ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no : GAMM : 2014-12-003
ABRITAT : 300061
ENTRE:
KEVEN GIGUERE
CLAUDE GIGUÈRE
(ci-après
les « Bénéficiaires »)
ET :
CONSTRUCTION ROCHETTE INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET:
LA GARANTIE ABRITAT INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Jean Doyle
Pour les bénéficiaires Messieurs Keven Giguère et
Claude Giguère
Monsieur Stephen Lagueux
Pour l’administrateur de la Garantie : Me Manon Cloutier
Monsieur Michel Hamel
Pour l’entrepreneur M. Vincent Rochette
Date d’audience 20 octobre 2014
Date de la sentence 11 novembre 2014
DÉCISION ARBITRALE
JDY-1500-041 -GAMM
HISTORIQUE DU DOSSIER
- 23 mars 2014 Décision de l‘Administrateur
(M. Michel Hamel, T.P.)
- 22 avril 2014 Portée de la Décision en arbitrage par l’entrepreneur
- 30 avril 2014 Assignation de l’arbitre par le GAMM
- 22 mai 2014 Remise du cahier de pièces émis par l’Administrateur à l’arbitre
- 11 août 2014 Conférence téléphonique de gestion
- 20 octobre 2014 Audition de l’arbitrage incluant une visite des lieux;
-
LE MANDAT
1. L’arbitrage a été requis par l’entrepreneur, Construction Rochette Inc., suite à une décision de l’administrateur de la Garantie qui se lit comme suit :
« FAITS, ANALYSE ET DÉCISION
FISSURES AUX FINIS DE GYPSE DU SOUS-SOL
FISSURES À LA FONDATION
Les faits
Lors de l’inspection, nous avons constaté les faits suivants :
· Des fissures importantes au niveau du gypse sur le mur gauche du sous-sol;
· Plafond suspendu du sous-sol qui commence à tordre;
· Courbe intérieure d’environ 3 cm au mur de fondation gauche;
· Fissures à la fondation.
Le bénéficiaire nous a remis son rapport d’expert daté du 17 septembre 2013, lequel en arrive à la conclusion que les lattes supportant le gypse ont été mal installées De petites fissures sont apparues aux finis de gypse à l’hiver 2011-2012, laissant croire à des fissures de retraits ou une installation déficiente du gypse. Depuis le rapport de l’expert, la situation a beaucoup évolué selon le bénéficiaire. Les fissures se sont élargies et le mur de fondation s’est déplacé vers l’intérieur. Les conclusions de l’expert ne sont à notre avis plus valides.
Le mur de fondation s’est courbé vers l’intérieur de 1,5 cm en l’espace de deux (2) mois pour un total de 3 cm. Malgré que l’entrepreneur ait retiré des morceaux de gypse et d’isolant du mur sur presque toute la largeur de la fondation, aucune fissure n’a pu être observée. La fissure arrière au coin gauche s’est cependant élargie depuis le rapport de l’expert et elle devra être corrigée. Les autres fissures observées, au pourtour des fenêtres, sont des fissures de retrait ne nécessitant pas de correctif.
Les planchers et le mur extérieur du rez-de-chaussée sont de niveau et ne démontrent aucun déplacement latéral. Il semble que la fondation glisse sous les poutrelles. Nous n’avons pas été en mesure de constater de quelle façon la structure du plancher était ancrée à la fondation. Les poutrelles sont perpendiculaires audit mur de fondation.
L’entrepreneur indique que le terrain est mal drainé sur ce côté et que de plus l’eau de drainage du voisin se déverse sur ce côté de la fondation. Aucune infiltration d’eau au sous-sol n’a été observée. Aucun soulèvement de la fondation qui aurait pu être provoqué par le gel du sol n’a été observé. Nous avons cependant constaté qu’il y avait une petite quantité d’eau à la surface du terrain et que les gouttières étaient gelées. Le bénéficiaire devra s’assurer qu’il y ait un dégagement suffisant sous la galerie avant entre le sol et la galerie afin d’éviter le soulèvement par le gel.
La fondation, pour des raisons que nous ignorons, subit une pression latérale qu’elle ne peut supporter. Une fondation doit résister adéquatement aux poussées latérales du sol et de l’eau qui s’exercent sur elle. Elle ne devrait pas subir les effets du gel et du dégel du sol ni ceux des mouvements d’expansion et de retrait du terrain dus à l’humidité.
L’entrepreneur devra déterminer les causes exactes du mouvement du mur de fondation gauche et apporter les correctifs requis. Il devra par la suite remettre les lieux à leur état d’origine.
ANALYSE ET DÉCISION (points 1 et 2) :
De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec les points 1 et 2 rencontrent tous les critères du vice caché.
Par conséquent, l’administrateur doit accueillir la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ces points.
CONCLUSION
POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :
ACCUEILLE la demande de réclamation des bénéficiaires pour les points 1 et 2.
ORDONNE à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait aux points 1 et 2, et ce, dans un délai de quarante-cinq (45) jours suivant réception de la présente. »
2. À la réquisition des parties, le Tribunal s’est déplacé chez les bénéficiaires pour constater l’état des lieux.
3. Le cahier de pièces de l’Administrateur, comportant les pièces et onglets A-1 à A-11 a été admis par toutes les parties représentées lors de l’audience.
4. La juridiction du tribunal n’a pas été remise en question par aucune partie.
5. L’audience s’est déroulée au domicile des bénéficiaires.
LA PREUVE
Témoignage de monsieur Vincent Rochette
6. Monsieur Rochette est entrepreneur à son compte depuis 2009.
7. La résidence des Bénéficiaires était la 4e maison qu’il construisait en tant qu’entrepreneur général. Avant de gérer cette entreprise de construction et d’être accrédité comme entrepreneur général, le témoin travaillait comme ingénieur mécanique.
8. Lors de son témoignage, le témoin a déposé comme pièce E-1, une photographie montrant la résidence des bénéficiaires, pendant la construction et, toujours selon le témoin, on peut constater, sur cette photo, que le terrain a une pente positive de la maison jusqu’à la rue.
9. A l’automne 2011, selon le témoin, le client a fait le terrassement et dès le mois de décembre 2011 une fissure s’est produite au bas de l’escalier intérieur de la maison conduisant du rez-de-chaussée au sous-sol. Le témoin s’est empressé de réparer cette fissure.
10. En janvier 2012, la même fissure est réapparue et a finalement été colmatée en décembre 2013, soit près d’une année après l’apparition de la même fissure pour un deuxième épisode.
11. En juin 2013, six mois plus tard, la même fissure est réapparue, de là les questionnements qui ont surgi tant chez les bénéficiaires que chez le témoin.
12. Monsieur Rochette a alors requis la présence d’un conseiller technique de l’APCHQ qui, malgré sa visite, n’a pu déterminer la cause de l’apparition chronique de ces fissures.
13. En septembre 2013, l’expert Stephen Lagueux, de Lagueux Inspection, est venu sur place et a conclu que ladite fissure réapparaissait conséquemment à un mauvais positionnement des lattes de support des panneaux de gypse. Cette conclusion a immédiatement été contestée par l’entrepreneur.
14. En octobre 2013, l’entrepreneur a requis des bénéficiaires qu’ils ajoutent une quantité de pierres de calibre ¾ net près de la maison jusqu’au niveau des margelles et en pente positive, s’éloignant de la fondation.
15. Le témoin dépose par la suite, en E-2, une photo représentant le mur gauche de la propriété, vu de l’arrière vers l’avant.
16. En E-3, une photo est également produite au dossier, montrant une vue plus perpendiculaire de la fondation et de l’entrée en pierres et démontrant, tout comme à la pièce E-2, les margelles qui dépassent d’une hauteur de deux blocs de pierres de la surface de l’entrée d’automobile. Ces photos ont été prises avant l’ajout de pierre en octobre 2013.
17. En décembre 2013, des fissures réapparaissent et sont de plus en plus nombreuses et évidentes, démontrant ainsi, selon le témoin, que le rehaussement de l’entrée jusqu’au niveau des margelles fut insuffisant.
18. Le témoin a constaté durant l’hiver 2013/2014 que le mur de fondation gauche de la propriété s’est incurvé vers l’intérieur d’un pouce supplémentaire (!) à ce qui avait été constaté auparavant.
19. Dans une correspondance datée du 29 mai 2014 destinée à toutes les parties, qui n’a pas été cotée lors de l’audition de l’arbitrage, le témoin a remis un schéma des hauteurs de terrain qui indique une pente négative qui va de l’extérieur du terrain vers la propriété.
20. Une série de dix photos prises par l’entrepreneur et jointe à la même correspondance montre que l’eau s’accumule entre la fondation de la propriété et le muret soutenant le terrain voisin, (photos 9 et 10), alors que les photos 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 affichent l’accumulation de glace dans l’entrée d’automobile pendant la période hivernale.
21. Le témoin fait remarquer au tribunal qu’il n’a pas retouché au terrassement de la propriété après son départ et la remise de la propriété au bénéficiaire alors que le terrain était nivelé, selon lui, de façon positive.
22. Le drain français autour de la maison est de conception régulière, reposant sur un lit de pierres 0,3/4 net, puis recouvert d’une membrane géotextile, elle-même à la base d’une couche de sable d’environ 3 pieds, tant en hauteur qu’en largeur.
23. La semelle de la fondation est de 8 pouces et le drain a été installé plus bas que la dalle de sous-sol.
24. Le témoin a également remis au tribunal une copie de la documentation qu’il remet aux acheteurs lors de la réception de la maison, documentation explicative quant au nivellement du terrain avec toutes les précautions requises.
25. En réponse aux questions de Me Manon Cloutier, procureur de l’Administrateur de la Garantie, le témoin admet qu’il n’a jamais construit d’autres maisons dans une rue en pente avant celle des bénéficiaires faisant partie du litige.
26. Quant à la propriété voisine plus élevée que celle des bénéficiaires, elle était en construction pendant la même période de construction et il était donc évident que ce terrain dominerait la propriété des bénéficiaires.
27. Le témoin confirme que dans de telles circonstances il faut porter une attention particulière aux pentes de drainage.
28. Il n’a cependant pris aucune précaution particulière autre que de s’assurer de la pente positive à partir de la fondation vers l’extérieur du terrain.
Témoignage de Monsieur Keven Giguère
29. En compagnie des copropriétaires et bénéficiaires de la propriété faisant l’objet du présent litige, le soussigné et tous les intervenants présents lors de l’audience ont eu l’occasion de voir l’aménagement extérieur de la propriété ainsi que l’intérieur du sous-sol côté gauche.
30. L’extérieur, sur le côté gauche, démontre que la propriété voisine surplombe, bordée par un muret de pierres ajouré, la propriété des bénéficiaires d’au moins 36 pouces.
31. Selon les dires de monsieur Keven Giguère, beaucoup d’eau s’écoule de cette propriété voisine. D’ailleurs dès le début de l’aménagement paysager il a fait courir, juste au bas du muret, un drain agricole qui recueille l’eau et l’amène directement à la rue, dans l’égout pluvial municipal.
32. Par ailleurs, après avoir acheté la propriété, il n’a ajouté que quelques centimètres de pierre pour faire une finition plus agréable de l’entrée pour les voitures et a tourbé la portion arrière du terrain. Il jure qu’il n’a d’aucune façon changé la pente du terrain, telle que remise par l’entrepreneur.
33. On constate, lors de la visite des lieux, qu’un nouveau remblai de pierre de 0-¾ a été ajouté près de la fondation, à hauteur des margelles pour créer une pente s’éloignant de la maison.
34. Il semble que, selon les témoignages, ce nouveau remblai n’ait rien changé à la poussée latérale du sol sur la fondation.
35. La visite de l’intérieur de la maison, particulièrement au sous-sol, démontre à tous, que la pression sur la fondation fait fissurer toute la finition intérieure du sous-sol et entraîne même une torsion des tiges métalliques supportant le plafond suspendu.
36. Quant aux discussions et rencontres préalables entre les bénéficiaires et l’entrepreneur, le témoin reprend sensiblement les mêmes constatations et les mêmes dates et périodes que celles exprimées précédemment par le représentant de l’entrepreneur, monsieur Vincent Rochette.
Témoignage de Stephen Lagueux
37. Monsieur Lagueux est inspecteur de bâtiments, surtout en mode préachat.
38. Il manifeste une expérience de vingt (20) ans dans le domaine de la construction, principalement à titre de contremaître sur des chantiers, dans les domaines commercial et industriel.
39. Il n’est pas membre de l’Ordre des technologues de la province de Québec.
40. Il a travaillé beaucoup aux États-Unis, particulièrement à titre de tireur de joints.
41. Il y a quelques années, il a obtenu sa licence d’entrepreneur mais, blessé, il a dû abandonner cet emploi pour se recycler comme inspecteur en bâtiments. Il n’a finalement pas réellement œuvré comme entrepreneur.
42. Lors de sa visite d’inspection préalable à la rédaction de son rapport daté du 18 septembre 2013, il n’a noté aucune déficience provenant de la fondation. Aucune indication visible pour lui au moment de sa visite ne laissait soupçonner un problème de fondation.
43. Il n’est pas expert en structure mais à la lumière des nouveaux rapports de l’inspecteur de l’APCHQ et de ses propres constatations récentes, relativement à la courbure de la fondation, il comprend que son rapport est obsolète.
44. Lors de sa visite d’inspection le 17 septembre 2013, le témoin a constaté de nombreuses fissures au sous-sol et a considéré que ces fissures, même si elles étaient mineures, étaient inhabituelles, particulièrement au bas de l’escalier.
45. Après avoir ouvert les murs, il a constaté que les fourrures d’ancrage des panneaux de gypse semblaient décollées du mur tel qu’on peut le voir aux pages 14 et 18 de son rapport.
46. Selon lui, le mauvais alignement des panneaux de gypse dans les angles des murs provoquait une tension qui se concrétisait finalement en fissures nombreuses et relativement larges.
47. Rien cependant, lors de son inspection, ne suggérait une inspection de la fondation.
48. En réponse à la procureure de l’administrateur, monsieur Lagueux affirme qu’il n’a constaté, à l’extérieur des fondations, aucune flaque d’eau stagnante qui pouvait laisser présager d’une problématique à la fondation.
49. C’est donc dire que, selon lui, lors de sa visite le 17 septembre 2013, tout devait être correct sinon il l’aurait noté dans son rapport.
Témoignage de monsieur Michel Hamel
50. Monsieur Hamel est technologue membre de l’Ordre des Technologues du Québec, il est inspecteur conciliateur auprès de l’APCHQ depuis dix (10) ans.
51. Auparavant, il a œuvré comme technicien en génie civil au service de la SCHL.
52. Il réalise environ 200 inspections par année tant pour les problématiques affectant des immeubles en condominiums que des résidences unifamiliales.
53. Le statut d’expert de M. Hamel est reconnu par l’entrepreneur, par les bénéficiaires et par le tribunal.
54. Sa décision rendue le 23 mars 2014 fait suite à une visite de la propriété des bénéficiaires du 12 mars 2014.
55. L’état des lieux constaté par le témoin lors de cette visite, était, selon lui, sensiblement le même que ce que la visite préliminaire à l’audition de la cause a révélé.
56. La fondation du mur gauche de la propriété subit une poussée latérale anormale qui la fait courber vers l’intérieur.
57. Selon le témoin, l’entrepreneur devrait s’assurer qu’une telle poussée ne se produise pas.
58. Sans connaître la cause précise de cette poussée, monsieur Hamel considère que l’entrepreneur doit s’assurer que la pente du terrain soit positive, c’est-à-dire en s’éloignant de la maison, pour éloigner l’eau afin d’éviter que le terrain près du bâtiment ne s’imbibe et subisse les effets du gel et du dégel provoquant, selon toute probabilité, la poussée latérale dommageable sur la fondation.
59. Le témoin avance une opinion, non confirmée par un expert en structure, à l’effet que le sable, servant de remblai au-dessus du drain français, agit comme une piscine, se gorge d’eau et gèle près de la fondation, exerçant sur celle-ci une poussée latérale trop forte pour que le mur puisse résister.
60. Étant donné que la découverte du problème et sa dénonciation sont survenues dans les temps requis au plan de garantie pour considérer qu’il s’agit d’un vice caché recevable, le témoin, représentant l’administrateur de la garantie, maintient la conclusion de son rapport du 23 mars 2014 à l’effet que « l’entrepreneur devra effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait aux points 1 et 2 . . . »
61. L’entrepreneur ne conteste pas les constatations et opinion sur la cause probable du problème, de l’inspecteur-conciliateur de l’administrateur de la Garantie et d’ailleurs, tel qu’il apparaît, particulièrement à l’onglet 4 du cahier des pièces de l’administrateur (A-4), monsieur Rochette écrivait :
« Je maintiens mon hypothèse qu’il y a une poussée extérieur exercées sur le côté gauche de votre salage...» (sic)
62. Monsieur Rochette rappelle au tribunal qu’à la clause 8 du contrat préliminaire produit en A-1, le tribunal doit prêter attention à la clause suivante :
« TRAVAUX APRÈS LA LIVRAISON
8. Lors de la livraison de l’immeuble, le terrain sera nivelé de manière à permettre l’égouttement naturel, conformément aux règlements municipaux et aux normes de la société prêteuse, ainsi que selon les règles de l’art. Cependant, les travaux de finition extérieure de l’immeuble ainsi que le nivellement du terrain pourront être complétés dans un délai raisonnable après la date d’occupation, si les conditions de température et d’assèchement du sol en empêchaient l’exécution avant la date fixée pour l’occupation de l’immeuble. Par ailleurs, le vendeur ne sera pas responsable des tassements et affaissements normaux pouvant survenir dans le sol et le terrassement autour de l’immeuble. »
63. Et en pièce A-6, monsieur Rochette avançait également ce qui suit :
« Selon moi et jusqu’à preuve du contraire, ceci est dû à l’absence de pente durant les deux premières années d’occupation. Vu la configuration du terrain beaucoup d’eau arrive sur ce côté. Cette eau ne pouvant être évacuée efficacement elle détrempe le sol, le sable entre autre. Alors, lors de gel, ce sable se durcit comme de la roche et pousse sur le salage ».
64. Cet argument de l’entrepreneur fera l’objet d’une discussion ultérieure de la part du tribunal;
65. La procureure de l’administrateur de la Garantie fait valoir au tribunal que l’entrepreneur a porté la décision de l’administrateur en arbitrage et qu’il doit donc relever le fardeau de preuve.
66. C’est donc à l’entrepreneur de déterminer la cause du dommage à la propriété et de déposer une preuve prépondérante à l’effet qu’il ne doit supporter aucune responsabilité. Ce fardeau, selon la procureure, n’a pas été relevé.
67. L’entrepreneur avait le loisir de retenir les services d’un expert pour les fins de l’arbitrage. Ce qu’il n’a pas fait.
ANALYSE
68. La preuve des dommages repose essentiellement sur l’évidence, lors de la visite des lieux, de la courbure prononcée du mur de fondation gauche de la propriété qui s’incline vers l’intérieur et provoque divers bris et inconvénients sur les murs et structures intérieures du sous-sol du bâtiment.
69. Cette évidence visuelle est, par ailleurs, admise et confirmée, par les témoignages des bénéficiaires, de l’entrepreneur, et de l’inspecteur-conciliateur à l’emploi de l’Administrateur de la Garantie.
70. Dans sa correspondance du 21 janvier 2014, déposée en A-6, l’Entrepreneur reconnaissait déjà cet état de fait, alors qu’au paragraphe 2 de cette correspondance il écrivait :
« Alors lors de gel ce sable se durcit comme de la roche et pousse sur le salage. » (sic)
71. Dans sa décision du 23 mars 2014, déposée en A-8, l’inspecteur-conciliateur de l’Administrateur de la Garantie écrivait au haut de la page 4 :
« Le mur de fondation s’est courbé vers l’intérieur de 1,5 cm en l’espace de deux (2) mois pour un total de 3 cm. »
72. Il n’y a, par conséquent, aucun doute quant au fait que la courbure, vers l’intérieur, du mur de fondation gauche, est un dommage en soi, en plus de créer toutes sortes de bris à la finition intérieure du sous-sol, tel que constaté d’ailleurs par tous les intervenants.
73. Les bénéficiaires et leur expert, monsieur Stephen Lagueux ne sont pas en mesure d’expliquer la cause de cette détérioration au mur de fondation.
74. L’entrepreneur n’est pas en mesure d’expliquer le renfoncement du mur de fondation et ne produit aucun expert pour fournir quelque explication que ce soit. Selon lui, il s’agit d’un phénomène de pénétration de l’eau dans le sol qui gèle, par la suite, et occasionne une poussée latérale sur le mur de fondation qui ne peut résister.
75. Selon lui, cet état de chose serait dû au terrassement effectué par les bénéficiaires après la prise de possession de la propriété. Voilà le fondement de sa demande d’arbitrage.
76. Or, les bénéficiaires affirment qu’ils n’ont ajouté que quelques centimètres de pierres en surface, par-dessus le terrassement brut déjà effectué par l’entrepreneur, avant la livraison de la propriété et qu’en aucun cas ils n’ont changé de quelque façon que ce soit les pentes du terrain.
77. L’aménagement paysager arrière de la propriété démontre qu’il n’y a eu qu’un ajout de tourbe pour agrémenter les lieux.
78. Considérant que le terrain voisin, à gauche de la propriété, est beaucoup plus haut que leur propre terrain, les propriétaires, lors de l’aménagement de l’entrée pour automobile, ont pris la précaution d’insérer un drain agricole dans le sol pour évacuer l’eau de ruissellement qui provenait de la propriété voisine lors de fortes pluies.
79. Les intervenants professionnels s’entendent pour dire que ce drain agricole ne peut pas être utile à l’évacuation de l’eau en période de gel.
80. L’inspecteur-conciliateur monsieur Michel Hamel, reconnu comme expert par les autres parties, témoigne à l’effet que la cause la plus probable des dommages est l’infiltration d’eau dans le sol, plus particulièrement dans le sable, au-dessus du drain français, qui n’évacue pas suffisamment cette eau de ruissellement et gèle, durant la période hivernale, pour causer une poussée latérale sur le mur de fondation et le faire courber vers l’intérieur du bâtiment.
81. Considérant que cette explication du seul expert reconnu à l’audience est la plus probable et rejoint celle de l’entrepreneur qui admet que le gel du sol près de la fondation crée une poussée latérale sur celle-ci, le tribunal CONCLUT que la cause la plus probable selon la preuve déposée à l’audience est que :
« Le terrain tel que remis aux bénéficiaires présente des pentes négatives, le tout tel qu’il appert au schéma d’ailleurs présenté par l’entrepreneur, et que le terrain ne se draine pas adéquatement, causant un gel près de la fondation du côté gauche de la propriété qui exerce la poussée latérale fatale à la fondation ».
82. L’administrateur de la Garantie et l’entrepreneur ont déposé auprès du tribunal des décisions qu’il y a lieu d’analyser comme suit :
83. Dans la décision produite par l’entrepreneur, le Syndicat de la copropriété 5115 à 5121 des Ormes et 2157-3235 Québec Inc. et la Garantie Habitation du Québec Inc., l’arbitre Claude Dupuis, ingénieur, le 9 mars 2007 décidait comme suit, suite à une preuve de fissuration du solage qui occasionnait des problèmes divers à la propriété :
« [10] Toutefois, il existe une preuve prépondérante, et la visite des lieux l’a clairement démontré, que cette situation est causée par les pentes du terrain qui entraînent les eaux de surface à proximité des murets de soutènement, augmentant les pressions latérales sur ces derniers et augmentant les forces de soulèvement sur la dalle de béton lors des cycles de gel.
[11] . . .
[12] Et en plus de cette pente défavorable, le sol de la cour arrière de ces propriétés fait face à un terrain passablement plus élevé . . .
[13] En accord avec l’administrateur, le soussigné estime que cette situation, est causée par le terrassement . . . »
84. Tel que précédemment mentionné et selon un document produit par l’Entrepreneur avec sa correspondance du 29 mai 2014, le schéma démontre que dans l’environnement immédiat de la fondation, le terrain est en pente négative.
85. Il est à noter que dans le cas présent, la preuve prépondérante démontre que les bénéficiaires n’ont aucunement changé les pentes du terrain après la prise de possession. Ils ont même pris soin de faire courir un drain agricole.
86. Compte tenu de cette preuve, le tribunal en vient à la conclusion que l’accumulation de l’eau près de la fondation et ces périodes de gel néfastes ne sont pas le résultat de l’aménagement paysager effectué par les bénéficiaires et sont couverts par la garantie, tel que reconnu d’ailleurs par les représentants de la Garantie elle-même et par le rapport de l’inspecteur-conciliateur daté du 23 mars 2014 :
« Analyse et décision (points 1 et 2) :
De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec les points 1 et 2 rencontrent tous les critères du vice caché.
Par conséquent, l’administrateur doit accueillir la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ces points. »
87. La procureure de l’administrateur de la Garantie, Me Manon Cloutier, quant à elle, a soumis au tribunal l’analyse de deux sentences arbitrales qu’il y a lieu de rapporter brièvement comme suit et considérer qu’elles s’appliquent particulièrement efficacement au présent litige soit :
88. Dans une cause de Vincenzo Pampena et Linda Calderone et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. et Habitations André Taillon Inc., l’arbitre Me Karine Poulin, dans une décision du 6 avril 2014 statuait comme suit :
« [61] En ce qui concerne le point 20 relatif au système de chauffage et de climatisation, le Tribunal doit conclure à l’absence de preuve. En l’espèce, aucune demande de visite des lieux n’a été faite de sorte que l’arbitre soussignée n’a pas été en mesure de faire le constat des écarts de température mentionnés. En l’absence de preuve matérielle ou d’expertise, l’arbitre doit s’en remettre aux seuls témoignages des parties. Bien que le Tribunal ne remette pas en doute la sincérité des propos des Bénéficiaires, le Tribunal ne dispose pas non plus de motifs pour remettre en doute les propos de l’inspecteur-conciliateur lorsqu’il affirme n’avoir ressenti aucune variation de température lors de son inspection en septembre 2012.
[62] Le Code civil du Québec, en ses articles 2803 et 2804, prévoit ce qui suit :
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
[63] S’en remettant au fardeau de preuve qui incombe aux Bénéficiaires, le Tribunal se doit de rejeter la réclamation des Bénéficiaires sur ce point. »
89. Dans une autre décision arbitrale datée du 25 mai 2009, dans la cause de Allan Stringer et Micheline Stringer et 2157-2235 Québec Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc., l’arbitre Claude Dupuis, ingénieur, statuait en page 6 :
« [25] Certes, la preuve technique ci-devant décrite par le conciliateur de l’administrateur est prépon-dérante; de fait, il n’existe ps d’autre preuve.
[26] . . .
[27] . . .
[28] Je répète que la preuve de l’administrateur est prépondérante, puisqu’il n’en existe pas d’autre. »
90. Dans notre cas, le soussigné irait même plus loin, considérant que les conclusions de l’inspecteur-conciliateur concordent presqu’entièrement avec les conclusions de l’entrepreneur lui-même.
91. Le tribunal considère, par conséquent, suite à la l’analyse de la preuve documentaire et des témoignages à l’audience, ainsi que de la visite des lieux, que la décision de l’inspecteur-conciliateur de l’administrateur de la Garantie, datée du 23 mars 2014 doit être maintenue, selon ses conclusions.
92. L’entrepreneur devra déterminer les causes exactes du mouvement du mur de fondation gauche et effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait aux points 1 et 2 de la décision et ce, dans un délai de quarante-cinq (45) jours suivant réception de la présente décision, à moins que, compte tenu de l’arrivée prochaine de la période hivernal, les parties s’entendent pour exécuter les travaux au printemps prochain, mais ne dépassant pas quarante-cinq (45) jours après le 15 avril 2015.
93. L’entrepreneur devra, par la suite, remettre les lieux tant à l’extérieur qu’à l’intérieur à leur état d’origine.
94. Aucune demande de frais d’expertise n’a été présentée au tribunal et en conséquence, aucun frais ne sera alloué à ce titre.
DÉCISION
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL
Le Tribunal REJETTE la demande de l’entrepreneur datée du 23 mars 2014;
MAINTIENT la décision de l’inspecteur-conciliateur de l’adminis-trateur de la Garantie datée du 23 mars 2014, selon ses conclusions;
ORDONNE à l’entrepreneur de déterminer les causes exactes du mouvement du mur de fondation gauche et d’apporter les correctifs requis;
ORDONNE à l’entrepreneur de remettre l’aménagement paysager dans son état original;
ORDONNE à l’entrepreneur de remettre la finition du sous-sol dans son état d’origine incluant le plafond suspendu.
LE TOUT dans un délai de 45 jours suivant la réception de la présente sentence arbitrale, à moins que, compte tenu de l’arrivée prochaine de la période hivernale, les parties s’entendent pour exécuter les travaux au printemps prochain mais ne dépassant pas 45 jours après le 15 avril 2015.
À DÉFAUT par l’entrepreneur de corriger la situation dans les délais susdits ORDONNE à l’administrateur de procéder aux travaux nécessaires en conformité avec le Règlement sur le plan de Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. ;
ORDONNE que le coût du présent arbitrage soit défrayé selon les dispositions de l’article 123 du Règlement sur le plan de Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. ;
MONTRÉAL, le 11 novembre 2014
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Jean Doyle, avocat
Arbitre
Autorités consultées
1Syndicat de la copropriété 5115 à 5121 des Ormes et 2157-3235 Québec Inc. et la Garantie Habitation du Québec Inc., l’arbitre Claude Dupuis, ingénieur, le 9 mars 2007
2Vincenzo Pampena et Linda Calderone et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. et Habitations André Taillon Inc., l’arbitre Me Karine Poulin, dans une décision du 6 avril 2014
3 Allan Stringer et Micheline Stringer et 2157-2235 Québec Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc.
JDY-1500-041-GAMM