ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : LES CONSTRUCTIONS ANDRÉ MALO INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET : CHRISTIAN ARSENAULT ET MONIA ABDERRAHMAN
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
No dossier SORECONI: 080417001
No bâtiment: 093898-1
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour les Bénéficiaires : Monsieur Christian Arsenault
Madame Monia Abderrahman
Monsieur Mohammad Hosseini, ing. PhD., Dr.
Pour l’Entrepreneur : Me Luc Poupart
Monsieur André Malo
Pour l’Administrateur : Me Stéphane Paquette
Monsieur François Lalancette
Date d’audience : 30 octobre 2008
Lieu d’audience : 46, rue Charlotte
Salle 1.39
Sorel-Tracy (Québec) J3P 6N5
Date de la sentence : 4 novembre 2008
Identification complètes des parties
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Paquin Pelletier
1010, de la Gauchetière Ouest
Bureau 950
Montréal (Québec) H3B 2N2
Bénéficiaires : Monsieur Christian Arsenault
Madame Monia Abderrahman
495, rue Mgr Coderre
Saint-Amable (Québec) J0L 1N0
Entrepreneur: Monsieur André Malo
Les Constructions André Malo Inc.
6013, rue Marie-Victorin
Contrecoeur (Québec) J0L 1C0
Et son procureur :
Me Luc Poupart
Administrateur : La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
Et son procureur :
Me Stéphane Paquette
Savoie Fournier
Décision
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 17 juillet 2008.
8 décembre 2004 : Contrat de l’entrepreneur;
12 janvier 2005 : Plans;
16 février 2005 : Acte de vente (terrain);
17 juin 2005 : Contrat de garantie et déclaration de réception du bâtiment;
13 janvier 2008 : Lettre des Bénéficiaires à l’APCHQ;
28 janvier 2008 : Demande de réclamation;
17 février 2008 : Mise en demeure des Bénéficiaires à l’Entrepeneur;
19 février 2008 : Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur ainsi qu’aux Bénéficiaires;
21 février 2008 : Réponse de l’Entrepreneur;
Février 2008 : Expertise géotechnique du laboratoire SM Inc.;
31 mars 2008 : Décision de l’Administrateur avec avis de réception d’envois recommandés aux Bénéficiaires et à l’Entrepreneur;
11 avril 2008 : Lettre de l’Entrepreneur;
17 avril 2008 : Demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;
17 juillet 2008 : Nomination de l’arbitre;
22 juillet 2008 : Lettre de l’arbitre aux parties les informant du processus de l’arbitrage;
5 septembre 2008 : Lettre de l’arbitre aux parties fixant la séance d’arbitrage au 30 octobre 2008 au Palais de justice de Sorel-Tracy à 9h30 a.m.
Après avoir pris connaissance des procédures, entendu la preuve et les arguments des parties, le tribunal d’arbitrage rend la décision suivante :
Remarques préliminaires et admissions:
[1] L’adresse du bâtiment est le 495, rue Mgr Coderre à Saint-Amable (Québec).
[2] La réception du bâtiment a eu lieu le ou vers le 17 juin 2005, lesréclamations écrites furent en date des 16 et 29 janvier 2008 et 18 février 2008.
[3] Il y a eu une inspection sommaire du bâtiment par l’Administrateur le 18 mars 2008.
Objections préliminaires :
[4] Aucune objection préliminaire n’a été soulevée par quelque partie que ce soit, l’arbitre constate que juridiction lui est acquise.
[5] L’audience est ouverte et débute le 30 octobre 2008 à 9h30 a.m. au Palais de justice de Sorel-Tracy, en salle 1.39.
Analyse et décision :
[6] Il s’agit d’une décision unique de l’Administrateur rendue le 31 mars 2008;
[6.1] La décision ne comporte qu’un seul point soit « affaissement du bâtiment».
[6.2] L’Administrateur considère le grief des Bénéficiaires dans le cadre du contrat de garantie, accepte la demande de réclamation des Bénéficiaires et requiert à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux et correctifs requis et subsidiairement, réparer les dommages causés par l’affaissement du bâtiment (entre autres, en tenant compte d’un rapport d’expertise préalablement fourni par les Bénéficiaires et joint à la décision de l’Administrateur);
[6.3] L’Administrateur enjoint l’Entrepreneur à adresser les travaux dans plus ou moins 75 jours de sa décision à savoir, d’ici le 15 juin 2008.
[7] L’Entrepreneur, insatisfait de la décision, exerce son choix de recours à l’arbitrage d’où la nomination du soussigné.
[8] Tel que préalablement ci-haut repris, l’Entrepreneur est en demande et à cet effet, c’est ce dernier qui a l’obligation de convaincre du caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur.
Le témoignage de Monsieur André Malo (pour l’entrepreneur) :
[9] Les points les plus importants à retenir du témoignage de Monsieur André Malo sont les suivants.
[10] Il (Monsieur Malo) est le président, actionnaire majoritaire et à toute fin pratique « l’âme dirigeante » de l’Entrepreneur.
[11] Il est entrepreneur général depuis plus de 45 ans et, en sus d’avoir mené à terme (avec succès) des projets commerciaux, industriels et/ou de rénovations, il représente avoir à son crédit entre 200 à 250 constructions résidentielles sans jamais n’avoir fait l’objet de réclamations similaires à celle d’aujourd’hui.
[12] Il nous représente (et ceci n’est pas contredit) qu’avant de s’engager vis-à-vis les Bénéficiaires, ces derniers se sont déplacés à ses bureaux à deux ou trois reprises avant d’obtenir une soumission pour que soit construite une unité résidentielle.
[13] Il nous représente que le mandat de l’Entrepreneur était de construire :
[13.1] une maison selon les plan et devis soumis par les Bénéficiaires;
[13.2] sur un sol et/ou terrain déjà la propriété des Bénéficiaires;
[13.3] en lieu et emplacement spécifiquement désignés par les Bénéficiaires;
[13.4] les Bénéficiaires se devaient d’obtenir tous les permis utiles et nécessaires pour la construction.
[14] À l’époque, l’emplacement choisi est bordé d’une voie publique et sont présents drains pluviaux, drains sanitaires et autres services publics.
[15] Il nous explique qu’après avoir accepté le mandat, il a procédé en temps utile (et à l’intérieur d’un échéancier convenu) à excaver pour la fondation.
[16] Il témoigne à l’effet qu’il a décidé d’installer les fondations à plus ou moins quatre (4) pieds de profondeur afin que celles-ci (les fondations) soient au même niveau que celle du voisin (déjà construit).
[17] Le représentant de l’Entrepreneur poursuit son témoignage en précisant qu’il avait constaté alors qu’il arrivait au niveau de sol recherché « qu’il y avait problème ». Il dit avoir téléphoné aux Bénéficiaires en leur expliquant :
[17.1] qu’il était en sol instable;
[17.2] qu’il semblait avoir découvert un lit de rivière puisque matières organiques et quenouilles étaient retrouvées;
[17.3] qu’il se devait de poursuivre son excavation;
[17.4] qu’il en résulterait des coûts additionnels et sans vouloir se prononcer;
[17.5] qu’il se pouvait que ces coûts vacillent à plus ou moins 20 000,00 $;
[17.6] qu’il ferait rapport sitôt que l’étendue des dommages lui serait connue.
[18] L’Entrepreneur poursuit son témoignage à l’effet que dès le lendemain, il rappelle les Bénéficiaires et leur explique :
[18.1] qu’il a excavé pour plus ou moins 6 à 8 pouces supplémentaires;
[18.2] qu’il est d’opinion qu’il est en terre ou roc solide;
[18.3] les coûts seront de beaucoup moindres que ce qu’il avait estimé;
[18.4] seules 6 à 8 pouces de remblai de pierre concassée additionnelle sera requise.
[19] En contre-interrogatoire (par Me Stéphane Paquette du bureau de Savoie Fournier pour l’Administrateur), le représentant de l’Entrepreneur admet et reconnaît « qu’il y a un problème ». Il admet et reconnaît de plus qu’il y a un affaissement et que cet affaissement connaît une progression.
[20] Il admet et reconnaît de plus que la problématique de la capacité portante des sols à Saint-Amable lui était totalement inconnue. Il reconnaît de plus et admet qu’il a, en excavant, rencontré des sols glaiseux voire même qu’il a creusé dans un « fond de ruisseau ». Il admet et reconnaît de plus qu’il n’avait jamais, avant cet immeuble, construit à Saint-Amable.
[21] Toujours en preuve principale, le procureur de l’Entrepreneur fait témoigner un des Bénéficiaires, Monsieur Christian Arsenault.
[22] Entre alors en preuve une nouvelle pièce à savoir un contrat pré-vente datant de 2004 par lequel les Bénéficiaires sont devenus acquéreurs du terrain sur lequel le bâtiment a été érigé (pièce E-1).
[23] Tel que pour Monsieur Malo, je ne reprendrai pas in extenso son témoignage, je ne relèverai que certains des points pertinents au raisonnement.
Témoignage de Monsieur Christian Arsenault (co-Bénéficiaire) :
[24] Monsieur Arsenault établit qu’il ne connaissait pas vraiment la région de Saint-Amable avant de devenir propriétaire, qu’il s’était préalablement promené dans la région dans le but de se porter acquéreur de sa première unité résidentielle familiale. Lorsqu’il a initié ses démarches, il avait été mis aux faits et à jour des possibilités de nappes phréatiques élevées dans la région mais ni plus ni moins.
[25] Lorsqu’il (le co-Bénéficiaire Arsenault) s’est présenté à la Ville, il a déposé ce qu’il avait comme plan préliminaire et seules recommandations (pertinentes au dossier) de la municipalité étaient la mise en place et/ou l’implantation d’une pompe submersible (une sub-pompe) au sous-sol.
[26] Monsieur Arsenault est alors interrogé par le procureur de l’Administrateur Me Stéphane Paquette et procède au dépôt de vingt-trois (23) épreuves photographiques (pièces 17.1 à 17.23 inclusivement).
[27] Ces photos sont récentes et tentent à démontrer la progression significative de l’affaissement du bâtiment depuis les lettres des Bénéficiaires (pièce A-6), mise en demeure (pièce A-7) et demande de réclamation (pièce A-8) des cotes extraites du cahier de pièces émis par l’Administrateur.
[28] Il est ostensible, la maison s’affaisse. Le constat est à tel point patent que l’Administrateur précisera plus tard en sa preuve principale qu’il a diagnostiqué la problématique comme un vice caché puisqu’en troisième année de garantie mais que si nous étions en quatrième année de garantie, il aurait accepté de qualifier la problématique comme vice de construction.
Témoignage de Monsieur Mohammad Hosseini (expert pour les Bénéficiaires) :
[29] Après un bref voir-dire, Monsieur Hosseini est reconnu comme expert et il est habilité à témoigner au soutien de son rapport d’expertise géotechnique de février 2008 (pièce numéro 11 du cahier des pièces émis par l’Administrateur).
[30] Le témoin explique que ses services ont été retenus afin d’effectuer une expertise géotechnique sur la résidence sise au 495, rue Mgr Coderre à Saint-Amable. Il explique que dans le cadre de son expertise, il a réalisé deux sondages en vue d’établir la capacité portante et de se prononcer sur la présence éventuelle d’un problème d’un sol de fondation (ainsi que subsidiairement, la solution proposée pour corriger la situation si nécessaire).
[31] Monsieur Hosseini témoigne quant au premier signe visuel de la problématique et entre autres :
[31.1] fissuration de béton tant au niveau intérieur qu’extérieur;
[31.2] ouverture de joints et jonction aux murs de fondation, de seuil(s) de porte(s);
[31.3] affaissement de la dalle de plancher au sous-sol dans un coin et soulèvement de la dalle de plancher dans un autre.
[32] Il ne va sans dire que l’expertise géotechnique de sol comporte des spécificités pointues et arides en lecture. Dans un exercice visant à axiomatiser et décompliquer afin de faciliter lecture et compréhension de la présente décision, je résumerai sommairement l’expertise. L’expert a procédé à déterminer la compacité des sols granulaires et la résistance au cisaillement de l’argile retrouvé en place. Il résume subséquemment la stratigraphie et les données obtenues.
[33] Il conclut que ces sondages indiquent une stratigraphie de sol composée d’une mince couche de sable gris organique suivi d’un dépôt d’argile grise. Il complète en établissant les résistances au cisaillement de l’argile mesuré.
[34] Son rapport non contredit (et qui ne fait l’objet d’aucune contestation de l’Entrepreneur) indique la présence d’une argile sous-jacente à la mince couche de sable organique mais de consistance molle et faiblement ferme en profondeur.
[35] Il précise que ceci constitue une particularité puisqu’une telle argile est classée comme une argile légèrement surconsolidée.
[36] Sans reprendre in extenso les diverses données pertinentes au limite de consistance et des constats sur les limites de plasticité, j’accepte que les données recueillies permettent un constat, le dépassement de la limite de la liquidité de l’argile combinée à sa faible résistance au cisaillement constitue les paramètres géotechniques très défavorables.
[37] Est jointe en annexe au rapport (pièce A-11) copie d’une carte de sol (intitulée « dion 1977 ») (annexe 5 au rapport d’inspection).
[38] Cette carte qui fait partie du domaine public identifie la zone géo-politique de Saint-Amable (pour fin de construction) comme « 6B ». La légende de cette carte identifie sommairement une zone 6B comme ayant une capacité portante très faible. (Tassement important prévisible).
[39] L’expertise ci-haut mentionnée ainsi que les dommages observés par le soussigné (par le biais de copie des épreuves photographiques ainsi que du témoignage des parties et admissions générales de la part de Monsieur Malo pour l’Entrepreneur) confirme que la capacité portante des sols de fondations est faible et que les dommages observés sont dus à la faible capacité portante des sols en place.
[40] Il semble de plus y avoir un consensus de tous les intervenants (incluant l’Entrepreneur) que la solution définitive pour stabiliser les mouvements du sol est de procéder aux travaux de reprise en sous-œuvre (pieutage) complète pour stabiliser les tassements des sols de fondation i.e. toutes les semelles de fondations y compris les semelles intérieures, doivent être placées sur des fondations profondes (pieux) et ce, dans le but d’éviter un comportement différentiel des fondations de la résidence des Bénéficiaires.
[41] En toute obséquiosité, le procureur de l’Entrepreneur plaide inter alia :
[41.1] que son client n’est pas vendeur du terrain;
[41.2] il a construit selon les plan et devis des Bénéficiaires;
[41.3] il a construit en lieu et emplacement et selon les instructions des Bénéficiaires;
[41.4] il a des cartes de compétence et a à son service uniquement des employés qui possèdent des cartes de compétence;
[42] Pour cause (infra paragraphe [41]), il suggère que son client a, et en tout temps, agi en bon père de famille.
[43] Il plaide que son client saurait bénéficier de l’exonération du régime légal de responsabilité prévu aux alinéas 2 et 3 de l’article 2119 C.c.Q., lesquels nous savons sont d’ordre public.
[44] L’article 2119 C.c.Q. se lit comme suit :
« L’architecte ou l’ingénieur ne sera dégagé de sa responsabilité qu’en prouvant que les vices de l’ouvrage ou de la partie qu’il a réalisée ne résultent ni d’une erreur ou d’un défaut dans les expertises ou les plans qu’il a pu fournir, ni d’un manquement dans la direction ou dans la surveillance des travaux.
L’entrepreneur n’en sera dégagé qu’en prouvant que ces vices résultent d’une erreur ou d’un défaut dans les expertises ou les plans de l’architecte ou de l’ingénieur choisi par le client. Le sous-entrepreneur n’en sera dégagé qu’en prouvant que ces vices résultent des décisions de l’entrepreneur ou des expertises ou plans de l’architecte ou de l’ingénieur.
Chacun pourra encore se dégager de sa responsabilité en prouvant que ces vices résultent de décisions imposées par le client dans le choix du sol ou des matériaux, ou dans le choix des sous-entrepreneurs, des experts ou des méthodes de construction. »
[45] Il est vrai que l’article 2119 C.c.Q. (tout comme l’article 2118 C.c.Q. qui le précède) est d’ordre public, la doctrine et la jurisprudence précisent que le caractère d’ordre public est rendu nécessaire par l’implication de la sécurité publique dans la construction des ouvrages immobiliers.
[46] Le représentant de l’Entrepreneur plaide de plus que ce dernier n’a pas une obligation de résultat, il a uniquement une obligation de moyens et parce qu’il a suivi les instructions des Bénéficiaires avec des ouvriers qualifiés, il a rencontré ses obligations de moyens et n’est donc pas responsable (il suggère que ce qui ci-haut précède rencontre les cas d’exonération prévus au dernier alinéa de l’article 2119 C.c.Q. qu’il renchérit est d’ordre public).
[47] Il conclut de façon subsidiaire qu’il est inapproprié pour l’Administrateur dans ses conclusions d’ordonner que certaines démarches soient entreprises et que le gros bon sens dicte que le mince profit du constructeur en semblable matière est démesuré vis-à-vis le coût des réparations.
[48] Le concept de balance des inconvénients et/ou le côté important (ou bénin) des sommes à prévariquer ne sont pas des éléments en droit que je retiens.
[49] Il ne va sans dire que l’Administrateur s’inscrit en faux sur ces arguments et plaide a contrario. Il soulève de plus que l’Entrepreneur en cours d’excavation a été conscient qu’il y avait un risque de sol, que c’est sa responsabilité dès lors de s’assurer que le sol est apte à supporter le bâtiment projeté. C’est une responsabilité qui, bien qu’onéreuse, incombe à l’Entrepreneur.
[50] Au soutien de cet argument, il dépose un extrait d’un article du Dr. Vincent Karim[1].
[51] L’auteur représente que :
« (…) l’entrepreneur (…) doit refuser de construire sur un sol qui n’est pas stable sous peine d’engager sa responsabilité même s’il se fit à ce que le client lui dit, surtout lorsque le client n’est pas un expert. »
L’auteur poursuit que :
« (…) l’entrepreneur (…) est également responsable lorsqu’il aurait dû déceler un vice qu’un autre entrepreneur placé dans les mêmes circonstances auraient pu découvrir. »
Les auteurs Jean-Louis Baudoin, Patrice Deslauriers et Pierre-Gabriel Jobin sont du même avis.
[52] D’ailleurs, l’auteur Thérèse Rousseau-Houle[2], après une revue exhaustive de la jurisprudence, conclue à l’effet que tous les critères recueillis, les obligations des constructeurs doivent être classées dans la catégorie des obligations de résultat et à cet effet, ils doivent livrer une construction qui réponde aux règles de l’art et qui permette d’assurer les fonctions qui lui sont destinées. Dès lors, les auteurs Baudoin et Jobin[3] établissent que le débiteur de l’obligation à l’article 2119 C.c.Q., pour dégager sa responsabilité, doit aller au-délà d’une preuve d’une simple absence de faute et que ceci implique l’identification, par prépondérance de preuve, d’une force majeure ou encore d’un fait de la victime qui a été empêchée l’exécution de l’obligation.
[53] Je ferai miens les commentaires de l’honorable Georges Marsol, j.c.q. du district judiciaire de Laval alors qu’il précise que :
« L’exception prévue à l’alinéa 3 de l’article 2119 C.c.Q. doit donc être interprétée de façon restrictive puisqu’elle contrevient au principe général d’ordre public énoncé à l’article précédent. »[4]
[54] En raison du type d’obligation qui incombe à l’Entrepreneur, il ne peut se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant force majeure, d’autant plus que les Bénéficiaires ont témoigné (et ceci n’a été contredit d’aucune façon par l’Entrepreneur) qu’ils ne se sont immiscés d’aucune manière dans les travaux, s’étant limités à indiquer à quel endroit sur leur terrain ils désiraient installer leur résidence.
[55] Je me dois d’accepter la conclusion de l’Administrateur à l’effet que la reconnaissance du critère de gravité du vice qui se traduit par un manque de solidité de l’ouvrage et que la garantie de solidité d’un ouvrage (immobilier) implique nécessairement l’assurance que le terrain a la stabilité requise pour porter le bâtiment, un raisonnement que je suggère prend source dans le droit et sa jurisprudence sous l’article 1688 C.c.Q. En effet, il n’est pas nécessaire d’établir ni le fait que l’ouvrage a péri ni le moment auquel il va s’écrouler. Il suffit de démontrer que le défaut de construction constitue un vice important et sérieux qui risque de nuire à la solidité et à l’utilité du bâtiment. Dans notre cas, il s’agit beaucoup plus d’une simple menace de perte d’un ouvrage, le préjudice est né, est actuel et entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité.
[56] La loi et le règlement ne contiennent pas de clauses privatives complètes. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel[5]. Enfin, l’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit ». Il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient[6].
[57] Je rappelle que le tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litiges qui relèvent de l’application d’autres lois même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige et je rappelle de plus qu’il ne s’agit pas de déterminer la responsabilité de l’Entrepreneur mais bien de déterminer si l’Administrateur doit considérer un point dans le cadre du contrat de garantie.
[58] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment à trancher tout différend découlant du plan de garantie[7]. Bien que ceci inclus toutes questions de faits, de droit et de procédures, les éléments de la présente décision doivent prendre souche dans le plan de garantie.
[59] Je précise que le tout est sans préjudice et sous toutes réserves du droit qui est sien (l’Entrepreneur) de porter devant les tribunaux civils ses prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’il réclame, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de la prescription civile.
[60] En vertu de l’article 123 du Règlement, les coûts sont partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur puisque c’est ce dernier qui est le demandeur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 31 mars 2008;
ORDONNE l’Administrateur et l’Entrepreneur à payer, à parts égales, les coûts de l’arbitrage.
Montréal, le 4 novembre 2008
_______________________
Me Michel A. Jeanniot
Arbitre / SORECONI
[1] Vincent Karim, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque légale, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 2003, pp. 272-274.
[2] Thérèse Rousseau-Houle, Les contrats de construction en droit public et privé, Montréal, Wilson & Lafleur, 1982, pp. 189-195.
[3] Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 6e édition, Cowansville, Yvon Blais, 2005, pp. 40-43.
[4] Lamoureux et Tremblay c. Poirier (13 décembre 2005), Laval, 540-22-007932-030, AZ-5035240 (C.Q.).
[5] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, L.R.Q., c. B.1-1, r. 0.2., art. 2, 20, 106 et 120.
[6] Ibid, art. 116.
[7] Loi sur le bâtiment, L.R.Q. c. B-1.1, art. 83.1 .