Lettre dossier

ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :   GAMM: 2017-16-005
QH: 81394 / 10969

 

 

ENTRE :

SDC PROMENADES DU GOLF 4 966 927

(ci-après le « Bénéficiaire »)

 

ET

 

9211-4388 QUÉBEC INC.

(ci-après l’« Entrepreneur »)

 

ET

 

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

(ci-après l’« Administrateur »)

 

DEVANT L’ARBITRE :          Me Karine Poulin

Pour l’Entrepreneur :                 Me Christine Gosselin

Pour le Bénéficiaire :                Messieurs Lord Lefebvre et Daniel Laforce

Pour l’Administrateur :              Me François-Olivier Godin

 

Date d’audience :                     30 octobre 2017

Date de la sentence :               22 février 2018

 

SENTENCE ARBITRALE

 


I

LE RECOURS

[1]          Le Bénéficiaire conteste en vertu de l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») la décision de l’Administrateur rendue le 4 avril 2017 et qui rejette la demande relative aux gouttières pour cause de dénonciation tardive et celle relative à la fissure au mur de la cage d’escalier au motif qu’il ne s’agit pas d’un vice de construction.

[2]          En ce qui concerne le point relatif aux gouttières, l’Administrateur soutient devant le Tribunal qu’il y a chose jugée puisque cette réclamation aurait déjà fait l’objet d’une décision de mon collègue Claude Dupuis le 21 décembre 2015. Le Tribunal dispose donc de ce moyen préliminaire en premier.

II

LES FAITS

[3]          La copropriété dont il est question est située sur la Rive-Sud de Montréal. Le 28 mars 2012 est survenue la fin des travaux. Toutefois, c’est le 17 décembre 2012 que l’avis de fin des travaux est signé par l’Entrepreneur. La réception des parties communes de la copropriété a eu lieu, pour sa part, le 17 juin 2013.

[4]          Le 3 juin 2015, une première réclamation est ouverte chez l’Administrateur et elle concerne 4 points, dont le premier qui traite des gouttières. Insatisfait de cette décision, le Bénéficiaire la conteste en arbitrage et c’est mon collègue Claude Dupuis qui est nommé pour entendre la cause.

[5]          Claude Dupuis rend sa décision le 21 décembre 2015 et rejette la réclamation des Bénéficiaires sur tous les points.

[6]          Le 8 décembre 2016, le Bénéficiaire dénonce à l’Entrepreneur et à l’Administrateur l’absence de descente de gouttières sur le mur de l’entrée du garage de même que la présence d’une fissure au mur intérieur de la cage d’escalier.

[7]          Le 10 janvier 2017, la réclamation est ouverte chez l’Administrateur et une visite des lieux est faite le 9 mars suivant. L’Administrateur rend la décision contre laquelle se pourvoi le Bénéficiaire, le 4 avril 2017.

[8]          À l’audience, en sus de la tardiveté de la dénonciation relative aux gouttières, le procureur de l’Administrateur soulève qu’il y a chose jugée.

 

III

LA PREUVE

MOYEN PRÉLIMINAIRE - CHOSE JUGÉE

Bénéficiaire

[9]          Le Bénéficiaire, représenté par Monsieur Lord Lefebvre, allègue que les gouttières dont il est question au présent arbitrage ne sont pas les mêmes que celles dont dispose la sentence de Claude Dupuis.

[10]       Selon le témoin Daniel Laforce, il s’agit ici de l’absence de descentes de gouttières sur le mur du garage alors que l’arbitrage précédent portait sur un problème de débordement des gouttières à l’avant et à l’arrière du bâtiment, au-dessus des petits toits d’entrée.

[11]       De plus, Monsieur Laforce indique que c’est suite à la visite des lieux qui a mené à la première (1ère) décision de l’Administrateur qu’il a réalisé que le problème du muret dont traite également l’arbitre Dupuis est causé par l’absence de gouttières verticales à cet endroit. Il affirme en avoir fait mention verbalement à ce moment mais que l’Entrepreneur et l’Administrateur n’ont rien fait, préférant laisser le temps passer pour alléguer aujourd’hui la tardiveté. Il demande au Tribunal de conclure qu’il n’y a pas chose jugée et de permettre la preuve de ce vice.

[12]       Le Bénéficiaire reproche à l’Administrateur de ne pas avoir indiqué, lors de l’arbitrage, qu’il devait faire une dénonciation écrite.

Administrateur

[13]       L’Administrateur soutient que Claude Dupuis a déjà traité ce point dans la sentence rendue le 21 décembre 2015 de sorte que le présent Tribunal ne peut en traiter de nouveau.

[14]       Par ailleurs, il ajoute que même s’il ne s’agissait pas des mêmes gouttières, il n’en demeure pas moins que la problématique des gouttières a été traitée par l’arbitre Dupuis et que celui-ci a déclaré qu’il ne s’agissait pas de vices cachés. Il n’existe aucun motif pour que le présent Tribunal décide autrement aujourd’hui.

[15]       Il souligne que même si le Tribunal conclu qu’il s’agit de gouttières autres que celles dont a traité Claude Dupuis, il y a alors lieu de conclure que le Bénéficiaire aurait dû dénoncer tous les problèmes relatifs à toutes les gouttières lors du précédent arbitrage en 2015.

[16]       À tout événement, Me Godin plaide que le paragraphe suivant de la décision de  Claude Dupuis est éloquent à l’effet que le Bénéficiaire connaissait le problème d’absence de descentes de gouttières dès avril 2015 de sorte que la dénonciation faite le 8 décembre 2016 est plus que tardive :

Muret de l’entrée du garage 2e sous-sol (également absence de gouttières verticales)

[30]        Le syndicat dénonce que le muret au bas de la pente en entrant au sous-sol 2 est très distancé (décollé) du mur de la bâtisse. Le syndicat attribue cette situation à deux gouttières verticales manquantes à cet endroit, ce qui aurait causé un débit d’eau important; le syndicat admet avoir découvert cette situation en avril 2015.

DÉCISION SUR LE MOYEN PRÉLIMINAIRE

[17]        Sur le moyen préliminaire, le Tribunal rejette l’argument de la chose jugée. Même s’il aurait été souhaitable que le Bénéficiaire traite de tous les problèmes de gouttières au même moment, il n’en demeure pas moins que dans les faits, tel n’a pas été le cas et que l’arbitre Dupuis n’a pas décidé de cette question.

[18]       Par contre, le Tribunal constate que le Bénéficiaire connaît la problématique d’absence de gouttières verticales depuis avril 2015 et accepte l’argument de l’Administrateur voulant que la dénonciation soit tardive.

[19]       Bien qu’il eût été souhaitable que l’Administrateur indique au Bénéficiaire la nécessité de faire une dénonciation écrite, le Bénéficiaire n’allègue aucun empêchement d’agir. La preuve n’a pas démontré que le Bénéficiaire s’était assuré que sa demande serait traitée et, voyant que la décision de Claude Dupuis du 21 décembre 2015 était muette à ce sujet, il n’a rien fait.

[20]       Par conséquent, la demande du Bénéficiaire relative aux gouttières est rejetée.

AU MÉRITE DU DOSSIER

Bénéficiaire

[21]       Le Bénéficiaire, par l’intermédiaire du témoin Daniel Laforce, démontre la présence d’une fissure en zigzag dans la cage d’escalier, présentant des angles de 90 degrés, et qui serait apparue, selon lui, peu avant la dénonciation du 8 décembre 2016.   

[22]       Monsieur Laforce questionne le raisonnement de l’inspecteur-conciliateur qui rejette la réclamation au motif qu’il ne s’agit pas d’un vice de construction alors qu’aucun test n’a été fait, ni vérification approfondie. Il soutient qu’on ne peut lui reprocher de ne pas avoir procédé à une expertise puisque l’inspecteur-conciliateur n’en a pas plus fait. En somme, il estime que l’inspecteur a mal fait son travail.

[23]       Les autres témoins du Bénéficiaire témoignent principalement sur le problème de gouttières. Le Tribunal ayant rejeté cette demande, il n’apparaît dès lors pas nécessaire de résumé les témoignages.

 

Administrateur

[24]       Yvan Gadbois témoigne. Il affirme que la dénonciation du Bénéficiaire indique que la fissure est apparue à l’été 2016 et qu’elle s’est aggravée depuis. Son examen des lieux consiste à des observations visuelles uniquement. Il n’a fait aucune ouverture, ni pris de mesures au niveau de la fissure. Cela ne lui est pas apparu nécessaire puisque la fissure semble suivre les joints de gyproc. À tout événement, il affirme qu’il appartient à l’Entrepreneur d’investiguer la situation et non à l’Administrateur.

[25]       S’appuyant sur son expérience, il est d’avis qu’il ne s’agit pas d’un vice de construction. Il indique que selon lui, la fissure découle de l’assèchement des matériaux sous-jacents, du bois en l’espèce. Il affirme que la fissure n’annonce pas un problème de structure.

IV

PLAIDOIRIES

Bénéficiaire

[26]       La plaidoirie du Bénéficiaire traite principalement du problème de gouttières. Quant à la fissure, il admet n’avoir aucune preuve à offrir qui démontre qu’il s’agit d’un vice majeur.

Administrateur

[27]       Me Godin soutient que Monsieur Gadbois est un inspecteur expérimenté et que ce n’est pas la première fois qu’il voit des fissures. Il plaide que ce dernier a vérifié les matériaux sous-jacents et puisque le gyproc ne joue pas un rôle structural, il était fondé de conclure à l’absence de vice majeur.

[28]       Il rappelle que la garantie de cinq (5) ans applicable en l’espèce exige que le vice revête un caractère sérieux de nature à mettre en péril la pérennité de l’immeuble ou la sécurité des occupants. Bien que l’Administrateur reconnaisse la présence d’une fissure, il ne lui reconnaît pas le caractère de gravité requis pour être couvert au sens du Règlement.

[29]       Quant aux frais du présent arbitrage, il estime que la demande du Bénéficiaire n’est pas abusive, mais qu’elle découle d’une incompréhension du Règlement. Me Godin s’en remet au Tribunal et indique qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de la jurisprudence majoritaire.

Entrepreneur

[30]       Pour sa part, l’Entrepreneur, qui n’a offert aucune preuve, adhère aux commentaires de l’Administrateur.

V

ANALYSE ET DÉCISION

[31]       Puisque le Tribunal a déjà disposé de la question des gouttières, il ne reste en litige que le point portant sur la fissure à la cage d’escalier.

[32]       Le Tribunal, après avoir entendu la preuve et les représentations des parties, est d’avis de rejeter ce point. Le Bénéficiaire avait le fardeau de convaincre le Tribunal que la décision de l’Administrateur était erronée. Or, aucune preuve n’a été offerte qui justifie le Tribunal d’intervenir en l’instance pour modifier la décision de l’Administrateur.

[33]       En conséquence, la décision de l’Administrateur est maintenue et la demande du Bénéficiaire rejetée.

Frais

[34]       Quant aux frais du présent arbitrage, l’article 123 du Règlement prévoit que l’arbitre doit procéder au partage  des frais entre l’Administrateur et le Bénéficiaire lorsque ce dernier n’a gain de cause sur aucun point, comme c’est le cas en l’espèce.

[35]       Vu les représentations de l’Administrateur auxquels adhèrent l’Entrepreneur et le constat du Tribunal que la demande du Bénéficiaire est manifestement fondée sur une incompréhension du Règlement et n’était pas abusive, il n’y a pas lieu de condamner le Bénéficiaire à une somme supérieure à cent dollars (100 $).

EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;

CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage liés à la demande du Bénéficiaire sauf pour une somme de 100 $;

CONDAMNE le Bénéficiaire à payer la somme de 100 $ à titre de frais liés à sa demande d’arbitrage.

                                                                              Montréal, ce 22 février 2018

 

 

 

                                                                                                                                                           

                                                                              Me Karine Poulin, arbitre

 

 

G1115- 89

S/A 172