(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI)
No dossier Garantie: 128671-1
No dossier SORECONI : 090325002
Date: 10 août 2009
ENTRE MADAME KIM NOVAK ET MONSIEUR SEBASTIAN WRZESIEN
(ci-après « les Bénéficiaires »)
ET Les Immeubles Nordet (9152-6103 Québec Inc.)
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc
(ci-après « l’Administrateur »)
Arbitre : Me France Desjardins
Pour l’entrepreneur : Non représenté
Pour les Bénéficiaires : Madame Kim Novak et Monsieur Sebastian Wrzesien
Pour l’Administrateur : Me François Laplante, procureur
Monsieur Jacques Fortin, inspecteur-conciliateur
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 2 avril 2009.
5 mai 2007 Contrat préliminaire et contrat de garantie
26 octobre 2007 Déclaration de réception du bâtiment
27 octobre 2007 Acte de vente
10 juin 2008 Lettre des Bénéficiaires à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur
7 juillet 2008 Lettre de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires
14 juillet 2008 Demande de réclamation à l’Administrateur
25 août 2008 Avis de 15 jours aux parties
11 février 2009 Décision de l’Administrateur
25 mars 2009 Demande d’arbitrage des Bénéficiaires
2 avril 2009 Nomination de l’arbitre
21 mai 2009 Conférence préparatoire téléphonique
10 juillet 2009 Audition
Décision
[1] En mai 2007, les Bénéficiaires signent un contrat préliminaire pour l’achat d’un terrain et la construction d’un bâtiment à usage d’habitation unifamiliale sur la rue Maréchal-Ferrant à St-Calixte
[2] Dans le formulaire d’inspection préréception du bâtiment que les Bénéficiaires et l’Entrepreneur signent en octobre 2007, sont notés plusieurs travaux à compléter d’ici le 15 novembre suivant.
[3] Le 10 juin 2008, les Bénéficiiares adressent une lettre à l’Entrepreneur lui rappelant que plusieurs travaux identifiés lors de la réception du bâtiment n’ont toujours pas été effectués, particulièrement ceux à l’extérieur du bâtiment, lesquels n’avaient pu être complétés avant la neige.
[4] Le 7 juillet 2008, l’Entrepreneur répond en identifiant certains éléments de la réclamation qui n’étaient pas inclus au contrat et en faisant état de certains extras qui auraient été exécutés en sus de ce qui était prévu au contrat. Il réclame des frais pour certains extras ou fait état de la valeur monétaire de certains autres qu’il considère comme des cadeaux dont auraient profité les Bénéficiaires. Enfin, alléguant la mauvaise foi des Bénéficiaires, l’Entrepreneur réfère ceux-ci à «La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ»(sic), à laquelle les Bénéficiaires s’adressent immédiatement.
[5] Insatisfaits de la décision rendue par l’Administrateur de la Garantie qui rejette certains éléments de leur réclamation, au motif de leur exclusion du contrat de garantie, les Bénéficiaires déposent une demande d’arbitrage. Plus particulièrement, ils contestent la décision rendue en février 2009 sur les points 9 à 12 et qui concernent :
[5.1] Relèvement du sol autour de la maison à 8 pouces du « canexel » sur la moitié droite du bâtiment (façade, côté et arrière) incluant le relèvement des descentes de gouttières.
[5.2] Déplacement de certaines roches pour soutenir le remblai du sol une fois relevé.
[5.3] 1000 pieds carrés de gazon à fournir et installer;
[5.4] Pierre manquante dans l’allée auto.
[6] Une visite des lieux précède l’audition qui se tient le 10 juillet 2009 au domicile des Bénéficiaires, en leur présence. L’Administrateur y est représenté par son procureur et l’inspecteur-conciliateur signataire de la décision de l’Administrateur.
[7] Bien que dûment convoqué, l’Entrepreneur n’est pas présent ni représenté.
La preuve et l’argumentation
[8] Lors de la visite des lieux et à l’audition, les représentations des parties ont surtout porté sur la question du nivellement du sol, désigné plutôt comme le relèvement du sol dans la décision de l’Administrateur, du déplacement de roches pour soutenir le sol une fois relevé ainsi que de l’érosion sous les dalles de béton avant et arrière et aux abords du bâtiment.
[9] Il s’agit d’une maison de style fermette, construite hors sol. Du côté gauche, le bâtiment est au niveau du sol alors que du côté droit, en façade et en arrière, on constate une distance importante entre le parement et le sol, plus particulièrement sur le côté du bâtiment. À l’audition, monsieur Jacques fortin, signataire de la décision, l’évalue à 16 à 18 pouces.
[10] En façade, les Bénéficiaires font valoir un vide sous la dalle du balcon. Ils évaluent plus précisément à environ un pied l’espace entre le sol et le dessous de la dalle et craignent que l’érosion endommage les fondations. Ils représentent que l’accès à la maison par l’avant n’est pas adéquat.
[11] Quant au déplacement de roches en vue de soutenir le remblai du sol une fois relevé, les Bénéficiaires expliquent que l’Entrepreneur s’y était engagé, qu’il n’a déplacé que quelques roches et qu’il en aurait vendu d’autres. Ils estiment que cette opération était prévue justement pour soutenir le terrain. Selon eux, l’absence de roches favorise le glissement du terrain sous la dalle à l’avant de la maison..
[12] De son côté, monsieur Jacques Fortin, l’inspecteur signataire de la décision de l’Administrateur, témoigne à l’effet que, lorsqu’il a procédé à l’inspection, il avait de la neige jusqu’aux hanches. Il rappelle les exclusions du contrat de garantie. Il admet que le sol n’est pas nivelé à 8 pouces du canexel mais, selon lui, vu la profondeur des fondations, ceci ne peut causer préjudice au bâtiment. À son avis, la distance évaluée à 16 à 18 pouces entre le parement et le sol est suffisante. Le nivelage à 8 pouces serait une question esthétique. Pour lui, l’affaissement est normal, les dalles n’étant pas fissurées, ni craquées, ni croches…«elles doivent donc être supportées adéquatement» dit-il. Il admet qu’il puisse y avoir une certaine érosion mais «rien qui laisse croire que le bâtiment est en danger». Quant au déplacement des roches, il s’agit d’un concept d’aménagement pour soutenir le soI. Il peut toujours y avoir de l’érosion s’il n’y a pas de végétation pour le soutenir ajoute-t-il.
[13] À la question de Me Laplante, procureur de l’Administrateur, qui lui demande si l’aménagement du terrain enlèverait tout risque de problème à la maison, monsieur Fortin répond que le Code du bâtiment exige un sol en pente pour éloigner l’eau du bâtiment mais que la descente en l’espèce, quoique prononcée, ne met pas en danger la pérennité du bâtiment.
[14] En argumentation, les Bénéficiaires plaident essentiellement que tout ce qui est réclamé était écrit dans le contrat et dans le formulaire d’inspection préréception complété par l’entrepreneur lui-même. Pour eux, tout ce qui était écrit dans le contrat était garanti par «l’APCHQ qui permet aux entrepreneurs de remplir des contrats en leur nom». Ils ne comprennent et n’admettent pas que leur réclamation ne serait pas recevable. Ils ajoutent qu’ils sont pris : il leur est impossible d’aménager le terrain dans les conditions actuelles. Ils ajoutent que dans le formulaire pré-réception, il y a une page complète de vérifications à l’extérieur du bâtiment. Pour eux, l’article 4.9 du contrat contredit cette page et viserait plutôt l’aménagement de fleurs et rocailles dans un but esthétique. Finalement, ils ont payé en entier l’Entrepreneur et le temps passe sans que les travaux soient exécutés.
[15] Pour sa part, le procureur de l’Administrateur rappelle que le contrat contient une partie contractuelle et une partie statutaire. Comme le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est d’ordre public, il doit être interprété restrictivement. Pour le démontrer, Me Laplante réfère à certaines de ses dispositions dont celles relatives à la définition du bâtiment, l’obligation d’adhésion de l’entrepreneur à un plan de garantie, les couvertures et les exclusions de la garantie.
[16] Concernant le point 9 (Nivellement ou Relèvement du sol), Me Laplante représente que c’est uniquement le nivellement brut qui est couvert pour éviter les dommages. Quant aux points 10, 11 et 12 concernant le déplacement des roches pour soutenir les remblais, le gazon et les pierres dans l’allée d’auto, il s’agit d’aménagement, exclu du contrat de garantie.
[17] Il plaide que le législateur a voulu couvrir le bâtiment et son enveloppe, ce qui ne veut pas dire que l’Entrepreneur ne peut pas s’engager à plus. L’Administrateur est une caution de l’Entrepreneur dans la limite des obligations couvertes par la garantie.
[18] Relativement au formulaire d’inspection pré-réception, Me Laplante rappelle que chaque bâtiment doit être inspecté. La liste des éléments à vérifier n’est pas celle de l’APCHQ mais est imposée par la Régie du bâtiment du Québec. Quant à la première page du formulaire, listant les éléments à vérifier à l’extérieur, elle vise des éléments de l’extérieur du bâtiment proprement dit, tel que défini à l’article 1 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[19] Il argue enfin qu’une analyse doit être faite dans chaque cas et que les critères d’analyse sont prévus dans le cadre réglementaire. Or, les 4 points de la réclamation sont exclus par le législateur. Si l’entrepreneur a fait des promesses concernant ces points, le remède se trouve sans doute dans un autre recours. À l’appui de son argumentation, Me Laplante dépose 4 décisions[1] et ajoute que l’équité prévue à l’article 116 vise l’équité procédurale et ne devrait pas être utilisée en l’espèce.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[20] Les Bénéficiaires basent leur réclamation sur le contrat qu’ils ont conclu avec l’Entrepreneur et le formulaire pré-réception du bâtiment dans lequel celui-ci s’est engagé à effectuer certains travaux faisant l’objet de la réclamation, formulaire, disent-ils, qui lie l’Administrateur.
[21] Toutefois, à l’audition, les Bénéficiaires ont reconnu avoir signé le contrat de garantie, lequel contient, à l’article 4.9, les exclusions alléguées par l’Administrateur.
[22] Ainsi, quoique l’exercice ne soit pas limpide pour les Bénéficiaires, l’arbitre doit, s’il y a lieu, distinguer les engagements de l’entrepreneur et les couvertures de la garantie et décider si la décision de l’Administrateur était justifiée en regard de l’article 12.9 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (reproduit à l’article 4.9 du contrat de garantie).
[23] Plus précisément, il y a lieu d’établir si les points 9,10,11 et 12 de la décision de l’Administrateur sont couverts par la garantie, conformément à la réglementation en vigueur, laquelle doit, comme l’a plaidé à juste titre le procureur de l’Administrateur, être interprétée restrictivement.
[24] Rappelons d’abord la disposition pertinente du Règlement :
12. Sont exclus de la garantie:
…
9° les espaces de stationnement et les locaux d'entreposage situés à l'extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvrage situé à l'extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain; [2]
…
[25] Il ne fait aucun doute, dans l’esprit de la soussignée, que l’installation de gazon et l’ajout de pierre manquante dans l’allée d’auto sont spécifiquement exclus de la garantie comme référant, pour un, au terrassement et pour l’autre, aux allées ou espaces de stationnement. La décision de l’Administrateur sur les points 11 et 12 est donc pleinement justifiée.
[26] Reste la question du nivellement ou «relèvement» du sol comme l’a désigné l’inspecteur dans sa décision (point 9) ainsi que le déplacement de roches pour soutenir le remblai du sol une fois relevé (point 10).
[27] Il est clair et confirmé par la jurisprudence, tant celle déposée par le procureur de l’Administrateur que celle qui m’est connue, que le nivellement et les remblais de finition sont exclus de la garantie. Ils relèvent en effet généralement davantage de l’esthétisme que de la protection du bâtiment.
[28] Toutefois, ce n’est pas sans raison que le premier élément à vérifier qui apparaît dans le formulaire d’inspection préréception du bâtiment, sous la rubrique «Terrain» soit le « niveau de sol aux abords du bâtiment », suivi immédiatement de la vérification des «murs de fondation» sous la rubrique «Fondations». Qui plus est, en ce qui a trait au niveau de sol, on a bien pris soin de spécifier, via une astérique en bas de page, que «l’aménagement du terrrain est exclu de la garantie», indiquant ainsi clairement qu’a contrario, un nivellement brut ayant pour objectif de protéger les fondations et de supporter la finition aux abords du bâtiment n’est pas exclu du contrat de garantie.
[29] D’ailleurs, l’argumentation du procureur de l’Administrateur et le témoignage de son inspecteur expert corroborent mon interprétation sur cette question.
[30] À l’audience, la présence d’érosion a été soulevée à plusieurs reprises par les bénéficiaires. L’inspecteur expert de l’Administrateur a témoigné qu’à son avis, le bâtiment ne serait pas en danger. Toutefois, le témoignage de monsieur Fortin s’appuie sur une inspection effectuée, de son propre aveu, en plein hiver alors qu’il avait de la neige jusqu’aux hanches ainsi que sur un constat visuel lors de la visite des lieux. Cependant, aucune preuve technique n’a été versée au dossier.
[31] Quant à la question du déplacement des roches pour soutenir le remblai du sol une fois relevé (point 10), l’arbitre partage l’avis de monsieur Fortin à l’effet qu’il s’agit là d’un concept d’aménagement pour soutenir le sol. Or, le choix des moyens pour assurer le niveau de performance requis appartient à celui qui en a la responsabilité.
DÉCISION
[32] L’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[3] Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.[4]
[33] À titre d’arbitre désignée, la soussignée est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie. Il décide dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[34] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et vu que le Bénéficiaire a partiellement obtenu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;
123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage ET MAINTIENT la décision de l’Administrateur quant aux points 11 et 12, le tout sans préjudice et sous réserve des recours appropriés que les bénéficiaires pourraient porter devant les tribunaux civils.
ACCUEILLE EN PARTIE la demande d’arbitrage quant au point 9 et DÉCLARE que le nivellement brut visant à protéger les fondations et à supporter la finition aux abords du bâtiment n’est pas exclu du contrat de garantie.
CONSIDÈRE que le point 10 doit suivre le sort du point 9.
ORDONNE à l’Administrateur d’obtenir une attestation à l’effet que les fondations ne courent aucun risque de dommages.
LE TOUT avec frais à être assumés par l’Administrateur.
France Desjardins, avocate
Arbitre, SORECONI
10 août 2009
[1] Serge Brisson et Jacques Jr Brabant et 9141-1074 Québec Inc (Construction Norjo) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, CCAC, Me Michel Jeanniot, 3 novembre 2008;
Medgine Jean et Hertel Brunache c. Goyette Duchesne et Lemieux Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, SORECONI, M. Guy Pelletier, 26 janvier 2009;
Christian Robitaille c. 2323-4255 Québec Inc et Guy Cliche et Cyrille Guy Cliche et Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, CQ 500-32-101470-062, Hon. Marie Michelle Lavigne, 27 octobre 2008;
Éric Giroux et Les Habitations Promax Inc. et La Garantie des maîtres bâtisseurs Inc, SORECONI, M. Guy Pelletier, 19 novembre 2008.
[2] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, R.Q. c. B-1.1,r.0.2
[3] Article 116 du Règlement
[4] Articles 20 et 120 du Règlement