TRIBUNAL D’ARBITRAGE

ARBITRAGE SELON LE

RÈGLEMENT SUR LE

PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r. 8)

 

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

 (Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)

____________________________________________________________________________________

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

DOSSIER NO: S14-012801-NP

 

 

MARTIAL AUDILON DJOMATCHUI

(LE « BÉNÉFICIAIRE »)

c.

CONDOMINIUM MONTCLAIR INC.

 (L’« ENTREPRENEUR»)

et

LA GARANTIE ABRITAT INC.

(L’« ADMINISTRATEUR »)

______________________________________________________________________

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

______________________________________________________________________

 

 

Arbitre:                                                          Me Roland-Yves Gagné

 

Pour le Bénéficiaire:                                   Monsieur Martial Audilon Djomatchui

                                                                       Monsieur Louis Boisselle

Monsieur Michel Normandin

                                                                      

Pour l’Entrepreneur:                                    Monsieur Henrik Houle

 

Pour l’Administrateur:                                 Me Jacynthe Savoie

                                                                      Monsieur Michel Hamel

 

Date de l’audition:                                       26 juin 2014

                                                                     

Date de la décision:                                    15 juillet 2014


DESCRIPTION DES PARTIES

 

BÉNÉFICIAIRE

 

Monsieur Martial Audilon Djomatchui

[…] Montréal, Qc. […]

 

 

ENTREPRENEUR

 

Condominium Montclair Inc.

5515 Ch. Upper-Lachine

Montréal, Qc.

H4A 2A5

a/s Monsieur Henrik Houle

 

 

ADMINISTRATEUR

 

Me Jacynthe Savoie

5930 boulevard Louis-H. Lafontaine

Anjou, Qc.

H1M 1S7

 

 


PIECES

 

Lors de l’audition, l’Administrateur a produit les pièces suivantes:

 

A-1 : Contrat préliminaire et contrat de garantie en date du 3 juin 2012;

 

A-2 : Formulaire d’inspection pré-réception;

 

A-3 : Lettre de dénonciation du Bénéficiaire à l’Entrepreneur en date du 14 juin 2013;

 

A-4 : Lettre du Bénéficiaire à l’Entrepreneur en date du 21 juin 2013;

 

A-5 : Demande de réclamation en date du 4 juillet 2013;

 

A-6 : Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur en date du 12 août 2013;

 

A-7 : Décision de l’Administrateur en date du 8 janvier 2014;

 

A-8 : Courriel de l’Entrepreneur en date du 21 janvier 2014;

 

A-9 : Lettre de l’Administrateur au Bénéficiaire en date du 28 janvier 2014;

 

A-10 : Courriel de l’Entrepreneur en date du 30 janvier 2014;

 

A-11 : Notification de la demande d’arbitrage en date du 29 janvier 2014;

 

A-12 : Guide de l’APCHQ (extrait);

 

A-13 : Guide SCHL (extrait).

 

Le Bénéficiaire a produit les pièces suivantes:

 

B-1 : Rapport d’Expertise B.R. Rénovation - Louis Boisselle;

B-2 : Rapport d’Expertise de AEV inspection en bâtiments - Michel Normandin;

B-3 : Facture d’entreprise Rénovations Clos Clos (non mentionnée à l’audience);

B-4 : 2 Factures de Louis Boisselle;

B-5 : Convention de service;

B-6 : En liasse, correspondance entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur, et la demande d’arbitrage;

B-7 : Facture de Michel Normandin.

 

 


HISTORIQUE

 

[1]       L’unité de copropriété est située au […].

[2]       Le 10 avril 2013, le Bénéficiaire a signé son formulaire de pré-réception;

[3]       Le 30 avril 2013, le Bénéficiaire a emménagé;

[4]       Le 14 juin 2013, le Bénéficiaire a envoyé une dénonciation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur;

[5]       La décision de l’Administrateur a été rendue le 8 janvier 2014.

 

 

MANDAT ET JURIDICTION

 

[6]       Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par le Bénéficiaire, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) le 28 janvier 2014, et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 29 janvier 2014. 

[7]       Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.

[8]       L’audience a été précédée d’une visite des lieux.

 

LE DROIT

 

[9]       Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement)

Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

 

[10]    La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[1] a jugé que ce Règlement était d’ordre public 

[11] Le Règlement est d’ordre public. […] Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

 

[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.

 

[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […]

 

[39] Au mieux, nous sommes en présence d’un contrat réglementé, c’est-à-dire d’un contrat dont le contenu est imposé par le législateur et non par l’appelante, elle aussi obligée de se plier aux volontés du législateur et de faire approuver son plan par la Régie[15][2].

 

[11]    La Cour supérieure affirme dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc. c. Dupuis[3] que

[75] Il est acquis au débat que l'arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu'il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui.  Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie.

 

[12]    La couverture du plan de garantie pertinente à la demande du Bénéficiaire est décrite à l’article 27 du Règlement (extraits):

27.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

 

  1°    le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:

 

  a)      par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;

 

  b)      par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes ;

 

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception.


PRÉCISIONS QUANT À LA DÉCISION DU 8 JANVIER 2014

 

[13]    Le Bénéficiaire a mentionné lors de la conférence préparatoire que les différends quant aux points de la décision de l’Administrateur du 8 janvier 2014 qu’il demande au Tribunal d’arbitrage de trancher sont :

[13.1]    le point 3 « Qualité des finis de gypse - Plafond du salon et de la salle à dîner »

[13.2]    le point 4 « Mur mitoyen courbe » et

[13.3]    quant au point 1, de « déterminer l’emplacement qui a été peint par le Bénéficiaire ».

[14]    Depuis, l’Entrepreneur a fait des vérifications quant au point 1, et reconnaît être celui qui a peint le plafond du salon et de la salle à dîner, et que ce n’est pas le Bénéficiaire.  Il n’y a donc plus de différend à trancher sur ce point, qui est réglé.

[15]    Dans sa décision du 8 janvier 2014, l’Administrateur écrit quant au point 3 :

Plafond du salon et de la salle à dîner

Les faits - Le bénéficiaire se plaint de la surface ondulée au plafond.  Pour constater cette situation, il faut être sous un certain angle et une certaine lumière.  Même lorsque les panneaux de placoplâtre sont installés suivant les normes et règles de l’art, il arrive que l’on puisse constater un certain gondolement attribuable au tirage des joints. La situation est considérée comme normale et acceptable.

[16]    Dans sa décision du 8 janvier 2014, l’Administrateur écrit quant au point 4 :

Mur Mitoyen courbe

Les faits. Bien que le bénéficiaire considère que le mur mitoyen courbe vers le haut, nous n’avons pas été en mesure de constater cette situation lors de notre inspection.

Analyse et Décision (points 3 et 4) :

En ce qui concerne les points 3 et 4, l’administrateur n’a pas été en mesure, lors de l’inspection, d’identifier quelque malfaçon que ce soit en rapport avec les situations dénoncées par le bénéficiaire. - Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard de ces points.

[17]    A l’audience, l’Administrateur affirme que sa décision au point 4 portait exclusivement sur le coin du mur mitoyen près de la fenêtre en haut et non, sur les cinq joints du mur mitoyen dont le Bénéficiaire se plaint du gondolement au niveau des joints.

[18]    Dans sa décision du 8 janvier 2014, l’Administrateur écrit quant au point 2 (mur mitoyen) :

Nous avons constaté quelques petits trous dans le mur ou trois cavités verticales dans les joints des panneaux de placoplâtre, lesquelles doivent être corrigées.

[…] De plus, nous avons constaté à notre inspection que le mur, lequel a été peint par le bénéficiaire, présentait plusieurs coups de rouleaux ce qui accentue l’effet de vagues.

[19]    Lors de l’audience, le Bénéficiaire soulève le fait que les 5 joints du mur mitoyen sont à refaire.

[20]    L’Administrateur répond qu’il a déjà accordé par sa décision au point 2 (malgré le libellé reproduit ci-haut), que les 3 premiers joints sur un total de 5 joints à partir de l’îlot soient refaits, ce à quoi l’Entrepreneur s’est engagé.

[21]    Reste la question des deux autres joints qui sont plus près de la fenêtre.  L’Administrateur dit qu’il a accueilli la dénonciation du Bénéficiaire à l’effet que les joints du mur mitoyen n’étaient pas faits selon la règle de l’art en particulier les trois premiers à partir de l’Ilot mais sans exclure nécessairement les deux autres joints et qu’il appartenait à l’Entrepreneur de faire les travaux correctifs sur ce mur, étant entendu que le Bénéficiaire pouvait dénoncer la qualité des travaux de l’Entrepreneur après que ce dernier ait complété ces travaux.

Tache au plafond

[22]    Le Bénéficiaire a voulu aborder la question de la tache au plafond qu’il avait abordé verbalement avec l’Administrateur et l’Entrepreneur lors de l’inspection du 13 décembre 2013, mais celle-ci n’a pas fait l’objet d’une décision de l’Administrateur, alors même que le soussigné n’a de compétence juridique que pour trancher les différends entre les décisions de l’Administrateur et le Bénéficiaire.

[23]    Le Bénéficiaire ajoute que l’Administrateur avait refusé de rendre sa décision sous prétexte que sa dénonciation aurait dû être faite par écrit, alors même que le Bénéficiaire était alors en présence de l’Administrateur et de l’Entrepreneur.

[24]    L’Inspecteur de l’Administrateur affirme quant à lui que puisque l’Entrepreneur s’était engagé à faire des travaux au plafond, ce dernier avait déjà accepté de regarder ce qu’il en retournait avec cette tache.

[25]    Le soussigné a indiqué aux parties, que, vu les faits, il réservera les droits du Bénéficiaire à cet effet.

 

PREUVE

[26]    Le 10 avril 2013, le Bénéficiaire procède à la réception de son unité et note au formulaire (A-2) (extraits pertinents):

1o Retouches au salon & salle à dîner

2o Vagues au mur mitoyen

[27]    Le Bénéficiaire fit d’abord témoigner Louis Boisselle, que le Tribunal d’arbitrage a reconnu comme expert en jointoiement (tirage de joints); ce dernier a rédigé le rapport produit en B-1.

[28]    Il affirme que tous les joints ont été mal faits et qu’ils devraient être repris par un plâtrier professionnel, autant les 5 joints du mur mitoyen du salon que les 7 joints du plafond.

[29]    Il est complètement en désaccord avec la position de l’Administrateur - tous les cinq joints sont à reprendre, il n’est pas d’accord que les deux autres joints de 5 sont l’effet d’une accentuation des coups de rouleau puisque « même quand on regarde les plinthes on voit des dénivellations dans le mur. »

[30]    Quant au plafond, « à la grandeur les joints sont bâclés, on peut savoir combien de feuilles de gypse il y a juste à regarder les dénivelés »

[31]    Il ajoute que les joints sont mal tirés et qu’on voit tous les joints des feuilles.

[32]    Dans son rapport, il écrit :

Situation - constat

1.1 On constate visuellement […] que le grand mur mitoyen courbe vers le haut, que la plupart des joints des panneaux de gypse aux murs et plafonds sont irréguliers, craqueler et que les surfaces des murs et plafond sont ondulées sous un certain angle et une certaine lumière et sont le résultat de malfaçon. Ces ouvrages ont été effectués lors de la construction de l`immeuble à condo. Le plafond du salon et de la cuisine n`ont pas été repeint depuis la construction. Les travaux de réparation de ces malfaçons exigeront beaucoup de temps.

 

Emplacements des ouvrages défectueux

2.1 Les ouvrages défectueux sont situés sur le plafond de la cuisine au-dessus de l`ilot, sur tous les joints des panneaux de gypse sur le grand mur mitoyen au salon soit 5 joints et tous les joints au plafond du salon soit 7 joints.

 

[33]    En contre-interrogatoire, il lui est demandé d’expliquer sous un certain angle et une certaine lumière écrit dans son rapport.

[34]    Louis Boisselle répond qu’il s’est rendu sur les lieux à deux reprises, qu’il a vu les murs et le plafond autant de jour que de nuit, et qu’il voit les malfaçons en fait sous tous les angles.

[35]    Il répond aussi que s’il est d’accord avec le fait que les coups de rouleau de peinture puissent faire ressortir des ondulations, ce n’est pas le cas ici, il n’a pas vu cela dans le cas présent : à chaque joint on voir clairement que c’est mal fait, que ça été mal tiré.

[36]    Le Bénéficiaire fit également témoigner Michel Normandin, témoin expert reconnu par tribunal d’arbitrage comme inspecteur en bâtiment.

[37]    Il a produit un rapport d’expert (B-2), dans lequel il écrit :

Les observations ont été réalisées de 18:00 à 19:00 le mercredi 2 avril 2014 avec les rideaux fermés, pas de lumière rasante […] Les finis intérieurs de la copropriété sont composés de panneaux de gypses recouverts de peinture. Lors de mon inspection, la majorité des joints du plafond situés au salon et à la cuisine sont facilement visibles. Les joints du mur nord-ouest du salon ont été observés du même endroit, même constat, les joints ont été facilement localisés, mes observations sont constatées en me positionnant près de la porte de l'entrée à environ 3 m du mur.

 

[38]    Il affirme avoir remarqué les mêmes éléments que Louis Boisselle.

[39]    Il ajoute que les joints sont trop courts et laissent paraître les défauts.

[40]    En contre-interrogatoire, il affirme que tous les joints observés du mur mitoyen et du plafond sont à refaire.

[41]    Il affirme aussi, avant de donner son opinion sur le tirage de joints, je suis un amateur en matière de tirage de joints.

[42]    À la question à savoir quelle est la tolérance pour un joint, il répond que c’est quand on peut les observer, quand un défaut est visible.

[43]    Quant au coup de rouleau de peinture, il explique que si le joint est fait assez long, la peinture est plus égale et le joint est moins visible - si le joint est trop court, le coup de rouleau de haut en bas entraînera un manque de peinture (et non du joint); donc si on voit les joints, c’est qu’ils sont trop courts.

[44]    Le Bénéficiaire témoigne à l’effet que le représentant de l’Entrepreneur avait toujours été très coopératif jusqu’au présent litige.

[45]    Il ne croit pas que les ondulations soient le fait d’un mauvais coup de rouleau puisque le même peintre a peint les autres murs de la maison, et le mur face au mur mitoyen objet du litige n’a aucun problème, donc ce sont les joints qui sont défectueux.

[46]    Il a été obligé d’engager des experts à cause du déni de l’Entrepreneur.

[47]    L’Inspecteur de l’Administrateur témoigne à l’effet que, quant au point 4, il ne lui avait été dénoncé lors de l’inspection que le coin du mur près de la fenêtre, que ce point 4 ne portait que sur le coin en haut, coin du mur supérieur mitoyen près de la fenêtre.  Quant au point 2, même si cela n’était pas précisé, il avait reconnu que 3 joints à partir de l’îlot de la cuisine n’avaient pas été faits selon les règles de l’art, que les joints suivants étaient conformes mais que l’ondulation avait été accentuée par des coups de rouleau de peinture.

[48]    Il affirme que quand il a observé le plafond, toutes les fissures qu’il a vues ont été reconnues par l’Administrateur au point 1 de la décision.

[49]    Ce qu’il n’a pas reconnu : les ondulations, qu’il considère normales, selon le Guide de performance de l’APCHQ (pièce A-12 - plafond inégal), il est normal que quand les joints sèchent, il y ait un gondolement.

[50]    La pièce A-12 porte sur le Plafond inégal et se lit ainsi :

Performance minimale attendue

À l’intérieur d’une pièce ou d’un espace donné, le plafond doit présenter un aspect uniforme lorsqu’on l’observe à partir d’un point de vue normal. Lorsqu’un fléchissement, un gonflement ou un gondolement localisé est présent, mais que cette situation n’est pas de nature structurale et que la surface ne dévie pas de plus de ¼ po (6mm) par rapport au plan spécifié, aucun correctif n’est requis.

Correctif à apporter.  Tout fléchissement ou gondolement dépassant le niveau maximal indiqué et dénoncé sur le formulaire de réception du bâtiment sera réparé.

Remarque. Le gondolement résultant du rétrécissement normal des matériaux après la construction n’est pas de la responsabilité de l’entrepreneur.  Même lorsque les panneaux de placoplâtre ont été installés suivant les normes établies par le code en vigueur, il arrive assez souvent qu’on constate un certain gondolement des plafonds en plaques de plâtre attribuable au tirage des joints.  L’inégalité apparente de la surface peut être accentuée par l’éclairage ou par l’application d’un fini luisant.  Au contraire, l’application d’un fini pulvérisé texturé ou mat rendra les inégalités de surface moins apparentes. […]

[51]    Il répond en contre-interrogatoire qu’il peut arriver de voir certains joints, que le joint bien fait n’est pas visible au-delà de ce qui est la limite stipulée au Guide de performance (1/4 de pouce), que les joints ne peuvent pas être parfaits, que parfois on peut voir un joint, que c’est acceptable s’il est à l’intérieur de la tolérance.

[52]    Il affirme avoir reconnu des fissures sur des joints, et non, les joints eux-mêmes.

[53]    Il produit le guide SCHL p. 304 (A-13).

[54]    L’Entrepreneur affirme quant à lui que le tireur de joints qui a fait les travaux a une vingtaine d’années d’expérience.

[55]    Il affirme qu’il était prêt en janvier à refaire 3 joints sur 7 du plafond (à partir de l’îlot). Il reconnaît qu’il ne pouvait pas s’entendre avec le Bénéficiaire sur les travaux à faire.

[56]    Il ajoute que son entreprise a un bon service à la clientèle mais qu’il ne pouvait s’entendre avec le Bénéficiaire et que, pour cette raison, il l’a référé au Plan de garantie et à l’arbitrage et fera ce qu’on lui demande.

 

PLAIDOIRIE

[57]    Le Bénéficiaire se considère comme un petit poisson qui se bat contre un gros poisson. Il affirme avoir été obligé d’engager deux experts pour compléter sa preuve.

[58]    Il a payé une grosse somme d’argent pour acheter son unité de copropriété et se retrouve avec des malfaçons, en partie déjà reconnue par l’Administrateur et il n’aurait jamais dû en arriver là considérant qu’il a acheté un bâtiment neuf.

[59]    Il n’a pu prendre d’entente avec l’Entrepreneur car du moment où une parole ne peut être pris en confiance, il a été obligé d’aller en arbitrage.

[60]    L’Entrepreneur affirme avoir toujours fait face à la musique, avoir toujours fait les réparations, mais que le Bénéficiaire n’a jamais voulu qu’il répare les deux fissures à changer, qu’il a essayé de régler de bonne foi avec le Bénéficiaire les points en litige mais il n’a jamais pu s’entendre, donc il a référé le Bénéficiaire au Plan de garantie.  Il s’en remet donc à la décision de l’Administrateur et, maintenant, à celle du Tribunal d’arbitrage.

[61]    L’Administrateur affirme que le Règlement doit être interprété de façon restrictive et que le Bénéficiaire n’a pas rempli son fardeau de preuve.

[62]    Malgré son témoignage, Louis Boisselle avait écrit que les joints n’étaient visibles que sous un certain angle et une certaine lumière.

[63]    L’Inspecteur a dit qu’il était normal qu’il y ait des gondolements et le Guide de performance (A-12) permet une tolérance de 6mm et personne n’avait mesuré quoique ce soit, donc le Bénéficiaire ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve à cet effet.

[64]    Elle ajoute que le déplacement du joint est causé par le comportement normal des matériaux, ce qui est une exclusion selon le Règlement.

[65]    Elle attire l’attention sur le fait que l’inspecteur en immeuble Normandin s’est décrit comme un amateur en tirage de joints.

[66]    En conclusion, il n’y a aucune preuve que le mur mitoyen soit courbé, mais si le Tribunal d’arbitrage en venait à la conclusion qu’il y a un gondolement, ce dernier est tout à fait admissible selon la règle de l’art.

[67]    Elle plaide et cite les décisions arbitrales suivantes, qui ont toute été lues et analysées lors du délibéré soit :

[67.1]    Carole Tremblay et Rémi Rochefort c. Maison Laprise et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (CCAC S10-201201-NP, 28 juin 2011, Me Jean Dallaire, arbitre)

[67.2]    Guylaine Gaudet et Hugo Harton c. Le Groupe JSMD Inc. et La Garantie Abritrat Inc. (CCAC S14-010901-NP, 27 mai 2014, Me Roland-Yves Gagné, arbitre)

[67.3]    Geneviève Rochart c. La Maison Bond Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs du l’APCHQ Inc. (Soreconi 050829002, 28 février 2006, Alcide Fournier, arbitre).

 

DÉCISION

Mur mitoyen du salon

[68]    La première décision quant au mur mitoyen consistera à rendre la primauté du fond sur la forme:

[68.1]    d’une part, le Bénéficiaire a affirmé à l’audience avoir considéré le point 4 comme couvrant la question des « vagues » au mur mitoyen ou de sa courbe, ou du tirage de joints défectueux;

[68.2]    d’autre part, l’Administrateur a affirmé à l’audience qu’il a disposé de ce point au point 2, en laissant libre arbitre à l’Entrepreneur de faire les travaux correctifs quant au mur mitoyen selon les règles de l’art mais sans les détailler, le point 4 ne consistant qu’à une courbure alléguée en haut du mur près la fenêtre.

[69]    L’objet du différend soumis à l’arbitrage était toutefois clairement annoncé avant l’audience,

[69.1]    la demande d’arbitrage comme telle; dans sa demande du 20 janvier 2014, le Bénéficiaire écrit : J’ai remarqué que l’inspecteur a minimisé le problème de joints apparents dans l’ensemble de mon salon;

[69.2]    les discussions lors des conférences préparatoires où il n’a jamais été question que le point 4 était limitée à la courbure en haut du mur près la fenêtre; et

[69.3]    par les contenus des rapports d’experts communiqués avant l’audience.

[70]    Le Tribunal d’arbitrage soussigné était donc saisi dès le début de la question du gondolement/jointoiement au mur mitoyen, quel que soit le numéro du point invoqué quand la demande d’arbitrage a été annoncée, préparée et entendue.

[71]    Dans sa décision du 8 janvier 2014, l’Administrateur a disposé de ce point au point 2, en laissant libre arbitre à l’Entrepreneur de faire les travaux correctifs quant au mur mitoyen selon les règles de l’art mais sans les détailler.

[72]    L’Administrateur suivait ainsi la procédure normale, à l’effet que l’Entrepreneur connaît mieux son immeuble, qu’il a le choix des moyens pour arriver au résultat et que si le Bénéficiaire n’est pas d’accord avec les travaux correctifs, le Bénéficiaire peut demander à l’Administrateur d’intervenir. 

[73]    L’Administrateur ignorait toutefois deux facteurs, l’un avant sa décision, l’autre, ce qui allait se passer après sa décision.

[74]    Le 25 juin 2013, près de six mois avant l’inspection, l’Entrepreneur écrivait au Bénéficiaire :  

Comme il semble que l’on se retrouve dans une impasse et que vous n’acceptez pas la solution de corriger deux joints plus une écorchure, nous suggérons de faire appel à votre garantie de maison neuve qui tranchera pour dénouer l’impasse.  Si vous le désirez nous pouvons contacter votre Garantie de maison neuve (A.P.C.H.Q.), laissez nous savoir votre décision.

[75]    Le Bénéficiaire avait contacté l’Administrateur justement parce qu’il n’était pas d’accord avec les travaux correctifs qu’était prêt à faire l’Entrepreneur.

[76]    L’Administrateur rend une décision le 8 janvier 2014 mais s’en remet à l’Entrepreneur pour effectuer les travaux correctifs, sans les préciser donc, sans dénouer l’impasse à laquelle la lettre du 25 juin 2013 fait référence et pour laquelle le Bénéficiaire s’était adressé à l’Administrateur.

[77]    Dans une lettre du 28 janvier 2014 (pièce A-9), l’Administrateur écrit : (extrait)

L’entrepreneur devra exécuter lesdits travaux selon les normes en vigueur et les règles de l’art. Advenant que vous ne soyez pas satisfaits de l’exécution des travaux, la Garantie procédera à une inspection supplémentaire à la fin des travaux et elle statuera sur les points en litiges.

[78]    Toutefois, ce débat avait déjà eu lieu entre l’Entrepreneur et le Bénéficiaire sept mois avant la décision de l’Administrateur, et le Bénéficiaire s’était adressé à l’Administrateur parce qu’il y avait une impasse quant à la détermination des travaux correctifs à effectuer.

[79]    Après la décision, le Bénéficiaire a demandé à l’Entrepreneur ce qu’il allait faire, et ce dernier lui répond :

[79.1]    que les travaux sont plus ou moins ce qu’il avait déjà envisagé avant que l’Administrateur n’intervienne sans donner de précisions quant aux travaux correctifs

[79.2]    d’une façon erronée, que le Bénéficiaire a peint son plafond, ce qui n’est pas vrai.

[80]    Le 21 janvier 2014 (pièce A-8), le Bénéficiaire écrivait à l’Entrepreneur et à l’Administrateur :

M. Houle vient littéralement de m’accuser d’avoir menti quand j’affirme que la peinture du plafond n’a jamais été touchée par moi […]

[81]    De même, en mars 2014, l’Entrepreneur envoyait au soussigné la lettre d’un peintre au même effet, soit que le Bénéficiaire ne pouvait avoir fait autrement que d’avoir peint son plafond, vu la nature de la peinture appliquée sur ce plafond, ce que niait fermement le Bénéficiaire.

[82]    Toutefois, suite aux protestations du Bénéficiaire, l’Entrepreneur a procédé à des vérifications supplémentaires puis a admis avoir erré, ce qui est très louable, mais il est compréhensible que dans les circonstances, le Bénéficiaire préfère s’en remettre à un tribunal d’arbitrage pour trancher ses différends.

[83]    Vu les faits particuliers du présent litige incluant la valeur du litige, le Tribunal d’arbitrage soussigné ne peut en toute équité pour les trois parties en présence, au stade actuelle de ce litige entre les parties, laisser à l’Entrepreneur de déterminer le nombre de joints à refaire au mur mitoyen, d’autant plus que c’est une des bases du litige qui a entraîné la demande d’intervention de l’Administrateur.

[84]    Comme il l’a dit à l’audience, le Tribunal d’arbitrage soussigné ne doute pas de la bonne foi de toutes les parties, mais il s’agit à l’évidence d’un litige qui ne pouvait se clore que par une décision arbitrale qui précise, entre autres, quels joints sont à refaire, trois de cinq, comme l’invoque l’Entrepreneur, cinq de cinq comme le dénonce le Bénéficiaire, ou trois de cinq mais sans exclure nécessairement cinq de cinq, comme l’affirme à l’audience l’Administrateur.

[85]    Le soussigné a vu le mur mitoyen et ne peut qu’accueillir les conclusions du rapport d’expert de Louis Boisselle quant à ce mur.

[86]    Chaque cas est un cas d’espèce. Dans le cas présent, le Bénéficiaire s’est déchargé de son obligation du fardeau de preuve (article 2803 C.c.q.) des déficiences résultant de la malfaçon.

[87]    La preuve démontre la malfaçon qui se répète d’un joint à l’autre à la grandeur du mur mitoyen (5 joints), ce non-respect des règles de l’art porte atteinte à la qualité de ce bâtiment considérant, entre autres, le prix payé par le Bénéficiaire pour son unité.


 

[88]    Avec respect, le Tribunal d’arbitrage soussigné rejette l’argument que les coups de rouleau soient la cause d’une illusion d’optique, le soussigné conclut plutôt dans le présent dossier que Celui qui pose de la peinture sur un mur bosselé ou inégal aggrave la malfaçon[4].

[89]    Avec respect, le Tribunal d’arbitrage soussigné rejette l’allégué à l’effet que nous serions en présence du comportement normal des matériaux suite à un séchage, le soussigné conclut plutôt que, bien qu’il y eu un dessèchement normal des matériaux, il y a eu également jointoiement défectueux, qui rend un alignement des panneaux de gypse d’une façon irrégulière, et le jointoiement visible.

[90]    Avec respect, le Tribunal d’arbitrage soussigné rejette l’argument à l’effet que puisque le Bénéficiaire n’a pas produit de mesure (en pouces ou millimètres) quant à la déformation du mur, sa réclamation doit être rejetée - le Tribunal d’arbitrage soussigné rappelle que ce sont les tribunaux civils et les tribunaux d’arbitrage qui ont le dernier mot pour déterminer les règles de l’art applicables[5].

[91]    La décision soumise dans l’affaire Carole Tremblay c. Maison Laprise n’est pas suivie, puisque dans ce dossier-là, ni l’Administrateur ni l’arbitre n’avait constaté de « déformation perceptible » (paragraphe 45 et 46).

[92]    La décision soumise dans Gaudet c. Groupe JSMD, rendue par le soussigné, ne signifie nullement qu’un expert qui ne produit pas de guide ou de Code au soutien de son expertise verra ses conclusions exclues, comme semble le plaider l’Administrateur; cette affaire, entendue par le soussigné, est un cas d’espèce, et l’affirmation quant à l’absence de guide ou de Code n’était qu’un motif parmi plusieurs autres.

[93]    Vu la preuve, le Tribunal d’arbitrage soussigné accueille la demande du Bénéficiaire autant quant au gondolement/jointoiement du mur mitoyen et ordonnera que les cinq joints soient refaits, vu le gondolement et la visibilité des cinq joints, qui constitue une malfaçon.

 

Plafond

 

[94]    Le Tribunal d’arbitrage soussigné ne peut accueillir entièrement la réclamation du Bénéficiaire quant aux sept joints à son plafond, pour les motifs suivants.


 

[95]    Rappelons d’abord que Quoi qu'il en soit, je me dois de réitérer et préciser ici que ma décision ainsi que ma juridiction se limitent à l'application du Règlement et ne décide pas de tous les litiges qui peuvent relever de l'application d'autres lois, même si je pense que d'autres lois pourraient s'appliquer au présent litige[6].

[96]    Les dates :

[96.1]    le 10 avril 2013, date de la signature de l’Annexe 1 - réception (pièce A-2);

[96.2]    le 30 avril 2013, le Bénéficiaire emménage;

[96.3]    le 2 mai 2013, le Bénéficiaire envoie le courriel suivant à l’Entrepreneur:

Tel que discuté le 30 avril 2013 qui fut ma date de prise de possession du condo voici les défauts que j’ai remarqués : 1) principalement au salon tous les joints sur le mur en face de la porte d’entrée sont visibles et forment des vagues, en fait le mur n’est pas droit, au plafond tous les joints sont également visibles ce qui donne l’impression d’avoir des lignes apparentes ou encore des vagues aussi en plus on peut aussi y entrevoir des fissures […]

[96.4]    le 14 juin 2013, le Bénéficiaire envoie une lettre à l’Administrateur et à l’Entrepreneur (pièce A-3, sceau APCHQ 14 juin 2013) qui reproduit le paragraphe précédent et ajoute, entre autres,  

La présente est pour vous informer que je réclame à ce que des travaux pour réparer les défauts de construction suivants soient effectués : 1) Au salon tous les joints sur le mur en face de la porte d’entrée (5 joints incluant fissures) 2) Au salon tous les joints dans le plafond (7 joints incluant fissures).

[97]    Pour être couverte par le plan de garantie, la malfaçon apparente devait être dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception; (article 27 (2) du Règlement).  

25.  Pour l'application de la présente sous-section, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par: […]

 

«réception de la partie privative»: l'acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter la partie privative qui est en état de servir à l'usage auquel on la destine et dont, s'il y a lieu, certains travaux sont à parachever ou à corriger;

 

27.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir: […]

 

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception; (ses soulignés).

 

[98]    Dans sa décision, l’Administrateur a reconnu les fissures aux finis de gypse (point 1) mais pas la surface ondulée au plafond; à l’audience, l’Inspecteur qui a rendu la décision affirme que toutes les fissures qu’on a vues au plafond ont été reconnues par la garantie.

[99]    Dans sa dénonciation des malfaçons apparentes au formulaire de préréception (pièce A-2), s’il dénonce des vagues à son mur mitoyen, il dénonce des retouches au salon, sans mention

[99.1]    de vague ou ondulation au plafond,

[99.2]    d’irrégularité ou d’inégalité ou de visibilité de joint au plafond,

[99.3]    du plafond lui-même

[99.4]    que tous les sept joints doivent être refaits.

[100] À l’audience, le Bénéficiaire fit témoigner son expert Louis Boisselle qui affirme qu’il a vu le plafond autant de jour que de nuit, et qu’il voit les malfaçons en fait sous tous les angles, donc, que les malfaçons sont apparentes.

[101] Dans Desjardins c. Vertex Construction Inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc.[7], notre collègue Claude Dupuis, arbitre, écrit:

[7] En cours d'enquête, les bénéficiaires ont admis que les égratignures ainsi que les défauts de peinture étaient présents et visibles lors de l'inspection pré-réception; le formulaire à cet effet, daté du 15 décembre 2007 et signé par les deux bénéficiaires et l'entrepreneur, ne fait aucunement mention de ces deux malfaçons.

 

[8] Le soussigné rappelle l'article 10.2° [notre ajout : ici, 27.2°] du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :

 

10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

[...]

2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

[...]

 

[9] Puisque ces malfaçons apparentes au moment de la réception n'ont pas été dénoncées par écrit, les réclamations ayant trait aux deux éléments précités sont donc REJETÉES.

 

[102] Mentionnons également la décision rendue dans Morin c. 9131-7230 Québec Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[8] par notre collègue Me Michel A. Jeanniot, arbitre:

[15] J’accepte, d’emblée, qu’il s’agit de malfaçon. […]

[19] Les Bénéficiaires ont reconnus qu’ils n’ont pas été empêchés qu’une quelconque manière de présenter leur réclamation et/ou de faire part de leur réserve et/ou insatisfaction à l’intérieur du délai et/ou sur les formulaires prescrits par règlement. Ils ne plaident non plus leur ignorance des critères d’application du règlement.

[20] Je rappelle en l’espèce que le plan de garantie de l’Administrateur est au bénéfice des personnes qui ont conclu un contrat avec un entrepreneur pour la construction de bâtiment résidentiel neuf. Le plan garantie l’exécution des obligations légales et contractuelles de l’Entrepreneur sous réserve de certaines conditions, un contrat fortement réglementé dont le contenu est dicté par voie législative et réglementaire. […]

[24] Devant mon appréciation des faits et ma compréhension de la loi et la jurisprudence connue, la seule existence d’une malfaçon apparente au moment de la réception ou encore, l’inachèvement de travaux observables au moment de la réception, ne sont pas suffisants pour donner ouverture à un recours contre l’Administrateur en faveur des Bénéficiaires. En effet, il faut que ces situations aient été, en outre, dénoncées par écrit au moment même de la réception du bâtiment (ou dans les trois (3) jours qui suivent si les Bénéficiaires n’avaient pas encore emménagé).

[103] Rappelons, si besoin est, que l’article 27 2e du Règlement parle bien d’un délai, si le Bénéficiaire n’a pas emménagé, de trois jours qui suit la réception, et non, d’un délai de trois jours qui suit l’emménagement:

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception.

 

[104] Le soussigné rappelle s’être rendu sur les lieux et ajoute avoir augmenté la luminosité des photos des rapports d’expert pour mieux les voir grâce à un logiciel.

[105]  L’Entrepreneur a affirmé qu’il était prêt en janvier 2014 à refaire trois joints sur sept du plafond, qu’il s’était entendu à cet effet avec le Bénéficiaire à refaire ces trois joints (l’Entrepreneur considérait en refaire deux, mais avait accepté d’en faire un troisième à côté pour en arriver à une entente), mais qu’il y a eu un conflit avec le Bénéficiaire quand il a affirmé que ce dernier avait lui-même peint le plafond. 

[106] Le Tribunal d’arbitrage soussigné considère que, vu l’absence de dénonciation prévue l’article 27(2) du Règlement, il ne peut accorder plus que ce que l’Administrateur et l’Entrepreneur ont déjà reconnu et accepté comme ce qui devait être refait au plafond, et, vu le Règlement et vu la preuve, il ne peut conclure qu’il peut ordonner de refaire les sept joints.

[107] Vu les faits particuliers du présent dossier, puisqu’il est dans l’intérêt des parties et de la justice, de spécifier le nombre de joints à refaire au plafond, le Tribunal soussigné spécifiera ici son nombre, soit 3 de sept, selon ce qui avait déjà été accepté par l’Entrepreneur.

[108] Cette décision ne limite en rien la portée de la décision de l’Administrateur quant au point 1, si elle couvrait également la présence de fissures ou trous à d’autres joints.

[109] Comme la présente décision est basée sur la couverture du Plan de garantie administré par l’Administrateur en vertu du Règlement, les recours civils du Bénéficiaire sont conservés, sans que cette affirmation ne puisse être interprétée dans un sens ou dans un autre.

[110] Enfin, les délais mentionnés dans les conclusions tiennent compte des prochaines vacances de la construction.

 

FRAIS D’EXPERT

[111] L’article 38 du Règlement stipule ce qui suit :

L'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

[112] Le Bénéficiaire réclame

[112.1] pour Louis Boisselle $150.00 plus taxes pour la vacation à la Cour et $110.00 pour son rapport, pour un total de $260.00 plus les taxes;

[112.2] pour Michel Normandin, $650.00 plus les taxes pour son rapport et la vacation à la Cour.

[113] L’Administrateur s’oppose, plaidant que leurs rapports portent majoritairement sur d’autres aspects que les points en litige et que ce n’est pas pertinent au litige;  quant à celui de l’inspecteur en bâtiment, ce qui y est allégué ne traite que très peu du litige et il a affirmé dans son témoignage être un amateur en tirage de joints.

[114] L’article 38 du Règlement parle du quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes à être remboursés par l’Administrateur et non, des frais à être payés par le Bénéficiaire qui a mandaté les experts en vertu de mandats donnés.

[115] Le Tribunal d’arbitrage soussigné ne s’immisce pas dans les relations contractuelles entre les témoins experts et le Bénéficiaire ou dans le contenu du mandat donné par le Bénéficiaire à ses experts.

[116] Le témoignage de Louis Boisselle et son rapport ont été pertinents, ceux de Michel Normandin, qui a témoigné en deuxième, faisait plutôt dans la redite du premier témoin.

[117] Le Bénéficiaire a témoigné à l’effet qu’il se sentait comme un petit poisson qui doit faire face à un plus gros, d’où la présence de deux témoins experts. 

[118] Vu la pertinence mais la redite des témoins experts, vu la valeur du litige, vu la preuve dans ce dossier, vu les termes de l’article 38 du Règlement, le Tribunal d’arbitrage soussigné en vient à la conclusion de fixer à $500.00 plus les taxes, le quantum des frais raisonnables d’expertises pertinents à être remboursés par l’Administrateur.

FRAIS

[119] L’article 37 du Règlement stipule : 

Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

[120] Le Bénéficiaire ayant eu gain de cause en partie sur sa demande d’arbitrage, les frais d’arbitrage seront à la charge de l’Administrateur du Plan de Garantie.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL

ACCUEILLE en partie la demande du Bénéficiaire;

MODIFIE en partie la décision de l’Administrateur du 8 janvier 2014;

ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs suivants, dans un délai de 60 jours, en conformité avec les règles de l’art, et À défaut par l’Entrepreneur d’effectuer lesdits travaux correctifs dans ledit délai, ORDONNE à l’Administrateur, d’effectuer lesdits travaux dans le même délai,

- Mur mitoyen du salon refaire les cinq joints du mur mitoyen pour, entre autres, corriger le gondolement/vague du mur et la visibilité des joints;

- Plafond du salon et de la salle à dîner, refaire les trois premiers joints (à partir de l’îlot) du plafond, étant entendu que la décision de l’Administrateur quant au point 1 pour ledit plafond reste toujours en vigueur en cas de présence de trous ou fissures dans les autres joints, couverts par ledit point 1;

Et RÉSERVE le droit du Bénéficiaire, à supposer qu’il ait un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, sa prétention quant au plafond du salon et de la salle à dîner, ainsi que de rechercher les correctifs qu’il réclame contre toute personne autre que l’Administrateur du Plan de Garantie, sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile;

DÉCLARE qu’une dénonciation équivalente à une dénonciation sous l’article 34 alinéa (1) du Règlement a été produite auprès de l’Administrateur et l’Entrepreneur le 13 décembre 2013 sur l’objet suivant :

Tache d’humidité  au plafond du salon

ORDONNE à l'Administrateur du Plan de Garantie à payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier, sous réserves des frais d’expert prévus au paragraphe suivant;

ORDONNE à l’Administrateur du Plan de Garantie de payer au Bénéficiaire la somme de 500$ plus les taxes applicables (total : 574.88$) à titre de frais d’experts.

                                                                        Montréal, le 15 juillet 2014

                                                                      

__________________________

Me Roland-Yves Gagné

ARBITRE/CCAC

 

 

Jurisprudence citée :

La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause (AZ-50285725, 15 décembre 2004).  

Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis (2007 QCCS 4701 26 octobre 2007, hon. juge Michèle Monast, j.c.s.).

Carole Tremblay et Rémi Rochefort c. Maison Laprise et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (CCAC S10-201201-NP, 28 juin 2011, Me Jean Dallaire, arbitre).

Guylaine Gaudet et Hugo Harton c. Le Groupe JSMD Inc. et La Garantie Abritrat Inc. (CCAC S14-010901-NP, 27 mai 2014, Me Roland-Yves Gagné, arbitre).

Geneviève Rochart c. La Maison Bond Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs du l’APCHQ Inc. (Soreconi 050829002, 28 février 2006, Alcide Fournier, arbitre).

Laurier Saint-Laurent et al. c. Jacques Fortin Construction Inc. et al. (18 septembre 2002, #605-05-000117-932, Hon. Juge Edouard Martin, J.C.S.).

Les Habitations Signature Inc. et Peter Folco et al, et La Garanties des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. (GAMM 2008-09-007, 29 avril 2009, Honorable juge Jeffrey Edwards, j.c.q., alors arbitre).

Waldemar Baczkowski et al. c. Développement Les Terrasses de L’Île Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neuf de l’APHCQ Inc. (GAMM , 9 juin 2004, Claude Dupuis, ing., arbitre).

Desjardins c. Vertex Construction Inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc. (GAMM 2009-12-001, 25 mai 2009, Claude Dupuis, ing., arbitre).

Syndicat des copropriétaires Place de la Falaise 556 c. Memora Construction Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APHCQ (SORECONI 070309002 et al., 27 juillet 2010, Me Michel A. Jeanniot, arbitre).

Morin c. 9131-7230 Québec Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ (SORECONI 100104001, 24 janvier 2011 Me Michel A. Jeanniot, arbitre).

 



[1] AZ-50285725 du 15 décembre 2004.

[2] Renvoi [15] Articles 4, 5, 7, 18, 132 60 et 139 du Règlement.

[3] 2007 QCCS 4701 (hon. juge Michèle Monast).

[4] Laurier Saint-Laurent et al. c. Jacques Fortin Construction Inc. et al. (18 septembre 2002, #605-05-000117-932, Hon. Juge Edouard Martin, J.C.S.,) Paragraphe [39].

[5] Les Habitations Signature Inc. et Peter Folco et al, et La Garanties des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. (GAMM 2008-09-007, 29 avril 2009) Honorable juge Jeffrey Edwards, j.c.q., alors arbitre - voir le paragraphe [25]; notre collègue Claude Dupuis ne parle pas de mesure en pouces non plus dans sa décision Waldemar Baczkowski et al. c. Développement Les Terrasses de L’Île Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neuf de l’APHCQ Inc. (GAMM , 9 juin 2004), voir paragraphes [24] et [25].

[6] Syndicat des copropriétaires Place de la Falaise 556 c. Memora Construction Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APHCQ (SORECONI 070309002 et al., 27 juillet 2010, Me Michel A. Jeanniot, arbitre).

[7] GAMM 2009-12-001, 25 mai 2009.

[8] SORECONI 100104001, 24 janvier 2011.