ne lui appartient pas. Non satisfait du fonctionnement ou du rendement de la chose, il ne peut que la rendre à son propriétaire.
[36] Dans le cas en l’instance, c’est le 29 septembre 2004 que Vincent est devenu propriétaire de l’immeuble qu’il avait commandé le 26 février 2004. Avant, il n’était que locataire et ne pouvait prétendre à aucun droit de propriété :
“La propriété de l’immeuble vendu ne sera transférée au promettant acheteur qu’à la date de signature de l’acte de vente devant le notaire du vendeur.”
et dans le cas contraire, lors d’une occupation intérimaire :
“le promettant acheteur paiera au vendeur, selon la convention d’occupation intérimaire, un honoraire d’occupation mensuel...”
[37] Un “honoraire d’occupation mensuel” est un loyer. On aura beau déployer tous les efforts de sémantique possibles pour paraphraser une situation, c’est la substance même du contrat qu’il faut rechercher pour le qualifier et non s’arrêter au titre qu’on veut lui donner.
[38] Le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que la réception du bâtiment aurait dû avoir lieu au moment de la livraison de l’immeuble au propriétaire, lors de la signature de l’acte de vente, le 29 septembre 2004 ; que cette date marque la date de référence à partir de laquelle les délais indiqués au Règlement doivent être calculés ; que la demande de réclamation du bénéficiaire est en conséquence recevable ; et que l’inspecteur aurait dû accepter de la prendre en considération.
[39] Au 29 septembre 2004, Vincent avait dénoncé par écrit certaines malfaçons dans deux documents distincts, les listes du 15 juillet et du 29 septembre 2004. L’inspecteur aurait dû considérer ces dénonciations comme étant faites au moment prescrit par le Règlement, à savoir au moment de la réception.
[40] Cependant, les listes précitées comportent plusieurs éléments à corriger qui concernent les parties communes du bâtiment. À ces égards, le Tribunal d’arbitrage est d’accord avec la décision de l’inspecteur émise à la fin de son rapport : ces situations devront être traitées en conformité avec le Règlement et faire l’objet d’une réclamation par le bénéficiaire de cette garantie.
[41] Les demandes à considérer se ramènent donc aux points traités par l’inspecteur, les points 1 à 4 précités.
[42] Le point 1 concerne la porte d’entrée de l’unité résidentielle et comporte deux volets. Dans la liste du 15 juillet, le bénéficiaire dénonce que la moulure du cadre de porte est mal installée, présentant un écart prononcé avec le mur. Dans celle du 29 septembre, il s’agit de l’encastrement de la porte d’entrée de l’unité résidentielle.
[43] Aux termes de la déclaration de copropriété, la porte d’entrée d’une partie privative est un élément appartenant aux parties communes (article 9) à usage restreint (article 12). La décision de l’inspecteur à l’égard des parties communes doit s’appliquer ici aussi. Le Tribunal d’arbitrage maintien donc, mais pour des motifs différents, la décision de l’inspecteur de ne pas considérer ce point.
[44] Quant à la moulure du cadre de porte est mal installée, présentant un écart prononcé avec le mur, l’entrepreneur a indiqué durant l’audience que cette malfaçon en était une mineure et qu’il acceptait de corriger la situation. Le Tribunal d’arbitrage prend acte de la décision de l’entrepreneur et de l’entente intervenue entre les parties à leur satisfaction mutuelle, fait sienne cette entente et ordonne aux parties de s’y conformer.
[45] Le point 2 concerne le choix de la céramique installée dans l’espace laveuse-sécheuse. Il est en preuve que la céramique choisie selon la feuille de route est le modèle Mesa Coral alors que celle installée est le modèle Astorga Azul. L’arbitre a constaté cet état de fait.
[46] L’inspecteur qualifie cette erreur dans l’installation comme étant une malfaçon n’étant pas de nature à porter atteinte à la qualité... du bâtiment. À l’audience, l’entrepreneur et l’inspecteur on fait remarquer que lorsque les portes de cet espace sont closes, on ne voit qu’environ 1 pouce de tuile et que cela n’est pas de nature à jurer esthétiquement avec l’ensemble du décor.
[47] Avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal d’arbitrage ne peut endosser une telle position. Le Tribunal d’arbitrage est d’opinion qu’il ne s’agit pas d’une malfaçon mais plutôt d’un manquement de l’entrepreneur à une obligation contractuelle clairement indiquée au contrat et qu’il faut alors mettre en oeuvre les articles 3 et 3.1 du contrat de garantie cités plus haut
[48] L’entrepreneur devra en conséquence corriger la situation en enlevant la céramique installée dans l’espace laveuse-sécheuse et en la remplaçant par la céramique du modèle convenu, le tout en exécutant les travaux selon les règles de l’art et en s’assurant de faire le moins de poussière possible tout en contenant la poussière inévitable pour ce genre de travail.
[49] Le point 3 concerne l’inégalité des carreaux de céramique du plancher de la cuisine, couleur et largeur du coulis. Le bénéficiaire se plaint de ce que le coulis entre les tuiles n’est pas de couleur uniforme partout et que la largeur des joints est inégale. Il dénonce également la dénivellation entre les carreaux.
[50] À l’audience, l’entrepreneur et l’inspecteur attirent l’attention de l’arbitre sur le fait que la couleur du coulis est presque identique partout et que si différence de couleur il y a, elle est si faible que cela n’affecte pas l’esthétique de l’installation. Ils font aussi remarquer que la dénivellation entre les carreaux est causée par le fait que le modèle de tuile choisi est un modèle présentant des irrégularités donnant une apparence antique. C’est aussi ce qui peut donner l’apparence d’irrégularité dans la largeur des joints. Somme toute, allègue l’inspecteur, le travail exécuté l’est selon les règles de l’art et dans les limites de tolérance généralement admises.
[51] Le Tribunal d’arbitrage partage les arguments de l’entrepreneur et de l’inspecteur à cet égard. Cette demande est rejetée et la décision de l’inspecteur est maintenue.
[52] Le point 4 concerne un léger grinchement (sic) au niveau du haut-parleur de l’intercom.
[53] À l’audience, l’entrepreneur et l’inspecteur ont admis que le haut-parleur de l’intercom grésille. Ils ont cependant fait remarquer qu’on n’entend plus ce bruit à une courte distance et que ce grésillement n’est pas cause d’inconfort.
[54] Le bénéficiaire a démontré qu’en plus du grésillement, le bouton de contrôle de l’intercom reste à l’occasion coincé et qu’alors tous les bruits de la porte d’entrée de l’édifice s’entendent. Il témoigne également qu’il a fait la tournée de plusieurs unités résidentielles de l’immeuble pour constater que certains appareils sont défectueux et que d’autres ne le sont pas. Son témoignage est confirmé. L’entrepreneur indique que dans 1 cas sur 5 les appareils grésillent ; l’entrepreneur et l’inspecteur admettent que le bouton de contrôle peut à l’occasion rester coincé.
[55] L’arbitre a également constaté la défectuosité de l’appareil démontrée par le bénéficiaire.
[56] Le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que l’appareil d’intercommunication avec la porte d’entrée de l’édifice est défectueux. Cette défectuosité s’inscrit dans la catégorie de celles des «malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception» de l’article 3.2 du contrat de garantie et la dénonciation faite par le bénéficiaire dans la liste du 29 septembre a été dénoncée dans le délai imparti de 1 an à compter de la réception du bâtiment.
[57] L’entrepreneur devra en conséquence remplacer l’appareil défectueux en exécutant les travaux selon les règles de l’art.
[58] Compte tenu de ce qui précède, l’entrepreneur devra exécuter les travaux de correction des malfaçons décrites plus haut quant à l’écart de la moulure du cadre de la porte d’entrée de l’unité résidentielle avec le mur, quant à la céramique installée dans l’espace laveuse-sécheuse, et quant à l’appareil d’intercommunication avec la porte d’entrée de l’édifice.
[59] Compte tenu de la période du congé des Fêtes de Noël dans l’industrie de la construction, les travaux devront être exécutés au plus tard le 31 janvier 2006 et, à défaut par l’entrepreneur d’agir, l’administrateur de la garantie devra faire ou faire faire les dits travaux conformément au paragraphe 7 de l’article 18 du Règlement.
[60] Quant à l’exécution des travaux de correction des malfaçons, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que dans la mesure où des travaux ont fait l’objet d’une inspection par un inspecteur et que des travaux doivent être corrigés ou parachevés, que la correction des travaux déficients soit demandée par l’inspecteur dans son rapport d’inspection ou qu’elle soit ordonnée par le Tribunal d’arbitrage, c’est à l’inspecteur qu’incombe la responsabilité de voir à la bonne et parfaite exécution des travaux soit en exigeant qu’ils soient repris et exécutés selon les règles de l’art soit, si plusieurs méthodes sont offertes et qu’il faille en utiliser une plutôt qu’une autre dans le contexte des travaux à reprendre, en exigeant qu’une telle méthode soit employée plutôt qu’une autre.
C) Les frais de l’arbitrage
[61] Quant aux frais de l’arbitrage, l’article 123 du Règlement édicte que :
“(...)
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.”
[62] Le bénéficiaire ayant obtenu gain de cause sur plusieurs points de sa réclamation, les frais de l’arbitrage devront être supportés par l’administrateur.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[63] ACCUEILLE en partie la réclamation du bénéficiaire.
[64] MAINTIENT, bien que pour des motifs différents, la décision de l’inspecteur de ne pas considérer la question de l’encastrement de la porte d’entrée de l’unité résidentielle.
[65] PREND ACTE de la décision de l’entrepreneur de corriger l’écart qui s’est créé entre la moulure du cadre de la porte d’entrée de l’unité résidentielle et le mur, entente intervenue entre les parties à leur satisfaction mutuelle, fait sienne cette entente et ordonne aux parties de s’y conformer.
[66] DÉCLARE la décision de l’inspecteur mal fondée à l’égard du point numéro 2 - choix de céramique pour le plancher sous la laveuse et la sécheuse de son rapport d’inspection daté du 19 avril 2005.
[67] MODIFIE la décision de l’inspecteur relativement au point numéro 2 de son rapport d’inspection daté du 19 avril 2005 pour qu’elle se lise : “L’entrepreneur devra corriger la situation en enlevant la céramique installée dans l’espace laveuse-sécheuse et en la remplaçant par la céramique du modèle convenu, le tout en exécutant les travaux selon les règles de l’art et en s’assurant de faire le moins de poussière possible tout en contenant la poussière inévitable pour ce genre de travail.”
[68] DÉCLARE la décision de l’inspecteur bien fondée à l’égard du point numéro 3 - inégalité des carreaux de céramique au plancher de la cuisine, couleur et largeur du coulis de son rapport d’inspection daté du 19 avril 2005.
[69] MAINTIENT la décision de l’inspecteur à l’égard du point numéro 3 de son rapport d’inspection daté du 19 avril 2005.
[70] DÉCLARE la décision de l’inspecteur mal fondée à l’égard du point numéro 4 - léger grinchement (sic) au niveau du haut-parleur de l’intercom de son rapport d’inspection daté du 19 avril 2005.
[71] MODIFIE la décision de l’inspecteur relativement au point numéro 4 de son rapport d’inspection daté du 19 avril 2005 pour qu’elle se lise : “L’entrepreneur devra en conséquence remplacer l’appareil d’intercommunication avec la porte d’entrée de l’édifice en exécutant les travaux selon les règles de l’art.”
[72] ORDONNE à l’entrepreneur d’exécuter les travaux décrits plus haut.
[73] ORDONNE que les travaux soient exécutés au plus tard le 31 décembre 2006.
[74] ORDONNE à l’administrateur de la garantie d’assurer la surveillance des travaux de correction des malfaçons et, à défaut par l’entrepreneur d’agir.
[75] ORDONNE à l’administrateur de la garantie de faire ou de faire faire les dits travaux conformément aux termes et conditions du paragraphe 7 de l’article 18 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[76] LE TOUT avec les frais de l’arbitrage à la charge de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
(S) Robert Masson
Me Robert MASSON, ing., arb.