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JP 0928 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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N° : |
540-05-007000-023 |
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DATE : |
9 juillet 2003 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
GINETTE PICHÉ, J.C.S. |
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MADAME HASMIK TAKHMIZDJIAN et MONSIEUR JACK BARDAKJIAN |
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Requérants |
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c.
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SORECONI (SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC.) |
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Intimée |
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et BETAPLEX INC. Entrepreneur mis en cause et LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'A.P.C.H.Q. INC. Mise en cause |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal est saisi d'une requête en évocation d'une décision rendue par l'arbitre Gilles LeBire le 30 octobre 2002. Cette décision a été prononcée en vertu du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[2] Aujourd'hui, les requérants demandent au Tribunal de déclarer bonne et valable la demande d'arbitrage faite auprès de Soreconi (Société pour la résolution des conflits inc.) faite le 28 juin 2002 et d'ordonner la tenue de l'arbitrage du différend les opposant avec la mise en cause.
[3] Notons que le Tribunal procèdera à rendre jugement dans le présent dossier, mais que ce jugement s'appliquera de façon intégrale au dossier 540-05-007001-021 selon entente entre les parties puisqu'il s'agit de faits similaires.
[4] Il s'agit de deux familles qui ont acquis une maison construite par les Constructions Bétaplex inc. On parle ici de maisons neuves et un contrat de garantie a été signé par l'entrepreneur et les acquéreurs des maisons. Dans le contrat de garantie il est prévu que s'il y a des problèmes, une inspection est faite et s'il y a insatisfaction suite au rapport soumis, une demande peut être faite pour un arbitrage. Dans le cadre du programme de garantie, des organismes d'arbitrage sont mandatés par l'A.P.C.H.Q. pour agir comme arbitres. Les clients, ici les requérants, doivent communiquer avec l'un des organismes mandatés pour l'arbitrage.
[5] Les 13 et 22 mai 2002, l'inspecteur du plan désigné par l'A.P.C.H.Q. soumet deux rapports relatifs à sa décision. Il accepte partiellement les demandes d'indemnisation des requérants.
[6] Les requérants sont insatisfaits de la décision. Ils mandatent un avocat afin de soumettre le différend existant à l'arbitrage. Le 5 juin 2002, l'avocat transmet à l'A.P.C.H.Q. une lettre visant à soumettre le différend à l'arbitrage. Il adresse alors sa demande d'arbitrage à l'A.P.C.H.Q., plutôt que de l'adresser immédiatement à un des organismes d'arbitrage autorisés par l'A.P.C.H.Q. Le Tribunal reproduira immédiatement l'article 107 du règlement.
Article 107:
"La demande d'arbitrage doit être adressée à un organisme d'arbitrage autorisé par la Régie dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur ou, le cas échéant, de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation. L'organisme voit à la désignation de l'arbitre à partir d'une liste des personnes préalablement dressée par lui et transmise à la Régie."
[7] Le 7 juin suivant l'A.P.C.H.Q. accuse réception de la demande d'arbitrage. Le Tribunal reproduira le texte de la lettre envoyée pour la bonne compréhension du dossier (R-5):
"Monsieur,
Nous accusons réception de votre lettre datée du 5 juin 2002 dans laquelle vous nous faites part de l'insatisfaction de vos clients ci-haut mentionnés relativement aux décisions de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ contenues au rapport d'indemnisation de M. Jocelyn Dubuc émis le 13 mai 2002 et au rapport d'inspection émis le 16 mai 2002.
Selon les dispositions prévues à l'article 2.1 de la «Section C» du contrat de garantie, vous pouvez faire valoir les argumentations de vos clients face à ces décisions de M. Jocelyn Dubuc en faisant prévaloir à vos clients le processus d'arbitrage spécialement prévu à cet effet. En ce sens, vous devrez communiquer avec l'un des organismes dûment mandatés pour agir comme arbitre dans le cadre du programme de garantie." (…)
Suivent les coordonnées des organismes d'arbitrage dont celles de Soreconi, intimée dans la présente instance. L'avocat n'informera les requérants de la réception de cette lettre que le 26 juin 2002. Dès le 28 juin, les requérants, personnellement, font les démarches nécessaires auprès de Soreconi, un des organismes mandatés pour agir comme arbitre. C'est suite à cette demande d'arbitrage que l'arbitre Gilles LeBire est assigné au dossier.
[8] Malgré la réception de la lettre de l'avocat, avant le début de l'audition, l'A.P.C.H.Q. informe l'arbitre qu'elle va soulever l'irrecevabilité de la demande pour le motif que celle-ci aurait été formulée après les 15 jours prévus au règlement. L'audition qui a lieu devant l'arbitre portera donc exclusivement sur cette question d'irrecevabilité de la demande. Le 30 octobre 2002, l'arbitre LeBire rend sa décision. Il rejette la demande d'arbitrage la jugeant comme étant tardive et ayant été faite hors délai. Selon l'arbitre, le règlement ne lui permet pas de proroger le délai qui serait un délai de rigueur.
[9] Les requérants soumettent que l'arbitre a interprété de manière déraisonnable les articles pertinents du règlement i.e. les articles 19 et 35. Aucune disposition du règlement ou de la loi constitutive (loi sur le bâtiment L.R.Q. C.B-1.1) ne faisant référence au délai comme étant une formalité impérative sous peine de déchéance. Les requérants soumettent qu'en l'absence d'une disposition claire, déclarant le délai comme étant un délai de "rigueur", l'arbitre se devait de faire appel à l'équité selon l'article 116 du règlement et exercer sa discrétion conformément aux dispositions supplétives du Code de procédure civile. En faisant abstraction de ce principe de justice fondamentale, l'arbitre aurait exercé de façon déraisonnable son pouvoir discrétionnaire et aurait décidé à l'encontre de la volonté du législateur en faisant une interprétation formaliste des articles 19 et 35 du règlement.
[10] En défense, les intimées plaident qu'il s'agit d'une demande de révision judiciaire et non d'un appel et que le Tribunal ne peut substituer sa décision à celle de l'arbitre. On soumet qu'il s'agit ici d'un délai de rigueur et que la demande d'arbitrage n'a pas été faite dans les 15 jours de la réception de la décision de l'administrateur. L'A.P.C.H.Q. plaide qu'il y a ici une clause privative et que les bénéficiaires sont liés par la décision arbitrale qui est finale.
[11] On soumet que les tribunaux ont bien défini la question de la norme de contrôle judiciaire applicable. Selon l'A.P.C.H.Q., s'il y a erreur juridictionnelle, le Tribunal peut intervenir, mais s'il s'agit d'une erreur de droit ou de fait, il ne peut y avoir d'intervention sauf si la décision est manifestement déraisonnable. L'arbitre LeBire aurait décidé à l'intérieur de sa compétence et il ne pourrait y avoir d'intervention sauf s'il s'agissait d'une décision manifestement déraisonnable.
[12] On plaide enfin que l'emploi du mot "doit" à l'article 19 du règlement possède un caractère impératif puisque le législateur a ajouté à la suite du mot "doit" les mots "pour que la garantie s'applique". Il s'agirait donc d'un délai de déchéance.
[13] Selon les intimées, l'arbitre n'aurait pas rendu une décision déraisonnable en refusant de faire appel à son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai qui est un délai de rigueur.
[14] Le Tribunal doit d'abord rappeler que l'interprétation des dispositions du Code civil est soumise à la norme de contrôle de la simple erreur de droit.
[15] Les requérants plaident que l'arbitre a interprété de manière déraisonnable l'article 19 du règlement. Selon eux, le délai de 15 jours n'est pas un délai de rigueur. De plus, soumettent-ils, l'arbitre n'a pas exercé sa discrétion de manière appropriée.
[16] Il est certain que l'arbitre agit à l'intérieur de sa compétence lorsqu'il rend une décision sur un sujet à l'intérieur de cette compétence. Il ne pourra y avoir intervention du Tribunal que si la décision peut-être qualifiée de manifestement déraisonnable([1]).
[17] Examinons la décision arbitrale. On peut lire à la page 3 de la décision que "préalablement à l'audition le soussigné informe les parties comment il entend procéder", qu'il est "le maître de la procédure", qu'il tient compte des dispositions du Code de procédure civile et du Code civil du Québec (art. 128,50c) et que la décision sera conforme aux règles de droit et le cas échéant, qu'il tiendra compte de l'équité (art. 116).
[18] À la page 8 de sa décision, l'arbitre dira ceci:
"La preuve démontre sans aucun doute que l'erreur ou la négligence de l'avocat a occasionné la tardiveté de la demande d'arbitrage par les bénéficiaires dans le délai fixé par le règlement.
Cependant, compte tenu du règlement du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, il n'y a aucun silence (sic) qui permet de proroger un délai, alors que les jurisprudences présentées par Me Janson permettaient à la Cour de proroger un délai."
"De plus, loin d'être silencieux, les articles 19 et 35 du Règlement édictent que le délai mentionné pour faire une demande d'arbitrage est de rigueur, le tribunal d'arbitrage ne peut le proroger."
L'article 19 du règlement se lit ainsi:
Article 19:
"Le bénéficiaire ou l'entrepreneur insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministère du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 15 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation."
L'article 35 dit que le bénéficiaire ou l'entrepreneur doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur. (…)
[19] Dans son volume sur l'Interprétation des Lois([2]), Pierre-A Côté dira, au sujet de l'emploi du mot "doit" (ou "shall") que, s'il fait présumer le caractère impératif d'une disposition, il ne crée qu'une présomption relative pouvant être écartée. Il dira:
"Il ne suffit pas qu'une disposition soit impérative pour que sa violation entraîne une nullité, il faut que son observation soit imposée à peine de nullité, ou, si l'on préfère, qu'elle soit de rigueur. La présence du mot "doit" ne devrait jamais permettre, à elle seule, de décider si une prescription a été imposée à peine de nullité. L'article 51 de la Loi d'interprétation québécoise, comme l'article 11 de la loi canadienne, "établit bien la distinction entre ce qui est facultatif et ce qui ne l'est pas, mais n'édicte par la nullité de ce qui n'a pas été fait (selon la loi)." (p. 299)
"À défaut de texte formel, l'intention du législateur de sanctionner ou non de nullité l'inobservation d'une règle de forme devra être déduite d'un ensemble de facteurs. À ce sujet, il a été dit qu'"aucune règle générale ne peut être formulée et que, dans chaque cas d'espèce, on doit considérer l'objet de la loi." (p. 300)
"Les tribunaux porteront une attention particulière au préjudice causé dans les circonstances par le vice de forme et au préjudice que causerait une déclaration de nullité." (p. 302)
"Le législateur n'étant pas censé vouloir que sa loi produise des résultats injustes, on présumera qu'il n'entend pas assortir une disposition d'une sanction de nullité s'il en résulte un mal social ou individuel trop important compte tenu de l'objet de la disposition." (p. 303)
[20] Il ne faut jamais oublier en effet que "la procédure ne sert qu'à faire apparaître le droit et non à l'occulter"([3])
[21] La Cour d'appel dans l'arrêt de Entreprises Canabec inc. c. Raymond Laframboise([4]) dira que "la déchéance n'est pas la règle et ne se présume pas. Hormis les cas où le législateur s'est exprimé de façon claire, précise et non ambiguë, il n'existe aucun délai de déchéance véritable".
[22] Dans la cause de Marc Deschambault c. Patrick DeBellefeuille([5]) M. le juge Hébert rappellera que "pour décider s'il existe une raison véritable de proroger le délai, les tribunaux prennent en compte les circonstances générales et lorsque la partie poursuivie pouvait ne subir aucun préjudice réel autre que la perte du droit de se prévaloir de la prescription, la prorogation paraît être dans le meilleur intérêt de la justice". (…)
[23] Il faut rappeler aussi, dira la Cour d'appel dans l'arrêt de Tribunal des professions c. Verreault([6]) "qu'il convient d'avoir à l'esprit la philosophie rémédiatrice du Code de procédure civile auquel fait expressément référence l'article 165 du Code des professions". Il y a enfin l'article 9 du Code de procédure qui dit qu'un juge "peut, aux conditions qu'il estime justes, proroger tout délai qui n'est pas dit de rigueur". (…)
[24] M. le juge Charrette dans la cause de Champagne c. Racicot([7]) rappellera que si le délai est un délai de procédure, il peut être prorogé. S'il s'agit d'un délai de déchéance, la prorogation est impossible. On sait aussi qu'en l'absence d'un texte exprès, l'expiration du délai n'emporte pas déchéance. Dans son volume sur Les Obligations([8]), le juge Baudouin rappelle que comme elle est exceptionnelle, la déchéance ne se présume pas, mais doit résulter d'un texte exprès. C'est l'article 2878 du Code civil du Québec qui édicte d'ailleurs que:
"Le tribunal ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription. Toutefois, le tribunal doit déclarer d'office la déchéance du recours lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d'un texte exprès."
[25] Le Tribunal estime que l'article 2878 s'applique ici au Règlement en cause. Le délai de 15 jours n'est pas indiqué nulle part comme étant de déchéance ou de rigueur. On peut considérer qu'il s'agit d'un délai de procédure pouvant être prorogé. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit spécifiquement à son article 116 que si l'arbitre doit statuer conformément aux règles de droit "il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient." Le Tribunal estime que les circonstances du présent cas justifiaient amplement l'arbitre d'agir avec équité et proroger le délai de 15 jours.
[26] Il faut en effet examiner la question de l'erreur de l'avocat qui a adressé la demande d'arbitrage à l'A.P.C.H.Q. et non à un organisme d'arbitrage autorisé par cette dernière.
[27] Les intimées ont en effet beaucoup insisté sur la question de l'erreur de l'avocat. Rappelons que lorsque l'A.P.C.H.Q. écrit à l'avocat le 7 juin 2002, c'est suite à la réception de sa lettre du 5 juin faisant part de l'insatisfaction de ses clients relativement aux décisions contenues au rapport d'indemnisation de M. Jocelyn Dubuc dans son rapport d'inspection du 16 mai 2002. À ce moment là, l'A.P.C.H.Q. ouvre un dossier, le dossier "024176" qui est la demande d'arbitrage des requérants. On dit à l'avocat dans la lettre qu'il pourra "faire valoir les argumentations de ses clients en leur faisant prévaloir le processus d'arbitrage spécialement prévu à cet effet". On ajoute qu'il devra communiquer avec l'un des organismes mandatés pour agir comme arbitre selon le programme de garantie. Le nom de Soreconi se trouve dans la liste des organismes d'arbitrage mandatés par l'A.P.C.H.Q.
[28] La demande d'arbitrage à l'A.P.C.H.Q. et l'ouverture du dossier par l'A.P.C.H.Q. ont été faits à l'intérieur du délai de 15 jours. C'est d'ailleurs ce que reconnaît la lettre envoyée par M. Ronald Ouimet. Il écrit à l'avocat "qu'il pourra faire valoir l'argumentation de ses clients en leur faisant "prévaloir", c'est le verbe utilisé par M. Ouimet, le processus d'arbitrage prévu par l'A.P.C.H.Q. dans le contrat de garantie.
[29] Par la suite, il y a erreur ou oubli de l'avocat. Il n'informera pas ses clients de cette lettre et de la façon dont le processus d'arbitrage doit être fait devant un organisme d'arbitrage, qu'à la fin juin. Le délai de 15 jours est dépassé. Cette erreur pouvait-elle faire perdre tous leurs droits aux requérants? Le Tribunal estime que non. Il serait aussi contraire à l'intention du législateur de faire perdre des droits à un justiciable pour une question de procédure due à une erreur de son avocat.
[30] Dans l'arrêt de la Cour suprême, Hamel c. Brunelle([9]), on a rappelé que "c'est le rejet du formalisme injuste qui a motivé l'intervention de la Cour sur des questions de procédure". (…)
"Quand la décision sur une question de forme a pour conséquence qu'un justiciable perd son droit, elle cesse d'être une question de forme et devient une question de droit."
[31] Dans l'arrêt de Têtu c. Bouchard([10]), M. le juge Gendreau de la Cour d'appel énonce que:
"La Cour suprême a plusieurs fois rappelé à notre Cour que, malgré la rigueur du texte de procédure la sauvegarde des droits de la partie, même et peut-être surtout si son avocat fut négligent devait demeurer le souci premier d'un juge si le redressement ne cause aucun préjudice à l'adversaire."
[32] Dans l'arrêt bien connu de Pont Viau (Cité) c. Gauthier Mfg, Ltd([11]),la Cour suprême dit clairement qu'une partie ne doit pas supporter l'erreur de son procureur. L'arrêt Bowen c. Ville de Montréal([12]) réaffirme le principe de Pont Viau (Cité) à l'effet:
"Qu'une partie ne doit pas être privée de son droit pas l'erreur de ses procureurs lorsqu'il est possible de remédier aux conséquences de cette erreur sans injustice à l'égard de la partie adverse."
[33] En 1992, la Cour suprême élargira même la notion d'impossibilité d'agir des parties de façon à y inclure l'erreur de l'avocat. Dans l'arrêt de Communauté Urbaine de Québec c. Services de Santé du Québec([13]) la Cour suprême rappelle l'article 2 du
Code de procédure qui édicte que les règles de procédure sont destinées à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction. Tout formalisme indu doit donc être écarté et les droits des parties sauvegardés lorsque l'erreur ou l'omission d'une partie ou de son procureur n'a pas de conséquences irréparables sur l'autre partie au litige.
[34] Le Tribunal estime que non seulement la question de la qualification du délai de 15 jours du Règlement, mais l'erreur de l'avocat sont des motifs raisonnables pour proroger le délai et permettre aux requérants d'être entendus en arbitrage.
[35] Enfin, la Cour suprême, dans l'arrêt de St-Hilaire c. Bégin([14]) dira que les "fins de la justice" commandent de sauvegarder les droits des appelants dans un cas où la production de l'inscription a été faite au dossier plutôt qu'au greffe. Ici, la demande d'arbitrage a été faite à l'A.P.C.H.Q. au lieu d'avoir été faite à un organisme d'arbitrage mandaté par l'A.P.C.H.Q elle-même. Les requérants n'ont pas à subir les conséquences fâcheuses de l'erreur de leur avocat.
[36] À la lumière de tous les faits, le Tribunal estime que la décision rendue par l'arbitre est déraisonnable et doit être révisée.
[37] POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[38] ACCUEILLE la requête;
[39] RÉVISE la décision rendue par l'arbitre Gilles Lebire le 30 octobre 2002;
[40] PROROGE le délai de production de demande d'arbitrage;
[41] DÉCLARE bonne et valable la demande d'arbitrage déposée par les requérants auprès de Soreconi;
[42] ORDONNE la tenue de l'arbitrage;
[43] LE TOUT AVEC DÉPENS.
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__________________________________ GINETTE PICHÉ, J.C.S. |
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Me Martin Janson |
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Procureur des requérants |
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Me Marco Gaggino |
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Procureur de l'entrepreneur mis en cause |
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Me François Caron Procureur de la mise en cause |
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[1] Une décision qui compte tenu des circonstances est clairement abusive, manifestement injuste, contraire au sens commun. Nature et portée du contrôle judiciaire, Éditions Yvon Blais, p. 191;
[2] L'interprétation des lois, 3e édition, Les Éditions Thémis, pp. 298 et 299;
[3] Ministère de la justice c. Me David Shulze et Commission d'Accès à l'information - Michel Laporte, REJB 2000 -18419;
[4] Entreprises Canabec inc. c. Raymond Laframboise, REJB 1997-00794 ;
[5] Marc Deschambault c. Patrick DeBellefeuille, REJB 2001-25772 ;
[6] Tribunal des professions c. Verreault, 1995.03.06, JE 95-610 , p. 12;
[7] Champagne c. Racicot, JE 96-1832 ;
[8] Les Obligations, 4e édition, Les Éditions Yvon Blais, p.582;
[9] Hamel c. Brunelle, 1977, 1RCS 147 ;
[10] Têtu c. Bouchard, 1998 A.Q. no. 2141;
[11] Pont Viau (Cité) c. Gauthier Mfg, Ltd, 1978, 2 RCS 516 ;
[12] Bowen c. Ville de Montréal, 1979, 1 RCS p. 519;
[13] Québec Communauté Urbaine c. Services de Santé du Québec, AZ-92111026 ;
[14] St-Hilaire c. Bégin, AZ 811111067;