TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:

 

Canada

Province de Québec                                   SDC 12505, 12507, 12509, 71E  Avenue

District de Montréal                                       Bénéficiaire

S12-071001-NP                                          c.

                                                                       Construction Prodan Inc.

Entrepreneur

Et :                                       

Garantie des maisons neuves

de l’APCHQ Inc.

Administrateur

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                         Me Roland-Yves Gagné

 

Pour le Bénéficiaire :                                  Christine Lefort

                                                                       Esther Sanchez

                                                                       Billy Chérubin

                                                                       Patrick Landry

                                                                       Jarrett Fisher

           

Pour l’Administrateur :                                Me Luc Séguin

                                                                       Johanne Tremblay

                                                                       Jean Desormeaux

 

Pour l’Entrepreneur :                                   Danièle Leblanc

                                                                       Gerry Saumur

 

Date de l’audition :                                      26 novembre 2012

 

Lieu de l’audition :                                       Palais de justice de Montréal

                                                                       1 est, rue Notre-Dame, salle 14.10

                                                                       Montréal

                                  

Date de la décision :                                   11 décembre 2012


 

Description des parties 

 

Bénéficiaire

 

SDC 12505, 12507, 12509, 71E  Avenue

a/s Madame Christine Lefort

12507, 71e Avenue

Montréal, Qc.

H1C 1K8

 

Entrepreneur

 

Construction Prodan Inc.

a/s Madame Danièle Leblanc

10340 est, boul. Gouin

Montréal, Qc.

H1C 1B1

 

Administrateur

 

Me Luc Séguin

Savoie Fournier

Contentieux de l’APCHQ

5930 boulevard Louis-H. Lafontaine,

Anjou, Qc.

H1M 1S7

 

 

 

 

 


MANDAT ET JURIDICTION

 

Le Tribunal est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par le Bénéficiaire en date du 10 juillet 2012 reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le même jour, et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 11 juillet 2012.

 

Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.

 

 

HISTORIQUE DU DOSSIER

 

L’immeuble est situé au 12505, 12507 et 12509 71e Avenue, à Montréal.

 

Le 26 août 2008, l’Entrepreneur signait une déclaration de copropriété (pièce A-1).

 

Le 9 février 2009, l’Entrepreneur signait le formulaire de préreception (pièce A-2).

 

Le 18 septembre 2010, Canada-Spec produisait une liste de réparation et d’amélioration (pièce A-3).

 

Le 3 octobre 2011, le Bénéficiaire adressait une lettre à l’Entrepreneur, reçue par l’Administrateur le 6 octobre 2011 (pièce A-4).

 

En date du 18 janvier 2012, l’Administrateur envoyait un avis de 15 jours à l’Entrepreneur (pièce A-5).

 

En date du 1er février 2012, l’Entrepreneur répondait à l’Administrateur (pièce A-6).

 

Le 10 avril 2012, l’Administrateur rendait une décision (pièce A-7).

 

Le 26 mai 2012, Toitech procédait à une vérification de la toiture (pièce A-8).

 

Le 11 juin 2012, l’Administrateur rendait une autre décision (pièce A-9). Le 10 juillet 2012, le Bénéficiaire produisait une demande d’arbitrage de cette décision.

 

Le 3 juillet 2012, un représentant du Bénéficiaire envoyait une lettre de BP Matériaux de Construction à l’Administrateur (pièce A-10). 

 

Autres pièces de l’Administrateur :

 

3 novembre 2012 Rapport de Toitech (pièce A-11).

Photographies fichier 12-5141 B 31 octobre 2012 (pièce A-12).

CV de Monsieur Desormeaux (pièce A-13).

Du site internet BP - Mode de pose - Bardeaux d’asphalte (pièce A-14).

Pièces du Bénéficiaire :

 

Demande d’arbitrage (pièce B-1).

Courriel de Madame Johanne Tremblay du 3 juillet 2012 (pièce B-2).

Rapport d’inspection toiture du 24 septembre 2012 (pièce B-3).

 

Pièces de l’Entrepreneur :

 

Facture du 10 juillet 2012 (pièce E-1).

Facture du 12 juillet 2012 (pièce E-2).

Fax de Diane Leblanc du 26 juin 2012 (pièce E-3).

Fax de Diane Leblanc du 11 juillet 2012 (pièce E-4).

Rapport du 10 septembre 2012 de Gerry Saumur (pièce E-5).


 

LE DROIT

 

[1]       Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement)

Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

 

[2]       La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause ( AZ-50285725 du 15 décembre 2004)  a jugé que ce Règlement était d’ordre public 

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.

[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle

variera selon les circonstances factuelles […]

[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative.

 

 

[3]       La Cour supérieure affirme dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis ( 2007 QCCS 4701 26 octobre 2007, C.S., Michèle Monast, juge)

[75] Il est acquis au débat que l'arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu'il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui.  Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie.

 

 

 

 

[4]       L’article 27 du Règlement indique l’étendue de la couverture de la garantie (extraits)

27.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

 

 […]   4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

 

FAITS

 

[5]       Au début de l’audience, le Tribunal a demandé au Bénéficiaire, qui requiert la révision de la décision de l’Administrateur, quelle était sa demande précise.  Le Bénéficiaire a répondu, que le toit soit refait au complet et que tous les problèmes causés par l’infiltration d’eau, y compris les moisissures, soient corrigés.

[6]       L’Entrepreneur affirme quant à lui qu’il s’agit de savoir si les réparations effectuées sont adéquates, sinon, quels sont les correctifs à être apportés.

[7]       Le 10 avril 2012, l’Administrateur rendait la décision suivante (extrait de la pièce A-7) :

1. Soulèvement des bardeaux d’asphalte

Les faits

Au printemps 2011, soit en début de troisième année de garantie, le représentant du syndicat a dénoncé avoir remarqué des bardeaux qui partaient au vent.

L’inspection a permis d’observer et de répertorier environ 29 pièces de bardeaux qui seraient manquantes sur la toiture de façade, l’arrière nous étant apparu sans problème.

Ultérieurement à l’inspection, la soussignée recevait un appel l’informant que de nouveaux morceaux de bardeaux avaient été retrouvés au sol.

Considérant le nombre de bardeaux manquants, l’administrateur mandatera donc un tiers pour que soit effectuée une expertise de la toiture, et ce, avant de rendre une décision.

[8]       En date du 26 mai 2012 (pièce A-8), l’expert Jean Désormeaux de la firme Toitech mandaté par l’Administrateur produit un rapport dont voici un extrait de la partie Analyse et recommendation :

Les infiltrations d’eau rapportées se situent au-dessus de la zone où les bardeaux furent arrachés et où le support est exposé […]  L’examen de la toiture a révélé principalement des problèmes d’adhésion au niveau du bardeau d’asphalte.  Cette situation découle d’un problème de fabrication du bardeau lui-même.  Des problèmes d’installation sont également observés.  Les vallées sont mal réalisés compte tenu de la présence de clous à moins de six pouces de l’axe central, la protection d’avant-toit est sous le fascia plutôt que sur et le clouage est hétérogène.  La pose d’une sous-couche en feutre no 15 est  obligatoire chez certain manufacturier.  Cette condition devra être validée auprès du manufacturier du bardeau en place […] La présence de moisissures fut observée à quelques endroits dans les entretoits et devrait faire l’objet d’un examen particulier ou de décontamination.  L’isolant mouillé devra être remplacé.

L’entrepreneur couvreur et le fabricant devraient être appelés en garantie pour la reprise des travaux […]

[9]       Suite à ce rapport, l’Administrateur rend la décision suivante le 11 juin 2012 (extrait de la pièce A-9) :

[…] De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec le point 1 rencontrent tous les critères du vice caché [….]

POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR

ACCUEILLE la demande de réclamation du syndicat pour le point 1.

ORDONNE à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait au point 1, et ce, dans un délai de trente (30) jours suivant réception de la présente. […]

[10]    La décision fait par la suite référence au contrat d’origine mais à l’audience, l’Administrateur dit qu’il s’agit ici d’une formulation qui n’a pas d’incidence particulière digne de mention au présent dossier.

[11]    Le Bénéficiaire demande l’arbitrage puisqu’il considère que le toit doit être refait à neuf, vu le nombre d’anomalies, alors que la décision ne le dit pas clairement (pièce B-1).

[12]    Suite à une inspection du 24 septembre 2012, suite aux travaux correctifs de l’Entrepreneur, l’expert Jarrett Fisher mandaté par le Bénéficiaire produit un rapport (pièce B-3) dont voici un extrait :


 

Revêtement de Toiture - Observations

Nous avons remarqué à certains endroits que des bardeaux sont mal installés, non-alignés et cloués trop haut.  Risque d’infiltration d’eau plus élevé en raison de la mauvaise installation.  Des bardeaux ont été observés avec du goudron pour les fixer en place - signe de moindre qualité des bardeaux et risque élevé que d’autres bardeaux nécessitent des réparations dans le futur.  Infiltration d’eau et réparations évidentes dans l’entre toit pouvant réduire la valeur de l’immeuble.

[13]    Suite à une inspection du 31 octobre 2012 (pièce A-8), suite aux travaux correctifs de l’Entrepreneur, l’expert Jean Désormeaux de la firme Toitech produit un nouveau rapport dont voici la partie Analyse et recommendation 

Les travaux correctifs réalisés sont incomplets.  De nombreaux bardeaux sont non adhérés sur les deux versants.  L’arrachage de nouveaux bardeaux risque de se reproduire à nouveau.  Le versant avant est particulièrement critique aux emplacements ou le pureau ne fut pas respecté (bande de colle visible.)  Le clouage est hétérogène (les clous ne transpercent pas le rang inférieur) réduisant la résistance à l’arrachage au vent.  Aucune sous-couche n’est présente sous le bardeau tel que recommandé par le manufacturier.  La reprise des travaux était recommandé lors de notre rapport antérieur afin de corriger toutes les déficiences.

 

Témoignages à l’audience

 

[14]    Le Bénéficiaire témoigne à l’effet que suite à une infiltration d’eau, le Bénéficiaire a contacté l’Administrateur et la personne envoyée par ce dernier, Jean Desormeaux (Toitech), a affirmé, après avoir inspecté le toit, bonne et mauvaise nouvelle, la mauvaise, le toit est mal fait, la bonne, vous aurez un nouveau toit.

[15]    N’ayant toutefois pas de nouvelles pendant un certain temps, il contacte l’Entrepreneur qui lui répond que le fabricant de bardeaux BP a transféré la responsabilité (ou la garantie?) au Bénéficiaire et que ce dernier doit le contacter directement.

[16]    Le Bénéficiaire a reçu le 18 juin le rapport du 26 mai.  L’Entrepreneur lui dit vouloir faire des correctifs au toit, alors que le Bénéficiaire, suite aux représentations de Monsieur Desormeaux, s’attend alors plutôt à ce que la toiture soit refaite au complet.

[17]    Le Bénéficiaire considère que l’infiltration d’eau a causé de la moisissure, et de la moisissure, c’est dangereux, c’est grave à cause de la présence de jeunes enfants.

[18]    Le Bénéficiaire ajoute que lors de la première dénonciation, il n’y avait pas eu d’infiltration d’eau, qu’à la première inspection de l’Administrateur, il n’y avait pas eu d’infiltration, mais l’infiltration s’est produite par la suite.

[19]    Jerrett Fisher est reconnu comme témoin expert en tant qu’inspecteur en bâtiment.

[20]    Il dit avoir vu l’infiltration d’eau, on le voit dans le bois du toit, dans le plafond, dans la chambre.

[21]    Il dit que là où les réparations ont été faites aux bardeaux, la réparation a été bien faite, toutefois, il reste d’autres bardeaux à être réparés.

[22]    Il ajoute que les bardeaux étaient de qualité inférieure, puis qu’ils sont de mauvaise qualité qui ne va pas durer 25 ans et il risque d’y avoir d’autres infiltrations dans le futur - On a réparé 1/3 du toit, les risques sont haut que d’autres bardeaux seront arrachés dans un délai qui n’est pas normal.

[23]    Le tout affecte aussi la valeur de l’immeuble

[24]    L’Entrepreneur témoigne à l’effet que jamais, l’Administrateur ne lui a dit de refaire la toiture au complet. Si l’Administrateur avait demandé à refaire le toit au complet, cette demande aurait été écrite dans la décision.

[25]    Il ajoute que quand il a été appelé par l’Administrateur pour constater de l’infiltration d’eau, il n’était question que de soulèvement de bardeaux.  On a vérifié qu’il s’agissait effectivement de soulèvement de bardeaux.

[26]    Il a tout réparé ce qui lui a été demandé, sauf le remplacement de la laine mouillée, car il a arrêté de faire cette dernière réparation quand il a appris que le Bénéficiaire demandait l’arbitrage (pour la laine mouillée j’ai arrêté car j’ai reçu une demande d’arbitrage donc j’ai décidé de ne pas faire de frais pour les autres travaux).

[27]    Tout s’est fait verbalement avec l’Administrateur. Quand ce dernier a communiqué avec lui, il a envoyé à son ouvrier de la firme René Perron Ltée le rapport de l’expert Desormeaux avec des flèches quant aux travaux à effectuer - les cinq flèches qui apparaissent à la page 2 de la pièce E-4 sont les travaux que Johanne Tremblay, représentante de l’Administrateur, lui a dit verbalement d’effectuer.

[28]    Il a agit en bon père de famille en achetant les bardeaux chez un fournisseur réputé et a retenu les services d’un couvreur réputé.

[29]    L’Entrepreneur produit les factures démontrant que les travaux correctifs ont entraîné des coûts pour lui.

[30]    Il a vérifié qu’il y avait défaut de fabrication du manufacturier, il a remis à Madame Sanchez représentante le Bénéficiaire, toute l’information nécessaire pour que le Bénéficiaire fasse sa réclamation auprès du manufacturier.

[31]    Gerry Saumur représente René Perron Limitée qui a fait les travaux correctifs demandés par l’Entrepreneur suite à la décision de l’Administrateur.  Il est couvreur de 30 ans d’expérience. 

[32]    Il s’est rendu sur le toit après que l’Entrepreneur lui a demandé de faire une estimation d’urgence car des bardeaux avaient été arrachés par le vent.

[33]    Il a constaté que les bardeaux du côté arrière étaient collés.


 

[34]    Il ne peut confirmer ce qu’est la norme du fabricant pour les maisons neuves, mais en pratique, à 99% des cas, il n’y a pas de membrane posée sous les bardeaux sur le toit d’une maison neuve. 

[35]    Il n’y a pas de sous-couche ou feutre ou membrane sous les bardeaux pour cet immeuble car pour les maisons neuves, 99.9% d’entre elles n’ont pas de sous-couche.  Bien qu’il ne fasse pas de maisons neuves, il est en mesure d’affirmer que cette membrane est posée après environ 12 ans quand la toiture est refaite.

[36]    Il ajoute  - le fait que la colle des bardeaux n’a pas collé, c’est la grosse partie du problème.  Toutefois, même si un feutre avait été posé sous les bardeaux, cela n’aurait pas empêché l’infiltration d’eau.

[37]    Il n’installe plus le genre de bardeaux qui a été posé sur ce toit car ce genre de bardeaux, du Dakota, est un bardeau de bas de gamme. Aujourd’hui, il n’y a pas une grosse différence de prix entre un bardeau garantie à vie et un bardeau garantie 25 ans, aujourd’hui le prix est presque pareil, mais il y a quatre ans, il y avait une grosse différence dans le prix. 

[38]    En contre-interrogatoire, on lui fait remarqué que son estimation n’inclut pas de travaux pour le clouage hétérogène qui était pourtant précédé d’une flèche comme travaux à être effectué (pièce E-4).  Il confirme que ce n’était pas inclus

car je ne peux pas reclouer au complet - oui, on voit que le clouage n’est pas partout au bon endroit, peut-être que c’est pour cela que ça part au ventPour corriger il faut refaire le clouage au complet, c’est aussi long que de refaire la toiture au complet.

[39]    Le représentant de René Perron Limitée ajoute :

Nous chez Perron on ne refait pas cela car refaire le clouage est presque aussi long que refaire la toiture au complet.

[40]    L’Administrateur fait témoigner Jean Desormeaux, que le tribunal a reconnu comme témoin expert.  Il a 30 ans d’expérience.

[41]    L’Administrateur (Johanne Tremblay) lui a donné mandat de vérifier un problème d’infiltration d’eau et de toiture.  Il a vérifié l’extérieur, l’entretoit et l’intérieur.  Son rapport est produit en A-8.

[42]    Les unités 12507 et 12505 donnent sous le toit.

[43]    Il a vu les traces de l’infiltration d’eau avec une caméra infrarouge - il y a même encore de l’eau dans le plafond.  On voit un relief d’une superficie de 4 pieds par 8 pieds.

[44]    Il a aussi vu de la moisissure - sans être un expert en moisissure, il affirme qu’il n’aimerait pas avoir cela dans sa soupe.

[45]    Le clouage est hétérogène, on voit parfois des clous près la bande de colle, d’autres clous plus haut que cette bande, et plus loin, on ne voit pas de clou.

[46]    Il dit que l’enlignement des trois quarts des bardeaux n’est pas bon et qu’on ne peut pas corriger cela.

[47]    Le 3 novembre 2012, il est retourné sur les lieux et a constaté que 20% de bardeaux du côté avant et 70% du côté arrière n’étaient pas collés.

[48]    Il affirme qu’il est préférable de tout arracher que de faire le travail de moine de réparer les bardeaux un après l’autre et quoiqu’il en soit, il reste le problème d’absence de sous-couche.

[49]    En effet, la sous-couche est obligatoire, elle est une norme du fabricant, comme on peut le voir de l’extrait du site web du fabricant (pièce A-14), norme qui suit le titre « directives générales »

- Pente 4/12 - 6/12, Pente standard, Sous-couche, Obligatoire : 1 plis Feutre uni no 15 sur surface entière de la toiture.

[50]    Pour l’expert Desormeaux, il y a lieu actuellement de refaire la toiture au complet selon les normes du fabricant BP, comme cela aurait dû être à l’origine.

[51]    A la question, s’il avait dit à l’Adminstrateur qu’il fallait refaire la toiture, il répond que quand on parle de « reprise des travaux », on ne parle pas de réparation, dans mon optique, j’ai référé à une réfection complète de la toiture.

 

Plaidoirie

 

[52]    Le Bénéficiaire dit que le rapport de l’expert Desormeaux est très clair - les travaux à faire sont que la toiture soit refaite au complet pour éviter une situation dangereuse et un inconfort - la lecture du rapport montre que la demande du Bénéficiaire est faite de bonne foi.

[53]    Il exige un toit conforme aux règles de l’art, le Code du bâtiment et qu’il n’y ait pas de danger de moisissures dans 5 ou 10 ans.

[54]    Il veut que la toiture soit refaite et que tous les autres éléments contenus au rapport du 26 mai 2012 quant à l’infiltration d’eau soient corrigés.

[55]    L’Entrepreneur plaide avoir tout réparé ce qui lui a été demandé, sauf la laine mouillée à changer, et décline toute autre responsabilité.

[56]    Il a suivi les directives de l’Administrateur que Madame Tremblay lui a communiqué par téléphone.  Si le toit avait été à refaire, on aurait dû écrire cela dans une décision, elle n’a jamais entendu dire que le toit devait être refait.

[57]    Il a fait les travaux demandés et en a assumé les coûts - j’ai toujours fait les travaux demandés par l’APCHQ.

[58]    L’Entrepreneur doute que les normes du fabricant produites en pièce A-14, qui datent de 2012, aient pu s’appliquer lors de la construction de la maison en 2008.

[59]    L’Administrateur reconnaît la présence de vices cachés, tel qu’il appert au rapport de la firme Toitech.  Il ne conteste pas le fait qu’il n’avait pas reconnu de refaire la toiture au complet mais retient de la preuve qu’il n’est pas vrai que les correctifs effectués par l’Entrepreneur ont suivi à la lettre ce qui fut demandé par l’Administrateur.  A preuve, on voit toujours 20% en avant et 70% en arrière des bardeaux qui décollent.

[60]    Quant au clouage hétérogène, il était clairement mentionné par Johanne Tremblay (Administrateur) que cela devait être corrigé, comme le démontre la flèche inscrite à la pièce E-4, et Gerry Saumur a dit je n’ai pas fait cela.  Si on avait suivi à la lettre la demande de l’Administrateur, il y aurait eu un correctif alors que les bardeaux restent toujours mal enlignés.

[61]    Qui plus est, les problèmes causés par l’infiltration d’eau n’ont toujours pas été corrigés.

[62]    Comme les travaux n’ont pas été fait selon les règles de l’art, il faut effectuer une reprise des travaux, et si le vice caché a causé une infiltration d’eau à l’intérieur du bâtiment, cela doit aussi être corrigé.

[63]    Il demande que le Tribunal tienne compte des conditions hivernales s’il ordonne que des travaux soient effectués à la toiture.

 

DÉCISION

 

[64]    Il faut conclure de la preuve exposée ci-haut que la toiture a un sérieux problème dû à des bardeaux déficients et à une pose déficiente, que les travaux correctifs qui ont été effectués n’ont pas réglé ce problème, et que le Tribunal doit intervenir.

[65]    L’Entrepreneur dit qu’il a fait tout ce que l’Administrateur lui a dit verbalement de faire pour se conformer à la décision, sauf changer la laine mouillée.

[66]    La représentante de l’Administrateur, présente, n’a fourni aucune contre-preuve sur ce qui a été dit verbalement avec l’Entrepreneur et le Tribunal doit se baser sur la preuve devant lui.

[67]    De plus, l’Administrateur devait être au courant du droit en la matière - il ne peut en droit changer les termes d’une décision rendue[1], donc la conversation téléphonique a dû être en application de cette décision.

[68]    Vu la preuve, le Bénéficiaire est donc bien fondé en droit de demander la révision de la décision du 11 juin 2012 rendue sur la base des constatations de l’expertise de mai 2012.

[69]    Malgré la bonne foi de l’Entrepreneur, il demeure responsable en vertu du Code civil et du Règlement pour les vices cachés.

[70]    L’Entrepreneur plaide l’épuisement des recours : il affirme en effet que le Bénéficiaire a un recours contre le fabricant BP, il doit donc s’adresser au fabricant.

[71]    Cette position ne repose pas sur le droit applicable au contrat d’entreprise. L’Entrepreneur général a l’obligation de résultat de fournir au Bénéficiaire un toit étanche, exempt de vice apparent ou caché. Il ne peut invoquer face au Bénéficiaire qu’il doit plutôt poursuivre le fabricant ou le couvreur avec qui l’Entrepreneur général a contracté, bien que les recours de l’Entrepreneur général contre ces derniers demeurent. 

[72]    L’article 2100 du Code civil dit:

2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

 

[73]    L’article 27 du Règlement (précité) est à l’effet que l’Administrateur garantit cette obligation de résultat de l’Entrepreneur de fournir un toit étanche au Bénéficiaire.

[74]    Ajoutons que l’Entrepreneur a allégué avoir fait tous les travaux demandés par l’Administrateur, travaux marqués d’une flèche dans sa communication avec le réparateur de toiture Gerry Saumur - or ce dernier a témoigné à l’effet que

[74.1]     le clouage hétérogène à réparer ne l’a pas été, puisque refaire le clouage est presque aussi long que refaire la toiture au complet.

[74.2]    le rapport de l’expert Desormeaux, mandaté par l’Administrateur, ne lui a pas été communiqué - Gerry Saumur dit : moi je n’ai jamais eu un rapport complet en ma possession, je n’ai jamais vu cela, je l’ai vu aujourd’hui [26 novembre] seulement.

[75]    Dans l’affaire Steve Croteau et Les Habitations Raymond Guay Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neuf de l’APCHQ (SORECONI 071128001, 2 juin 2008, Me Michel Jeanniot, arbitre), l’arbitre conclut :

[23] Je n’aurai pas à me prononcer sur le caractère du vice constaté puisque l’Administrateur s’est déjà prononcé, cette décision a force de chose jugée, et il y a présence et/ou constat de vice caché quant à la toiture. Le débat reste entier sur l’étendue des travaux et/ou la nature des correctifs à apporter […]

[29] Considérant que lorsque le tribunal a interrogé Monsieur Cournoyer (fournisseur des matériaux [notre ajout : Matériaux BP]) et Monsieur Bondaz (de l’Administrateur) quant à l’opportunité et/ou la possibilité de simplement déplacer et refixer les feuilles avec des clous en nombre et lieu convenables, ils furent unanimes, il serait moins coûteux de simplement refaire la toiture […]

[35] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment à trancher tout différend découlant du plan de garantie. Bien que ceci inclut toutes questions de faits, de droit et de procédures, les éléments de la présente décision doivent prendre souche dans le plan de garantie.

[36] Je précise que le tout est sans préjudice et sous toutes réserves du droit qui est sien (l’Entrepreneur) de porter devant les tribunaux civils ses prétentions ainsi que de rechercher les correctifs, remèdes et/ou compensations qu’il réclame, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de la prescription civile […]

[76]    La preuve au dossier démontre que la solution la moins coûteuse est de refaire la toiture. C’est la recommandation de l’expert Jean Desormeaux.  Le représentant de René Perron Ltée Gerry Saumur a témoigné à l’effet que refaire le clouage était aussi long que de refaire la toiture au complet.

[77]    Le Bénéficiaire a le droit à recevoir une maison dont la toiture est bâtie selon les règles de l’art, y compris la conformité avec les directives du fabricant BP, exempte de vice caché. Ce droit n’a pas été respecté. Ainsi, la reprise de la réfection complète de la toiture s’impose, en plus de la correction des dommages causés par l’infiltration d’eau.

 

CONCLUSION

[78]    Pour ces motifs, le Tribunal se doit de modifier les termes de la décision de l’Administrateur, ORDONNE à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait au point 1, et ce, dans un délai de trente (30) jours suivant réception de la présente

par les termes apparaissant dans les conclusions de cette décision.

FRAIS

[79]    L’article 37 du Règlement stipule : 

Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

[80]    Le Bénéficiaire ayant eu gain de cause, les frais d’arbitrage seront à la charge de l’Administrateur du Plan de Garantie.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE

ACCEUILLE la demande du Bénéficiaire;

MODIFIE la décision de l’Administrateur du 11 juin 2012;

ORDONNE à l’Entrepreneur, dans un délai de 30 jours après la fin des conditions hivernales, mais au plus tard, le 30 avril 2013, en conformité avec les règles de l’art incluant les directives générales du fabricant de bardeaux

- de remplacer l’ensemble des bardeaux

- de refaire au complet sur le toit, la pose des bardeaux avec la sous-couche prescrite par le fabricant, et

- d’effectuer tous les travaux correctifs visant les problèmes découlant de l’infiltration d’eau, en tenant compte du fait que des parties de l’immeuble ont été exposées à l’eau, que certaines parties contiennent des moisissures, y compris de changer l’isolant mouillé.

CONDAMNE l'Administrateur du Plan de Garantie à payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier.

Montréal, le 11 décembre 2012

 

(s) ROLAND-YVES GAGNÉ

__________________________

Me ROLAND-YVES GAGNÉ

ARBITRE/CCAC

Jurisprudence citée :

 

La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause (Cour d’appel, AZ-50285725 du 15 décembre 2004) .

 

Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis ( 2007 QCCS 4701 26 octobre 2007, C.S., Michèle Monast, juge).

Spooner et Bergeron c. Alcide Fournier et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neuf de l’APCHQ Inc. ( 2009 QCCS 1652 , paragraphe [30], 17 avril 2009, Hon. Chantal Masse, J.C.S.).

Steve Croteau et Les Habitations Raymond Guay Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neuf de l’APCHQ (SORECONI 071128001, 2 juin 2008, Me Michel Jeanniot, arbitre).

Lu et non cité :

Johanne Chorel et Alain Vallières et Construction d’Astous Ltée et APCHQ Inc. (GBRN) (GAMM 2009-12-015, 31 août 2012, Me Bernard Lefebvre, arbitre).

Syndicat de copropriété du 3546-3552 rue Édith à Laval c. Habitation Daniel Melançon Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc. (SORECONI 0280826001, 29 décembre 2008, Guy Pelletier, arbitre).

Les Habitations Meaujé et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs et Le Syndicat Condominiums Châtelets Phase II (GAMM 2006-19-001, 6 novembre 2006, Jean Morissette, arbitre).



[1] Spooner et Bergeron c. Alcide Fournier et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neuf de l’APCHQ Inc. ( 2009 QCCS 1652 , paragraphe [30], 17 avril 2009, Hon. Chantal Masse, J.C.S.).