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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Développement Quatre-Saisons inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

Gisèle Campagna et Terry Campagna

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier de La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ : 035903

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour l'entrepreneur :

M. Pierre Desmarais

 

Pour les bénéficiaires :

Me Charles Gosselin

 

Pour l'administrateur :

Me Luc Séguin

 

Date d’audience :

18 novembre 2004

 

Lieu d'audience :

Austin

 

Date de la sentence :

14 janvier 2005

 

 

 

INTRODUCTION

[1]                À la demande de l'arbitre, l'audience s'est tenue à la résidence des bénéficiaires.

[2]                À la suite d'une demande de réclamation des bénéficiaires, l'administrateur, en date du 2 avril 2004, a déposé un rapport d'inspection supplémentaire relativement aux interstices au plancher de bois franc du rez-de-chaussée ainsi qu'aux interstices au plancher structural de bois de l'étage.

[3]                Les conclusions de ce rapport sont les suivantes :

L'entrepreneur devra effectuer les travaux mentionnés aux points 2 et 3 et ce, à l'intérieur d'un délai de trente (30) jours suivant la réception du rapport.

2.      INTERSTICES AU PLANCHER DE BOIS FRANC DU REZ-DE-CHAUSSÉE

3.      INTERSTICES AU PLANCHER STRUCTURAL DE BOIS DE L'ÉTAGE

Inspection des points 2 et 3 :

Selon les relevés que nous avons effectués sur place (voir ci-bas), nous constatons que les interstices entre les lattes de bois franc du rez-de-chaussée et les planches structurales de l'étage ne se referment pas, malgré le maintien d'un taux d'humidité relative normal à l'intérieur du bâtiment. Nous sommes donc d'avis que le problème n'est pas attribuable à une faute du bénéficiaire depuis son occupation du bâtiment.

Date

Pièces

% HR

Largeur moyenne des interstices

Largeur maximale des interstices

16 mai 2003

R-de-ch/Salon et salle à manger

 

Étage/Chambre des maîtres

40

 

 

49

1.7 mm

 

 

5.0 mm

3.3 mm

 

 

6.0mm

11 juin 2003

R-de-ch/Salon et salle à manger

 

Étage/Chambre des maîtres

57

 

 

54

1.7 mm

 

 

5.0 mm

3.3 mm

 

 

6.0 mm

25 sept. 2003

R-de-ch/salon et salle à manger

 

Étage/chambre des maîtres

49

 

 

49

1.1 mm

 

 

1.7 mm

1.6 mm

 

 

5.7 mm

9 févr.

2004

R-de-ch/salon et salle à manger

 

Étage/chambre des maîtres

31

 

 

30

1.7 mm

 

 

3.4 mm

2.8 mm

 

 

6.0 mm

 

 

Correctifs pour les points 2 et 3 :

Les situations mentionnées aux points 2 et 3 constituent des malfaçons apparentes qui ont été dénoncées par écrit au moment de la réception du bâtiment.

Par conséquent, en vertu de l'article 3.2 du contrat de garantie, l'entrepreneur devra apporter des correctifs pertinents aux planchers de bois franc du rez-de-chaussée (salon et salle à manger) et aux planches structurales de l'étage (chambre des maîtres) afin d'éliminer les interstices que nous jugeons comme majeurs et inacceptables.

Pour le plancher du rez-de-chaussée, le remplacement complet dudit plancher est à considérer.

Pour le plancher structural de l'étage, l'installation d'un plancher flottant sur le plancher structural existant est à considérer.

[4]                L'entrepreneur a déposé une demande d'arbitrage contestant les conclusions de ce rapport.

[5]                En cours d'enquête, les parties ont déposé 46 pièces et ont fait entendre les témoins suivants :

·        M. Jean Bourgault, entrepreneur, Développement Quatre-Saisons inc.

·        M. Mario Plante, estimateur des dommages

·        M. Gilbert Proulx, fournisseur de bois

·        M. Jean-Jacques Arès, poseur de plancher

·        M. Terry Campagna, bénéficiaire

·        M. Rénald Cyr, inspecteur-conciliateur, APCHQ

[6]                À l'étage, il s'agit d'un plancher en bois de pin, fabriqué de planches de 5¼ po x 1 po selon un témoin, de 6 po x 1 po selon un autre témoin.

[7]                Au rez-de-chaussée, il s'agit d'un plancher en bois dur (majoritairement du hêtre), fabriqué de planches de 3¼ po x ¾ po.

[8]                La date de réception du bâtiment est le 23 janvier 2003.

[9]                Relativement à la réception du bâtiment, l'entrepreneur s'interroge à savoir s'il n'y aurait pas eu falsification de document; il soulève le fait que la mention « 1- Inspection des poutres et plancher à vérifier » apparaît sur la pièce A - 18 (liste préétablie d'éléments à vérifier et réception du bâtiment) du cahier des pièces émis par l'administrateur, alors que cette mention est absente sur ses copies.

[10]            L'administrateur réplique que la pièce A‑18 portant cette mention est une copie d'un document d'archives et que ledit document lui est toujours transmis par l'entrepreneur.

[11]            De consentement, les parties ont accordé à l'arbitre un délai supplémentaire de 30 jours pour rendre sentence dans le présent dossier.

POSITION DE L'ENTREPRENEUR

[12]            M. Bourgault nous explique qu'à l'été 2002, lors de la construction de la maison, le taux d'humidité était très élevé, causant ainsi l'expansion des lames des planchers de bois.

[13]            En janvier suivant, compte tenu que les bénéficiaires chauffaient avec un poêle à bois, les lames des planchers ont subi l'effet contraire, soit le rétrécissement.

[14]            Selon le témoin, la mise en place de chacun des planchers s'est effectuée à l'intérieur d'une seule semaine; au cours de ces semaines, il n'y a pas eu de pluie, et toutes les précautions ont été prises en protégeant le bois tous les soirs. Il admet toutefois ne pas avoir de contrôle sur l'humidité extérieure.

[15]            M. Bourgault témoigne à l'effet que le bois était entreposé dans la maison avant la pose, qu'il a lui‑même supervisé les travaux et qu'il n'a pas vérifié le taux d'humidité du bois avant et lors de l'installation.

[16]            Il mentionne que la construction a débuté en mai 2002 pour se terminer en août-septembre de la même année et précise qu'en septembre, les planchers étaient de bonne qualité, sans interstices.

[17]            M. Mario Plante est un estimateur des dommages sur bâtiments mandaté par la Compagnie d'assurance ING du Canada, assureur de l'entrepreneur.

[18]            À la suite d'une inspection préalable des deux planchers, il a déposé un rapport en date du 17 novembre 2004, dont voici deux extraits :

Relativement au plancher du rez-de-chaussée

FINITION DU PLANCHER

Le plancher de bois est de type merisier ou érable 3 ¼. Il a été posé selon M. Campagna sans papier feutre entre le bois et l'aspenite et cela aurait aidé beaucoup pur le craquement et la friction des 2 matériaux s'il y avait eu ce feutre. Le plancher est ouvert à plusieurs endroits et cela ne se replacera pas.

Pour créer ce problème, il y a différentes causes :

1-      Degré d'humidité trop variable dans la maison, il est peut-être mal contrôlé

2-      Degré d'humidité du bois trop élevé lors de la pose

3-      Degré d'humidité trop élevé du pontage de base lors de la pose du plancher. Ce degré a-t-il été vérifié lors de la pose?

4-      Plancher pas assez cloué. L'espacement entre les clous trop grand peut créer ce manquement car le bois cherchera toujours à travailler. C'est un élément fragile.

Relativement au plancher de l'étage

Comme pontage c'est une planche de pin de 1'' x 6'' bouveté d'env. 1'' d'épaisseur. Ces planches ont des joints qui ont ouvert de façon importante et certaines solives ont craqué longitudinalement.

Pourquoi:

1-      Par un degré d'humidité trop variable dans la maison

2-      Par un degré d'humidité du bois trop élevé lors de la pose ( possibilité )

3-      Par le bois mal entreposé sur le chantier avant la pose ( possibilité )

4-      Par le bois mal protégé lors de la construction ( possibilité )

5-      Par une fixation inadéquate de ces planches. Il n'y a aucun clou apparent mais une planche de pin de 1'' x 6'' ça travaille. Il y aurait dû y avoir un clou caché dans le bouvetage mais avoir un clou ou une vis aussi en surface à environ 1 ½'' du rebord, ceci aurai grandement aidé et de cette façon la planche aurait été plus soutenue.

[sic]

[19]            M. Plante conclut que les dommages sont d'ordre esthétique et non structural.

[20]            Selon le témoin, le plancher du rez-de-chaussée a été bien fabriqué, avec le bon degré d'humidité, sans quoi il aurait arrondi; le sablage et l'alignement, dit-il, sont parfaits.

[21]            M. Plante est d'avis que le plancher de l'étage est uniforme, qu'il a bien été cloué et que le sablage ainsi que le vernis sont impeccables. Il est d'avis que le problème a été causé par les conditions actuelles d'humidité dans la maison (l'humidité relative ne devrait pas être inférieure à 35 % l'hiver et supérieure à 50 % l'été).

[22]            M. Plante explique les précautions à prendre lors de la construction : entrer le bois deux jours à l'avance dans la maison pour qu'il s'acclimate et mêler les planches; les poseurs doivent effectuer des tests d'humidité; on peut aussi ventiler la maison et l'assécher si le taux d'humidité y est trop élevé.

[23]            L'entrepreneur argumente à l'effet que si la norme permise pour la largeur d'un interstice est de 1,1 mm pour une planche de 2¼ po de largeur, on peut déduire qu'elle serait de 1,6 mm pour une planche de 3¼ po de largeur (plancher du rez-de-chaussée) en effectuant une règle de trois; or, le rapport de l'administrateur du 2 avril 2004 indique que la largeur moyenne des interstices pour ce plancher varie de 1,1 mm à 1,7 mm.

POSITION DES BÉNÉFICIAIRES

[24]            M. Campagna témoigne à l'effet que le bois du plancher de l'étage a été entreposé à l'extérieur (il allait au chantier trois fois par semaine).

[25]            Une fois le plancher terminé, il a enlevé la toile de protection et il a essuyé l'eau qui était sur le plancher; la fenêtre n'était pas posée et, selon lui, l'humidité relative était de l'ordre de 80 %.

[26]            Lors de la pose du plancher du rez-de-chaussée, il était absent; il a pu noter par la suite que l'eau pénétrait par la cheminée et se déposait sur le plancher de bois franc; aucune précaution n'a été prise par l'entrepreneur pour assécher la maison.

[27]            Selon le témoin, les interstices ont commencé à apparaître en novembre 2002, soit au moment où a débuté le chauffage de la maison.

[28]            Le premier hiver, il a utilisé 1,5 corde de bois de chauffage; il a par la suite utilisé 2,5 cordes par hiver.

[29]            Le bénéficiaire a déclaré que lorsqu'il lave le plancher en haut, « ça coule partout en bas ».

[30]            En argumentation, le procureur souligne qu'une réserve a bel et bien été indiquée par le bénéficiaire à l'entrepreneur relativement aux planchers lors de la réception. Dès le 30 novembre 2002, il obtenait un rapport d'expertise d'une firme indépendante à cet effet (pièce A‑4 du cahier des pièces émis par l'administrateur).

[31]            Au moment de la réception du bâtiment (23 janvier 2003), M. Campagna a parlé à l'entrepreneur à la fois des poutres et des planchers, car il entendait le plancher craquer depuis novembre 2002.

[32]            Sur le fond, poursuit le procureur, il existe une preuve convaincante de la présence d'eau sur les planchers attribuable à une fenêtre et une cheminée non protégées. Il s'agit d'un travail ne respectant pas les règles de l'art.

[33]            L'entrepreneur a une obligation de résultats et il avait le fardeau de démontrer qu'il n'était pas en défaut.

[34]            Or, le problème est survenu lors de la pose; en effet, si les interstices ne disparaissent pas une fois que le plancher a séché, il s'agit d'un problème de pose.

[35]            Depuis deux ans, la situation est la même; le bénéficiaire lave ses planchers à l'étage avec une vadrouille et l'eau coule au rez-de-chaussée.

POSITION DE L'ADMINISTRATEUR

[36]            M. Cyr est d'avis qu'il s'agit ici d'un problème d'humidité.

[37]            Lors de ses premières visites sur les lieux les 16 mai et 11 juin 2003, il a tout d'abord réglé le problème des poutres et de la colonne (fissures importantes) et il a effectué les premiers relevés du niveau d'humidité avant de conclure sur la question des planchers.

[38]            Selon le témoin, l'utilisation de 2,5 cordes de bois par hiver constitue un chauffage d'occasion et non pas un chauffage prédominant.

[39]            Pour mesurer la largeur des interstices, M. Cyr utilisait des pièces de monnaie (0,10 $ = 1,1 mm; 1,00 $ = 2 mm; etc).

[40]            Au moment de l'installation, le taux d'humidité du bois devrait varier entre 6 % et 9 %; si le taux d'humidité est supérieur, le bois va rétrécir.

[41]            M. Cyr prétend que l'entrepreneur n'a pas pris les dispositions nécessaires à cet effet, alors que cela fait partie de ses obligations.

[42]            Il s'agit ici de matériel structural et apparent. On peut tolérer de petits interstices; toutefois, dans le cas présent, en raison de l'absence de vérification lors de la pose, ils sont exagérés et excessifs.

[43]            Si ces interstices étaient attribuables aux conditions ambiantes d'humidité, ils se seraient résorbés en août 2003, une fois la construction terminée, ce qui ne fut pas le cas.

[44]            Le consommateur n'a pas été fautif dans ses habitudes de vie, et on ne peut le pénaliser pour ces résultats.

[45]            Selon le témoin, une norme acceptable de la largeur des interstices en période hivernale serait de 1,1 mm pour une planche de 2¼ po.

[46]            En argumentation, le procureur soumet qu'il n'y a pas eu de falsification relativement au document de réception du bâtiment.

[47]            Dans le cas du rapport d'inspection du 2 juillet 2003 relatif aux poutres et à la colonne (pièce A‑11 du cahier des pièces émis par l'administrateur), l'entrepreneur ne s'est pas objecté au document de réception à ce moment-là et il n'a pas demandé l'arbitrage.

[48]            Les interstices aux planchers existaient lors de la réception en janvier 2003, tout comme en novembre 2002; M. Cyr s'est présenté à quatre moments différents et il a pu constater que les bénéficiaires contrôlaient le taux d'humidité relative de l'air ambiant.

[49]            Durant la construction, alors que c'était un été très humide, aucune précaution n'a été prise par l'entrepreneur; il s'agit donc d'une mauvaise installation.

[50]            Nous sommes en présence d'une malfaçon apparente dénoncée lors de la réception du bâtiment et couverte par l'article 3.2 du contrat de garantie.

DÉCISION ET MOTIFS

[51]            L'imbroglio subsiste au sujet de la réception du bâtiment le 23 janvier 2003.

[52]            Sur la copie de l'administrateur de la liste préétablie d'éléments à vérifier et déclaration de réception du bâtiment (pièce A‑18 du cahier des pièces émis par l'administrateur), on peut lire ce qui suit dans la section Éléments à corriger et à réparer : « 1- Inspection des poutres et plancher à vérifier ».

[53]            L'administrateur témoigne à l'effet que selon la procédure, sa copie dudit document lui est toujours transmise par l'entrepreneur.

[54]            L'entrepreneur affirme ne pas avoir envoyé de copie portant cette annotation à l'administrateur, puisque ladite mention n'apparaît sur aucune des copies en sa possession; selon l'entrepreneur, il s'agit d'une falsification de document.

[55]            Selon le procureur de l'entrepreneur, c'est plutôt la copie des bénéficiaires (annotée la journée même de la réception) que l'administrateur a classé dans ses archives.

[56]            Même si la preuve n'est pas du tout convaincante, le soussigné va procéder à l'étude sur le fond en prenant pour acquis que cet état avait été dénoncé en conformité avec le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[57]            La visite des lieux a démontré qu'il y a des interstices entre les lattes de bois franc au rez-de-chaussée et les lattes de bois à l'étage.

[58]            Quoique le rapport de l'administrateur du 2 avril 2004 ne nous renseigne pas sur la quantité de ces interstices, il n'y a pas de raison de douter des largeurs qui y sont indiquées.

[59]            La preuve est prépondérante à l'effet que l'entrepreneur n'a pas pris toutes les précautions nécessaires pour contrôler l'humidité du bois et/ou l'humidité de l'air ambiant lors de l'entreposage, avant la pose sur le chantier, pendant et après la pose.

[60]            La preuve a toutefois démontré que le taux d'humidité du bois livré était conforme et que la fixation du plancher avait été adéquate.

[61]            L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ) a publié un manuel intitulé L'abc ... des planchers de bois franc et des vernis dans le secteur résidentiel (2e édition, février 2003), duquel est tiré l'extrait reproduit ci‑après (pages 124 et 125) :

[...]

Comme il est tout à fait normal que d'une saison à l'autre, ou pour diverses raisons, le taux d'humidité d'une maison varie. Un plancher bien installé peut laisser apparaître de légères fissures capillaires (appelées aussi «Hair line cracks») durant les périodes où le taux d'humidité de l'air ambiant est plus bas, soit généralement entre les mois de novembre et avril.

Selon la largeur des planches utilisées, la dimension des pièces, la durée des températures très froides à l'extérieur et la stabilité des températures intérieures, le terme fissure capillaire peut désigner des interstices plus ou moins larges.

Généralement, pour des planches de 2¼ pouces de largeur, ces fissures sont considérées comme normales si elles ne dépassent pas l'épaisseur d'un dix cents et qu'elles se referment durant la période estivale, soit mi-juin/fin-août.

À l'occasion, ces fissures peuvent apparaître par sections ou blocs. Ce phénomène est occasionné par le vernis. Ce dernier peut sceller plusieurs planches ensemble et causer une seule fissure plus importante entre les blocs, soit de beaucoup supérieure à l'épaisseur d'une pièce de dix cents, tout le retrait se trouvant concentré au même endroit.

Les revêtements constitués de planches plus larges peuvent réagir plus sévèrement et engendrer des retraits supérieurs à ceux des lames plus étroites. Si ceux-ci disparaissent durant la période où le taux d'humidité est élevé, ils sont considérés comme normaux. Il peut cependant arriver que, dans certains cas, ces fissures ne se referment pas complètement.

En effet, lorsque la maison ou le bâtiment est climatisé, le taux d'humidité relative est beaucoup plus stable et ce, même en été. Dans ce cas particulier, les fissures de retrait pourraient persister même durant la saison chaude.

[...]

[62]            Selon les observations de l'administrateur contenues dans son rapport du 2 avril 2004, la largeur moyenne des interstices au plancher de bois franc du rez-de-chaussée varie de 1,1 mm à 1,7 mm, selon la date du relevé; toutefois, contrairement à ce qui est indiqué dans le manuel précité, ces interstices sont plus larges en mai et juin qu'en septembre, et de même largeur en juin et février.

[63]            Selon ce même manuel, pour une planche de 2¼ po de largeur, une fissure ne dépassant pas 1,1 mm de largeur (épaisseur d'une pièce de dix cents) serait conforme à la norme.

[64]            Le plancher du rez-de-chaussée est composé de planches de 3¼ po de largeur. On pourrait déduire que des fissures de 1,6 mm de largeur pour de telles planches ne s'écartent pas de la norme. Cette valeur se situe très près de la largeur moyenne des interstices de ce plancher, même si certains ont une largeur pouvant atteindre 3,3 mm.

[65]            En ce qui a trait au plancher de pin de l'étage, il est généralement reconnu que le bois mou obéit beaucoup plus facilement que le bois franc; il n'est pas inhabituel de constater des fissures dans les planchers de pin.

[66]            Dans le manuel cité précédemment, il est par ailleurs indiqué que pour des planches d'une largeur supérieure à 2¼ po, les fissures de retrait pourraient persister (ne jamais disparaître), comme c'est le cas dans le présent dossier.

[67]            Aucune des trois parties impliquées dans la présente cause ne s'est référée au dernier paragraphe de l'article 10 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, lequel apporte un éclairage sur la notion de malfaçon :

            Le défaut de se conformer aux règles de l'art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment, notamment celles contenues au Code national du bâtiment du Canada, au Code canadien de l'électricité et au Code de plomberie, constitue une malfaçon sauf s'il ne porte pas atteinte ou n'est pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment.

[68]            Il a été prouvé de façon satisfaisante que les dommages aux planchers étaient d'ordre purement esthétique et non structural, et ce, même pour le plancher structural de l'étage.

[69]            La visite des lieux a permis de constater que les planchers ne sont pas arrondis, que l'alignement est parfait, que le sablage et le vernis sont impeccables.

[70]            Aucune preuve n'a été faite relativement à une atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment.

[71]            Certes, il y a des interstices.

[72]            Sans égard au fait que certains arbitres considèrent que l'effet visuel n'est pas une malfaçon, le soussigné est d'avis que dans le présent dossier, l'aspect visuel des planchers ne contraste pas avec l'environnement intérieur de la propriété des bénéficiaires (poutres et solives apparentes) et ne porte pas atteinte à la qualité du bâtiment ou à sa valeur de revente.

[73]            La seule atteinte dénoncée par le bénéficiaire lors de l'audience est la suivante : lorsqu'il lave le plancher de l'étage, l'eau tombe au rez-de-chaussée. Je le cite : « Je lave les planchers avec une mop d'eau... Quand je lave le plancher en haut, ça coule partout en bas ».

[74]            En tout respect pour le bénéficiaire, le soussigné ne croit pas que ce soit la bonne façon de laver des planchers de bois. Il est recommandé, pour fins de nettoyage d'un plancher de bois, de l'humecter légèrement et de l'essuyer (assécher) rapidement; un lavage à grande eau n'est sûrement pas approprié.

[75]            Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal :

ACCUEILLE               favorablement la réclamation de l'entrepreneur.

[76]            Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur.

 

 

BELOEIL, le 14 janvier 2005.

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]