ARBITRAGE

EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE

PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Chapitre B-1.1, r. 8)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:

SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS (SORECONI)

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE ROUYN-NORANDA

No. 222410001    Mignone-Berenice Mouasso Ebouel

et

Donald Maclean Bindjemb

 

       Bénéficiaires 

c.

 

Groupe Pro-Fab inc.

 

 Entrepreneur    

 

Et :    

 

Garantie Construction Résidentielle (GCR)

 

Administrateur

 

 

SENTENCE ARBITRALE FINALE

 

 

Arbitre :      Roland-Yves Gagné

 

Pour les Bénéficiaires :   Donald Maclean Bindjemb

 

Pour l’Entrepreneur :   Mélanie Doyon

      Christian Bérubé

      Marco Descôteaux

      

Pour l’Administrateur :   Me Marc Baillargeon

      Serge Fortin

 

Date de l’audience :   20 janvier 2023

 

Date de la décision :   27 janvier 2023


Description des parties

 

Bénéficiaires :

 

Madame Mignone-Berenice Mouasso Ebouel

Monsieur Donald Maclean Bindjemb

[...]

Rouyn-Noranda, Qc. [...]

 

Entrepreneur :

 

Groupe Pro-Fab inc.

294 rue Laurier

Saint-Apollinaire, Qc. G0S 2E0

 

Administrateur :

 

La Garantie de construction résidentielle (GCR)
a/s Me Marc Baillargeon

4101 3e étage, rue Molson

Montréal, Qc. H1Y 3L1

 

PIÈCES

 

L’Administrateur a produit les pièces suivantes :

 

Document(s) contractuel(s)

A-1 Contrat d'entreprise signé par les Bénéficiaires et l'Entrepreneur le 5 novembre 2021;

A-2  Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l'Entrepreneur le 5 novembre 2021; Dénonciation(s) et réclamation(s)

A-3  Courriel du Bénéficiaire transmis à l’Entrepreneur le 27 juin 2022, incluant :

Formulaire de dénonciation daté du 27 juin 2022;

A-4  Formulaire dénonciation daté du 14 septembre 2022 (sans preuve d’envoi à l’Entrepreneur);

A-5  Formulaire de réclamation;

A-6  Le courriel de l'avis de 15 jours transmis par l'Administrateur à l'Entrepreneur et aux Bénéficiaires le 19 septembre 2022, incluant:

Formulaire de dénonciation daté du 27 juin 2022 (voir A-3);

Formulaire de dénonciation daté du 14 septembre 2022 (voir A-4);

Formulaire de mesures à prendre par l’Entrepreneur (non inclus dans le cahier de pièces);

Correspondance(s)

A-7 Échanges de courriels du 8 juillet 2022 au 12 juillet 2022;

A-8 Courriel des Bénéficiaires daté du 22 novembre 2022, incluant :

Vidéo 1; Vidéo 2;

A-9 Échanges de courriels datés du 12 août 2022 au 26 août 2022, incluant;

Photos et captures d’écran;

Autre(s) document(s) pertinent(s) et/ou expertise(s)

A-10 Relevé du Registraire des entreprises du Québec concernant l’Entrepreneur

Décision(s) et demande(s) d'arbitrage

A-11 En liasse, la décision de l'Administrateur datée du 21 (note du Tribunal : 18) octobre 2022, ainsi que les accusés de réception de Postes Canada des Bénéficiaires et de l’Entrepreneur datés du ou vers le 20 octobre 2022;

A-12 Courriel de la notification de l'organisme d'arbitrage daté du 27 octobre 2022, incluant:

Demande d'arbitrage des Bénéficiaires datée du 24 octobre 2022;

Décision de l’Administrateur datée du 21 (note : 18) octobre 2022 (voir A-11);

Lettre de nomination de l’arbitre datée du 26 octobre 2022;

A-13 Curriculum Vitae du conciliateur Serge Fortin

 

Les Bénéficiaires ont produit les pièces suivantes :

 

B-1 : Photo du 22 juillet 2022

B-2 : Lettre de financement 20 janvier 2022

B-3 : Vidéo du 25 juillet 2022 (envoyé le jour de l’audience par l’Administrateur)

B-4 : Échange de courriels du 23 octobre 2021 (envoyé par le Bénéficiaire le jour de l’audience)

B-5 : Échange de SMS du 15 juillet, 18 et 19 juillet 2022 ;

B-6 : Échange de SMS – 24 juillet – demande de retirer l’échafaudage

B-7 : Échange de SMS – 13 juillet – demande de retirer le stock

B-8 : Courriel du Bénéficiaire du 20 janvier 2023 en réponse à la pièce E-5 (commentaires)

 

L’Entrepreneur a produit les pièces suivantes :

 

E-1 : Courriel du 11 janvier 2022 par l’Entrepreneur (Mélanie Lecomte, Coordonnatrice comptes clients)

E-2 : Courriels du 2 mars 2022 par le Bénéficiaire et du 3 mars 2022 par l’Entrepreneur

E-3 : Courriel du 20 mai 2022 par l’Entrepreneur

E-4 : Échange de SMS du 28 septembre commenté dans E-5 ;

E-5 : Commentaires sur l’inspection envoyé par l’Entrepreneur après l’audience (dont le contenu est contesté par le Bénéficiaire dans un courriel subséquent)

E-6 : Original de la photo dans la pièce E-5.

 

INTRODUCTION 4

TRAME FACTUELLE 5

Donald Maclean Bindjemb 8

Christian Bérubé 11

Marco Descôteaux 11

Serge Fortin 12

PLAIDOIRIES 13

Plaidoirie du Bénéficiaire 13

Plaidoirie de l’Entrepreneur 14

Plaidoirie de l’Administrateur 14

Réplique du Bénéficiaire 15

DÉCISION 15

Introduction 15

Recours en vertu du Règlement et compétence juridictionnelle 16

Le manquement contractuel allégué entraînant des frais de relogement, déménagement ou entreposage              18

Reproche : absence de communication d’une feuille de route (planning) 20

Reproche : communication de la date le 19/20 mai et non en mars ou avril 21

Conclusion 22

FRAIS 23

CONCLUSION 23

 

INTRODUCTION

[1]           Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier à la suite d’une demande d’arbitrage par les Bénéficiaires d’une décision de l’Administrateur du 18 octobre 2022, reçue le 24 octobre 2022 par le Société pour la résolution des conflits (SORECONI), et par la nomination le 26 octobre 2022 du soussigné comme arbitre.

[2]           Les Bénéficiaires ont produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 19[1] du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement).

[3]           À l’audience, le Bénéficiaire a confirmé que les points de la décision de l’Administrateur du 18 octobre 2022 avec lesquels il a un différend, qu’il demande au Tribunal de trancher sont (ce qui suit est sa réclamation selon les frais couverts par le Règlement et non sur l’ensemble des dommages qu’il a allégués dans sa réclamation initiale) :

[3.1]         Point 1 : Non-respect de l’échéancier – Frais relogement – seulement pour :

[3.1.1]                Page 5/14, le paragraphe numéroté 1-

1- le constructeur suite au courriel de suivi pour la livraison prévue le 24 Mai, avise au client que la livraison aura lieu le 07 Juin. Aucun suivi encore moins un avis n'a été fait avec le client pour le préparer au changement. Le client avait prévu déménager le 01 Juillet et cette incartade entraine un mois supplémentaires de loyer et de charges fixes. (560 $ de loyer ) ;

 

[3.1.2]                Page 6/14, le paragraphe numéroté 2-

2-Relogement déménagement et entreposage des biens il y est indiqué : ‘’Les électroménagers neufs achetés et livrés le 29 Juillet 2022 ne pouvant pas rentrer dans la maison (travaux non terminés) ont été entreposés et il a fallu payer un déménagement des appareils le 28 Août 2022 vers la maison. Soit un montant approximatif de 735.84 $. ‘’

 

[3.1.3]                Page 7/14, la première phrase du dernier paragraphe :

Le bénéficiaire a transmis plusieurs factures de restaurant couvrant la période du 31 août au 11 septembre 2022 pour un montant total de 558.92$ (voir annexes 12 à 16).


TRAME FACTUELLE

.

[4]           Le 5 novembre 2021 (pièce A-1), les Bénéficiaires signaient un contrat avec l’Entrepreneur pour une maison pré-usinée en partie, à être livrée et installée sur le terrain des Bénéficiaires qu’ils allaient acquérir.

[5]           Comme il s’agit d’un recours pour retard de livraison, les clauses importantes du contrat se lisent comme suit :

[5.1]         À la page des signatures :

Date de livraison prévue : dans la semaine du 2022-05-23

Sera confirmée lors de la réception du permis de construction

Réception du financement* mi-janvier

Réception du permis de construction* mi-janvier

* Je reconnais que dans le cas où je ne fournirais pas ces documents dans les délais requis, la date de livraison prévue ne pourrait être garantie et serait reportée à la première date ultérieure disponible.

[5.2]         Dans « Les conditions énumérées... ci-après », à l’article 9 Limite de garantie :

[...] Le vendeur aura un délai minimum de 3 semaines pour finaliser les raccords en chantier. Pendant cette période aucun effet personnel ne doit être placé dans la maison et aucun travaux par le client ou sous-traitant ne peuvent débuter. Suite au rapport d’inspection, prévoir un délai de commande de matériel jusqu’à 6 à 8 semaines avant la planification d’un rendez-vous de réparation. Également, prévoir un délai de 8 à 12 semaines entre la livraison de la maison sur la fondation et le déménagement de l’acheteur.

[6]           Par échange de courriels du 23 octobre 2021 (pièce B-4), après la visite des Bénéficiaires aux installations de l’Entrepreneur dans la région de Québec mais avant la signature du contrat 5 novembre 2021 :

[6.1]         le Bénéficiaire écrit à l’Entrepreneur :

Les procédures pour le permis de constructions sont commencés mais les délais rendu à 120 jours, pour des raisons indépendantes de notre volonté. Sur toute réserve, nous pensons l’avoir à la mi-janvier si tout va bien et que la lourdeur de l’administration nous prenne en défaut ;

[6.2]         l’Entrepreneur répond le même jour au Bénéficiaire :

La livraison de la maison sur la fondation est prévue dans la semaine du 24 mai 2022 à plus ou moins quelques jours. Tel qu’indiqué dans l’étape #3 du guide du futur propriétaire, Pro-Fab se garde un délai d’environ 3 semaines pour finaliser les travaux de raccords en chantier. Vous pourrez faire faire vos travaux de finition dès que nous aurons terminé nos travaux et que l’inspecteur aura fait l’inspection de la maison. Normalement, il faut prévoir un minimum de 1 semaine pour faire faire le tirage de joint, 1 à 2 semaines pour la peinture et 1 à 3 semaines pour les revêtements de plancher et autres. Cela dépend du délai requis par vos entrepreneurs. Il faut donc compter un délai de 8 à 12 semaines entre le dépôt de la maison sur la fondation et la date possible de déménagement. Je vais indiquer au dossier que nous nous attendons à recevoir votre lettre de financement pour votre rendez-vous au centre design prévu le 5 novembre et votre permis de construction pour la mi-janvier 2022.

[7]           Le 11 janvier 2022, l’Entrepreneur envoie un courriel au Bénéficiaire (pièce E-1) :

Je fais simplement un suivi avec vous concernant votre permis de construction. Est-ce que vous avez eu des nouvelles de la ville? Croyez-vous pouvoir nous faire parvenir la copie de votre permis dans les prochains jours? 

 

[8]           Le 2 mars 2022, le Bénéficiaire envoie un courriel à l’Entrepreneur (pièce E-2) :

J’aimerai savoir quand votre sous-traitant débutera les travaux de fondation car j’ai les pieux qui doivent être installés avant. Le permis de construction devrait être disponible d’ici la semaine prochaine pour le projet. Merci de me revenir rapidement

[9]           Le 3 mars 2022, l’Entrepreneur répond au Bénéficiaire (pièce E-2) :

Comme vous le savez déjà, tant que nous n’avons pas reçu votre permis de construction, nous ne pouvons pas procéder aux achats ni à la mise en production de votre projet. Lorsque nous aurons votre permis en main, nous allons finaliser les plans de construction et faire parvenir nos demandes de soumission pour les différents sous-traitant sur votre projet. Ainsi, l’entrepreneur en fondation n’est pas encore déterminé sur votre projet. Lorsque ce sera fait, je vous ferai parvenir un courriel avec ses coordonnés. Ce sera l’entrepreneur en fondation qui vous contactera pour la date du début des travaux d’excavation/fondation. Habituellement, les travaux débutent environ 3 semaines avant la date prévue de livraison.

[10]      C’est le 10 mars 2022 que le Bénéficiaire fait communiquer à l’Entrepreneur son permis de construction (Annexe VII de la décision de l’Administrateur).

[11]      Le 29 avril 2022, le Bénéficiaire envoie sa preuve de financement par courriel (Annexe VIII) « Bien vouloir prendre connaissance du document d’approbation du prêt avec la Banque [...] et mettre à jour le dossier. » toutefois, à l’audience, le Bénéficiaire affirme avoir déjà envoyée sa preuve en janvier, et que la preuve envoyée en avril l’était pour une nouvelle banque.

[12]      Le 19 mai 2022 (Annexe IX de la décision), n’ayant pas reçu de nouvelles de la part de l’Entrepreneur après l’envoi de son permis le 10 mars, le Bénéficiaire demande à l’Entrepreneur de confirmer la date de livraison du 24 mai prochain ;

[12.1]     le Bénéficiaire affirme à l’audience avoir reçu un courriel qui avait mentionné cette date de livraison du 24 mai ;

[12.2]     le Tribunal note ici avoir reçu ce courriel par la suite de la part du Bénéficiaire, il s’agit du courriel du 23 octobre 2021, cité au paragraphe [6] ci-haut, qui parlait de la semaine du 24 mai à plus ou moins quelques jours, alors que le contrat signé par la suite parle de la semaine du 23 mai, mais non-garantie si le permis de construction n’est pas remis à la mi-janvier.

[13]      Toujours le 19 mai, deux heures quinze minutes plus tard, l’Entrepreneur répond au Bénéficiaire :

Après vérification auprès de M. Bérubé, la livraison de la maison sur la fondation se fera le 8 ou 9 juin 2022. Nous devrions avoir la confirmation demain et vous ferai parvenir ce courriel de confirmation. 

[14]      À l’audience,

[14.1]     l’Entrepreneur affirme avoir bel et bien envoyé un courriel de confirmation le 20 mai 2022 à 13 :07 pour une livraison le 7 juin et le Bénéficiaire affirme avoir reçu une confirmation pour une livraison du 7 juin ;

[14.1.1]           ce courriel fut produit après l’audience sous E-3 :

La présente est pour vous confirmer que la date de livraison de votre résidence sur votre fondation est prévue le 7 juin 2022. [...] Aussi, voici les coordonnées de l’inspecteur qui sera attitré à votre projet : Marco Descoteaux [...]

[14.2]     le Bénéficiaire affirme avoir alors fait part de son désarroi à l’Entrepreneur par courriel du 19 mai (Annexe IX de la décision),

[14.2.1]           ayant déjà des sous-traitants de planifiés, avec la pénurie de main-d’œuvre il faut réserver un an à l’avance, il reproche à l’Entrepreneur de ne pas l’avoir prévenu plus tôt de la date de livraison.

[15]      Le 7 juin 2022, la maison est livrée sur les fondations.

[16]      Le 27 juin 2022 (pièce A-3), le Bénéficiaire envoie à l’Entrepreneur et à la GCR un formulaire de dénonciation de trois points intitulé « Non-respect de l’échéancier », où le premier point se lie ainsi :

le constructeur suite au courriel de suivi pour la livraison prévue le 24 Mai, avise au client que la livraison aura lieu le 07 Juin. Aucun suivi encore moins un avis n’a été fait avec le client pour le préparer au changement. Le client avait prévu déménager le 01 juillet et cette incartade entraine un mois supplémentaire de loyer et de charges fixes (note du Tribunal : les autres réclamations portent sur des frais d’assurances, d’augmentation de frais pour ses sous-traitants et les intérêts de marge de crédit, qui ne sont pas inclus dans le présent recours contre l’Administrateur du plan de garantie devant le Tribunal soussigné).

[17]      Le formulaire d’inspection pré-réception est signée le 6 juillet 2022 avec un représentant de l’Entrepreneur, Marco Descoteaux (Annexe X de la décision).

[18]      Les parties s’échangent des courriels du 8 au 12 juillet 2022 (pièce A-7) dans lesquels le Bénéficiaire fait part de ses difficultés (note du Tribunal : elles sont mentionnées dans les différents paragraphes de cette décision), l’Entrepreneur fait part de sa position à leur sujet.

[19]      Le 13 juillet 2022, le Bénéficiaire envoie le texto suivant à Marco Descoteaux :

Mon sous-traitant de plâtre ne veut pas effectuer le plâtre car il y a trop de stock dans le salon. J’aurai voulu les descendre dans le sous-sol mais je manque de bras et l’escalier est pas trop sécuritaire pour transporter du stock. Jai compris que vous revenez lundi, serait-il possible de sortir ou de ranger dans le sous-sol ce dont vous avez pas besoin dans le salon afin de permettre à mon sous-traitant de travailler? À l’étage je vais m’arranger.

[20]      Le 24 juillet 2022, le Bénéficiaire envoie le texto suivant à Marco Descoteaux :

Nous aurons besoin que l’échafaudage en avant soit déplacer pour faire les travaux à l’entrée (escalier et dalle). Les travaux devaient se faire cette fin de semaine mais à cause de l’échafaudage nous les avons reportés. Il reste un mur qui est toujours ouvert dans la cuisine et le plâtrier ne peut faire cette partie. Est-ce qu’il est possible d’avoir un échéancier ou une planification sur vos travaux ls prochaines semaines afin d’organiser nos travaux en conséquence?

Donald Maclean Bindjemb

 

[21]      Le Bénéficiaire affirme à l’audience que son premier reproche à l’Entrepreneur est de ne pas avoir respecté la date de livraison prévue au contrat, et de l’avoir averti qu’à la dernière minute du changement.

[22]      Son deuxième reproche est le délai dans le contrat de 8 à 12 semaines entre la livraison sur la fondation et le déménagement de l’acheteur (clause 9 des conditions générales du contrat, pièce A-1) :

[22.1]     quand il planifie ses travaux, il prévoit trois semaines au pire en continu où l’Entrepreneur fait ses travaux, puis lui il peut faire ses travaux ;

[22.2]     ses travaux à lui sont les planchers (1 semaine selon l’évaluation du sous-traitant), le plâtre (2 semaines) et la peinture (1 semaine) qui ne sont pas faits par l’Entrepreneur, ce minimum doit être fait pour pouvoir déménager, à la suite des travaux de l’Entrepreneur ;

[22.3]     le problème est qu’il a eu accès à la maison que le 25 juillet, entre le 7 juin et 25 juillet, l’Entrepreneur faisait ses travaux par l’entremise de ses sous-traitants.

[23]      Donc ça a été livré le 7 juin, mais il n’a eu accès à la maison que le 25 juillet et il n’a jamais eu de planification de l’Entrepreneur ;

[23.1]     il n’a jamais eu une date ou une semaine où l’Entrepreneur a dit « nous nos travaux seront terminés », lui permettant de dire à ses sous-traitants à lui quand ils peuvent faire leurs travaux ;

[23.2]     et pourtant il a demandé une planification, autant à l’Entrepreneur qu’à son « inspecteur » (Marco Descoteaux).

[24]      À la suite de l’inspection pré-reception du 6 juillet, le sous-traitant de l’Entrepreneur continuait à faire les travaux ; par contre lui, il ne pouvait pas faire ses travaux de planchers et de plâtre parce que l’Entrepreneur avait laissé dans la maison beaucoup de stock.

[25]      Les travaux n’étaient pas clés en main, en plus des planchers, plâtrage et peinture, il avait l’électricité à finaliser, les sanitaires à installer.

[26]      Il réfère au texto envoyé le 13 juillet 2022 « Marco, Quand penses-tu que vous allez revenir pour débarrasser le stock dans le salon » (Annexe XXIII de la décision).

[27]      Cet espace n’a pas été libéré, c’est le Bénéficiaire lui-même qui a dû libérer cet espace vu qu’il n’avait pas de suivi et il était un peu fatigué d’attendre.

[28]      Il a dû lui-même prendre le stock de l’Entrepreneur et le mettre à l’extérieur de la maison pour être capable de faire ses travaux.

[29]      Il avait perdu tous ses sous-traitants et a dû s’arranger tout seul pour faire les travaux avec sa femme, les travaux de peinture, de plancher en partie, avec un peu d’aide extérieure.

[30]      Le plancher bougeait, ça a dû avoir des réparations, il a pu faire ses travaux après.

[31]      Son « gros déménagement » a eu lieu le 28 août car là ses planchers étaient faits en grande partie, ne restait que les travaux de peinture.

[32]      Il a pu entrer le 15 septembre.

[33]      En faisant affaire avec un gros entrepreneur comme Pro-Fab, on s’attend à avoir un suivi de qualité ; la maison est bien faite, il ne parle que du suivi et de la planification considérant les travaux que doit effectuer l’acheteur.

[34]      Il réclame un mois de loyer à $560, le déménagement supplémentaire de son électroménager qui avait dû être déménagé chez le voisin – tous ses électros et ses meubles achetés à Montréal avaient une date de livraison « le 7 ou le 31 » (sic!) juillet (note du Tribunal : aucun document n’a été produit à cet effet), il avait prévu qu’à cette date la maison serait viable, mais ils ont livré chez le voisin car sa maison n’était pas prête, et il a payé des frais pour livrer du voisin à chez lui.

[35]      Les frais de restaurant qu’il réclame, il a pu négocier avec son ancien propriétaire de rester jusqu’à la fin août, le 1er septembre les Bénéficiaires ont dû aller vivre chez des amis qui ont prêté une chambre, ils ont dû manger la plupart du temps au restaurant.

[36]      En contre-interrogatoire, à la question :

[36.1]     si au 6 juillet, avez-vous eu la permission de Marco Descôteaux qui vous dit notre chantier est assez avancé, assez terminé, pour que vous puissiez avoir accès à la maison et commencer vos travaux ?

[36.1.1]           il répond oui sur le contenu de la question (c’est ce que Marco Descôteaux lui a dit) ;

[36.1.2]           selon l’inspection il avait accès à partir du 7 juillet mais il ne pouvait pas rentrer, il redéfinit –

36.1.2.1.       si avoir accès veut dire, pouvoir commencer ses travaux le 7 juillet, je vous dis non, je ne pouvais pas commencer mes travaux le sept juillet ;

36.1.2.2.       mais si accès veut dire, que Monsieur Descôteaux m’avait dit comme quoi, vous pouvez entrer à partir de maintenant faire pour faire vos travaux, je vous dis car c’est cela qu’il m’a dit mais ce n’était pas le cas sur le terrain ;

36.1.2.2.1.          les matériaux ont été retirés par son épouse et lui les 23 et 24 juillet car il avait demandé de ramasser, mais n’avait pas eu de retour, il savait qu’il serait en retard, il a mis les matériaux à l’extérieur, il l’avait demandé avant les vacances de la construction le 13 juillet (par sms) ;

[36.2]     s’il a débuté ses travaux au 6 juillet ou plus tard,

[36.2.1]           il répond plus tard, parce que le sous-traitant de l’Entrepreneur avait du stock dans la maison,

[36.2.2]           il a pris :

36.2.2.1.  une photo du 22 juillet qui montre tout le stock dans la maison qui lempêchait d’effectuer ses travaux de plâtre – tirage de joint - peinture et de plancher (à installer, un de céramique, un de bois-franc, c’est lui qui a dû les mettre) ; et

36.2.2.2.  une vidéo le 25 juillet montrant ce qu’il a dû enlever ;

[36.3]     ailleurs dans la maison, il y avait beaucoup de matériel, dans la salle en haut il y avait tout ce qui était ses matériaux à lui, pour faire ses propres travaux, soit les planchers, tous ses sanitaires pour les salles de bains et d’autres matériaux servant à finaliser les travaux de plomberie (ça c’était en bas), et il ne pouvait libérer cet espace qu’en les installant mais il ne pouvait pas les installer car il y avait le stock de l’Entrepreneur ;

[36.4]     à partir du 7 juillet s’il était capable de prendre le plancher et le descendre au sous-sol, il répond non ;

[36.4.1]           il n’avait plus de sous-traitant pour descendre le plancher au sous-sol puis le remonter au rez-de-chaussée, il ne lui restait que sa femme ;

[36.4.2]           un courriel de Madame Doyon disait que ce matériel servait à faire l’auvent en avant, ce qui est faux parce que le matériel qui a servi à le faire était à l’extérieur de la maison ;

[36.5]     même s’il a fourni son permis le 10 mars, selon le contrat l’Entrepreneur devait me donner une date et il a un courriel de Madame Doyon (note du Tribunal, pièce A-7, 12 juillet 2022) qui dit que le plan de production est mi-mars, donc s’ils avaient les documents pour la mi-mars, ils pouvaient respecter la date de livraison.

Christian Bérubé

[37]      Selon le contrat de novembre 2021, le Bénéficiaire devait remettre le permis pour la mi-janvier, il a été remis le 10 mars, on a voulu dans la mesure du possible respecter les dates, le délai n’est que de 10 à 12 jours par rapport à ce qui est entendu.

[38]      Le contrat dit de 8 à 12 semaines entre la livraison sur les fondations et le déménagement, le Bénéficiaire avait 4 semaines de travail, le client pouvait entrer, et malgré les retards 10 à 12 jours on est entré dans les délais signés de façon contractuelle.

Marco Descôteaux

[39]      Marco Descôteaux est technologue en architecture et depuis 2016, inspecteur gestionnaire de projet pour l’Entrepreneur.

[40]      Quand il a fait l’inspection de la maison le 6 juillet 2022, le menuisier était à finaliser cette journée-là l’escalier pour aller au sous-sol, les matériaux que l’on voit était pour la toiture et le mur intimité, mais ils attendaient que le balcon de béton qui est fait par le client, soit fait, pour bien ajuster la toiture et le mur sur le balcon.

[41]      Il était en attente que le client le fasse.

[42]      À l’étage les joints auraient pu être commencés, c’était les matériaux du client.

[43]      Dans le salon ou dans la cuisine qui sont ensemble à aire ouverte, c’était le seul endroit où il y avait des matériaux de l’Entrepreneur.

[44]      En contre-interrogatoire,

[44.1]     il dit ne pas savoir pourquoi le balcon ne pouvait pas être fait, il fallait un sous-traitant c’était en béton ;

[44.1.1]           le Bénéficiaire intervient et ajoute qu’il avait ce sous-traitant et que sur la vidéo du 25 juillet, on voit au début un échafaudage de l’Entrepreneur qui donne exactement sur l’entrée où il doit faire le balcon de béton, et il a envoyé un texto pour faire retirer l’échafaudage, ce qui n’a pas été fait, il a été retiré par le Bénéficiaire avec son voisin, car la dalle de béton donnait accès aux deux entrées, il a l’enlever à deux pour faire leur entrée ;

[44.2]     il dit qu’il avait chez le Bénéficiaire des parties de moulure de portes et fenêtres pour les deux unités et le voisin est allé les chercher (note du Tribunal : il n’est pas clair si c’est avant ou après le 22 juillet), ce qui était là était pour la toiture de la façade et le mur intimité.

Serge Fortin

[45]      L’inspecteur-conciliateur a rejeté la réclamation pour les loyers de juillet et août car il n’y avait pas de faute de l’Entrepreneur.

[46]      En partant de juin il (qui?) avait jusqu’au 30 août pour finir les travaux, la vidéo du 25 juillet montrait que la céramique sur les planchers avait été fait, que le formulaire d’inspection pré-réception avait été signé le 6 juillet permettant au Bénéficiaire de faire ses travaux.

[47]      Il a compris les explications qu’il y avait des matériaux sur les lieux, mais il ne pouvait pas conclure à un manque des obligations légales puisque le Bénéficiaire avait accès à la maison, il aurait pu commencer ses joints, c’est un choix, la sous-traitance de la peinture, pose des planchers, électricité, ce n’était pas la responsabilité de Pro-Fab, qui n’est pas partie à ces contrats avec les sous-traitants, alors que le Bénéficiaire s’était plaint avoir perdu ses sous-traitants.

[48]      Dans sa décision du 18 octobre 2022, l’Inspecteur-conciliateur résume ainsi les faits :

La première partie de l'inspection préréception fut effectuée le 6 juillet 2022. C'est à ce moment que l'accès a chantier fut donné au bénéficiaire afin qu'il puisse débuter ses travaux ;

Le 25 juillet 2022, le bénéficiaire a enregistré une vidéo du chantier dans laquelle il montre l'extérieur de la construction qui n'est pas complété au niveau du revêtement extérieur. À l'intérieur, la majorité des murs sont complétés au niveau du rez-de-chaussée. Le bénéficiaire a fait poser la céramique dans l'entrée et dans la cuisine. Un bout de mur n'est pas recouvert de gypse ce qui lui empêche de faire tirer les joins. Selon ses dires, l'étage et le sous-sol seraient presque complétés pour les travaux de l'entrepreneur.

Le 24 août 2022, le bénéficiaire a transmis un courriel à madame Doyon, représentante de l'entrepreneur, dans lequel le bénéficiaire fait référence à une vidéo transmise avec le courriel. Le 25 août, madame Doyon lui répond que la commande pour la pièce est déjà passée au fournisseur et que ce dernier lui transmettra par Dicom. Lors de la rencontre virtuelle, les 2 partis ont confirmé que l'entrepreneur fut avisé du problème des pièces le 25 août en même temps que le craquement du plancher (voir annexe 11).

[...] . Courriel entre le 27 juin et l 12 juillet 2022. Dans le courriel de madame Doyon, il y est indiqué que le 6 mai il y a eu rencontre avec le coffreur, le 9 mai il y a eu creusage, les 16 et 24 mai coulage du béton et livraison du module le 7 juin. Monsieur Bindjemb, avait répondu le 8 juillet que c'est suite à son suivi fait le 19 mai 2022, afin d'obtenir la confirmation de la livraison de la maison pour le 24 mai. C'est suite à ce courriel que l'entrepreneur a fourni la date du 8 ou 9 juin comme date de livraison. Dans les faits les modules furent livrés le 7 juin 2022 (voir annexe 22). Le bénéficiaire a aussi transmis 3 pages de messages textes entre lui et monsieur Marco, représentant de l'entrepreneur. En résumer beaucoup de questions posées par messages textes pour un suivi de la part du bénéficiaire et très peu de messages texte en réponse du représentant de l'entrepreneur (voir annexe 23).

Sur le site de la CCQ, les vacances de la construction 2022 se tenaient du 24 juillet 00h01 au 6 août 24h00. Ces 2 semaines sont donc incluses dans le délai de 12 semaines de l'entrepreneur. Le délai de 12 semaines de l'entrepreneur donnait jusqu'au 30 août 2022, puisque la dépose des modules fut effectuée le 7 juin 2022.

[49]      En contre-interrogatoire,

[49.1]     il dit que même si la photo du 22 juillet n’est pas reproduite dans sa décision, il a pris cela en considération, les matériaux étaient là mais les délais ont été respectés et l’Entrepreneur n’était pas en défaut, les céramiques étaient faites le 22 juillet ;

[49.2]     il a mis le SMS du 13 juillet dans sa décision ;

[49.3]     le Bénéficiaire devait compléter à la suite de l’inspection du 6 juillet :

[49.3.1]           le plâtre ;

[49.3.2]           installer les planchers ;

[49.3.3]           la peinture ;

[49.3.4]           l’électricité à finaliser ;

[49.3.5]           sanitaires à installer ;

[49.4]     le Bénéficiaire, s’il y passe sa première nuit le 15 septembre 2022, il y a fait son « gros déménagement » le 28 août 2022 y compris pour un gros électroménager, soit 82 jours après la livraison du 7 juin (note du Tribunal : 2 mois et 21 jours, ou 11 semaines et 5 jours).

[50]      L’Administrateur a rejeté la réclamation des Bénéficiaires en concluant que l’Entrepreneur avait rempli ses obligations.

PLAIDOIRIES

 

Plaidoirie du Bénéficiaire

[51]      Les « 12 semaines » qui sont maximum incluses au contrat ne sont pas les « 12 semaines » de l’Entrepreneur, mais celles de l’Entrepreneur et du Bénéficiaire.

[52]      Le Bénéficiaire reproche à l’Entrepreneur son non-respect de planification et de rigueur.

[53]      Quand on planifie, on doit savoir à l’avance les dates pour savoir quand avertir les sous-traitants.

[54]      Lui, il avait planifié trois à quatre semaines en continu pour ses travaux, soit 2 semaines pour le plâtre, 1 semaine pour le plancher et 1 semaine pour la peinture.

[55]      Dans ces quatre semaines, si les travaux avaient pu être continus, en cas de planification et de suivi, il aurait pu faire le tout en deux semaines et demi, il aurait pu contacter ses sous-traitants.

[56]      La rigueur dans la planification aurait permis d’entrer chez lui dans les délais, un planning qui dit quand les travaux sont faits, quand les matériaux sont ramassés mais :

[56.1]     il n’a pas eu de planification des travaux pour pouvoir s’ajuster ;

[56.2]     le stock dans la maison a étiré les dates ;

[56.3]     son plancher a eu une malfaçon, ça a pris près de deux semaines pour le réparer et qu’il finisse son installation.

[57]      Le retard de la livraison lui a fait perdre ses sous-traitants.

[58]      Il a envoyé un courriel le 10 mars et c’est lui qui a dû demander à l’Entrepreneur quelle était la date de la livraison n’ayant pas de nouvelle, on lui a dit le 19 mai que c’était le 7 juin.

[59]      Il n’a eu accès à la maison que le 25 juillet (rappel du Tribunal : c’était les vacances de la construction), mais sa maison était encombrée et il ne pouvait pas faire ses travaux, il produit une vidéo de sa maison à cet effet, y compris d’un échafaudage à l’arrière.

[60]      Il a envoyé des SMS à l’Entrepreneur, sans réponse.

[61]      Il a donc dû avec son épouse, sortir les matériaux qui encombraient leur maison pour pouvoir y avoir accès.

[62]      Il n’a pas pu y mettre un électroménager pour le 31 juillet, il a dû le mettre ailleurs en attendant et à payer le 28 août pour le déménager chez lui.

[63]      Il a dû aller coucher chez des amis et a payé deux mois de loyer (juillet et août, il ne réclame qu’août pour $560), et n’a pu rentrer chez lui que le 15 septembre, et demande le remboursement de ses repas au restaurant.

Plaidoirie de l’Entrepreneur

[64]      Pour l’Entrepreneur, malgré le retard dans la remise du permis, ils ont bien fait leur travail avec un simple retard de 10 à 12 jours.

[65]      L’Entrepreneur doit planifier le déroulement des ouvriers, il ne peut pas ramener le tout en une semaine avec tout le monde sur place, on met dans le contrat « 8 à 12 semaines » pour avertir le client que ce n’est pas parce que la maison est livrée qu’il peut rentrer tout de suite.

Plaidoirie de l’Administrateur

[66]      Pour l’Administrateur, le Bénéficiaire n’a pas rempli son fardeau de preuve et il ne voit pas en quoi la décision ne respecte pas le Règlement.

[67]      Le contrat disait qu’il devait fournir les documents à la mi-janvier.

[68]      La date de livraison était conditionnelle à fournir les documents à la mi-janvier, qui ont été donnés le 10 mars, l’Entrepreneur a réussi à livrer le 7 juin puis de 8 à 12 semaines avant d’emménager, le 28 août le Bénéficiaire a fait le gros déménagement, il ne voit pas de faute.

[69]      Ce n’est pas un contrat clés en mains, en ne peut pas reprocher à l’Entrepreneur des problèmes de livraison de matériaux ou des travaux pour lesquels le Bénéficiaire devait trouver des sous-traitants.

[70]      C’est sûr que si le Bénéficiaire avait prévu emménager le 1er juillet (voir sa dénonciation du 27 juin 2022), c’est trop serré par rapport au contrat qui parle de 8 à 12 semaines par rapport au 7 juin.

[71]      La décision de l’Administrateur devrait être maintenue.

Réplique du Bénéficiaire

[72]      En réplique, le Bénéficiaire dit que le contrat prévoit que sur réception du permis de construction, Pro-Fab doit aviser la date de livraison.

[73]      Les renseignements ont été reçus par l’Entrepreneur le 10 mars et c’est à la demande du client pour savoir quand la maison allait être livrée, c’est le 19 mai qu’il reçoit un changement de date.

[74]      Il affirme : moi ce que je reproche ce n’est pas qu’il y ait eu un changement de date, c’est le fait que lorsque on se planifie, lorsqu’on est une compagnie rigoureuse, il y a une planification qui se doit, on est censé savoir à l’avance, pas une semaine à l’avance à la demande du client mais quand la date est changée.

[75]      Il aurait voulu être avisé, que ce soit en avril, que ce soit en mars, que sa date était changée, ça lui aurait permis, lui, de contacter ses sous-traitants et d’ajuster le tir, soit de les mettre plus tard et de changer ses dates de déménagement, et de prise de possession ;

[75.1]     c’est ça qu’il reproche : planification et rigueur n’ont pas été faits et même si les documents ont été remis tardivement, ça n’excuse pas ça.

 

DÉCISION

Introduction

[76]      Vu les faits particuliers du dossier, vu le contenu de la garantie offerte par le Règlement, vu que le Tribunal entend un recours en vertu du Règlement à l’encontre de l’Administrateur du plan de garantie, le Tribunal n’a d’autres options que de rejeter la réclamation des Bénéficiaires.

[77]      Alors que le Règlement ne prévoit qu’une couverture du plan de garantie pour les frais de relogement, déménagement et entreposage causés par un manquement aux obligations de l’Entrepreneur qui ici,

[77.1]     livre une maison préusinée sur les fondations,

[77.2]     plus prévoit environ trois semaines de travaux avant que le Bénéficiaire puisse débuter ses travaux de plâtrage, peinture, installation des planchers, des sanitaires et de finalisation de l’électricité ;

[77.3]     plus dit à l’acheteur de prévoir de 8 à 12 semaines avant d’emménager ;

le Bénéficiaire affirme que ce n’est pas tant le changement de date de livraison qu’il reproche, mais le manque de rigueur et de planification de l’Entrepreneur ;

[77.4]     qui, recevant le permis de construction le 10 mars, ne l’a avisé que le 19 mai que la livraison de la maison sur les fondations aurait lieu non pas le 24 mai (note du Tribunal : en fait, dans la semaine du 23 mai - comme le prévoyait le contrat conditionnellement à la réception du permis pour la mi-janvier) mais le 7 juin ;

[77.5]     le Bénéficiaire perdant ses sous-traitants pour la portion des travaux qu’il devait assumer de son côté, qu’il a été pris à faire la plupart des travaux lui-même ou avec sa femme, (en plus des frais supplémentaires en sous-traitance, assurance et de marge) ;

[77.5.1]           qui plus est, il a dû sortir les matériaux de l’Entrepreneur les 23 et 24 juillet et déplacer lui-même l’échafaudage ;

[77.6]     le Bénéficiaire concluant à une réclamation pour frais de relogement, déménagement et entreposage ;

toutefois, le Tribunal entend un recours en vertu du Règlement selon la preuve, et non, de droit commun contre l’Entrepreneur.

Recours en vertu du Règlement et compétence juridictionnelle

 

[78]      Avec égards, le Tribunal rappelle la nature du recours des Bénéficiaires devant lui, et sa compétence juridictionnelle.

[79]      Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs n’est pas un chapitre du Code civil, ni une loi de l’Assemblée nationale, mais un Décret gouvernemental adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment, Règlement qui stipule, à ses articles 7 et 74 :

7.  Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.

74.  Aux fins du présent règlement et, en l'absence ou à défaut de l'entrepreneur d'intervenir, l'administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l'entrepreneur dans le cadre du plan approuvé.

 

[80]      Le Règlement donne aux acheteurs de maisons neuves qui bénéficient d’un recours à l’encontre de leur entrepreneur ou vendeur en vertu du Code civil, un recours supplémentaire à l’encontre de l’Administrateur du plan de garantie.

 

[81]      Notre Cour d’appel[2] a jugé à plusieurs reprises que le Règlement était d’ordre public, dont dans l’arrêt Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes[3] ;

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.

[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […];

 

[82]      Bien qu’il aille de soi que le Tribunal soussigné a compétence pour appliquer l’ensemble du droit[4], l’article 106 du Règlement qui lui donne compétence doit être lu, selon la Cour d’appel[5], avec la section II du Règlement, « Contenu de la garantie » qui stipule aux articles 8, 9 et 10 :

Article 8 :

8. Pour l’application de la présente sous-section, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:

«fin des travaux»: la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs au bâtiment sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine;

«parachèvement des travaux»: le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et prévus au contrat original conclu entre le bénéficiaire et l’entrepreneur et celui des travaux supplémentaires convenus par écrit entre les parties;

«réception du bâtiment»: l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique, le cas échéant, les travaux à parachever ou à corriger.

9. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment doit couvrir:

3° le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:

a) le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;

b) il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur afin de permettre à l'administrateur de parachever le bâtiment.

 

10.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir: [...]

Le manquement contractuel allégué entraînant des frais de relogement, déménagement ou entreposage

[83]      Les parties ont témoigné de bonne foi, toutefois le Tribunal n’a pas à décider si l’Entrepreneur a été de bonne foi ou non, mais s’il a manqué aux obligations qui sont cautionnées par l’Administrateur en vertu du Règlement.

[84]      La maison n’est pas « clés en main » mais préusinée en partie, avec des travaux à effectuer par le vendeur à l’installation puis par l’acheteur.

[85]      Il y a au contrat seulement une date de livraison sur les fondations, une période exclusive de « trois semaines minimum » pour les travaux de l’Entrepreneur et une période prévue de 8 à 12 semaines pour le déménagement de l’acheteur.

[86]      L’audience a beaucoup porté sur le déménagement et la clause prévoyant un déménagement de 8 à 12 semaines après la livraison sur les fondations, et des problèmes de coordination et de déroulement des travaux en parallèle avec le gros déménagement le 28 août puis l’emménagement le 15 septembre.

[87]      Le contrat de garantie, pièce A-2, clause 13, qui est une autre façon d’écrire les stipulations du Règlement, indique pour les frais de relogement, déménagement et entreposage :

Article 13. Garantie de relogement, déménagement et entreposage

13.1 Sous réserve des limites et exclusions contenues aux présentes, l’Administrateur s’engage en faveur du Bénéficiaire, en cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations contractuelles et légales, à rembourser au Bénéficiaire les frais raisonnables de relogement, de déménagement et d’entreposage de ses biens dans la mesure dans l’un ou l’autre des cas suivants :

13.1.1 soit (i) le Bénéficiaire ne peut, […], prendre réception du bâtiment à la date convenue aux contrats couverts avec l’Entrepreneur […]

[88]      L’article 8 du Règlement donne la définition de la réception :

«réception du bâtiment»: l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique, le cas échéant, les travaux à parachever ou à corriger.

[89]      Le Tribunal souligne que le terme « déménagement » employé au contrat (voir ci-haut, paragraphe [5.2]) n’est pas dans le Règlement ;

[89.1]     comme le rappelait le professeur Pierre Ciatola[6] :

On peut bien occuper une maison dont l'occupation n'est pas prête; on peut aussi bien ne pas habiter une maison où les travaux sont terminés.

[90]      Bien que le Bénéficiaire ait souvent souligné à l’audience la date du 24 mai comme date de livraison qui apparaît au courriel d’octobre 2021, donc après la visite de l’usine mais avant la signature du contrat de novembre 2021 (pièce A-1), le courriel d’octobre 2021 parle de la semaine du 24 mai à plus ou moins quelques jours près, le contrat du 5 novembre 2021 prévoit pour sa part :

[90.1]     une date de livraison sur les fondations du terrain des Bénéficiaires dans la semaine du 23 mai 2022, le Tribunal note que cette semaine finit le 28 mai ;

[90.2]     mais à la condition de recevoir le permis de construction et la preuve de financement pour la mi-janvier ;

[90.3]     il est clairement écrit que la date n’est garantie qu’en cas de réception des documents pour la mi-janvier ;

et ce sont là les engagements contractuels de l’Entrepreneur, et ce sont les manquements aux engagements contractuels qui sont couverts par l’Administrateur du plan de garantie.

[91]      Le permis de construction a été remis le 10 mars 2022 au lieu de la mi-janvier et par courriel du 19 mai 2022, l’Entrepreneur s’est engagé à livrer vers le 8 ou 9 juin et par courriel du 20 mai 2022, à livrer le 7 juin, et la livraison a eu lieu le 7 juin 2022.

[92]      En vertu du contrat signé avec une date « non-garantie », et de l’engagement par courriels des 19 et 20 mai, la date de livraison sur les lieux le 7 juin est donc conforme avec les engagements contractuels de l’Entrepreneur quant à la date de livraison.

[93]      Par la suite, d’une part,

[93.1]     le contrat du 5 novembre 2021 prévoit après la livraison trois semaines minimum de travaux exclusifs de l’Entrepreneur ;

d’autre part,

[93.2]     le courriel de l’Entrepreneur d’octobre 2021 qui a précédé la signature du contrat prévoyait trois semaines environ, période pendant laquelle l’Entrepreneur affirmait devoir être seul maître à bord avant que l’acheteur puisse débuter ses travaux ;

le Tribunal conclut que l’inspection pré-réception le 6 juillet 2022, dont le formulaire fut signé autant par l’Entrepreneur que le Bénéficiaire qui est ingénieur civil, donc environ une semaine après les trois semaines, est à l’intérieur de la période prévue aux engagements contractuels, qu’elle soit « minimum » ou « environ ».

[94]      Alors que la maison livrée n’est pas une maison clés en main mais une maison pour laquelle le Bénéficiaire doit effectuer, ou faire effectuer des travaux, il a quand même fait son gros déménagement à l’intérieur des douze semaines prévues au contrat (11 semaines et 5 jours).

[95]      Le Tribunal ne peut changer les garanties offertes par l’Administrateur prévues au Règlement.

[96]      La Cour supérieure dans l’affaire Garantie Habitation du Québec inc. c. Clavier[7]   a cassé une décision arbitrale en rappelant que le Tribunal d’arbitrage n’a pas la liberté de changer les garanties prévues au Règlement :

 

[31] Agir en équité ne permet pas d’ajouter une indemnité non prévue à un règlement clair. [...]

 

[32] Les passages suivants provenant de deux décisions arbitrales rendues sur la base du même Règlement me semblent pertinents :

 

« Le pouvoir discrétionnaire en équité doit faire l’objet d’une utilisation logique, raisonnable et judicieuse et ne peut être utile à habiliter un décideur à contredire un texte qui me semble ostensiblement clair et limpide. »[13][8].

et :

« Le Tribunal d’arbitrage a considéré la possibilité que l’article 116 du Règlement, permettant de faire appel à l’équité pourrait être pertinent dans l’octroi de la compensation recherchée par le bénéficiaire. De l’avis du Tribunal d’arbitrage, avec égards pour opinion contraire, l’équité n’a pas pour objectif de créer plus de droits que ceux que le législateur confère aux bénéficiaires par le biais du Règlement. »[14][9].

 

[33] Le Tribunal rappelle que les bénéficiaires disposent des recours de droit commun afin de réclamer de l’entrepreneur les frais encourus.

Reproche : absence de communication d’une feuille de route (planning)

 

[97]      Le Tribunal comprend bien que le Bénéficiaire est un ingénieur qui a l’habitude d’établir et d’avoir en sa possession une feuille de route précise pour les travaux sur lesquels portent ses mandats.

[98]      Dans le présent dossier, le contrat ne prévoit pas que l’Entrepreneur devait fournir une telle feuille de route détaillée au Bénéficiaire ou de conclure une feuille de route co-signée par les deux parties, à supposer bien sûr qu’il ait remis pour la mi-janvier son permis de construction (et sa preuve de financement).

[99]      Le Tribunal comprend bien que le Bénéficiaire, comme tout citoyen, est tributaire des délais administratifs pour l’obtention d’un permis de construction mais le Tribunal ne peut conclure que l’Entrepreneur a manqué à ses engagements contractuels vu les clauses précises du contrat quant à la date de livraison tributaire de la date de remise du permis de construction pour la mi-janvier.

[100] De façon subsidiaire, le Tribunal comprend bien aussi que la signature conjointe d’un tel planning aurait pu faciliter la tâche de tous mais cette hypothèse à elle seule n’est pas couverte par le plan de garantie.

Reproche : communication de la date le 19/20 mai et non en mars ou avril

[101] Le Bénéficiaire reproche à l’Entrepreneur son manquement à son obligation de renseignement en retardant de deux mois la communication de la date de livraison (deux mois entre le 10 mars remise du permis – 19 mai courriel de l’Entrepreneur en réponse à celui du Bénéficiaire).

[102] Le Tribunal est bien au courant des dispositions du Code civil quant à l’obligation de renseignement de l’Entrepreneur, pour les avoir appliquées[10] dans le contexte du Règlement.

[103] La Cour d’appel du Québec a rappelé dans Cran-Québec II c. Excavations Mario Roy inc.[11]  :

[34] [...] l’entrepreneur a en principe une obligation de résultat. Il est vrai aussi qu’il a l’obligation d’informer le client des difficultés ou risques afférents aux travaux (obligation qu’il doit satisfaire avant même la conclusion du contrat, conformément à l’article 2102 C.c.Q. Il doit de même signaler au client les vices ou défauts des biens que celui-ci lui fournit (art. 2104 C.c.Q.). Tant avant que pendant l'exécution du contrat, il ne peut pas fermer les yeux sur les écueils qu’il rencontre ou observe et qui peuvent, par exemple, mettre l’ouvrage en péril, faire en sorte qu’il ne réponde pas aux objectifs du client, compliquer sa réalisation, engendrer un risque de dégradation ou affecter sa qualité. Il doit en aviser le client et, le cas échéant, le conseiller à ce sujet.

[104] Toutefois, le reproche des Bénéficiaires concerne le fait d’avoir été informés non pas en mars, non pas en avril, mais en mai que la date non garantie en cas de remise du permis de construction après la mi-janvier ne serait pas le 24 mai mais le 7 juin ;

[104.1] pour rappel : la date du 24 mai, qui est en fait, dans la semaine du 24 mai 2022 à plus ou moins quelques jours, apparait au courriel d’octobre envoyé avant la signature du contrat de novembre, le contrat prévoit la semaine du 23 mai); la semaine du 23 mai finit le 28 mai, le 7 juin est 10 jours plus tard.

[105] Alors que le Règlement prévoit des dommages compensatoires (et non punitifs) pour les frais de relogement, le déménagement et l’entreposage des biens, le Bénéficiaire n’a pas prouvé, - et c’était à lui à le faire (article 2803 du Code civil) et non au Tribunal de combler une preuve inexistante - en quoi le fait d’apprendre en mai et non en mars ou en avril que la date serait repoussée de dix jours, a entraîné les frais qu’il réclame pour le relogement, déménagement et d’entreposage de ses biens.

[106] Qui plus est, le courriel de l’Entrepreneur du 3 mars 2022 (pièce E-2) ne prévoyait pas que la date de livraison serait communiquée sur réception du permis après la date prévue au contrat du 5 novembre 2021 :

Comme vous le savez déjà, tant que nous n’avons pas reçu votre permis de construction, nous ne pouvons pas procéder aux achats ni à la mise en production de votre projet. Lorsque nous aurons votre permis en main, nous allons finaliser les plans de construction et faire parvenir nos demandes de soumission pour les différents sous-traitant sur votre projet. Ainsi, l’entrepreneur en fondation n’est pas encore déterminé sur votre projet. Lorsque ce sera fait, je vous ferai parvenir un courriel avec ses coordonnés. Ce sera l’entrepreneur en fondation qui vous contactera pour la date du début des travaux d’excavation/fondation. Habituellement, les travaux débutent environ 3 semaines avant la date prévue de livraison.

[107] Le Tribunal comprend bien que ses sous-traitants aient été perturbés ou perdus ou ont pu coûter plus cher, avec des frais de marge de crédit, que les Bénéficiaires ont dû effectuer eux-mêmes des travaux de finition et que les Bénéficiaires ont pu subir un stress, mais comme l’a rappelé notre ancienne consœur (aujourd’hui juge administratif) Karine Poulin, arbitre dans Mingole c. Construction Investipro Inc. et La Garantie de Construction Résidentielle (GCR)[12] :

[327] [...] . C’est à bon droit que celle-ci soutient qu’en cas de doute, le Règlement doit s’interpréter en faveur du bénéficiaire, et la jurisprudence est constante à cet effet [...]. Cependant, le Règlement n’est pas le remède à tous les maux.

Conclusion

[108] En conclusion, à la vue du Règlement, le Tribunal n’a d’autre option que de rejeter la réclamation des Bénéficiaires à l’encontre de l’Administrateur.

RÉSERVE DES DROITS

 

[109] Le Tribunal rappelle qu’il n’entend ici que le recours des Bénéficiaires à l’encontre de l’Administrateur du plan de garantie.

 

[110] La Cour supérieure écrit dans l’affaire Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot[13] :

[63] Il est clair des dispositions de la Loi et du Règlement que la garantie réglementaire ne remplace pas le régime légal de responsabilité de l'entrepreneur prévu au Code civil du Québec. Il est clair également que la garantie prévue à la Loi et au Règlement ne couvre pas l'ensemble des droits que possède un bénéficiaire, notamment envers des dispositions du Code civil du Québec et que les recours civils sont toujours disponibles aux parties au contrat.

[111] Selon la Cour d’appel dans l’arrêt Gestion G. Rancourt inc. c. Lebel [14]:

 

[10] Le plan de garantie constitue « un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil ». Rien dans le Règlement n’impose au bénéficiaire de renoncer au droit d’action que le Code civil lui reconnaissait avant l’institution d’un Plan et qu’il lui reconnaît encore aujourd’hui. 

 

[112] Le Tribunal d’arbitrage réservera les droits des Bénéficiaires de porter leurs prétentions devant les tribunaux de droit commun contre toute personne autre que l’Administrateur du Plan de Garantie, le tout, à supposer qu’ils aient une réclamation valide et sujet aux règles de la prescription civile et du droit commun, sans que cette affirmation puisse être interprétée dans un sens ou dans l’autre.

 

FRAIS

 

[113] Les parties ont présenté leur preuve et leur plaidoirie de bonne foi.

[114] L’Article 21 du Règlement stipule : 

Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

[115] Les Bénéficiaires n’ont eu gain de cause sur aucun des aspects de leur réclamation; l’Article 116 du Règlement permet à l’arbitre de faire « aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient ».

[116] Considérant les faits particuliers de cette cause, considérant les points de droit, les frais d’arbitrage, en droit y compris en équité, selon les Articles 116 et 21 du Règlement, seront partagés entre les Bénéficiaires pour la somme de cinquante dollars ($50.00) et le solde des frais de l’arbitrage sera assumé par l’Administrateur du Plan de Garantie sous réserve de son recours subrogatoire contre l’Entrepreneur.

CONCLUSION

 

[117] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

[117.1] REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires et leur réclamation contre l’Administrateur en vertu du Plan de Garantie prévu par le Règlement ;

[117.2] RÉSERVE le droit des Bénéficiaires, à supposer qu’ils aient un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, leur réclamation contre toute personne autre que l’Administrateur et sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile ;

[117.3] CONDAMNE les Bénéficiaires de façon conjointe et solidaire à payer la somme de $50.00 à SORECONI pour leur part des frais d’arbitrage ;

[117.4] LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage moins $50.00, à la charge de Garantie de Construction Résidentielle (GCR) (l’Administrateur) conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par SORECONI, après un délai de grâce de 30 jours ;

[117.5] RÉSERVE à Garantie de Construction Résidentielle (GCR) ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

      Montréal, le 27 janvier 2023

 

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ROLAND-YVES GAGNÉ

Arbitre / SORECONI

 

 

 


[1] Article 19 : Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur [...]

[2] Gestion G. Rancourt inc. c. Lebel 2016 QCCA 2094, paragraphe [19] ; Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211 paragraphe [18] ; Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL 2011 QCCA 56 paragraphe [13] ; La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, J.E. 2005-132 (C.A.), paragraphe [11].

[3] 2004 CanLII 47872 (QC CA).

[4] Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées): 2006 CSC 14. « 14 […]  Il est bien établi en droit que les tribunaux administratifs créés par une loi qui sont investis du pouvoir de trancher les questions de droit sont présumés avoir le pouvoir d’aller audelà de leurs lois habilitantes pour appliquer l’ensemble du droit à une affaire dont ils sont dûment saisis. [...] 26. La présomption qu’un tribunal administratif peut aller audelà de sa loi habilitante  contrairement à celle qu’il peut se prononcer sur la constitutionnalité  découle du fait qu’il est peu souhaitable qu’un tribunal administratif se limite à l’examen d’une partie du droit et ferme les yeux sur le reste du droit.  Le droit n’est pas compartimenté de manière à ce que l’on puisse facilement trouver toutes les sources pertinentes à l’égard d’une question donnée dans les dispositions de la loi habilitante d’un tribunal administratif.  Par conséquent, restreindre la capacité d’un tel tribunal d’examiner l’ensemble du droit revient à accroître la probabilité qu’il tire une conclusion erronée.  Les conclusions erronées entraînent à leur tour des appels inefficaces ou, pire encore, un déni de justice. »

[5] Gestion G. Rancourt Inc. c. Lebel 2016 QCCA 2094, paragraphe 11 et 12.

[6] Pierre Ciotola, Droit des sûretés, 3e éd., Montréal, Éditions Thémis, 1999, p. 180, cité par le soussigné dans Brazeau c. Groupe Pro-Fab et La Garantie de Construction Résidentielle (GCR) (Décision intérimaire) CCAC S18-112901-NP et S18-120401-NP, 1er mars 2019, Roland-Yves Gagné, arbitre.

[7] 2018 QCCS 1257 (Johanne Brodeur, j.c.s.).

[8] [13] Syndicat des copropriétaires Place de la Falaise 556 c. Memora Construction inc., dossiers nos 070309002, 080918002, 090505001, 090527001 et 090924001, 27 juillet 2010 (O.A.G.B.R.N.).

[9] [14] Syndicat de copropriété SDC Les Habitations Mélatti, 7014 Marie-Rollet et 7011 Louis-Hébert, à LaSalle c. Constructions G. Mélatti inc., décision no 13 249-3-1, dossier no 051006001, 11 août 2006 (O.A.G.B.R.N.).

[10] La dernière fois en décembre 2022 dans Hill c. Betaplex et GCR, CCAC S21-052601-NP, 5 décembre 2022, Roland-Yves Gagné, arbitre.

[11] 2020 QCCA 91.

[12] GAMM 2018-06-30 / 2018-08-06, 9 août 2019, Me Karine Poulain, arbitre.

[13] 2009 QCCS 909 (Johanne Mainville, j.c.s.).

[14] 2016 QCCA 2094 ; au même effet : Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de) 2013 QCCA 1211, paragraphes [17] et [18].