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       CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

       TRIBUNAL ARBITRAL DU

                                                                     CENTRE CANADIEN

   D'ARBITRAGE COMMERCIAL

                                                                      

No: S05-1010-NP

 

 

 

                                   Chantal Rouleau

 

                                                                       Bénéficiaire-demanderesse

 

 

                                                                       c.

 

                                   La Garantie des bâtiments Résidentiels Neufs de l'APCHQ Inc.

 

                                   Administrateur-défenderesse

 

                                                                       -et-

 

                                   Construction Denis Martel Inc.

 

                                                                                  Entrepeneur-Mise en cause

 

 

 

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SENTENCE

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LES FAITS

 

            Le 2 février 2002, la Bénéficiaire conclut un contrat d'entreprise avec l'Entrepreneur pour la construction d'une résidence, sur un terrain qu'elle avait acquis antérieurement. Ce contrat bénéficie du plan de garantie de l'Administrateur fait en conformité au "Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (c. B-1.1, r. 02).

 

            Le 4 juin 2002, elle a reçu, sans réserve, le bâtiment concerné.

 

            Mais, l'hiver suivant, elle dut subir des problèmes importants d'humidité, à une point tel que de la buée se déposait sur les fenêtres, qui ensuite gelait, comme le montrent les photos mis en preuve.

 

            Elle en avisa l'Entrepreneur qui vint constater et fit certains travaux qui n'ont pas corrigé le problème.

 

            Par la suite, l'Entrepreneur est venu, accompagné d'un expert du fabricant du système d'échange d'air. Ce dernier proposa certaines interventions qui furent effectuées à l'automne 2004, sans que cela n'ait encore corrigé le problème.

 

            Alors, l'hiver suivant, la Bénéficiaire a dû encore subir les mêmes problèmes d'humidité et, le 13 mars 2005,  présenta une demande de réclamation à l'Administrateur pour que soit corrigé les problèmes d'humidité.

 

            Le 16 juin 2005, l'Administrateur adressa à l'Entrepreneur une demande d'intervention. L'Entrepreneur n'y a pas donné suite.

 

            Alors, le 14 septembre 2005, l'Administrateur procéda à une inspection du bâtiment et son inspecteur, M. Jacques Breault, produisit un rapport dans lequel il émet l'opinion que "la Garantie des Maisons Neuves de l'APCHQ" ne peut considérer la réclamation de la bénéficiaire puisque prescrite, en se référant aux articles 3.2, 3.3 et 3.4 du contrat de garantie.

 

            La Bénéficiaire conteste cette décision et, est d'avis que la demande d'intervention faite à l'Entrepreneur le, 16 juin 2005, constitue une prise en charge et une renonciation aux délais, s'ils étaient applicables en l'espèce.

 

            C'est pourquoi elle a demandé le présent arbitrage, comme prévu au paragraphe 19 du Règlement précité.

 

            Le représentant de l'Entrepreneur, M. Denis Martel, a témoigné pour admettre les problèmes d'humidité et déclarer que cela "n'est pas normal". Il s'est dit cependant incapable d'en donner la cause, ni de corriger la situation.

 

ANALYSE

 

Mon rôle n'est pas d'analyser la responsabilité de l'Entrepreneur, selon les règles du Droit, mais seulement, en premier lieu, d'analyser si l'Administrateur est tenu de garantir les obligations légales et contractuelles de l'Entrepreneur à propos des problèmes soulevés par la Bénéficiaire.

 

À cet égard, la garantie dont est tenue l'Administrateur, est limitée aux cas décrits aux articles 3.2, 3.3 et 3.4 du contrat de garantie, lequel reproduit l'article 10 du Règlement, qui se lit comme suit:

 

10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

1* le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

2* la réparation des vices et malfaçons apparentes visés à l'article 2111 du Code Civil et dénoncé, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

3* la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code Civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

4* la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

5* la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

            La cause de la présence d'une humidité excessive, dont se plaint la Requérante, n'est pas connue des parties. Alors, il n'y a pas une connaissance directe d'un vice, ni d'une malfaçon.

 

            Peut on en conclure que les recours prévus aux alinéas 4 et 5 du paragraphe 10 précité étaient encore ouverts le 13 mars 2005, en faveur de la Bénéficiaire, jusqu'à ce qu'elle découvre, dans les délais énoncés, le vice ou la malfaçon qui cause les problèmes?

 

            La Cour d'Appel du Québec a rendu une décision dans Hamel c. Jetté, 1982 CA 577 qui répond à cette question:

 

"Avant de se demander si ces indices sont suffisamment graves, précis et concordants, il faut déterminer ce que l'on doit entendre par l'expression "connaître les vices de la chose".

 

On peut connaître quelque chose directement ou indirectement.

 

Dans les circonstances, la connaissance directe aurait été celle de la nature exacte et de l'étendue du vice, i.e. l'affaissement du drain français.

 

Mais peut-on aussi connaître l'existence d'un vice quelconque par connaissance indirecte. Par exemple, l'infiltration d'eau dans un endroit où il ne doit pas normalement y en avoir.

 

On peut donc connaître, non seulement par observation directe, mais aussi par induction. Enfin, un vice comprend à la fois sa cause et son effet. Le code n'exige pas la connaissance de la cause du vice par opposition à son effet. Si la manifestation d'un vice quelconque est connue du vendeur et que par induction raisonnable on doit conclure à l'existence d'une défectuosité, l'article 1527 s'applique.

 

Dans les circonstances, les infiltrations d'eau ayant été sérieuses au point que l'intimé ait fait venir un expert, il s'agit donc de manifestations dont il était raisonnable d'inférer l'existence d'un vice caché."

 

            C'est ainsi que des fenêtres givrées ont été déclarés être un vice caché dans le jugement rendu dans l'affaire Malone c. Sobczyk, REJB 1998-06094 .

 

            Alors, il faut conclure que le recours de la bénéficiaire, selon le paragraphe 10 du Règlement, contre l'Administrateur, serait prescrit.

 

            Mais qu'en est-il de la renonciation invoquée par la Bénéficiaire?

 

            La Cour Suprême a écrit pour l'arrêt The Mile End Milling Co. v. Peterbourough Cereal Co., 1923 RCS 131:

 

"La véritable règle de droit, c'est qu'on est jamais censé renoncer à un droit, et alors que l'acquiescement peut-être tacite, il doit être non-équivoque, c'est-à-dire l'intention d'acquiescer ou de renoncer doit être démontré."

 

            Les démarches faites par l'Administrateur étaient imposées par le paragraphe 18 du Règlement:

 

18. La procédure suivante s'applique à toute réclamation faite en vertu du plan de garantie:

 

3* dans les 15 jours de la réception de l'avis prévu au paragraphe 2*, l'administrateur demande à l'entrepreneur d'intervenir dans le dossier…

 

6* en l'absence de règlement, l'administrateur statue sur la demande de réclamation…

 

            Alors, il ne peut être question d'acquiescement, puisqu'il s'agit d'une procédure imposée.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, JE:

 

 

REJETTE  la requête de la Bénéficiaire;

 

CONFIRME la décision du 26 septembre 2005, rendue par l'Administrateur, à l'effet que la garantie des maisons neuves de l'APCHQ ne peut considérer le point 1, dans le cadre du contrat de garantie, le point 1 étant "formation de buée sur la partie intérieure des fenêtres.

 

 

 

                                                                       Québec, ce 19 janvier 2006

 

 

                                                           _______________________________

                                                              René Blanchet, ingénieur-avocat

                                                                                     Arbitre