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ARBITRAGE SELON LE

RÈGLEMENT SUR LE

PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

SORECONI

(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du Québec)

 

 

ENTRE :                                                      ABDELLATIF BENSARI

                                                                       NADIA BOUZID

Les Bénéficiaires

 

c.                                                                    LES CONSTRUCTIONS M.C.

L’Entrepreneur

 

ET :                                                                LA GARANTIE QUALITÉ-HABITATION DU

QUÉBEC INC.

L’Administrateur

 

No dossier SORECONI :    No : 100508001

           

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                         Me Roland-Yves Gagné

 

Pour les Bénéficiaires :                              Monsieur Abdellatif Bensari

           

Pour l’Entrepreneur :                                   Monsieur Claude Ladouceur

                                                                       Monsieur Sébastien Trudeau

 

Pour l’Administrateur :                                Me Avelino De Andrade

                                                                       Monsieur Michel Pitre

                                  

Date de l’audition :                                      22 novembre 2010

 

Date de la sentence :                                  26 novembre 2010

 

Lieu de l’audition:                                        Palais de Justice de Montréal

1 est, Notre-Dame,

Montréal (Québec) 

Salle 14.10


Description des Parties :

 

Bénéficiaires :

 

Monsieur Abdellatif Bensari

Madame Nadia Bouzid

[…] Pincourt, Qc. […]

 

 

Entrepreneur :

 

2623-2975 Québec Inc.

Les Constructions M.C.

a/s Monsieur Marc Parent

1269 boul. Perrot

Notre-Dame-de-l’Ile-Perrot, Qc.

J7V 7P2

 

Administrateur :

 

La Garantie Qualité-Habitation du Québec Inc.

a/s Me Avelino De Andrade

7400 boul. des Galeries d’Anjou

bureau 200

Anjou, Qc.

H1M 3M2


MANDAT ET JURIDICTION

 

Le Tribunal est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par les Bénéficiaires en date du 5 août 2010, reçue par la Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI) la même date, et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 6 août 2010.  Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.

 

HISTORIQUE DU DOSSIER

 

La maison est située au […], Pincourt, Qc., […].

 

Le 30 novembre 2007, l’Entrepreneur signait un contrat préliminaire avec les Bénéficiaires (Pièce A-4); le contrat est couvert par le Plan de Garantie La Garantie Qualité Habitation.

 

Le 10 juin 2008, le Bénéficiaire Abdellatif Bensari signe un formulaire d’inspection préréception (Pièce A-5).

 

Le 2 juillet 2008, les Bénéficiaires font la réception des travaux.

 

Le 26 juin 2009, à la demande de l’Entrepreneur, les Bénéficiaires envoient une liste des problèmes constatés la première année (Pièce B-8). 

 

Le Bénéficiaire Abdellatif Bensari envoie une lettre datée du 28 février 2010 à l’Entrepreneur au sujet de fissures, flaque d’eau, accumulation de glace et gonflement de placards, lettre qu’il fera parvenir en annexe d’une réclamation à l’Administrateur le 14 avril 2010, reçue le 16 avril (Pièce A-3).

 

Le 7 juillet 2010, l’Administrateur rend sa décision (Pièce A-2).

 

Le 5 août 2010, le Bénéficiaire transmet un avis d’arbitrage, reçu par SORECONI le 5 août 2010.

 

Le 6 août 2010, SORECONI notifie la demande d’arbitrage aux parties.

 

Le 26 août 2010, lors de la Conférence préparatoire, l’Administrateur a proposé $10,000 comme valeur en litige, corroboré par l’Entrepreneur et non contesté par les Bénéficiaires.

 

Le 14 septembre 2010, l’arbitre rendait une décision écrite sur objection préliminaire.

 

Les pièces A-1 à A-5 ont été produites par l’Administrateur du consentement des parties.  A l’audience, le Bénéficiaire a produit des photos cotées de B-1 à B-7, B-9 et B-10 et une lettre cotée B-8, et l’Arbitre a posé une question sur une photo envoyée par les Bénéficiaires aux parties avant l’audience, qu’il a cotée B-11.


 

 

LES FAITS

 

[1]       Les Bénéficiaires sont les propriétaires d’une maison sise au […], Pincourt, pour laquelle ils ont fait la réception des travaux le 2 juillet 2008.

[2]       Le 26 juin 2009, la Bénéficiaire envoie une lettre à l’Entrepreneur à la demande de ce dernier, au sujet « des problèmes que nous avons constatés, au niveau de la construction de notre maison, au cours de cette première année » (produite en B-8).

[3]       Sur cette liste il est fait mention de « Cuisine 1. Certaines portes de placard ont gonflés » - c’est la seule mention sur cette liste qui fait l’objet de l’arbitrage.

[4]       Le 6 juillet 2009, un préposé de l’Entrepreneur, Sébastien Trudeau, vient faire les travaux correctifs mentionnés sur la liste du 26 juin 2009, sauf pour les portes de placard - il informe à ce moment la Bénéficiaire qu’il ne touchera pas aux portes de placard.

[5]       Le Bénéficiaire Abdellatif Bensari envoie une lettre datée du 28 février 2010 à l’Entrepreneur au sujet de fissures, flaque d’eau, accumulation de glace et gonflement de placards, lettre qu’il fera parvenir en annexe d’une réclamation à l’Administrateur le 14 avril 2010, reçue le 16 avril (Pièce A-3).

[6]       Le 7 juillet 2010, l’Administrateur rend sa décision (Pièce A-2). 

[7]       Le 5 août 2010, le Bénéficiaire transmet un avis d’arbitrage, reçu par SORECONI le 5 août 2010, à l’effet qu’il conteste la décision de l’Administrateur quant aux fissures, l’accumulation de glace et le gonflement des placards.

[8]       Le 14 septembre 2010, le Tribunal d’arbitrage a rendu une « décision sur objection préliminaire », ordonnant aux parties qui le désiraient de produire leur expertise avant le 1er novembre 2010.

LE DROIT

 

[9]       Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement)

Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

 

[10]    La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause ( AZ-50285725 du 15 décembre 2004)  a jugé que ce Règlement était d’ordre public 

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux

personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir

comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à

cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui

adhèrent à son plan de garantie.

[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle

variera selon les circonstances factuelles […]

[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative […]

 

[11]     Le recours en arbitrage étant introduit contre l’Administrateur du Plan de garantie, l’article 10 du Règlement explique en quoi consiste la garantie :

La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

  1°    le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

[12]    Les Bénéficiaires ayant envoyé leur avis à l’Administrateur plus d’un an après la réception du bâtiment, le Tribunal d’arbitrage doit trancher les questions suivantes :

[12.1]    Les fissures sont-elles un vice caché au sens de l’alinéa 4e de l’Article 10 ou d’un vice de conception, construction ou de réalisation ou de vice du sol au sens de l’alinéa 5e de l’Article 10?

[12.2]    L’accumulation de glace est-elle un vice caché ou d’un vice de conception, construction ou de réalisation ou de vice du sol au sens des alinéas 4e et 5e de l’Article 10?

[12.3]    Le gonflement des portes de placard (ou d’armoires) dans la cuisine est-il une malfaçon ou un vice dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans les six mois de sa découverte en conformité avec les alinéas de l’Article 10?

Les fissures

[13]    Un peu avant l’envoi de leur lettre du 28 février 2010, dans la deuxième année de la couverture du Plan de garantie (il n’est pas fait mention des fissures dans la lettre du 26 juin 2009), les Bénéficiaires constatent la présence de fissures citées dans la lettre de février 2010. 

[14]    Le Bénéficiaire témoigne qu’il s’agit de la première fois à cette époque de février 2010 qu’ils constatent ces fissures.

[15]    Le Bénéficiaire témoigne qu’il n’y a pas d’infiltration d’eau par ces fissures.

[16]    Il témoigne aussi que la grandeur de la fissure sur le mur de béton est de 1 à 2 millimètres.

[17]    Alors que l’Administrateur soutient qu’il s’agit d’un rétrait dû au séchage, le Bénéficiaire allègue que le problème est dû au problème de mise en œuvre ou coffrage du béton, vu que les travaux ont eu lieu l’hiver, et de qualité de la constitution du béton. 

[18]    Le Bénéficiaire produit la photo B-1 (prise le 12 février 2008, ne montrant aucune fondation) puis les photos B-2 et B-3 (prises le 21 février 2008), qui ne montrent pas de fissures mais qui, d’après le Bénéficiaire, démontre que le coffrage n’a pas été bien fait.

[19]    Le Bénéficiaire produit les photos B-4 et B-5 prises le 3 septembre 2010 qui montrent une fissure - il insiste pour dire que cette fissure n’apparait pas dans le rapport de l’Inspecteur envoyé par l’Administrateur; comme elle apparaît dans un endroit faible de la maison, il signale que, peut-être, c’est un signe de manque d’armature.

[20]    Pour lui, les photos produites en B-3 et B-4 montrent bien que « quelques choses n’a pas été bien fait, que le béton n’a pas pris comme il faut », et que sa fissure présente dans le mur de béton est comme celle mentionnée dans l’affaire Syndicat de copropriété 324 à 334 Wurtele citée ci-après.

[21]    Lors de l’audience, le Bénéficiaire a demandé à l’Inspecteur Michel Pitre s’il avait fait des prélèvements de béton.  L’Inspecteur répond par la négative, puisqu’il n’y avait aucun signe à l’effet qu’il y ait un problème quant à la composition du béton.

[22]    Pour sa part, l’Inspecteur témoigne à l’effet qu’il a regardé ces fissures et qu’il n’a noté aucun désordre structurel, il n’a vu aucune infiltration d’eau ; les fissures étaient dues au retrait, toutes les fondations ont des fissures de retrait, ces fissures apparaissent toujours aux endroits les plus faibles, c’est du moins ce que l’on voit dans la majorité des cas.

[23]    L’Inspecteur ajoute que bien qu’il n’ait pas pris en photo que ce que les photos B-4 et B-5 représentent, ses notes confirment qu’il n’avait vu que des fissures de retrait, bien qu’il ne se souvienne pas précisément que le Bénéficiaire lui avait spécifiquement indiqué cette fissure à cet endroit.

[24]    Il ajoute que quand on lui montre qu’il a fait une omission ou un oubli dans son rapport, il retourne sur les lieux et fait un addendum à son rapport, le Tribunal concluant qu’il est sous-entendu que dans la présente cause, l’Inspecteur n’a rien vu qui justifie un tel retour sur les lieux ou un addendum.

[25]    L’Inspecteur ajoute aussi que s’il y avait des problèmes au niveau de l’armature, « la fissure serait de plus grande importance ».

[26]    Il affirme aussi que les fissures sont plus importantes s’il y a un problème avec la qualité du béton et alors, il y a infiltration d’eau.  Il n’a rien vu sur les lieux qui nécessitait de faire une expertise sur la qualité du béton.

[27]    Pour l’Entrepreneur, Monsieur Claude Ladouceur affirme construire des maisons depuis 25 ans, il a gagné le prix d’Entrepreneur de l’année au Gala Qualité Habitation, et si on allègue qu’il y a un problème dans le travail ou les matériaux de ses sous-traitants, qu’on le lui démontre, ainsi, il corrigera le problème.  Il ne voit aucun problème dans le présent cas.

Analyse et décision

[28]    Puisque les Bénéficiaires sont en demande, ils ont le fardeau de la preuve, ce qui signifie, pour le moins, l’obligation de convaincre le tribunal sur la base de la prépondérance des probabilités.

[29]    Le Bénéficiaire a choisi de ne présenter aucun témoignage d’expert.  Bien qu’il n’ait pas l’obligation de présenter des témoignages experts, le Bénéficiaire s’est surtout contenté d’invoquer des hypothèses, sans apporter les éléments de preuve qui puissent convaincre le tribunal, fardeau qu’il lui appartient.

[30]    Le Bénéficiaire a témoigné qu’il n’y avait aucune infiltration d’eau.

[31]    Aucun élément n’est venu étayé l’allégation à l’effet qu’il y ait pu y avoir problème dans la qualité du béton.  Quant au coffrage, le Bénéficiaire allègue qu’à la photo B-2 on y voit une différence de couleur dans le béton, et que cela est la preuve d’un problème, soit que le bois du coffrage a collé.  Toutefois, aucune preuve n’est venue supporter la prétention que cela constituait un vice au sens de l’Article 10 du Règlement.

[32]    Le Bénéficiaire mentionne le jugement dans l’affaire Dominique Jannelle et al. c. La Garantie Qualité Habitation (SORECONI 050228003, 19 mai 2005, Jean Dionne, arbitre), dans laquelle l’arbitre donna raison aux Bénéficiaires qui avaient trouvé des fissures dans leur sous-sol.  

[33]    Le Tribunal note que dans cette décision, la réclamation pour fissure apparente fut rejetée, alors que celle pour les fissures « plus larges et peuvent laisser passer l’eau » fut accueillie, et que rien dans le présent dossier ne permet de conclure que la fissure de 1 à 2 millimètres est équivalente aux fissures décrites au paragraphe 39 du jugement. 

38. Il y a des fissures apparentes dans la dalle du garage.  Elles ne sont pas importantes même l’expert des bénéficiaires admet qu’il n’y a aucune gravité;

39. Il n’en est pas de même pour celles du sous-sol qui sont plus larges et peuvent laisser passer l’eau en cas d’inondation comme d’ailleurs ce fut le cas à la résidence des bénéficiaires en avril 2004;

[34]    Dans l’affaire Syndicat de copropriété 324 à 334 Wurtele et Les Constructions Cholette & Papineau et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (SORECONI 070102001) du 4 mai 2007, Me Michel Jeanniot, arbitre, écrit :

[17] Mes propres recherches m’apprennent que les fissures résultant d’un rétrécissement normal de l’amalgame qu’est le béton sont tolérées à défaut acceptables, lorsqu’elles ne dépassent pas trois (3) millimètres et qu’elles ne permettent pas à l’eau de pénétrer à l’intérieur (ou de créer un soulèvement par le gel).

[35]    Le Tribunal d’arbitrage partage cette opinion et ajoute qu’aucun début de preuve à l’audience n’a montré que les fissures invoquées, dont la fissure de 1 à 2 millimètres, n’aient pu être autre chose que du retrait dû au séchage et que le Bénéficiaire n’a pas réussi à renverser les conclusions de l’Administrateur à cet effet.

[36]    Considérant la preuve présentée à l’audience, le Tribunal d’arbitrage en vient à la conclusion que les fissures sont causées par le retrait de séchage du béton, qui n’est pas couvert par le Plan de garantie en vertu de l’Article 12 du Règlement :

12.  Sont exclus de la garantie:

 […]  2°    les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;

 

L’accumulation de glaces

[37]    Le Bénéficiaire a acheté une maison qui n’a pas de sous-sol fini.   

[38]    Le Bénéficiaire témoigne avoir vu dans le sous-sol au cours du 2e hiver « dans un coin au dessous de la fenêtre entre le mur et le sol, un trace d’eau qui sortait du mur ».

[39]    Par coin, il entend là où le mur rencontre le parquet (ou plancher) en dessous de la fenêtre.

[40]    Il ajoute qu’il n’a vu de l’accumulation de glace qu’à un seul endroit, soit sous la fenêtre du sous-sol.

[41]    Il a enlevé la laine de verre et il y a trouvé de la glace.

[42]    Il y a donc eu accumulation de glace et le changement de température a changé cette glace en eau, d’où une accumulation d’eau.

[43]    Il conclut qu’il y a vice caché - en enlevant la laine de verre, il affirme qu’il manquait le coupe froid, et lors de la réception de la maison, il ne pouvait pas enlever les murs voir s’il ne manquait pas quelque chose.  A son avis, si l’Inspecteur a dû prendre un appareil photo pour prendre la photo produite à la page 4 de son rapport (Pièce A-2) pour constater que le coupe vapeur n’était pas continu, c’est que le vice était caché.

[44]    Le Bénéficiaire a souligné qu’à la page 3, 2e paragraphe, du rapport de l’Inspecteur (Pièce A-2), il était indiqué que le coupe vapeur n’était pas continu, ce qui est pour lui un vice caché.

[45]    L’Inspecteur répond que les maisons sont souvent construites ainsi, et qu’il n’y a pas de cause à effet entre le fait que le coupe vapeur ne se continue pas jusqu’à plafond et la présence de glace sous la fenêtre. Pour l’Inspecteur, il est évident que l’accumulation de glace vient du fait que le sous-sol n’est pas fini, alors que la finition du contour de la fenêtre est la responsabilité du propriétaire.

[46]    Il ajoute que le coupe vapeur n’est pas continu car il est coupé (ou manque) là où il y a des ouvertures et il appartient au Bénéficiaire, lors de la finition de son sous-sol, de terminer le cadre et de l’isoler.

[47]    L’Inspecteur conclut que la cause du problème soulevé se situe plus probablement autour de la fenêtre qu’à la cloison en haut du mur, et l’état du lieu en haut du mur n’était pas la cause du problème d’eau sous la fenêtre, sinon, il y aurait eu un problème d’eau sur toute la périphérie du sous-sol - l’état du lieu en haut de la cloison n’était donc pas un vice caché, selon la définition légale du terme.

[48]    L’Entrepreneur ajoute pour sa part qu’il y a de la laine tout le tour de la fenêtre, et que c’est ainsi qu’il livre une maison qui n’a pas de sous-sol fini.  Quant au coupe vapeur, il est présent partout du plancher au plafond, sauf là où il y a l’ouverture des fenêtres.

Analyse et décision

[49]    Le Bénéficiaire a mentionné avoir vu une accumulation de glace et de l’eau qu’à un seul endroit, au coin (là où le mur rencontre le parquet (ou plancher)) sous la fenêtre du côté nord de son sous-sol, alors que la fenêtre n’a pas fait l’objet du travail de finition de la part des propriétaires Bénéficiaires, alors que la finition de la fenêtre est la responsabilité de ces derniers. 

[50]    La glace ne se trouve qu’à un seul endroit, soit sous la fenêtre, et il n’y a pas eu de preuve que la glace vienne de la partie supérieure de la fenêtre, il n’y pas eu de preuve que la présence non continu du coupe vapeur noté par l’Inspecteur dans son rapport et invoqué par le Bénéficiaire rendait le coupe vapeur impropre pour l’usage auquel on le destine.

[51]    Faute de finition et d’isolation du contour de la fenêtre, l’air ambiant s’est donc installé sur le mur de la fondation, l’eau a gelé, ruisselé, puis descendu.

[52]    Vu la preuve, le Tribunal d’arbitrage en vient à la conclusion que l’accumulation de glace n’a qu’une cause, soit le fait que la fenêtre du sous-sol n’est pas finie, c’est à dire, que l’étanchéité dans le cadre de la fenêtre est absente, ce qui est un défaut apparent et sous la responsabilité des Bénéficiaires, ce n’est pas un « vice » couvert par le Plan de garantie et sa réclamation est rejetée.

Les portes de placard de la cuisine

[53]    Dans sa lettre du 26 juin 2009, la Bénéficiaire faisait part à l’Entrepreneur du problème de gonflement des portes de placard dans la cuisine (pièce B-8).  A l’audience, il affirme que d’autres portes ont gonflé par la suite, même après la venue de l’Entrepreneur sur les lieux le 6 juillet 2009.  Il produit les photos B-9 et B-10, prises le 5 septembre 2010, en ajoutant que d’autres portes ont des gonflements visibles seulement à l’œil et difficilement visibles sur une photo.

[54]    Le 6 juillet 2009, le préposé de l’Entrepreneur fait les travaux que la lettre du 26 juin 2009 nécessite, sauf pour les portes de placard - il informe la Bénéficiaire qu’il n’y touchera pas.

[55]    Aucune autre représentation de l’Entrepreneur à ce sujet après le 6 juillet 2009 n’a été mise en preuve.

[56]    Le Bénéficiaire envoie une lettre datée du 28 février 2010 à l’Entrepreneur au sujet, entre autres, du gonflement des placards, lettre qu’il fera parvenir en annexe d’une réclamation à l’Administrateur le 14 avril 2010, reçue le 16 avril (Pièce A-3), soit, et clairement, plus de six mois après la découverte du problème.

[57]    A l’audience, le Bénéficiaire admet avoir envoyé son avis à l’Administrateur après le délai de six mois prévu à l’Article 10 du Règlement, ce qui en droit constitue un aveu judiciaire.

[58]    Le Bénéficiaire donne comme explication avoir été induit en erreur par l’Entrepreneur qui lui aurait amené à conclure qu’il s’occupait des problèmes soulevés par la lettre du 26 juin 2009 pour permettre l’écoulement du délai de six mois : « comme l’Entrepreneur avait commencé faire les travaux basées sur la liste je ne l’avais pas déclaré au plan de garantie ».

[59]    Les parties ont toutes témoigné sur l’état des portes, ce que le Tribunal ne commente pas, vu sa décision sur la réclamation.

Analyse et décision

[60]    L’article 10 du Règlement, aux alinéas 3e, 4e, et 5e, cités ci-haut, stipule clairement, comme condition à la mise en œuvre du Plan de garantie, l’envoi d’un avis écrit autant à l’Entrepreneur qu’à l’Administrateur.

[61]    La preuve démontre que l’Entrepreneur n’a pas voulu toucher et qu’il n’a pas touché aux portes le 6 juillet 2009, et le Bénéficiaire n’a produit aucun document ou rapporté quelque témoignage sur des représentations de l’Entrepreneur suite au 6 juillet 2009.

[62]    La preuve inexistante est donc très loin de remplir le critère de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt The Mile End Milling Co. v. Peterbourough Cereal Co., 1923 RCS 131 à l’effet que la preuve de l’intention d’acquiescer doit être non-équivoque:

La véritable règle de droit, c'est qu'on est jamais censé renoncer à un droit, et alors que l'acquiescement peut-être tacite, il doit être non-équivoque, c'est-à-dire l'intention d'acquiescer ou de renoncer doit être démontré.

 

[63]    Quoiqu’il en soit, l’explication du Bénéficiaire, soit la « confiance » en l’Entrepreneur, n’est pas génératrice de droit contre l’Administrateur.

[64]    La réclamation du Bénéficiaire contre l’Administrateur est irrecevable en droit - l’état du droit à cet effet est clair : le délai de six mois prévu à l’article 10 du Règlement est un délai de rigueur et de déchéance.

[65]    Dans l’affaire Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ (Soreconi 070424001) du 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, écrit :

[31] Le Tribunal est d’avis […] que le délai maximum de six (6) mois prévu aux alinéas 3e, 4e et 5e respectivement de l’article 10 du Règlement est de rigueur et de déchéance et ne peut conséquemment être sujet à extension.

 [36] En résumé, la dénonciation prévue à l’article 10 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et à le (sic!) droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés

[66]    Baudouin explique ce qu’est un délai de déchéance[1]

Dans le cas des délais de déchéance, la créance est absolument éteinte après l'expiration du temps fixé.  Le tribunal est alors tenu de suppléer d'office au moyen en résultant (art. 2878 C.c.).  Dans ces cas donc, ce n'est plus seulement l'action en justice qui est éteinte, mais bien le droit lui-même.

[67]    Puisque la réclamation du Bénéficiaire quant aux portes de placard fut envoyée par écrit à l’Administrateur après le délai de six mois prévu à l’article 10 du Règlement, sa réclamation contre l’Administrateur est rejetée.

Demande subsidiaire

[68]    Le Bénéficiaire demande subsidiairement que le Tribunal d’arbitrage commente la responsabilité de l’Entrepreneur.

[69]    Vu la conclusion du Tribunal d’arbitrage, ce dernier doit renvoyer cette question aux tribunaux civils de droit commun, à supposer que les Bénéficiaires aient un recours fondé en faits et en droit à cet effet.

CONCLUSIONS

[70]    Pour ces motifs, le Tribunal se doit de maintenir la décision de l’Administrateur qui a bien interprété le Règlement quand il a décidé que les fissures, l’accumulation de glace et les portes de placard de la cuisine n’étaient pas couvertes par le Plan de Garantie, et de rejeter la demande des Bénéficiaires, le tout sous toutes réserves du droit des Bénéficiaires de porter devant les tribunaux civils de droit commun, leurs recours quant aux portes de placard de la cuisine contre toute personne autre que l’Administrateur, sujets aux règles de droit commun incluant la prescription civile, à supposer qu’ils aient un tel recours.

FRAIS

[71]    Les alinéas 1e et 2e de l’article 123 du Règlement stipulent : 

Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

[72]    Les Bénéficiaires n’ont eu gain de cause sur aucun des aspects de leur réclamation.  L’article 116 du Règlement permet à l’arbitre de faire « aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient ».

[73]    En conséquence, les frais d’arbitrage, aussi bien en droit qu’en équité, selon les Articles 116 et 123 du Règlement, seront partagés entre les Bénéficiaires pour la somme de cinquante dollars ($50.00) et le solde des frais de l’arbitrage sera assumé par l’Administrateur du Plan de Garantie.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE

REJETTE la demande des Bénéficiaires;

MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 7 juillet 2010 à toutes fins que de droit;

RÉSERVE aux Bénéficiaires leurs recours pour les portes de placard (ou d’armoires) de la cuisine contre toute personne autre que l’Administrateur, devant les Tribunaux de droit commun, sujets aux règles de droit commun et de la prescription civile, à supposer qu’ils aient un recours fondé en faits et en droit;

CONDAMNE les Bénéficiaires à payer conjointement et solidairement la somme de $50.00 à SORECONI pour leur part des frais d’arbitrage;

CONDAMNE l'Administrateur du Plan de Garantie à payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier moins le montant de $50.

Montréal, le 26 novembre 2010

 

__________________________

Me ROLAND-YVES GAGNÉ

Arbitre / SORECONI

Procureur :

 

Me Avelino de Andrade

Pour l’Administrateur

 

Jurisprudence citée:

 

The Mile End Milling Co. v. Peterborough Cereal Co., 1923 RCS 131.

 

La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725  (Cour d’appel, 15 décembre 2004)

 

Dominique Jannelle et al. c. La Garantie Qualité Habitation (SORECONI 050228003, 19 mai 2005, Jean Dionne, arbitre)

 

Syndicat de copropriété 324 à 334 Wurtele c. Les Constructions Cholette & Papineau et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (SORECONI 070102001, 4 mai 2007, Me Michel Jeanniot, arbitre)

 

Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ (Soreconi 070424001, 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre)

 

Doctrine citée :

 

Baudouin, La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 1219, I-1447

 

Jurisprudence considérée :

 

Lortie c. Grimard EYB 2007-120076 (Cour du Québec, 7 mai 2007, Patrick Théroux, J.C.Q.).

 

Papillon c. Bolduc 2010 QCCQ 1839 (Cour du Québec, 19 février 2010, André J. Brochet, J.C.Q.)

 

 

 



[1] La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 1219, I-1447