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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (DÉCRET 841-98)

 

 

ENTRE :

GROUPE SASCO (2002) INC.

 

(L’« ENTREPRENEUR »)

 

 

ET :

LA GARANTIE DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS

NEUFS DE L’APCHQ INC.

 

(L’« ADMINISTRATEUR »)

 

ET :

CHRISTIAN SALLOUM

 

(LE « BÉNÉFICIAIRE »)

 

Dossier GAMM : 2005-12-025

Dossiers APCHQ : 05-358-FL et 05-358.1-FL

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                            Me Johanne Despatis

 

Comparutions pour l’entrepreneur :                   Me Alexandre Franco, procureur, assisté de :

                                                                        M. Jean-Guy Trudel, entrepreneur

           

Comparutions pour l’administrateur :                 Me François Laplante, procureur, assisté de :

                                                                        M. Robert Prud’homme, inspecteur-conciliateur

                                                                       

Comparution pour les bénéficiaires :                  M. Christian Salloum, bénéficiaire

                                                                                                           

 

Date d’audience :                                              1er juin 2006

Lieu d’audience :                                              Montréal, Québec

Date de la sentence :                                         27 juin 2006

 



I

LE RECOURS

[1]   Groupe Sasco (2002) inc., « l’entrepreneur », conteste en vertu de l’article 35 du Règlement  sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ci-après le Règlement, certains éléments de deux décisions rendues le 26 septembre 2005 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., « l’administrateur ».  

[2]   Les éléments contestés de la première décision (décision no. 1) sont les suivants :

L’entrepreneur devra se conformer aux décisions rendues aux points 1 et 2 à l’intérieur d’un délai de trente (30) jours suivant la réception du présent rapport.

Concernant les points 1 et 2 qui suivent, nous sommes en présence de malfaçons non apparentes qui, conformément à l’article 3.2 du contrat de garantie, ont été dénoncées par écrit dans l’année suivant la réception. Par conséquent, l’entrepreneur devra effectuer les travaux mentionnés ci-dessous.

1. Dénivellation des planchers

Le bénéficiaire nous mentionne que, selon lui, la dénivellation des planchers de bois franc de la salle à manger, du corridor et de la chambre no. 2, excèderait les normes.

La tolérance admise dans le domaine de la construction est de 6 mm pour une distance horizontale de 800 mm.

Nous avons donc procédé à la vérification des planchers des pièces ci-avant mentionnées.

À la salle à manger, la dénivellation, le long du mur intérieur, est variable, étant jusqu’à plus de 6 mm, sur une distance horizontale de 800mm. 

A la chambre no. 2, la dénivellation se prolonge de l’intérieur de ladite pièce, jusqu’au mur du corridor, face à la porte de la chambre. La dénivellation, variable, va jusqu’à un maximum de 12 mm, sur une distance horizontale de 800 mm.

Au corridor, devant la porte de la chambre no.1, la dénivellation est de plus de 6 mm, sur une distance horizontale de 800 mm.

Par conséquent, nous devons considérer la dénivellation aux planchers de la chambre no. 2 et du corridor, face à la porte de la chambre.

Travaux :

L’entrepreneur devra apporter les correctifs requis pour minimiser les dénivellations du plancher, afin qu’elles n’excèdent pas les tolérances permises, soit 6 mm sur une distance horizontale de 800 mm.

2. Affaissement de la rive du bois franc entre la salle à manger et la cuisine

Le bénéficiaire nous a fait voir la rive de bois franc, laquelle s’affaisse à la jonction de la céramique.

Nous avons constaté que la jonction bois franc/céramique fléchit sous le poids d’une personne.

Travaux :

L’entrepreneur devra apporter les correctifs requis pour corriger l’appui de la rive du plancher de bois franc, entre la salle à manger et la cuisine.

Du vernis devant être appliqué lorsque complété, l’entrepreneur devra porter une attention particulière pour minimiser les différences de teinte avec les surfaces adjacentes.

 

[3]   L’élément contesté de la seconde décision (décision no. 2) est le suivant.

L’entrepreneur devra se conformer à la décision rendue au point 23 à l’intérieur d’un délai de trente (30) jours suivant la réception du présent rapport.

Concernant le point 23 qui suit, nous sommes en présence d’une malfaçon non apparente qui, conformément à l’article 3.2 du contrat de garantie, a été dénoncée par écrit dans l’année suivant la réception. Par conséquent, l’entrepreneur devra effectuer les travaux mentionnés ci-dessous.

23. Dénivellation du plancher du salon

Le bénéficiaire nous mentionne que, selon lui, la dénivellation du plancher excèderait les normes.

La tolérance admise dans le domaine de la construction est de 6 mm pour une distance horizontale de 800 mm.

Nous avons donc procédé à la vérification du plancher de la salle à manger et du salon. Notre vérification nous a permis de constater une dénivellation entre le salon et la salle à manger de 10 mm, sur une distance horizontale de 800 mm.

Travaux :

Compte tenu de ce qui précède, l’entrepreneur devra apporter les correctifs requis pour minimiser les dénivellations du plancher, lesquelles ne devront pas excéder les tolérances permises, soit 6 mm sur une distance horizontale de
800 mm. 

 

[4]   Le bénéficiaire a signé l’acte de vente de sa copropriété située au 2700 du boulevard de la Côte-Vertu le 20 juillet 2004. Il s’agit d’une nouvelle copropriété construite par l’entrepreneur et couverte par la Règlement.

[5]   Suite aux dénonciations du bénéficiaire auprès de l’administrateur de certains problèmes qu’il estimait couverts par le Plan, une première inspection est réalisée en février 2005 par monsieur Robert Prud’homme, inspecteur-conciliateur au service de l’administrateur. Elle est suivie d’un rapport le 9 mars 2005, rapport dont les conclusions n’ont pas été contestées par l’entrepreneur.

[6]   Le 25 août 2005, monsieur Prud’homme effectue une nouvelle visite des lieux, notamment afin de procéder à l’examen d’une réclamation du bénéficiaire qui deviendra le point 23 de la décision no 2 rendue le 26 septembre 2005. Il s’agit d’un élément signalé à la première dénonciation dont monsieur Prud’homme avait omis de traiter dans son rapport de mars 2005.

[7]   A la même occasion, l’inspecteur procède à l’examen de nouvelles réclamations du bénéficiaire, notamment celles qui deviendront les points 1 et 2 de la décision no 1.

[8]   Insatisfait des conclusions des rapports de l’inspecteur Prud’homme relativement à ces trois derniers points, i.e. 1, 2 et 23, l’entrepreneur se pourvoit en arbitrage; d’où les présentes.

[9]               Je résume dans les paragraphes qui suivent les éléments de preuve présentés à l’égard des points en litige.

 

Point 1 : Dénivellation des planchers   

Point 23 : Dénivellation du plancher du salon

[10]           Monsieur Prud’homme témoigne au sujet de la visite de la copropriété qu’il a effectuée le 25 août en vue de ses rapports du 26 septembre 2005. Il explique comment il a mesuré les dénivellations constatées au moyen d’un niveau ordinaire de quatre pieds.

[11]           Dans la salle à manger, il a mesuré le long du mur intérieur une dénivellation se situant entre 6 et 7 mm sur une distance horizontale de 800 mm. Dans le salon, la dénivellation observée est de 10 mm sur une distance horizontale de 800 mm.

[12]           Dans la chambre 2, la dénivellation atteint jusqu’à 12 mm, toujours sur une distance horizontale de 800 mm.

[13]           Dans le corridor devant la porte de la chambre 1, la dénivellation se situe entre 6 et 7 mm sur une distance horizontale de 800 mm.

[14]           Selon lui, la tolérance admise pour une dénivellation est de 6 mm sur une distance horizontale de 800 mm. C’est pourquoi, explique l’inspecteur, étant donné que les dénivellations constatées se situent à l’extérieur des tolérances admises, il a conclu qu’il y avait là malfaçon au sens du Règlement.

[15]           Interrogé sur la provenance et la source de la tolérance dont il a fait état, monsieur Prud’homme répond qu’elle vient en pratique d’une directive verbale de son supérieur, monsieur Jocelyn Dubuc. Selon ce qu’explique monsieur Prud’homme, étant donné qu’il n’existe pas au Québec de norme concernant la tolérance admise pour les dénivellations dans les planchers du genre installé chez le bénéficiaire, l’administrateur s’en est donné une inspirée de la norme de tolérance suivie par le Programme de garantie des maisons neuves de l’Ontario.

[16]           Cette norme s’y lit ainsi :

12.2

Condition

Floor is uneven

Acceptable performance/condition

Applied finished flooring shall be installed without visible ridges or depression. Where visible ridges or depressions occur, the variation from the specified plane shall not exceed ±6 mm.

 

[17]           L’entrepreneur a fait entendre à titre de témoin expert, l’architecte Jacques Benmussa. Ce dernier témoigne à l'effet qu'il a visité la copropriété le 3 février 2006. Il précise qu'il avait alors en main les deux décisions de monsieur Prud’homme.

[18]           Selon monsieur Benmussa, les dénivellations en litige n’étaient pas perceptibles à première vue et il a dû demander au bénéficiaire de les lui pointer. Il affirme les avoir mesurées à l’aide d’un niveau à faisceau laser ainsi que d’un ruban à mesurer.

[19]           Il a produit le rapport suivant :

« b) Dénivellations :

Salon :

Nous avons, dans un premier temps, inspecté visuellement le plancher et « trainé les pieds » à la recherches de creux ou de bosses éventuelles.

Après quelques minutes de recherches nous avons identifié une zone dans le salon qui formait une imperceptible dénivellation.

Nous avons vérifié la surface du plancher à l’aide du niveau et avons effectivement constaté une variation de 8 à 10 mm de hauteur sur une longueur de 4 pieds.

Le niveau du sol montait vers le coin extérieur, près du mur mitoyen pour atteindre sur toute la longueur de la pièce (14 pieds) une dénivellation de 16 mm.

Chambre secondaire :

Nous avons constaté que le niveau du plancher de bois de la chambre secondaire montait de 6 mm sur la largeur de la pièce.

Corridor :

Nous avons constaté une dénivellation du corridor de près de 8 mm sur 4 pieds.

3) Discussions

Le document de l’APCHQ du 26 septembre 2005, mentionne en page 2 « La tolérance admise dans le domaine de la construction est de 6 mm pour une distance horizontale de 800 mm. »

Il n’est pas expliqué dans le document d’où provient cette donnée.

Cette donnée proviendrait d’un guide ontarien du « New House Warranty Programme », « construction performances guide lines » applicable au plan de la garantie de l’Ontario uniquement.

Le Code national de Construction (version Canada et Québec) ne comporte pas de données sur la question. Il n’existe par au Québec de normes officielles concernant les tolérances de niveau de planchers.

En ce qui nous concerne les dénivellations que nous avons constatées et mesurées ne sont pas apparentes au  premier abord, il faut les chercher pour les trouver.

Elles ne constituent pas selon nous un problème de sécurité, ni n’empêchent la jouissance normale des lieux. » .

 

[20]           En substance, monsieur Benmussa reconnait que les mesures relevées par monsieur Prud’homme ne sont pas tellement différentes des siennes. Là où il diverge complètement avec monsieur Prud’homme c’est au sujet de ce que ce dernier affirme au sujet d’une soi-disant  norme de tolérance et dont pour sa part il nie toute existence pour le Québec.

[21]           Comme on le voit dans son document, monsieur Benmussa affirme ne pas être en mesure d’indiquer quel serait l’écart de dénivellation au-delà duquel on pourrait affirmer qu’il y a malfaçon.

[22]           Selon lui, le gros bon sens doit guider en cette matière et la question en demeure une purement subjective. Ici, précise-t-il, les dénivellations en litige demeurent faibles sans affecter l’usage des lieux ni présenter de danger de chute. Au surplus, ajoute-t-il, ces dénivellations sont là depuis la construction et n’originent pas d’un problème structurel du bâtiment.

[23]           Pour sa part, le bénéficiaire raconte que bien qu’il ait acheté sa propriété en juillet 2004, il n’y a emménagé qu’en janvier 2005. Il a constaté de façon progressive l’existence des dénivellations en litige, la première fois en déplaçant une chaise dans le salon.

[24]           Le bénéficiaire fait état des difficultés qu’il aura pour meubler convenablement son salon ou sa chambre puisqu’il demeura limité dans le choix et l’emplacement du mobilier. Selon lui, il n’est pas acceptable d’être obligé de coller des feutrines sous les pattes de meubles pour palier à la dénivellation des planchers. Il y voit une limitation à la jouissance des lieux.

[25]           Finalement, le bénéficiaire s’interroge sur la façon de procéder de l’expert Benmussa et notamment sur la pertinence d’utiliser un niveau laser.

 

Point 2 : Affaissement de la rive du bois franc entre la salle à manger et la cuisine

[26]           Lors de notre visite des lieux, monsieur Benmussa montre comment l’on peut voir et sentir un léger enfoncement, d’environ 1 mm lorsqu’on y pose le pied. Selon lui, il ne s’agit pas d’une situation anormale et il n’y a ici aucune contravention à une norme.

[27]           Selon monsieur Prud’homme, l’affaissement en litige était beaucoup plus important au moment de sa visite des lieux en août 2005.

[28]           Cette diminution de l’affaissement s’expliquerait par le taux d'humidité de l'air ambiant qui aurait été plus élevé en août.

[29]           C’est là pour nos fins l’essentiel de la preuve.

 

 

 

 

 

II

ANALYSE ET DÉCISION

 

[30]           L’administrateur a conclu que les trois points contestés étaient couverts par le Règlement puisqu’ils constituaient des malfaçons au sens de ce dernier.

[31]           Comme l’ont souligné les parties, la question qui est au cœur du débat est de savoir si les dénivellations et l’affaissement observés, dont l’existence est admise constituent des malfaçons au sens du Règlement?

[32]           L’entrepreneur et l’administrateur reconnaissent que le Règlement et la notion de malfaçon applicable ici, sont ceux en vigueur en septembre 2005, i.e. au moment où l’inspecteur Prud’homme a produit ses rapports. 

[33]           Le défaut pour un entrepreneur de se conformer aux règles de l’art ou aux normes en vigueur dans le domaine de la construction pourra constituer une malfaçon au sens du Règlement si, et seulement si, cette façon d’agir porte atteinte à la qualité de la construction, à sa sécurité ou à l’utilisation du bâtiment.

[34]           Dans Rodrigue c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de L’APCHQ, SA, 12 mars 2004, l’arbitre Bernard Lefebvre écrit au sujet du concept de malfaçon :

« Règle générale la malfaçon est l’exécution défectueuse du travail par l’entrepreneur dû notamment à l’incompétence de ses ouvriers ou de la négligence de l’entrepreneur d’apporter les résultats de l’exécution demandée.

Les décisions rendues en application de la Garantie n’appliquent pas le test de la norme parfaite pour déterminer si une situation constitue une malfaçon. La jurisprudence utilise le test de la tolérance raisonnable. Tout écart qui ne dépasse pas la tolérance raisonnable ne s’assimile pas à une malfaçon. »

 

[35]           Qu’en est-il des points 1 et 23 ?

[36]           En théorie, un plancher doit être à niveau et ne pas comporter de dénivellations. Pour paraphraser l’arbitre Lefebvre, ce serait là la norme parfaite. Selon la preuve constante, les planchers en litige présentent tous des dénivellations. Cela dit, il n’y a pas au Québec de norme officielle concernant des niveaux de tolérance admise relativement aux dénivellations susceptibles d’affecter un plancher.

[37]           Cela étant, selon l’entrepreneur, l’administrateur a eu tort de s’inspirer d’une norme étrangère pour décider s’il y avait ou non en l’espèce écart déraisonnable. Au surplus, l’entrepreneur soutient que les dénivellations constatées ne contreviendraient pas aux tolérances admissibles en Ontario et que de toute façon les problèmes constatés ne seraient pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l’utilisation du bâtiment. L’entrepreneur a en outre rappelé que le Construction Performance Guidelines comporte le préambule suivant :

« The Construction Performance Guidelines should be interpreted with common sense. [...]

Some items refer to specific dimensions to determine what is acceptable. These dimensions are used to evaluate the identified conditions. If the variation is minor, the Warranty Program may consider whether the variation significantly affects the performance of the item in determining whether the particular guideline has been met »

 

[38]           Il a également rappelé que l’expression specified plane utilisée dans ce guide référait non pas à une distance de 800 mm mais plutôt à la largeur d’une pièce.

[39]           Cela dit, la question qui se pose est celle du critère à utiliser, ou de la méthode à suivre, pour décider de la présence ou non d’un manquement aux règles de l’art susceptible de se traduire en une malfaçon au sens de notre Règlement.

[40]           La thèse de l’entrepreneur semble être qu’en l’absence de norme officielle, de norme proclamée, il n’y aurait pas possibilité de constater écart inacceptable par rapport à la norme parfaite.

[41]           Avec égards, je ne peux souscrire à cette thèse qui parait conduire à l’absurde en ce sens que l’absence de norme formelle serait nécessairement synonyme d’absence de règles de l’art. Or, ce que le Règlement sanctionne est non seulement certains manquements à des normes mais aussi certains manquements aux règles de l’art.

[42]           Il se peut que les règles de l’art soient traduites, consacrées dans une norme. C’est souvent le cas. Mais il se peut aussi, cela semble être le cas des planchers, que ces règles n’aient pas conduit à l’adoption de normes. À l’évidence, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de règles de l’art et que l’on peut faire n’importe comment.

[43]           En revanche, cela aussi serait absurde, que l’absence de normes, normes qui pour la plupart énoncent des écarts admissibles par rapport à la perfection, devait signifier que seule la perfection serait conforme.

[44]           En pratique donc l’inspecteur qui doit se prononcer sur une malfaçon alléguée à l’égard d’une situation qui n’est pas normalisée peut à mon avis, par souci d’objectivité, s’inspirer de normes existant ailleurs, utilisées de façon raisonnable et rationnelle, afin de déterminer une tolérance raisonnable dans le problème qu’il constate.

[45]           Avec égards, j’estime en effet que l'appréciation de la conformité aux règles de l’art en l’absence de normes ne devrait pas se faire nécessairement de manière purement subjective. Pareille façon de faire pourrait s’avérer plus arbitraire que rationnelle, ce qui serait évidemment inacceptable. Il m’apparait en effet qu’un minimum de constance et de prévisibilité est essentiel en ces matières. De s’en remettre à la seule perception d’un individu, si honnête et compétent soit-il, pour évaluer la conformité d’une situation aux fins du Règlement est sûrement une approche à proscrire.

[46]           En l’espèce, l’entrepreneur devait installer des planchers à niveau et c’est la présence des dénivellations qui fait qu’il y a obligation de décider si les écarts constatés sont ou non tolérables selon les règles de l’art.

[47]           En l’espèce, l’administrateur n’a pas exigé la perfection. Pour déterminer ce qui serait un écart tolérable, il s’est servi d’un cadre de référence précis tout à fait rationnel et raisonnable. En choisissant pour l’établissement d’une norme de se référer à ce qui se fait chez nos voisins pour aborder la question il s’est gardé de tout arbitraire et, la preuve l’a confirmé, il a pris ses mesures avec soin et a utilisé un instrument dont on n’a pas démontré qu’il n’aurait pas été fiable.

[48]           La preuve démontre que les dénivellations observées excédaient la règle de tolérance retenue par l’administrateur, règle rationnelle et appliquée correctement. On ne m’a donné aucun motif valable de renverser ce constat. Par conséquent, j’estime que c’est à bon droit qu’on a jugé qu’il y a malfaçon dans l’installation des planchers.

[49]           La seconde question est celle de savoir si, comme l’exige le Règlement, cette malfaçon porte atteinte à la qualité de la construction, à sa sécurité ou à l’utilisation du bâtiment?

[50]           L’appréciation de cette règle doit se faire en contexte et en ayant égard à la vocation de la chose atteinte d’une malfaçon. Selon l’expert de l’entrepreneur, la situation observée ne pose pas de problème de sécurité ni n’empêche la jouissance normale des lieux.

[51]           Avec égard, la preuve et notre visite des lieux ont démontré les atteintes à la jouissance normale des lieux causées par ces dénivellations

[52]           L’entrepreneur a soutenu à titre subsidiaire que si jamais j’en venais à la conclusion de malfaçon au sens du Règlement, il s’agirait au mieux d’une malfaçon apparente non dénoncée dans le délai prescrit par le Règlement, i.e. au moment de la réception.

[53]           Avec égards, ici non plus je ne peux retenir le point de vue de l’entrepreneur. D’abord, le problème a été qualifié de non apparent par l’expert Benmussa lui-même qui écrit dans son rapport : « En ce qui nous concerne les dénivellations que nous avons constatées et mesurées ne sont pas apparentes au  premier abord, il faut les chercher pour les trouver. » En second, selon le témoignage du bénéficiaire, ce n’est qu’à l’usage qu’il a constaté le problème.

[54]           Cette malfaçon n’est donc pas une malfaçon apparente.

[55]           Pour toutes ces raisons, le recours de l’entrepreneur concernant les points 1 et 23 est rejeté. 

[56]           Qu’en est-il maintenant du point 2 : Affaissement de la rive du bois franc entre la salle à manger et la cuisine.

[57]           Selon l’expert Benmussa, qui n’a pas été contredit à ce sujet, l’affaissement en question ne constitue pas une malfaçon, s’agissant d’un affaissement d’à peine 1 mm. 

[58]           Toujours selon la preuve, l’affaissement en question observé en août 2005 par l’inspecteur Prud’homme résulterait du taux d’humidité plus élevé à cette époque de l’année.

[59]           Je retiens à cet égard la prétention de l’entrepreneur selon laquelle le phénomène, en soi très mineur apparait puis disparaît de lui-même selon l'humidité de l'air ambiant. J’en conclus que cet affaissement résulte plutôt du comportement normal des matériaux plutôt que d’un travail mal fait.

[60]           Pour ces raisons, le recours de l’entrepreneur à l’égard du point 2 est accueilli.

 

III

CONCLUSION ET DISPOSITIF

[61]           J’accueille le recours de l’entrepreneur à l’égard du point 2 et déclare nulle la conclusion du rapport du 26 septembre 2005 lui ordonnant d’« apporter les correctifs requis pour corriger l’appui de la rive du plancher de bois franc, entre la salle à manger et la cuisine. »

[62]           Je rejette le recours de l’entrepreneur à l’égard du point 1 lui ordonnant d’« apporter les correctifs requis pour minimiser les dénivellations du plancher, afin qu’elles n’excèdent pas les tolérances permises, soit 6 mm sur une distance horizontale de 800 mm. ».

[63]           Je rejette également le recours de l’entrepreneur à l’égard du point 23 lui ordonnant d’« apporter les correctifs requis pour minimiser les dénivellations du plancher, lesquelles ne devront pas excéder les tolérances permises, soit 6 mm sur une distance horizontale de 800 mm. »

[64]           J’ordonne à l’entrepreneur de procéder à ces travaux dans un délai raisonnable à convenir avec le bénéficiaire. A défaut d’accord, je déterminerai moi-même cette échéance, sur demande de l’une ou l’autre partie.

[65]           Finalement, en conformité de l’article 124 du Plan, j’ordonne que les coûts d’arbitrage soient défrayés selon les proportions suivantes : 50 % par l’administrateur et 50 % par l’entrepreneur.

 

Montréal, le 27 juin 2006

 

                                                                                                                                   

                                                                                    Johanne Despatis, avocate

                                                                                    Arbitre

 

 

Adjudex inc.

0511-8231-GAMM

SA 8022