ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

LA SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC. (SORECONI)

 

 

ENTRE :                                                        Célina Machado et Martin Dumont

 

(ci-après « Le Bénéficiaire »)

 

ET :                                                                Saint-Luc RDP inc.

(ci-après « L’Entrepreneur »)

 

 

ET :                                                                La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc

 

(ci-après « l’Administrateur »)

 

Nos dossiers SORECONI : 142904001 et 142909001

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

 

 

 

Pour le Bénéficiaire :

 

Madame Célina Machado et monsieur Martin Dumont

 

 

 

Pour l’Entrepreneur :

 

Monsieur Patrick Varin

Monsieur Gilles Luis

 

 

 

Pour l’Administrateur :

 

Me Nancy Nantel

 

 

 

Date de la sentence :

 

Le 22 décembre 2014

 

 

Identification complète des parties

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

1010, de la Gauchetière Ouest

Bureau 950

Montréal (Québec) H3B 2N2

 

 

 

Bénéficiaire :

 

Madame Célina Machado

et monsieur Martin Dumont

[…] Montréal (Québec) […]

 

 

 

 

Entrepreneur :

 

Saint-Luc RDP inc.

8000, boulevard Langelier, bureau 407

Montréal (Québec) H1P 3K2

 

À l’attention de M. Patrick Varin, président

 

 

 

Administrateur :

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.

5930, boul. Louis-H.-Lafontaine

Montréal (Québec) H1M 1S7

 

À l’attention de Me Nancy Nantel

 

 

 

Mandats :

 

L’arbitre a reçu son premier mandat de SORECONI le 30 mai 2014 (dossier de SORECONI 1429040001) et sont deuxième mandat de SORECONI également, le 21 octobre 2014 (dossier de SORECONI 142909001).

 

 

Historique du dossier :

 

17 mars 2014:

Décision de l’Administrateur sous la plume de monsieur Yvan Gadbois, inspecteur-conciliateur;

 

 

29 avril 2014:

Réception par SORECONI de la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;

 

 

16 juin 2014:

Échange de correspondance entre les Bénéficiaires et le tribunal arbitral;

 

 

18 juillet 2014:

Réception du cahier des pièces de l’Administrateur avec sa demande de suspension du dossier;

 

 

14 août 2014:

Avis aux parties concernant la tenue d’une conférence téléphonique au sujet de la demande de suspension;

 

 

21 août 2014:

Conférence téléphonique avec les parties concernant la demande de suspension;

 

 

27 août 2014:

Avis aux parties concernant la conférence préparatoire;

 

 

25 septembre 2014:

Conférence préparatoire (1ère demande d’arbitrage);

 

 

22 octobre 2014:

Avis aux parties concernant une nouvelle conférence préparatoire (2e demande d’arbitrage);

 

 

28 octobre 2014:

Tenue d’une conférence préparatoire concernant la deuxième demande d’arbitrage;

 

 

5 novembre 2014:

Convocation à l’audition du 19 novembre 2014;

 

 

19 novembre 2014:

Visite des lieux et audience;

 

 

22 décembre 2014:

Sentence arbitrale.

 

 

SENTENCE ARBITRALE

Introduction

 

[1]                 Le 17 mars 2014, l’inspecteur-conciliateur de l’Administrateur, monsieur Yvan Gadbois a rendu une décision. Elle se rapportait à quelque 17 points de réclamation soumis par les Bénéficiaires concernant leur résidence située au […] à Montréal.

[2]                 À cause des conditions climatiques qui prévalaient lors de son inspection au mois de février 2014, monsieur Gadbois s’est abstenu de rendre une décision concernant cinq autres points de réclamation, soit les points 18, 19, 20, 21 et 22. Il traita de tous ces points dans sa deuxième décision du 18 août 2014.

[3]                 Les Bénéficiaires ont déposé auprès de SORECONI deux demandes d’arbitrages découlant de ces deux décisions de l’Administrateur. Leur première demande (dossier de SORECONI no 142904001) visait les points décrits à la première décision de l’inspecteur-conciliateur monsieur Gadbois, soit les points 1, 5, 6, 7, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16 et 17.

[4]                 Par la suite, les Bénéficiaires se sont désistés des points 1, 6, 7, 9, 10, 13, 14, 16 et 17.

[5]                 La deuxième demande d’arbitrage des Bénéficiaires découlait de la deuxième décision de l’Administrateur. Cette demande visait les points nos 18, 19, 20, 21 et 22. Tel que mentionné ci-haut, les Bénéficiaires la portèrent à l’arbitrage et spécifiquement les points 18, 19, 20 et 21 de cette décision (dossier de SORECONI no 142909001).

[6]                 L’audience a duré une journée complète et s’est même prolongée jusqu’en soirée. Elle a été précédée d’une visite des lieux de l’arbitre soussigné en compagnie des parties, leurs témoins et le procureur de l’Administrateur, Me Nancy Nantel.

Ententes de règlement

[7]                 Au tout début de l’audience, les parties ont informé le tribunal arbitral que trois points de réclamation soumis à l’arbitrage faisaient partie d’une entente de règlement. En fait, ces points ont fait l’objet de deux ententes de règlement. La version électronique de ces deux ententes dûment datées et signées par les parties a été reçue par le tribunal arbitral quelques jours après la tenue de l’audience. À la demande des parties, le texte intégral de ces ententes est reproduit ci-dessous :

« Entente # 1

 

              Bénéficiaires :        Célina Machado et Martin Dumont

 

              Entrepreneur :        St-Luc RDP Inc.

 

              Attendu de M. Yvan Gadbois conciliateur de la garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ attendu une décision le 18 août 2014.

 

              Atendu que les Bénéficiaires ont porté cette décision devant un arbitre.

 

              Attendu que les parties désirent régler les points :

 

              18.    crépi au balcon arrière qui craque à plusieurs endroits

              19.    crépi manquant

 

              Sans aucune admission de responsabilité et dans le but d’éviter un arbitrage sur ces 2 points.

 

              LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

 

1.         Le préambule fait partie intégrante de l’entente;

 

2.         L’Entrepreneur s’engage à refaire le crépi sur l’ensemble du bâtiment des bénéficiaires excluant le mur latéral;

 

3.         L’Entrepreneur s’engage à utiliser un crépi au polymère;

 

4.         L’entrepreneur s’engage à effectuer les travaux au plus tard le 1er juin 2015;

 

5.         Les bénéficiaires sont conscients que lesdits travaux ne seront pas couverts par la Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ.

 

Signé à Montréal le 19 novembre 2014

 

 

 

(signature apposée)

 

 

 

(signature apposée)

 

St-Luc RDP Inc.

 

(signature apposée)

Celina Machado

 

Martin Dumont

 

Par: Gilles Luis

 

 

«Entente # 2 

 

              Bénéficiaires :        Célina Machado et Martin Dumont

 

              Entrepreneur :        St-Luc RDP Inc.

 

              Attendu que M. Yvan Gadbois a rendu une décision le 17 mars 2014 dans le cadre du Règlement sur les garanties des Maisons Neuves.

 

              Attendu que les Bénéficiaires ont porté certains points en arbitrage.

 

              Attendu que les parties se sont entendues pour régler le point # 15 conduits de ventilateur étranglés coudes rigides sans aucune admission de responsabilités.

 

              Les parties conviennent :

 

1.         Le préambule fait partie intégrante de la présente entente.

 

2.         L’entrepreneur s’engage à ajouter des coudes rigides sur les conduits flexibles compressés à la sortie de l’échangeur d’air;

 

3.         L’entrepreneur s’engage à faire lesdits travaux au plus tard le 15 février 2015;

 

4.         Les bénéficiaires sont conscients que ces travaux ne sont pas couverts par la garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ.

 

Signé à Montréal le 19 novembre 2014

 

 

 

(signature apposée)

 

 

 

(signature apposée)

 

St-Luc RDP Inc.

 

(signature apposée)

Celina Machado

 

Martin Dumont

 

Par: Gilles Luis

»

[8]                 En tenant compte des points soumis à l’arbitrage mais qui ont fait l’objet de désistements de la part des Bénéficiaires et des 3 points qui ont été réglés lors de l’audience, il ne restait que quatre points à débattre à l’audience, soit les points:

            5 - Finition des escaliers - rampes;

            12 - Finition des escaliers - mains courantes;

            20 - Mortier et briques qui craquent, et

            21 - Escaliers extérieurs - béton finition - trous effritement

5.    Finition des escaliers - rampes

[9]                 Dans sa première décision du 17 mars 2014, l’inspecteur-conciliateur Yvan Gadbois décrit les faits qu’il a pris en considération comme suit :

              « Les bénéficiaires dénoncent la rugosité du vernis appliqué sur les rampes et les barreaux des escaliers, situation qui fut dénoncée pour la première fois par écrit dans la lettre du 5 décembre 2011, soit près d’un an suivant la réception du bâtiment. »

[10]              Ensuite, il rejette ce point de réclamation au motif que cette situation était présente dès la réception du bâtiment et qu’en ce sens, elle était décelable pour un acheteur raisonnablement diligent.

[11]              La première question que le tribunal arbitral doit trancher est de savoir si les rampes et les barreaux des escaliers étaient des malfaçons apparentes lors de la réception du bâtiment.

La preuve

[12]              La preuve retenue par le tribunal arbitral peut être résumée comme suit :

 


 

Preuve des Bénéficiaires

[13]              Dans la correspondance entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur précédant la date de réception du bâtiment (soit le 11 décembre 2010) des problèmes affectant la rampe d’escalier menant du rez-de-chaussée au premier étage sont mentionnés. Il s’agit de la correspondance intitulée « Observations du mardi 9 novembre 2010 et dimanche 14 novembre 2010 » et déposée par les Bénéficiaires comme pièce B-3; celle intitulée « Inspection du 7 décembre » et « Inspection job 241 » datées du 7 décembre 2010 (pièces B-4 et B-5) ainsi que celle intitulée « Le Valencia - Projet numéro 241 Inspection finale pré-achat » datée du 7 décembre 2010 (déposée comme pièceB-6).

[14]              En ce qui concerne le problème de rugosité affectant les barreaux de support d’une partie de la rampe, il n’est pas mentionnée dans cette correspondance.

[15]              Aucune mention de la rampe ou des barreaux n’apparaît sur le formulaire intitulé « Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs - formulaire d’inspection préréception » signé par l’Entrepreneur et les Bénéficiaires et qui est daté du 11 décembre 2010 (pièce A-3). Les Bénéficiaires présumaient que les problèmes affectant la rampe et décrits dans la correspondance antérieure citée au paragraphe 13 ci-haut, étaient des problèmes qui étaient reconnus par l’Entrepreneur qui s’est même engagé à les réparer et qui étaient incorporés au formulaire d’inspection préréception. Selon eux, aucune mention expresse de ces problèmes dans ce formulaire n’était nécessaire.

[16]              En ce qui concerne les barreaux, selon le témoignage de madame Machado, les Bénéficiaires n’ont pas remarqué avant ou lors de la signature du formulaire d’inspection préréception précité, qu’ils étaient affectés de quelque problème que ce soit. Les Bénéficiaires ont emménagé dans leur bâtiment seulement le 26 février 2011.

[17]              Ils ont découvert cette rugosité du vernis des barreaux en été 2011 et ont été informé de sa cause par monsieur Roland Varin, le responsable des services après vente de l’Entrepreneur, également en été 2011. C’était déjà plusieurs mois après la date de réception du bâtiment. Selon M. Roland Varin, la cause de la rugosité du vernis qu’un des sous-traitants de l’Entrepreneur a utilisé sur les barreaux était une sorte de vernis inappropriée.

Preuve de l’Entrepreneur

[18]              L’Entrepreneur ne soumet aucune preuve. Son représentant à l’audience, monsieur Gilles Luis, ne travaillait pas pour lui lorsque les événements qui font l’objet de cet arbitrage sont survenus.


 

Preuve de l’Administrateur

[19]              L’Administrateur réfère au formulaire d’inspection préréception (pièce A-3) mentionné ci-haut. Il note qu’il ne contient aucune référence à la rampe ou aux barreaux.

Les prétentions des parties

[20]              Selon les Bénéficiaires, le problème du vernis de la rampe d’escalier devrait être qualifié comme un travail de parachèvement que l’Entrepreneur a accepté d’effectuer même avant la réception du bâtiment. En ce qui concerne le problème de la rugosité du vernis des barreaux, ils réfèrent à la lettre de dénonciation écrite à l’Entrepreneur en date du 22 août 2011 laquelle a été communiquée aussi à l’Administrateur le 8 décembre 2011 (selon sa pièce A-5).

Analyse et décision

La rugosité du vernis de la rampe

[21]              La correspondance échangée entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur, y compris celle du 7 décembre 2010, soit la pièce B-5, démontre clairement que les Bénéficiaires et l’Entrepreneur étaient bien au courant du caractère rugueux du vernis de la rampe d’escalier. Conséquemment, cette situation était pour les Bénéficiaires perceptible ou apparente lors de la réception du bâtiment qui a eu lieu quatre jours plus tard, soit le 11 décembre 2010.

[22]              Pour que cette situation soit couverte par le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs régi par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le « Règlement »)[1], elle aurait dû être dénoncée lors de la réception du bâtiment le 11 décembre 2010 ou dans les trois jours qui suivirent, étant donné que le Bénéficiaires ont emménagé dans leur résidence seulement en février 2011.

[23]              Ceci découle de l’article 3.2 du Contrat de garantie mentionné par l’Administrateur dans sa décision et des paragraphes 10(1) et 10(2) du Règlement qui prévoient ce qui suit :

              « 10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

1.   le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

2.        la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;»

[24]              Les Bénéficiaires prétendent que le problème de la rampe devrait être qualifié comme un travail de parachèvement.

[25]              Selon le tribunal arbitral, peu importe que le problème du vernis rugueux de la rampe d’escalier soit qualifié comme un problème de parachèvement ou comme un vice ou malfaçon apparent, il aurait fallu qu’il soit dénoncé lors de la réception du bâtiment ou dans les trois jours suivant la réception, tel que le prescrivent les paragraphes 10(1) et 10(2) du Règlement mentionné ci-haut.

[26]              Selon la preuve, cette dénonciation n’a pas eu lieu lors de la réception du bâtiment ou dans les trois jours suivants.

[27]              Le témoin des Bénéficiaires, madame Machado, a déclaré que les Bénéficiaires « présumaient » que ce problème était incorporé au formulaire de l’inspection préréception car il était déjà inclus sur la liste de travaux à faire rédigée par l’Entrepreneur, une liste qui fut envoyée par l’Entrepreneur aux Bénéficiaires (pièce B-5) avant la réception.

[28]              Étant donné que les paragraphes 10(1) et 10(2) du Règlement exigent que les travaux de parachèvement ou les vices et malfaçons apparents doivent être dénoncés par écrit au moment de la réception, la dénonciation écrite avant la réception est insuffisante. Le fait que les Bénéficiaires présumaient qu’elle était incorporée au formulaire d’inspection préréception est en soit insuffisant. Il aurait fallu une référence écrite sur le formulaire d’inspection préréception du 11 décembre 2010 pour que le tribunal arbitral puisse la considérer comme prouvée.

Analyse et décision (continuée)

La rugosité du vernis des barreaux

[29]              En ce qui concerne les barreaux de la rampe, selon la preuve non contredite de madame Machado pour le compte des Bénéficiaires, ce n’est qu’en été 2011 que les Bénéficiaires se sont rendu compte de la rugosité du vernis et seulement vers le mois d’août 2011 qu’ils ont découvert la cause exacte de ce problème, soit un mauvais vernis utilisé par le sous-traitant de l’Entrepreneur. Cette preuve démontre que la rugosité des barreaux n’était pas apparente lors de la réception du bâtiment.

[30]              Cette situation a été dénoncée à l’Entrepreneur le 22 août 2011 et à l’Administrateur le 8 décembre 2011 selon la pièce A-5.


 

[31]              Le paragraphe 10(3) du Règlement qui traite de la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception nous indique qu’elles doivent être dénoncées par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable lequel ne peut excéder six mois de la découverte de ces malfaçons.

[32]              Dans le cas des barreaux, le délai raisonnable qui ne peut excéder six mois entre la découverte de la malfaçon et sa dénonciation écrite, a été respecté par les Bénéficiaires.

[33]              En ce qui concerne la nature du problème affectant les barreaux, l’inspecteur-conciliateur a fait référence au paragraphe 3.2 du contrat de garantie qui traite des « vices et malfaçons apparents » visés à l’article 2111 du Code civil du Québec. Cette référence indique au tribunal arbitral que M. Gadbois a qualifié la rugosité des rampes de vice ou de malfaçon, quoique apparent.

[34]              Selon la preuve, le tribunal arbitral est d’accord sur cette qualification de « malfaçon ». Toutefois elle était non apparente lors de la réception du bâtiment.

[35]              À l’audience, les Bénéficiaires ont témoigné qu’ils avaient déjà réparé le problème des barreaux rugueux, à leurs dépens. Ils n’ont pas demandé un remboursement pour cette réparation et n’ont pas soumis de preuve qu’il s’agissait d’une réparation conservatoire nécessaire et urgente. Ce n’est qu’une telle preuve qui permettrait au tribunal arbitral d’ordonner ce remboursement.

Point 12 - Finition des escaliers - mains courantes

[36]              L’inspecteur-conciliateur monsieur Yvan Gadbois a décrit les faits sur lesquels il a fondé sa décision comme suit :

              « Les bénéficiaires ont dénoncé le fini rugueux du vernis appliqué sur les mains courantes qui furent installées après la réception du bâtiment.

 

              L’administrateur doit considérer que l’absence de mains courantes à certains endroits aux escaliers fut dénoncée pour la première fois à l’entrepreneur uniquement en janvier 2011, tandis que l’administrateur fut informé de la situation pour la première fois en décembre 2011.  »

[37]              L’inspecteur-conciliateur Gadbois a rejeté cette réclamation au motif que le contrat de garantie stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. Dans le cas qui nous occupe, le délai de dénonciation a excédé le délai maximal de six mois et donc il a rejeté la réclamation des Bénéficiaires.

[38]              On peut voir que la question principale que le tribunal arbitral est appelé à trancher est de savoir si le délai raisonnable qui ne peut excéder six mois entre la découverte et sa dénonciation par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur a été excédé ou pas.

Preuve des Bénéficiaires

[39]              Selon madame Machado, la description des faits par l’inspecteur Gadbois est incomplète.

[40]              Selon elle, la réclamation des Bénéficiaires visait la main courante qui a été installée au mur gauche en montant  l’escalier menant du rez-de-chaussée au premier étage de  leur résidence.

[41]              Cette installation de la main courante a été faite par l’Entrepreneur le 4 juin 2012. Il s’agissait d’une nouvelle installation.

[42]              Cette nouvelle installation a été rendue nécessaire par le manque de continuité de la rampe existante, celle avec les barreaux, du côté droit en montant l’escalier.

[43]              En août 2011, madame Machado est tombée dans ces escaliers.

[44]              Le besoin d’une nouvelle rampe ou main courante a été dénoncée par le Bénéficiaire à l’Entrepreneur le 5 décembre 2011 et à l’Administrateur le 8 décembre 2011 (pièce A-6). Cette nouvelle main courante fut installée le 4 juin 2012 mais elle n’a jamais été vernie. Elle était encore dans le même état lors de l’inspection de monsieur Gadbois, le 11 février 2014.

[45]              Les Bénéficiaires ont dénoncé l’absence de vernis sur cette nouvelle main courante par écrit à l’Entrepreneur le 7 juin 2013 et à l’Administrateur le 19 juin 2013 (pièce A-8).

Preuve de l’Administrateur

[46]              Selon l’Administrateur, les Bénéficiaires ont découvert l’absence de vernis sur la nouvelle main courante lors de son installation le 4 juin 2012.

[47]              Il déclare que l’Administrateur a reçu la lettre de dénonciation seulement le 19 juin 2013 (pièce A-8).


 

Prétentions des parties

Prétentions des Bénéficiaires

[48]              Selon les Bénéficiaires, la découverte que la rampe sur le côté droit de l’escalier en le, constitue un problème de sécurité, a été découvert lors de l’accident de madame Machado en août 2011.

[49]              Selon eux, ils ont dénoncé cette découverte le 22 août 2011 à l’Entrepreneur et le 8 décembre 2011 à l’Administrateur selon la pièce A-5.

[50]              L’installation de la nouvelle main courante sur le mur gauche de l’escalier constitue un travail pour palier à la rampe du côté droit qui était trop courte.

[51]              Le manque de vernis sur la nouvelle main courante est, selon les Bénéficiaires, un problème de parachèvement plutôt qu’une malfaçon.

[52]              Ils veulent que le tribunal arbitral déclare qu’ils ont respecté le délai de dénonciation et qu’il déclare que l’Entrepreneur n’a pas complété l’installation de la main courante qu’il a débutée le 4 juin 2012.

Prétentions de l’Administrateur

[53]              Selon l’Administrateur, peu importe si le défaut de construction allégué est la rampe d’escalier sur le côté droit de l’escalier qui est trop courte ou si le défaut est le manque de vernis sur la nouvelle main courante installée en juin 2012 sur le mur gauche de l’escalier. Dans les deux cas, le délai entre la découverte et la dénonciation de chacune de ces situations qui doit être faite par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, dépasse le délai raisonnable maximal de six mois.

Analyse et décision

[54]              Selon la preuve qui a été présentée au tribunal arbitral, on peut analyser le défaut de construction allégué par les Bénéficiaires de deux façons.

[55]              Selon la première analyse, on peut se concentrer sur le défaut allégué initial, soit la rampe sur le côté droit de l’escalier lorsqu’on le remonte, qui est non conforme car elle est trop courte et ne longe pas l’escalier de façon continue du bas jusqu’en haut. Selon le tribunal, la découverte de cette situation peut être fixée au 20 décembre 2010 qui est la date de la rédaction du rapport d’inspecteur par l’expert des Bénéficiaires, monsieur Alain Corbeil. Dans ce rapport (la pièce A-4), on peut lire à la page 16 : « Main courante : en bois verni et non conforme » et à la page 17 : « La main courante de l’escalier donnant accès à l’étage est manquante en partie. Cette situation est à risque pour les occupants et ne respecte pas les normes en vigueur. Celle-ci doit être continue de la première à la dernière marche.  ».

[56]              La dénonciation de cette problématique à l’Entrepreneur a été faite le 12 janvier 2011 et à l’Administrateur le 8 décembre 2011, selon la pièce A-4.

[57]              Il est clair que le délai entre la découverte de ce problème le 20 décembre 2010 et sa dénonciation écrite à l’Administrateur le 8 décembre 2011 excède le délai maximal de six mois.

[58]              Selon la deuxième analyse, le problème serait le manque de vernis sur la nouvelle main courante installée le 4 juin 2012. La découverte de ce problème coïncide avec la date de l’installation de cette nouvelle main courante.

[59]              Quand cette absence de vernis a été dénoncée à l’Administrateur et à l’Entrepreneur? Cette dénonciation a eu lieu le 7 juin 2013 à l’Entrepreneur et le 19 juin 2013 à l’Administrateur. Cette dénonciation a été faite par madame Célina Machado dans sa lettre adressée à monsieur Patrick Varin, président de l’Entrepreneur déposée comme la pièce A-8. Une copie de cette lettre a été envoyée à l’Administrateur. Cette dénonciation se lit comme suit :

              « Certaines rampes n’ont pas été vernies, d’autres sont rugueuses par endroit, surtout dans leur face intérieure. »

[60]              Le délai entre le 4 juin 2012 (date de la découverte) et le 19 juin 2013 (date de la dénonciation écrite à l’Administrateur) excède 12 mois. Il est évident que le délai maximal de dénonciation de six mois mentionné à la décision de l’Administrateur a été excédé.

[61]              Selon chacune de ces deux analyses et selon la preuve qui a été présentée au tribunal arbitral, ce dernier ne peut modifier la décision de l’Administrateur à l’égard de ce point.

Point 20 - Mortier et briques qui craquent

[62]              Dans sa deuxième décision du 18 août 2014, l’inspecteur Yvan Gadbois écrit ce qui suit :

              « En ce qui a trait aux fissures capillaires présentes aux joints de mortier, de même que celle visible à la jonction des sections de l’allège de la fenêtre du salon en façade, nous sommes d’avis qu’elles sont attribuables au comportement normal des matériaux lors du séchage.

 

              Or, comme le mentionne l’article 4.2 du contrat de garantie, les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements sont exclus de la garantie.  »

[63]              Pour que le tribunal arbitral puisse modifier la décision de l’Administrateur, les Bénéficiaires ont le fardeau de prouver, par une prépondérance des probabilités, que :

a)    Les fissures que l’Administrateur a qualifiées de « fissures capillaires » ne résultent pas d’un comportement normal des matériaux, et

b)    S’ils réussissent à faire cette preuve, ils devront également prouver que ces fissures constituent un défaut de construction qui est couvert par le plan de garantie.

La preuve

[64]              La preuve retenu par le tribunal arbitral peut être résumée ainsi :

[65]              Les fissures qui constituent l’objet de cet arbitrage sont situées à deux endroits, en regardant le bâtiment de la rue : sur la façade avant du bâtiment, entre l’allège de la fenêtre du salon et le linteau au-dessus de la porte de garage, et sur le mur du côté droit du bâtiment .

[66]              Toute les fissures ont été découvertes par les Bénéficiaires en 2013 et elles ont été dénoncées à l’Entrepreneur le 7 juin 2013 et à l’Administrateur le 19 juin 2013 par la lettre sous la plume de madame Célina Machado à l’Entrepreneur qui est déposée en preuve comme la pièce A-8. Certaines de ces fissures peuvent être décrites comme étant des « lézardes », selon le témoignage de monsieur Alain Corbeil, l’expert des Bénéficiaires. Cette appellation résulte du fait qu’elles traversent plusieurs rangées horizontales de pierres ornementales ou de briques, du haut vers le bas ou du bas vers le haut, en suivant une ligne continue « en escalier » plutôt qu’une ligne verticale continue.

[67]              La cause exacte de ces lézardes n’a pas été prouvée de façon suffisamment convaincante..

[68]              Ces lézardes se situent sur la façade avant du bâtiment et il y a également une nouvelle lézarde sur le côté droit de l’édifice.

[69]              Certaines de ces lézardes ont été réparées par l’Entrepreneur au mois d’octobre 2014, soit après l’inspection et la décision de l’inspecteur-conciliateur Gadbois. Ces réparations ont été faites de la même façon que celles qui ont été reconnues par l’inspecteur-conciliateur Gadbois comme étant des vices cachés.

[70]              La preuve révèle également la présence d’autres fissures dans le mortier sur la façade avant et sur le côté droit du bâtiment, qui ne peuvent pas être décrites comme des lézardes.

[71]              Malgré le fait que l’arbitre soussigné a personnellement observé lors de sa visite quelques fissures non lézardées à ces deux endroits, leur nombre n’excédait pas la douzaine, au total.

[72]              À part de ces observations personnelles de l’arbitre soussigné, aucune preuve quant au nombre de telles fissures non lézardées, même un nombre approximatif, ne lui a été présenté.

[73]              La preuve révèle également que les fissures dans le mortier qui résultent d’un séchage, apparaissent dans les premiers 90 jours.

[74]              Selon le témoignage de l’inspecteur-conciliateur Gadbois, il a qualifié de « fissures capillaires » dans sa décision toutes les fissures décrites comme des lézardes ou des fissures non lézardées lors de l’audience

Prétentions des parties

[75]              Selon les Bénéficiaires, ils ont réussi à prouver la présence de lézardes.

[76]              Ils demandent au tribunal arbitral de spécifier la méthode que l’Entrepreneur devra suivre pour faire les travaux de réparation à la maçonnerie afin d’être assurés que ces travaux seront faits selon les règles de l’art.

Prétentions de l’Administrateur

[77]              L’Administrateur reconnaît la présence de fissures dans le mortier des joints sur la façade avant (entre l’allège de la fenêtre du salon et le linteau du garage) et sur le côté droit du bâtiment..

[78]              Toutefois il déclare, qu’étant donné que ces fissures ont été dénoncées dans la troisième année après la réception du bâtiment, elles doivent rencontrer tous les critères requis d’un vice caché selon le texte du Règlement.

[79]              Or, les Bénéficiaires n’ont pas réussi à démontrer que ces fissures possédaient la « gravité » suffisante pour pouvoir être qualifiées de vices cachés.

Décision et analyse

[80]              Dans sa décision, l’inspecteur-conciliateur Gadbois a écrit que toutes les fissures capillaires étaient attribuables au comportement normal des matériaux lors du séchage.

[81]              Selon l’admission de l’inspecteur-conciliateur Gadbois lors de l’audition, le séchage du mortier de joints dure 90 jours après son application. Dans ce cas, le tribunal arbitral ne peut que conclure que les fissures qui ont fait l’objet de la preuve dans cette cause et qui sont apparues dans la troisième année suivant la réception du bâtiment, ne résultent pas du séchage du mortier. Elles ne sont donc pas exclues du plan de garantie selon l’article 4.2 du contrat de garantie mentionné par monsieur Gadbois dans sa décision, et du paragraphe 12(2) du Règlement.


 

[82]              Malgré cette conclusion,  sont-elles couvertes par le plan de garantie?

[83]              Les dispositions du Règlement qui pourraient garantir la réparation de ces fissures se trouvent aux paragraphes 10(4) et 10(5) du Règlement qui se lisent comme suit :

              « 10.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir: 

 

                4.  la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

              5.  la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.»

[84]              Selon la jurisprudence arbitrale citée, y compris une décision de l’arbitre soussigné, un vice caché doit avoir une certaine « gravité » :

              «63.  Ces mêmes auteurs réfèrent aux trois autres critères d’un vice caché :

 

                        « Comme la jurisprudence et la doctrine l’avaient établi depuis longtemps, l’acheteur doit, pour invoquer la garantie, démontrer que le vice est grave, caché et antérieur à la vente. »

 

              64.    Le deuxième critère est donc le caractère grave du vice. Selon ces auteurs :

 

                        « Un vice mineur ne peut suffire à entraîner la responsabilité du vendeur. Le vice doit être de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel on le destine, ou à diminuer tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné un si haut prix, s’il l’avait connu ().»»[2]


 

[85]              Est-ce que les Bénéficiaires ont fait la preuve, selon la prépondérance des probabilités, de la gravité des fissures dans le mortier dont ils se plaignent?

[86]              Le tribunal arbitral signale que les Bénéficiaires n’ont soumis aucune preuve concernant les conséquences qui ont déjà résulté ou qui probablement résulteront de l’existence de ces fissures. Il s’agit évidemment des conséquences se rapportant à l’usage ou au bon fonctionnement du parement en pierres ou en briques comme par exemple, les conséquences sur son étanchéité. De plus, les Bénéficiaires n’ont soumis aucune preuve quant à la réduction du prix d’achat du bâtiment qu’ils auraient demandée s’ils avaient connu l’existence de ces fissures.

[87]              Pour cette raison, le tribunal arbitral ne peut qualifier les défauts de construction qui ont été la cause de ces fissures comme un ou des vices cachés au sens de l’article 10(4) du Règlement.

[88]              Pour compléter cette analyse, le tribunal arbitral a décidé de sa propre initiative d’examiner si la réparation de ces fissures pourrait être couverte par le paragraphe 10(5) du Règlement cité ci-haut. Ce paragraphe réfère aux vices qui sont communément appelés des « vices majeurs ».

[89]              En lisant ce paragraphe 10(5), on constate qu’il contient une référence expresse à l’article 2118 du Code civil. Cet article du Code s’applique aux situations « de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux ».

[90]              Selon la doctrine et la jurisprudence, une perte, même une perte partielle d’un ouvrage, telle qu’une perte d’un mur faisant partie d’un bâtiment pourrait aussi être considérée comme une perte de l’ouvrage pour les fins de l’article 2118 du Code civil et donc du paragraphe 10(5) du Règlement.

[91]              Cependant, dans le cas d’une perte partielle, le fardeau de la preuve des Bénéficiaires est beaucoup plus grand, selon les auteurs Jean-Louis Beaudoin et Patrice Deslauriers :

              « En cas de perte partielle, la jurisprudence, en pratique se montre relativement sévère. Elle exige que celle-ci soit grave et sérieuse et refuse de considérer comme rentrant dans cette catégorie de simples dégradations mineures qui ne compromettent ni la solidité globale de l’ouvrage, ni la solidité d’une partie importante de celui-ci, ni son utilisation normale ou sa destination. Ainsi, une toiture qui coule et endommage sérieusement l’immeuble a été considérée comme provoquant une perte partielle. La charge de la preuve à laquelle le propriétaire doit faire face est donc plus importante.[3] »


 

[92]               Dans le cas des fissures sur le mur de façade et sur celui du côté droit du bâtiment, il n’y avait aucune preuve qu’elles affecteraient la solidité ou la durée normale de ces murs ni, comme déjà mentionné ci-haut, qu’elles diminueraient l’utilisation ou l’utilité normale de ces murs.

[93]              Pour ces motifs, le tribunal arbitral ne peut pas conclure que les Bénéficiaires ont fait la preuve, dont le fardeau leur incombait,  de l’existence d’un des critères d’un vice majeur soit celui de la « perte de l’ouvrage » requis pour l’application du paragraphe 10(5) du Règlement.

Point 21 - Escaliers extérieurs - béton finition - trous - effritement

[94]              .Dans sa décision du 18 août 2014, l’inspecteur-conciliateur Gadbois décrit les faits qu’il a constatés comme suit :

              « Les Bénéficiaires ont dénoncé des imperfections au béton des marches et contremarches du balcon avant, telles que des creux et des éclats. L’inspection nous a permis de constater de légères imperfections au béton coulé sur place en surface des contremarches, ainsi que la présence d’éclats de béton, principalement sous le nez de certaines marches. »

[95]              Cependant, monsieur Gadbois a rejeté cette réclamation pour la raison suivante :

              « De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec le point 21 ne rencontrent pas tous les critères du vice caché en ce sens qu’elles ne sont pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.»

[96]              La question est de savoir si les imperfections des marches et contremarches en béton sont de nature à rendre l’escalier impropre à l’usage auquel il est destiné.

La preuve

Preuve des Bénéficiaires

[97]              Le 18 juillet 2013, les Bénéficiaires ont dénoncé l’état de leurs marches en béton de leur entrée principale selon la pièce A-10, comme suit :

              « La finition des marches et contremarches en béton laisse à désirer. Ces dernières sont remplies de trous qui tendent à s’agrandir et à s’effriter.»

[98]              L’Administrateur a reçu cette lettre des Bénéficiaires, le même jour, soit le 18 juillet 2013.

[99]              Selon la preuve, les Bénéficiaires ne répandent jamais de sel ou de sable sur ces marches. Pour les déneiger, ils utilisent une pelle en plastique.

[100]           On peut observer sur les marches et les contremarches des trous et des éclats de béton. Il n’y a pas d’anomalie sur les nez des marches.

[101]           Selon le témoignage de monsieur Dumont « Il y a au moins un trou sur chaque marche ». De plus, il déclare que « l’état des marches et des contremarches continue de se dégrader ».

[102]           Monsieur Dumont se demande si avec les années, ces marches ne pourraient-elles pas poser des questions de sécurité?

[103]           Quand les Bénéficiaires ont acheté leur résidence, ils s’attendaient à ce qu’elle soit impeccable. S’ils avaient su que l’escalier en béton se détériorerait aussi rapidement, ils n’auraient pas payer le même prix qu’ils ont payé pour cette résidence.

[104]           Lors de sa deuxième inspection, le 29 novembre 2011, l’expert des Bénéficiaires, monsieur Alain Corbeil, n’a constaté aucune anomalie sur l’escalier en béton.

[105]           L’expert Corbeil corrobore les constatations des Bénéficiaires. Il qualifie certains trous dans le béton comme des « fish eyes » Il a aussi constaté la présence d’éclats de béton. Selon lui, ce n’est pas normal qu’un escalier soit dans cet état de détérioration après quatre ans d’usage. Selon lui, cette détérioration est anormale et trop rapide. Il déclare que « à l’avenir, ça pourrait devenir problématique ».

[106]           L’expert Corbeil émet l’opinion que plusieurs causes de cette détérioration sont possibles «telles que l’usage du sel, la mauvaise qualité du béton ou un excès d’agrégat dans le béton. »

[107]           Monsieur Corbeil n’a pas poussé son investigation sur la ou les causes de cette détérioration et ne peut se prononcer à leur sujet.

Preuve de l’Administrateur

[108]           .Monsieur Yvan Gadbois qui témoigne pour l’Administrateur reconnaît que les marches et les contremarches de l’escalier en béton sont affectées de malfaçons.

[109]           Selon lui, l’escalier peut servir à l’usage auquel on le destine. Les éclats présents dans le béton « ne sont pas petits » mais pas assez sévères pour affecter la solidité de l’escalier.

[110]           Selon, lui, les dommages sur les marches et contremarches sont de nature esthétique.

Les prétentions des parties

[111]           Les Bénéficiaires plaident que s’ils voulaient revendre leur maison, l’acheteur demanderait une réduction du prix à cause de l’état de l’escalier en béton.

[112]           Ils demandent que le tribunal arbitral déclare que ces escaliers rencontrent les critères de vice caché.

[113]           Selon l’Administrateur, le critère de « gravité du vice » qui a été reconnu comme étant nécessaire par la jurisprudence, n’a pas été prouvé par les Bénéficiaires. Selon l’Administrateur, il s’agit d’un problème de nature esthétique qui n’affecte pas l’utilisation de l’escalier ou sa  solidité structurale.

[114]           De plus, la preuve d’une réduction du prix de revente du bâtiment à cause de ce problème est insuffisante.

Analyse et décision

[115]           Témoignant pour l’Administrateur, l’inspecteur-conciliateur Gadbois a admis que les trous et les éclats de béton dans les marches et contremarches de l’escalier d’entrée du bâtiment, constituent des malfaçons.

[116]           Toutefois, étant donné que la dénonciation a eu lieu en juillet 2013, soit dans la troisième année suivant la réception du bâtiment, pour que cette situation soit couverte par le plan de garantie, il faut qu’elle entre dans le cadre des dispositions des paragraphes 10(4) du Règlement (vices cachés) ou 10(5) (vices majeurs).

[117]           Tel que déjà noté ci-haut au paragraphe 84, un vice caché doit avoir une certaine gravité. Pour déterminer cette gravité, on doit se demander si l’état des marches les rend impropres à l’usage auquel on les destine, soit de fournir un accès normal et sécuritaire au bâtiment. Selon la preuve que le tribunal a retenue, l’accès au bâtiment par les escaliers n’est aucunement diminué. Y-a-t’il une preuve devant le tribunal quant à la probabilité future que cet accès au bâtiment sera réduit ou rendu non sécuritaire?

[118]           L’expert des Bénéficiaires, monsieur Alain Corbeil a témoigné que « à l’avenir, ça pourrait devenir problématique ». Selon la compréhension du tribunal arbitral, cette affirmation réfère à une possibilité seulement plutôt qu’à une probabilité. De plus, monsieur Corbeil n’a pas expliqué la nature de cette problématique future.

[119]           Lors de son témoignage, monsieur Dumont a déclaré qu’il se demandait si avec les années, les marches ne pouvaient-elles pas poser des questions de sécurité? Ce témoignage démontre au tribunal arbitral une appréhension d’un problème futur de sécurité.

[120]           Or, la jurisprudence a déjà déterminé que l’existence d’une appréhension quant à un risque futur ne peut constituer une preuve suffisante à l’appui d’une décision. Dans la cause France Bouchard, l’arbitre Me Michel A. Jeanniot s’est prononcé à ce sujet comme suit :

              « Nous le savons, et je n’entend digresser de la jurisprudence en semblable matière, les arbitres ont depuis longtemps conclu qu’ils ne peuvent fonder leurs décisions  sur hypothèse ou appréhension. »[4]

[121]           Je note également que, selon la preuve et conformément à ce que le tribunal a pu constater lors de sa visite au bâtiment avant l’audience, le nez des marches n’est aucunement détérioré. Ceci diminue le risque d’un accident futur.

[122]           Finalement, les Bénéficiaires ont déclaré que s’ils avaient connu la condition de l’escalier au moment de l’achat de leur résidence, ils n’auraient pas payer un si haut prix. Ce témoignage est intéressant et pertinent. Toutefois, il est trop vague pour avoir l’effet persuasif requis. À titre d’exemples seulement, les Bénéficiaires auraient pu faire la preuve du montant, au moins approximatif d’une telle réduction ou ils auraient pu faire une preuve du coût de la réparation des marches, ce qu’ils n’ont pas fait.

[123]           Pour ces raisons, le tribunal arbitral n’a d’autre choix que de conclure que les Bénéficiaires n’ont pas prouvé que les trous et les éclats de béton affectant leur escalier d’entrée rencontrent les critères d’un vice caché.

[124]           Pour compléter cette analyse, le tribunal arbitral a décidé de voir si ces imperfections de l’escalier pourrait constituer un « vice majeur » selon le paragraphe 10(5) du Règlement cité ci-haut au paragraphe 83.

[125]           Tel que déjà mentionné à l’analyse du point no 20 ci-haut, un des éléments de preuve d’un tel vice est « la perte de l’ouvrage ». Or, il n’y avait aucune preuve devant le tribunal arbitral que la solidité de l’escalier est compromise ou qu’il existe une probabilité qu’elle le serait à l’avenir. Le tribunal note que la preuve de la possibilité seulement d’une aggravation future n’est pas suffisante pour constituer une preuve suffisante.

Remboursement des frais d’expert

[126]           .Les Bénéficiaires demandent au tribunal arbitral d’ordonner le remboursement de deux factures émises par Alain Corbeil Pro Inspection inc.

[127]           La première de ces factures déposée comme la pièce B-19, est datée du 9 septembre 2014. Elle réfère à une consultation de deux heures à la même date. Des honoraires de 200 $ plus la TPS de 10 $ et la TVQ de 19,95 $ y sont ajoutés pour un montant total de 229,95 $.


 

[128]           La deuxième facture émises par Alain Corbeil Pro Inspection inc. déposée comme la pièce B-20, est datée du 19 novembre 2014. Elle réfère à la présence de monsieur Alain Corbeil lors de la visite des lieux et à l’audience le 19 novembre 2014. Les honoraires sont de 1 000 $ auxquels s’ajoutent la TPS de 50 $ et la TVQ de 99,75 $ pour un total de 1 149, 75 $.

[129]           Selon l’article 124 du Règlement, l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’Administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel. Dans cette cause, les Bénéficiaires ont eu gain de cause sur un aspect de leur réclamation.

[130]           Les services de l’expert Corbeil mentionnés dans sa première facture ont été utiles. Selon la preuve, ces consultations ont motivé les Bénéficiaires à se désister de certains points qu’ils avaient soumis à l’arbitrage, tel que mentionné au paragraphe 4 de cette sentence.

[131]           En ce qui concerne la deuxième facture, le témoignage de monsieur Corbeil à l’audience était pertinent. Le fait que les Bénéficiaires n’ont pas réussi à se décharger de leur fardeau de la preuve relativement à certains points soumis à l’arbitrage, ne réduit pas nécessairement la pertinence de son témoignage. Étant donné que monsieur Corbeil était présent lors de la visite des lieux (1 heure) et lors de l’audition (7,6 heures), le total d’heures qu’il pourrait raisonnablement facturer est 8,6 heures, plutôt que 9 heures. De plus, selon la première facture, son taux horaire normal est de 100 $. Par conséquent, une partie de la deuxième facture seulement devrait être remboursée aux Bénéficiaires, soit 8,6 heures au taux horaire de 100 $ l’heure, plus la TPS et la TVQ.

Conclusions supplémentaires

[132]           Vu les conclusions que le tribunal arbitral a déjà tirées de la preuve qui lui a été présentée - il n’a plus besoin de se pencher sur les autres prétentions des parties.

[133]           La Loi dur le bâtiment ainsi que le Règlement ne contiennent pas de clauses privatives complètes.

[134]           Selon les dispositions du Règlement, l’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.

 


 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ARBITRAL :

 

ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires concernant la rugosité du vernis des barreaux mentionnée au point no 5 de la décision de l’Administrateur du 17 mars 2014 et DÉCLARE que cette rugosité du vernis des barreaux constitue une malfaçon non apparente lors de la réception du bâtiment par les Bénéficiaires;

REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires relativement à la rugosité de la rampe d’escalier mentionnée au point no 5 de la décision précitée de l’Administrateur et REJETTE leur demande d’arbitrage quant au point 12 de la même décision de l’Administrateur;

REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires visant les points 20 et 21 de la décision de l’Administrateur du 18 août 2014;

DÉCLARE que les Bénéficiaires se sont désistés de leur demande d’arbitrage à l’égard des points 1, 6, 7, 9, 10, 13, 14, 16 et 17 de la décision de l’Administrateur du 17 mars 2014;

CONSTATE que les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont conclu une entente de règlement datée du 19 novembre 2014 quant au point 15 de la décision de l’Administrateur du 17 mars 2014;

CONSTATE que les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont conclu une entente de règlement datée du 19 novembre 2014 relativement aux points 18 et 19 de la décision de l’Administrateur du 18 août 2014;

DÉCLARE que l’Administrateur devra rembourser aux Bénéficiaires un montant de 229,95 $ (200,00 $ en honoraires plus 10 $ de TPS et 19,95 $ de TVQ) relativement à la facture d’Alain Corbeil, Pro Inspection inc. du 9 septembre 2014 ainsi qu’un montant de 998,78 $ (soit 860 $ en honoraires plus 43 $ de TPS et 85,78 $ de TVQ) comme un remboursement partiel de la facture d’Alain Corbeil, Pro Inspection inc. datée du 19 novembre 2014, et

DÉCLARE que les frais de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

 

 

Montréal, le 22 décembre 2014

 

 

 

 

 

 

 

 

Me ALBERT ZOLTOWSKI

Arbitre  / SORECONI

 



[1]              R.Q.c. B-1.1, R.0.2

[2]              A à Z Construction - Rénovateur inc. et le Syndicat des copropriétaires du 292 Simonds et la Garantie Abritat inc., Me Albert Zoltowski, arbitre, 18 octobre 2012, dossier CCAC : S12-030801-NP

[3]              La responsabilité civile, 7e édition, Beaudoin, Jean-Louis et Deslauriers, Patrice, Éditions Yvon Blais, 2007, vol. II, pp. 258-9

[4]              France Bouchard, Yves Guillemette et Les Constructions M & E Godbout inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, Me Michel A. Jeanniot, arbitre, 22 juin 2010, dossier SORECONI 09062201, paragraphe 64