ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec :
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS (SORECONI)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTREAL
No. 210705001
LES ENTREPRISES RIXTON INC.
-_
Entrepreneur
c.
LA GARANTIE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
Administrateur
SENTENCE ARBITRALE SUR DEMANDE DE RÉCUSATION
Arbitre : Me Karine Poulin
Pour l’Entrepreneur : Me Luc Bellemare
Me Samia Benlarama
Pour l’Administrateur : Me Nancy Nantel
Date de l’audience : 14 juin 2021
Date de la décision 16 juin 2021
Description des parties
Entrepreneur :
Les Entreprises Rixton inc.
a/s Me Luc Bellemare
Gravel Bernier Vaillancourt avocats
600-6300, avenue du Parc
Montréal (Québec) H2V 4S6
Administrateur :
La
Garantie de construction résidentielle (GCR)
a/s Me Nancy Nantel
4101, rue Molson
3e étage
Montréal (Québec) H1Y 3L1
APERÇU
[1] Le 10 mai 2021, la soussignée est désignée pour entendre la cause opposant l’Administrateur à l’Entrepreneur. Il s’agit d’un dossier de retrait d’accréditation.
[2] L’audition est fixée au 14 juin 2021.
[3] Le 11 juin 2021, la soussignée écrit ceci aux parties :
Maîtres,
Vous venez de recevoir l’invitation Teams pour l’audition de lundi prochain. Je n’ai aucune coordonnée pour les témoins de Me Bellemare. Vous voudrez bien, Me Bellemare, transférer l’invitation à vos témoins, ou me transmettre leurs courriels afin que je puisse les ajouter à l’invitation déjà transmise.
Par ailleurs, en préparant l’audition, j’ai constaté que les reproches de l’Administrateur à l’endroit de l’Entrepreneur sont principalement le fait que les chantiers seraient gérés par un certain Sandro Mauro.
Je tiens à vous informer que j’ai eu un dossier contre monsieur Mauro, il y a plusieurs années, mais que ce dossier n’avait rien à voir avec le présent débat. D’ailleurs, ce dossier s’est soldé par un règlement à l’amiable. Bien que j’estime que cela ne met aucunement en cause mon impartialité, je tenais à vous en faire part, par souci de transparence.
Veuillez recevoir, Maîtres, mes salutations distinguées. [nos soulignements]
[4] Le même jour, l’Entrepreneur demande la récusation de l’arbitre soussignée au motif d’apparence de partialité.
[5] L’Administrateur, pour sa part, indique n’avoir aucune crainte de partialité de la part de l’arbitre, d’autant plus que ce dossier date de plusieurs années.
[6] L’arbitre indique aux parties qu’elle les entendra sur la demande de récusation le 14 juin 2021 et s’engage à rendre sa décision rapidement.
[7] Pour les motifs exposés plus bas, l’arbitre soussignée est d’avis qu’une personne raisonnable, bien informée de la situation et qui étudierait la question en profondeur, n’aurait pas de crainte relative à son impartialité de sorte que la demande de récusation de l’Entrepreneur sera rejetée.
II
CONTEXTE
[8] En mars 2017, l’arbitre soussignée, en sa qualité d’avocate, est mandatée pour représenter un client dans le cadre d’un litige qui l’oppose à Sandro Mauro. Ce dossier n’a jamais été judiciarisé. Ainsi, les faits allégués de part et d’autre n’ont jamais été prouvés et ne sont que de simples allégations.
[9] Par ailleurs, monsieur Mauro a demandé, en avril 2017, au syndic du Barreau d’enquêter sur le refus de la soussignée de lui traduire certains documents dans le cadre du litige l’opposant au client de la soussignée.
[10] Après enquête du syndic, monsieur Mauro est informé qu’il n’y a eu aucun manquement aux obligations déontologiques de la part de la soussignée et qu’il n’y a pas matière à plainte. Le dossier est fermé et la soussignée n’en a plus jamais entendu parler.
[11] Par la suite, la soussignée a négocié avec l’avocat de monsieur Mauro un règlement hors cour, lequel est intervenu au début du mois de mai 2017.
[12] Dans le cadre du présent dossier, et en réponse aux informations transmises aux parties le 11 juin, l’Entrepreneur contacte Sandro Mauro et ce dernier lui exprime son mécontentement face au dossier de 2017 et qualifie les échanges entre lui et la soussignée de virulents.
[13] Voilà les faits qui, selon l’Entrepreneur, justifient sa crainte de partialité.
III
LE RECOURS
[14] D’entrée de jeu, mentionnons que le retrait de l’accréditation de l’Entrepreneur se fonde sur les dispositions suivantes du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (ci-après le « Règlement »):
79. La fusion, la vente ou la cession d’une société ou personne morale, la modification de son nom, de son conseil d’administration ou de ses dirigeants doit être notifiée à l’administrateur dans les 30 jours de l’événement.
93. L’administrateur peut annuler une adhésion lorsque l’entrepreneur se trouve dans l’une des situations suivantes:
(…)
2° en cas de réticence ou de fausse déclaration de sa part;
(…)
8° dans le cas où l’entrepreneur est une personne morale, l’un ou plusieurs de ses actionnaires ou dirigeants a ou ont été, à quelque moment que ce soit, actionnaires ou dirigeants d’une autre personne morale accréditée ou ayant été accréditée et ayant fait défaut d’honorer les obligations lui incombant en vertu d’une convention d’adhésion;
(…)
ANNEXE II
LISTE DES ENGAGEMENTS DE L’ENTREPRENEUR
L’entrepreneur s’engage:
(…)
4° sans restreindre la responsabilité qui est sienne en vertu des lois en vigueur au Québec, à respecter la garantie lui incombant en vertu du plan de garantie approuvé par la Régie et, le cas échéant, à parachever les travaux ou à réparer les vices et malfaçons couverts par la garantie et ce, dès que l’administrateur est d’avis qu’une réclamation est fondée, sauf au cas de contestation;
(…)
[15] Il sied de préciser que la position de l’Entrepreneur est essentiellement à l’effet que monsieur Mauro n’a jamais été actionnaire ni dirigeant de l’entreprise et que tout au plus, il a été un employé salarié pour un (1) seul projet.
[16] Compte tenu de la décision de l’Administrateur, laquelle réfère à des agissements passés de Sandro Mauro, l’Entrepreneur s’appuie sur les interactions passées entre elle et monsieur Mauro pour expliquer sa crainte de partialité. L’Entrepreneur dit craindre que la soussignée n’ait une connaissance personnelle de certains faits concernant monsieur Mauro, ce qui la rendrait, du moins en apparence, incapable de juger impartialement et équitablement l’Entrepreneur en l’instance.
III
ANALYSE ET DÉCISION
[17] Me Bellemare allègue que dans le présent dossier, il sera question de faire le procès de Sandro Mauro à l’intérieur même du procès de l’Entrepreneur.
[18] Il soutient que la soussignée a une connaissance personnelle préalable de monsieur Mauro et de ses agissements dans l’autre dossier, ce qui peut modifier sa perception du présent dossier. De fait, il soutient que la soussignée devra prendre en considération le personnage de Mauro dans la décision qu’elle devra rendre.
[19] C’est là ce qui insécurise l’Entrepreneur qui craint que le jugement de la soussignée ne soit teinté des souvenirs du passé. Par conséquent, Me Bellemare demande à la soussignée de se récuser au motif d’apparence de partialité.
[20] À l’appui de sa position, il cite la Cour d’appel dans l’affaire Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301[2] sur la question de l’impartialité et de l’apparence d’impartialité.
[21] Il cite ensuite la Cour d’appel, dans l’affaire Canadian royalties inc.[3], qui cite elle-même la Cour suprême qui énonce comme suit les critères applicables en matière d’analyse de crainte de partialité :
[54] Dans Bande indienne Wewaykum, la Cour suprême affirme l’importance d’analyser le contexte factuel propre à chaque affaire lorsqu’il est question de décider s’il subsiste, à l’égard d’un décideur, une crainte raisonnable de partialité. Elle affirme qu’il n’existe aucun principe péremptoire s’appliquant de manière automatique. Il faut s’attarder aux faits pour déterminer s’ils font naître une crainte raisonnable de partialité[7]. Ce test objectif consiste à se demander[8] :
À quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?
[55] Ce critère objectif a été bien décrit dans l’arrêt Droit de la famille - 1559 qui résume les principes applicables à une demande alléguant la partialité d’un décideur[9] :
Pour être cause de récusation, la crainte de partialité doit donc :
a) être raisonnable, en ce sens qu'il doit s'agir d'une crainte, à la fois, logique, c'est-à-dire qui s'infère de motifs sérieux, et objective, c'est-à-dire que partagerait la personne décrite à b) ci-dessous, placée dans les mêmes circonstances; il ne peut être question d'une crainte légère, frivole ou isolée;
b) provenir d'une personne :
1 o sensée, non tatillonne, qui n'est ni scrupuleuse, ni angoissée, ni naturellement inquiète, non plus que facilement portée au blâme;
2 o bien informée, parce qu'ayant étudié la question, à la fois, à fond et d'une façon réaliste, c'est-à-dire dégagée de toute émotivité; la demande de récusation ne peut être impulsive ou encore, un moyen de choisir la personne devant présider les débats; et
c) reposer sur des motifs sérieux; dans l'analyse de ce critère, il faut être plus exigeant selon qu'il y aura ou non enregistrement des débats et existence d'un droit d'appel. [nos soulignements]
[22] Le Tribunal est bien au fait de cette jurisprudence et reconnaît qu’il s’agit-là du test applicable en matière de récusation. Mais il y a plus.
[23] Plus récemment, dans l’affaire 9331-5455 Québec inc.[4] soumise aux parties pour leurs commentaires, notre collègue Jeanniot fait une analyse exhaustive des autorités en matière de récusation. Aucune des parties n’a commenté cette décision.
[24] Au terme de son analyse, Me Jeanniot constate que chaque cas est un cas d’espèce et qu’il est difficile, voire impossible, de trouver des cas identiques. Il indique toutefois que de grands principes se dégagent de la jurisprudence, et la soussignée les résume ainsi :
a. D’abord, l’impartialité est la pierre angulaire de notre système de justice et elle exige que le décideur puisse aborder l’affaire qu’il doit trancher avec un esprit ouvert[5];
b. L’impartialité est une qualité fondamentale, attribut central de la fonction judiciaire[6]; et
c. L’impartialité est présumée et nul ne doit invoquer la partialité du décideur à la légère, voire de manière imprudente, cet attribut fondant toute son autorité[7].
[25] Les critères d’analyse applicables en matière de récusation sont ceux énoncés plus haut et ils sont repris dans la décision de Me Jeanniot.
[26] Par ailleurs, dans l’affaire Wightman[8] rendue en 2007, la Cour d’appel se penche sur les garanties d’indépendance judiciaire du décideur :
[46] Dans l'arrêt R. c. Lippé[8], la Cour suprême rappelle que « la garantie d'indépendance judiciaire vise dans l'ensemble à assurer une perception raisonnable d'impartialité ».
[47] L’impartialité du juge est présumée et il appartient à la partie qui plaide l’inhabilité de prouver les circonstances permettant de conclure à la récusation du juge. L’étude d’une demande de récusation commande beaucoup de rigueur puisque « l’allégation de crainte raisonnable de partialité met en cause non seulement l’intégrité personnelle du juge, mais celle de l’administration de la justice tout entière »[9]. Conséquemment, une demande de récusation ne peut être fondée sur des conjectures[10] puisque
[…] les juges [TRADUCTION] « sont tenus pour avoir une conscience et une discipline intellectuelle et être capables de trancher équitablement un litige à la lumière de ses circonstances propres » : United States c. Morgan, 313 U.S. 409 (1941), à la p. 421. Cette présomption d'impartialité a une importance considérable puisque, comme l'a fait observer Blackstone, aux pp. 21 et 22, dans l'ouvrage Commentaires sur les lois anglaises (Paris: Bossange, 1823, tome 5, livre III) cité au renvoi 49 de l'article de Richard Devlin intitulé « We Can't Go On Together with Suspicious Minds : Judicial Bias and Radicalized Perspective in R. v. R.D.S » (1995), 18 Dal.L.J. 408, à la p. 417, «la loi ne peut supposer de la faveur, de la partialité, dans un juge, qui, avant tout, s'est engagé par serment à administrer la justice avec une sévère intégrité, et dont l'autorité dépend en grande partie de l'idée qu'on a conçue de lui à cet égard». C'est ainsi que les cours d'appel ont hésité à conclure à la partialité ou à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité en l'absence d'une preuve concluante en ce sens : R. c. Smith & Whiteway Fisheries Ltd. (1994), 1994 NSCA 130 (CanLII), 133 N.S.R. (2d) 50 (C.A.), aux pp. 60 et 61[11].
[nos soulignements; références omises]
[27] Bien que s’agissant de l’indépendance des juges, cette garantie d’indépendance s’applique également aux arbitres. En effet, comme le mentionne Me Jeanniot dans l’affaire 9331-5455 Québec inc.[9], l’exigence d’impartialité est non seulement une exigence constitutionnelle, mais elle est également consacrée au Code de déontologie des arbitres du CCAC qui édicte ce qui suit :
Article 3 - L’arbitre doit se comporter d'une façon impartiale et objective. Il doit être libre de toute attache à l'égard des parties.
[28] La soussignée est arbitre au CCAC et adhère audit Code de déontologie. La soussignée est aussi arbitre pour SORECONI et le Code de déontologie de ce dernier est au même effet.
[29] Par ailleurs, les faits allégués par l’Entrepreneur pour justifier sa crainte de partialité tirent leur essence d’un dossier datant d’il y a quatre (4) ans et non d’un dossier actif et qui plus est, en une tout autre matière.
[30] Comme l’indique Me Jeanniot[10], il importe de tenir compte du contexte dans lequel s’inscrivent les gestes posés, en l’occurrence ici, les correspondances avec monsieur Mauro.
[31] En effet, la soussignée est avocate depuis 2004 et est (et a été) membre en règle du Barreau du Québec en tout temps depuis. À ce titre, elle est assujettie au Code de déontologie des avocats qui prévoit notamment :
20. L’avocat a, envers le client, des devoirs d’intégrité, de compétence, de loyauté, de confidentialité, de désintéressement, de diligence et de prudence.
23. L’avocat agit en tout temps dans le meilleur intérêt du client, dans le respect des règles de droit et de manière à établir et à maintenir une relation de confiance mutuelle.
28. L’avocat détermine avec le client les conditions, modalités et l’étendue du mandat qui lui est confié. Il expose notamment de façon objective la nature et la portée des problèmes qui, à son avis, ressortent de l’ensemble des faits portés à sa connaissance et les risques inhérents aux mesures recommandées.
L’avocat obtient le consentement du client au sujet du mandat, en portant une attention et un soin particuliers s’il s’agit d’une personne vulnérable notamment en raison de son âge ou de son état physique ou psychologique.
32. L’avocat peut accepter d’agir pour un client quelle que soit son opinion sur sa culpabilité ou sa responsabilité.
36. Bien qu’il puisse recevoir des directives d’un représentant du client relativement à l’exécution du mandat, l’avocat agit pour le client et veille à servir et à protéger les intérêts du client.
[32] Quoi que les dispositions citées ci-dessus soient celles présentement applicables, le Code de déontologie, tel qu’il se lisait en 2017, n’était pas substantiellement différent en ce qui concerne les devoirs ci-haut mentionnés.
[33] Par conséquent, il n’y a rien de surprenant à ce que la soussignée ait fait valoir exclusivement et avec conviction les droits de son client, conformément au mandat donné et aux instructions reçues, et que monsieur Mauro, qui avait des intérêts opposés, ait pu le percevoir négativement. Par définition, l’avocat a un parti pris, contrairement au décideur.
[34] De là à dire, par contre, que la soussignée a encore un parti pris après quatre (4) années, il y a une limite, d’autant plus que le litige n’était pas en semblable matière. Aussi, l’avocat doit faire preuve de désintéressement et de détachement. C’est la cause du client qu’il défend et non la sienne. En l’occurrence, le dossier s’est réglé hors cour en à peine un mois et demi et réalistement, le dossier n’a pu s’envenimer comme le prétend monsieur Mauro. Toute personne raisonnable, convenablement informée de la situation en conviendrait et n’y verrait aucune cause de récusation.
[35] D’ailleurs, cette même analyse peut s’appliquer aux juges qui ont fait carrière en droit des assurances lorsqu’ils étaient avocats. Peut-on dire qu’un tel juge ne pourrait entendre de dossiers impliquant une partie qu’il a poursuivie, au nom d’un assureur, au motif qu’il possède des informations sur cette partie? Poser la question c’est y répondre. L’avocat, lorsqu’il agit pour un client, n’a que la version partisane de son client qu’il doit faire valoir, selon les règles de droit en vigueur. Cette nuance est importante.
[36] Quant à la demande d’enquête faite au Barreau par monsieur Mauro le 6 avril 2017, pour un refus de traduire des documents, une personne bien informée, ayant étudié la question à fond et d'une façon réaliste, sans émotivité, en viendrait à la conclusion qu’il n’y a aucune crainte de partialité qui peut en découler.
[37] En effet, la soussignée n’avait aucun souvenir de cette demande d’enquête avant que Me Bellemare ne le soulève. De plus, elle n’a eu qu’une seule et brève discussion avec le syndic et, au terme de son enquête, le syndic concluait, le 19 avril 2017, qu’il n’y avait pas matière à plainte déontologique. Clairement, la demande d’enquête faite par monsieur Mauro est le fruit de l’incompréhension de ce dernier quant à la nature du mandat avocat client et des obligations qui en découlent pour l’avocat, et rien de plus. Il n’y a pas là matière à tenir rancœur à quiconque et le contraire dénoterait une susceptibilité démesurée. Le dossier a tout simplement été fermé au bureau du syndic et le différend opposant monsieur Mauro et le client de la soussignée s’est réglé hors cour dans les semaines qui ont suivi.
[38] De l’avis du Tribunal, la crainte invoquée par l’Entrepreneur ne découle pas d’un motif sérieux. Il apparaît plutôt que la crainte de l’Entrepreneur est émotive plutôt qu’objective. Ce manque de distance est compréhensible, surtout dans un contexte où c’est sa licence qui est en jeu. Cependant, l’Entrepreneur est ici représenté par un avocat d’expérience, à même de lui expliquer les tenants et aboutissants du dossier.
[39] À l’heure actuelle, monsieur Mauro n’est pas une partie à l’instance, quoique l’Administrateur demande qu’il soit considéré ainsi, vu sa théorie de la cause.
[40] Par ailleurs, une brève analyse de la liste de pièces contenue au cahier de l’Administrateur démontre que l’Administrateur a rendu un certain nombre de décisions concernant des entreprises de monsieur Mauro dans le passé, et celles-ci ont acquis la force de chose jugée. L’arbitre est donc liée par lesdites décisions et n’a pas juridiction sur celles-ci.
[41] Vu la nature très technique des questions que le Tribunal sera appelé à trancher et considérant que la preuve est principalement de nature documentaire, le comportement de monsieur Mauro demeure périphérique au débat et n’aura aucune influence sur l’issue du litige. D’ailleurs, ce dernier ne sera pas appelé à témoigner et la preuve documentaire ne comprend aucune déclaration assermentée de celui-ci. Conséquemment, la crédibilité de monsieur Mauro n’est pas en cause ici.
[42] L’arbitre doit faire preuve d’une discipline et d’une rigueur intellectuelle lorsqu’il tranche un débat, à la lumière de la preuve et des circonstances propres à chaque espèce. Son impartialité se présume et rien dans la preuve administrée devant la soussignée ne démontre le contraire. Qui plus est, l’audition sur la récusation a été enregistrée et le lien pour accéder à tel enregistrement a été transmis aux parties le 14 juin. Il en ira de même de l’audition au mérite.
[43] Comme l’indiquait avec sagesse Me Jeanniot :
[76] Malgré des travers parfois agaçants, le Décideur sait qu’il ne fait pas gagner ou perdre un avocat, mais bien plutôt gagner ou perdre une partie. Par sa formation, son expérience et son entraînement, il est capable d’aller au-delà des évènements aussi exceptionnels et triviaux puissent-ils être, car il garde en tête la raison d’être du système judiciaire : le droit et les justiciables.
[44] La soussignée fait siens ces propos en les transposant au présent cas : elle sait qu’elle ne fera ni gagner ni perdre l’Administrateur ou Sandro Mauro, mais plutôt l’Administrateur ou l’Entrepreneur. C’est entre ces parties que le débat aura lieu, et uniquement entre elles.
[45] La soussignée ne peut conclure qu’une personne raisonnable, bien informée, étudiant la question à fond et de manière réaliste, en viendrait à la conclusion que la soussignée ne pourra, consciemment ou non, disposer du litige pour lequel elle a été saisie, de manière équitable et conformément à la loi.
[46] Conséquemment, la demande de récusation est rejetée et les parties sont conviées à l’audition au mérite.
Frais
[47] Conformément à l’article 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage sont partageables en parts égales entre l’Entrepreneur et l’Administrateur.
EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande de récusation de l’Entrepreneur;
DEMEURE saisie du dossier;
CONVOQUE les parties à une audition sur le mérite de l’affaire le 12 juillet 2021 à 9 h, par TEAMS;
CONDAMNE l’Entrepreneur et l’Administrateur aux frais du présent arbitrage, en parts égales ;
Kirkland, ce 16 juin 2021
_______________________ ___
Me Karine Poulin, arbitre
Procureurs :
Entrepreneur :
Me Luc Bellemare
Me Samia Benlarama
Gravel Bernier Vaillancourt avocats
Administrateur :
Me Nancy Nantel
La Garantie de construction résidentielle (GCR)
[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, L.R.Q., c. B-1.1, r. 8.
[2] Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 c. Ville de Pointe-Claire et Germain Jutras, 2011 QCCA (1000 CanLII).
[3] Canadian royalties inc. c. Les mines de Nickel Nearctic inc. et Exploration minérale Ungava inc., 2017 QCCA 1287 (CanLII).
[4] 9331-5455 Québec inc. c. Syndicat de copropriété 4320, Bernard-Hubert et Garantie de construction résidentielle (GCR), CCAC, S20-091501-NP, 10 juin 2021, Me Michel Jeanniot, arbitre.
[5]Id., par. 44.
[6] Id., par 45
[7] Id.
[8] Elliot C. Wightman et al. c. Succession de Feu Peter N. Widdrington et al., 2007 QCCA 1687 (CanLII).
[9] 9331-5455 Québec inc. c. Syndicat de copropriété 4320, Bernard-Hubert et Garantie de construction résidentielle (GCR), précitée note 4.
[10] 9331-5455 Québec inc. c. Syndicat de copropriété 4320, Bernard-Hubert et Garantie de construction résidentielle (GCR), précitée note 4, par. 58.