TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI

 

 

ENTRE :                                                        SYNDICAT ABONDANCE LA TERRE PHASE 2;

 

(ci-après « le Bénéficiaire »)

 

9216-6784 QUÉBEC INC.;

 

(ci-après « l’Entrepreneur »)

 

ET :                                                                RAYMOND CHABOT, ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC., ES QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE DU PLAN DE GARANTIE DE LA GARANTIE ABRITAT INC.;

 

(ci-après « l’Administrateur »)

 

No dossier SORECONI :    150311001  

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                         Me Michel A. Jeanniot, CIArb

 

Pour le Bénéficiaire :                                  Me Pierre-Jude Thermidor

           

Pour l’Entrepreneur :                                   Aucun représentant

 

Pour l’Administrateur :                                Me Nancy Nantel

 

Date d’audience :                                        7 et 8 septembre 2016

 

Lieu d’audience :                                         Palais de Justice de Montréal, salle 14.10

 

Date de la Décision :                                  27 septembre 2016


 

 

 

Identification complète des parties

 

 

 

 

 

Bénéficiaire :                                                Syndicat Abondance la Terre phase 2

                                                                       3480, boul. Lasalle

                                                                       Verdun (Québec)  H4G 1Z3

 

                                                                       Et son procureur :

                                                                      

                                                                       Me Pierre-Jude Thermidor

                                                                       Holmested & Associés

                                                                       1230-1010, de la Gauchetière Ouest

                                                                       Montréal (Québec)  H3B 2N23                 

                                                                      

 

Entrepreneur:                                                9216-6784 Québec Inc.

                                                                       6455, rue Jean Talon Est

                                                                       Bureau 800

                                                                       Montréal (Québec)  H1S 3E8

 

 

Administrateur :                                            Raymond Chabot, administrateur provisoire Inc., ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc.

                                                                                               7333, place des Roseraies, bureau 300

                                                                       Montréal (Québec)  H1M 2X6

 

Et son procureur :

 

Me Nancy Nantel

Contentieux des garanties

7333, place des Roseraies, bureau 300

Montréal (Québec)  H1M 2X6


 

Mandat

 

L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 2 décembre 2015.

 

Valeur en litige

 

Classe V, valeur de plus de 60 000, 00$

 

Plumitif :

 

03.11.2015             Réception par SORECONI de la demande d’arbitrage

02.12.2015             Nomination de l’arbitre

15.02.2016             Comparution pour l’Administrateur et réception du cahier de pièces

17.02.2016             LT aux parties : disponibilités recherchées pour fixer appel conférence préparatoire

18.02.2016             LT aux parties : confirmation et modalités pour appel conférence

08.03.2016             Courriel aux parties : rappel appel conférence et modalités

09.03.2016             Appel conférence préparatoire et transmission subséquente du procès-verbal

04.04.2016             LT du procureur de l’Administrateur : admission du contenu de certaines pièces, production de pièces, présence de témoins

12.05.2016             LT du procureur du Bénéficiaire : demande de remise pour l’audition fixée en mai 2016

13.05.2016             Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal

02.09.2016             Réception d’une liste d’admissions

06.09.2016             Courriel aux parties : confirmation heure et endroit de l’enquête et audition

07.09.2016             Enquête et audition

08.09.2016             Enquête et audition

27.09.2016             Décision

 

Décision

 

 

[1]           Le présent arbitrage porte sur deux (2) décisions : une première du 5 octobre 2015 et une deuxième du 4 avril 2016, toutes deux (2) sous la plume de Madame Anne Delage, conciliatrice pour l’Administrateur;

 

[2]           De consentement, les deux (2) dossiers ont été réunis pour preuve commune en une seule et même enquête et audition;

 

[3]           Les points en contention, ou du moins qui ont été portés en arbitrage, sont de la décision d’octobre 2015, les points 7 à 42 et 45 (le «Garage») et de la décision d’avril 2016, les points 1 à 9;

 

[4]           Accessoirement, les questions en litige sont :

 

[4.1]     Quelle est la date de fin des travaux et subsidiairement la date de réception des parties communes ?

 

[4.2]     Le Garage (point 45, décision du 5 octobre 2015) est-il relié (partie intégrale) du Bâtiment ?

 

[5]           Les points 7 à 42 de la décision d’octobre 2015 et les points 1 à 9 de la décision d’avril 2016 sont tributaire de la détermination par le soussigné de la date de fin des travaux / date de réception des parties communes;

 

Discussion

 

[6]           Tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrai pas ici avec force de détails tous et chacun des éléments de preuve et/ou arguments soulevés. Je me limiterai à identifier seuls les éléments ginglymes à mon processus décisionnel et ceci dans l’ordre précis où ils me furent livrés;

 

Position du Bénéficiaire

 

A)    Le droit (selon le Bénéficiaire)

 

[7]           Le Bénéficiaire plaide que le plan de garantie n’est pas une assurance, il est un cautionnement (limité). Ce qui doit guider le décideur est que cette loi et son accessoire qu’est le plan de garantie de l’Administrateur, est d’ordre public et vise à protéger le consommateur donc le Bénéficiaire (paragraphe 32 de l’onglet 3 du plan d’argumentation des Bénéficiaires);

 

[8]           Sont également à considérer les articles 19.1 et 140 du Règlement en renforcement des représentations à l’effet qu’il s’agit d’une loi d’ordre public et qui vise à protéger les consommateurs (comprendre les Bénéficiaires) :

 

[8.1]     l’article 19.1 prévoit :

 

«Le non-respect d’un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l’entrepreneur ou l’administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 17, 17.1, 18, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l’annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n’a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d’un an.

Le non-respect d’un délai ne peut non plus être opposé au bénéficiaire, lorsque les circonstances permettent d’établir que le bénéficiaire a été amené à outrepasser ce délai suite aux représentations de l’entrepreneur ou de l’administrateur.»

 

[8.2]     l’article 140 prévoit :

 

«Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.»

 

[9]           Le soussigné doit comprendre que le non-respect d’un délai de recours de mise en œuvre de la garantie par le Bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l’Entrepreneur ou l’Administrateur manque à ses obligations et que le Bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que confère le Règlement;

 

[10]        À plus forte raison, si le Bénéficiaire ne peut renoncer par convention particulière à quelque(s) disposition(s) du Règlement, il ne peut encore moins renoncer implicitement par sa conduite ou par son inaction;

 

Les concepts du «bâtiment conforme» et de la «fin des travaux»

 

[11]        Selon le procureur du Bénéficiaire, il est aberrant que la conciliatrice, Madame Anne Delage, «spécialisée» (sic) depuis plus de six (6) ans avec le plan de l’Administrateur, ne fait pas de distinction entre ces deux (2) concepts alors que l’article 8 du Règlement, par définition, informe que la fin des travaux est la date à laquelle tous les travaux de l’Entrepreneur convenus par écrit avec le Bénéficiaire et relatif au bâtiment sont exécutés et que le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine;

 

[12]        Pour plus amples précisions, je me permets ici de reproduire l’article 8 du Règlement, lequel se lit comme suis :

 

«Pour l’application de la présente sous-section, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:

 

«fin des travaux»: la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs au bâtiment sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine;

 

«parachèvement des travaux»: le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et prévus au contrat original conclu entre le bénéficiaire et l’entrepreneur et celui des travaux supplémentaires convenus par écrit entre les parties;

 

«réception du bâtiment»: l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique, le cas échéant, les travaux à parachever ou à corriger.»

 

[13]        Selon le Bénéficiaire, le concept de fin des travaux a deux (2) composantes distinctes :

 

[13.1]  fin des travaux convenus avec l’entrepreneur; et

 

[13.2]  le bâtiment est conforme à l’usage auquel il est destiné;

 

[14]        Laissant ainsi entrevoir que le concept ne serait pas rencontré si tous les travaux sont terminés mais que le bâtiment n’est toujours pas conforme à l’usage auquel il est destiné, il s’appuie sur sa lecture de l’article 25 du Règlement qui prévoie:

 

«Fin des travaux de la partie commune»

«(…) la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatif aux parties communes sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel il est destiné»;

 

[15]        Le Garage (point 45 de la décision d’octobre 2015) fait partie des «travaux des parties communes» qui devaient être fait par l’Entrepreneur (ceci ne semble pas contesté). Le fait que le Garage n’est pas terminé (ceci non plus n’est pas contesté) signifie qu’il n’y a pas fin des travaux et donc qu’il n’y a pas réception des parties communes;

 

[16]        Se référant, à nouveau, à l’article 25.1, paragraphe 3 lequel prévoit que «l’avis de fin des travaux informe le syndicat de ses obligations en regard de la réception», on nous plaide que «quelque part», le syndicat (le Bénéficiaire) doit être «avisé» de «ses obligations» avant qu’on lui reproche défaut d’agir. S’il n’est pas ainsi avisé de ses obligations, s’il y a eu manquements ou représentations erronées, à nouveau, on ne peut lui en tenir rigueur;

 

[17]        Je me permets ici de reproduire l’article 25.1 du Règlement :

 

«Aux fins de la présente sous-section, la réception est présumée avoir eu lieu au plus tard 6 mois après la réception de l’avis de fin de travaux si les conditions suivantes sont remplies:

 

1°  les travaux sont terminés;

 

2°  le syndicat est formé et n’est plus sous le contrôle de l’entrepreneur;

 

3°  l’avis de fin de travaux transmis par l’entrepreneur au syndicat, au moment où ce dernier n’était plus contrôlé par l’entrepreneur, l’informait de la fin des travaux et de ses obligations en regard de la réception;

 

4°  il s’est écoulé un délai de 6 mois depuis la réception de cet avis par le syndicat et ce dernier, sans motif, n’a pas reçu les parties communes.»

 

[18]        Avant de conclure sur ce volet, un point important de leurs représentations adresse ce que doit être «la façon de procéder à la réception des parties communes»;

 

[19]        On me soumet qu’il y en a que trois (3), qu’il (le Bénéficiaire) identifie comme suit:

 

[19.1]    la façon «formalité rigoureuse» (sic), c’est-à-dire l’attestation signée;

 

[19.2]    depuis 2006, l’article 25.1 du Règlement qui vient créer une «présomption de réception» des parties communes; et

 

[19.3]    on me suggère que selon une certaine jurisprudence, il y aurait une troisième façon. Cette troisième façon qu’on peut qualifier de «réception administrative» tire sa source de mon «pouvoir en équité» (sic) [article 116 du Règlement];

 

[20]        L’article 116 du Règlement prévoit :

 

«Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»

 

[21]        Le procureur du Bénéficiaire s’inscrit illico en faux sur cette troisième option et plaide que ceci est à proscrire parce que la Loi est claire : elle prévoit limitativement quelles sont les conditions préliminaires à la réception et que j’y suis lié, mais (de bene esse) si je ne décide à asseoir ma décision sur une question d’équité, je me devrai de considérer le comportement des deux (2) parties et que l’équité ne peut pas pénaliser la partie qui est diligente au bénéfice de la partie qui a été négligente;

 

B)    La preuve (selon le Bénéficiaire)

 

Sur la pièce A-1, le certificat d’achèvement substantiel de l’ouvrage

 

[22]        Le 17 mars 2015, le procureur du Bénéficiaire informe le procureur de l’Administrateur qu’il n’admettra pas le contenu de la pièce A-1 et exige la possibilité de contre-interroger son auteur, l’architecte Jacques-Antoine St-Jean;

 

[23]        L’Administrateur a pris la décision stratégique de ne pas assigné Monsieur St-Jean à l’enquête et audition;

 

[24]        Le Bénéficiaire ne nie pas que ce document existe et accepte que la copie produite est conforme à l’original mais s’inscrit en faux quant à ses termes et propos et plaide qu’il ne puisse faire la preuve de la véracité de son contenu;

 

[25]        Vu que Madame Delage avait utilisé la pièce A-1 pour statuer que les travaux étaient «conformes à l’usage auquel ils étaient destinés», il aurait été préférable que son auteur soit présent pour habiliter sa production;

 

[26]        Selon le Bénéficiaire, ce document-là ne peut pas faire cette preuve pour deux (2) raisons :

 

[26.1]    les travaux prévus au contrat ne sont pas terminés; et

 

[26.2]    le bâtiment n’est pas en état de servir conformément à l’usage auquel il est destiné;

 

[27]        Les représentants du Bénéficiaire, se référant, par la suite, à la pièce P-16 qui est la liste d’inspection de pré-réception (qui est le document pré-imprimé standardisé de l’Administrateur), nous fait remarquer qu’on y retrouve, à la page 3,  la liste des éléments qui doivent être vérifiés. On voit qu’il y a «le Garage». Par déduction, le Bénéficiaire représente que le Garage fait donc partie de ce que l’inspecteur doit vérifier avant de prononcer la réception des parties communes et si le Garage (qui fait partie des parties communes) n’est pas terminé, il ne peut pas avoir de «fin des travaux» ou accessoirement «réception des parties communes»;

 

[28]        Se référant ensuite à la pièce A-6 (du 14 mars 2014), une lettre adressée à l’Administrateur dans laquelle le Bénéficiaire écrit que «l’achèvement des parties communes est loin d’être complété, le rythme de travail est extrêmement lent» (pour y joindre la liste des travaux à complété, une liste qui incluait le Garage); fin des travaux et réception des parties communes doit donc indubitablement être postérieure au 14 mars 2014;

 

[29]        Sur le même thème, se référant ensuite à la pièce A-7, on peut y lire : «the common area work is not substantialy completed, Garage yet to be started». Même chose à la pièce A-5 (l’inspection de Monsieur Dussault) où on pouvait y lire «les travaux de parties communes sont terminés sauf le Garage» et toujours en terme des travaux qui ne sont pas complétés (pièce A-5, page 8) en rapport aux attestations de conformité, cet inspecteur retenu par les bénéficiaires fait état de ses «réserves par rapport à l’installation de système de gicleur et au système d’incendie»,  et de la nécessité pour le Bénéficiaire d’obtenir de l’Entrepreneur les attestations;

 

[30]        On porte, par la suite, à mon attention l’annexe 2 du Règlement (liste des engagements de l’Entrepreneur) et son article 11 lequel prévoit que l’Entrepreneur doit :

 

«(…) transmettre sur demande de l’administrateur, les rapports de surveillance continue et l’attestation de conformité préparés par un professionnel du bâtiment indépendant de l’entrepreneur, le cas échéant;»

 

[31]        Il y serait donc clairement indiqué que l’Entrepreneur doit transmettre sur demande de l’Administrateur, les rapports de surveillance continue et l’attestation de conformité préparé par un professionnel du bâtiment indépendant;

 

[32]        Donc, soit que l’Administrateur a reçu de tel(s) rapport(s) et/ou attestation(s) ou non et que c’est à l’Administrateur de s’assurer que l’Entrepreneur adresse ses démarches. On me plaide donc que l’Administrateur serait mal venu de se déresponsabiliser tout en reprochant au Bénéficiaire de ne pas avoir agi de façon responsable;

 

[33]        Suite à une inspection sous l’égide de la Régie du bâtiment du Québec (la «RBQ»), il y eut une deuxième décision de l’Administrateur (celle d’avril 2016). Le Bénéficiaire nous suggère que s’il est possible que ceci pouvait constituer une date de fin des travaux, ceci ne constituait pas une «réception des parties communes»;

 

[34]        À tout évènement, on ajoute que l’avis de fin des travaux n’a pas été transmis puisque si un document existant adresse cette question, il n’en inclue pas une composante importante qui doit informer le syndicat des obligations qui lui incombait;

 

Le bâtiment était-il en état de servir conformément à l’usage auquel il était destiné ?

 

[35]        Est-ce que l’immeuble était conforme à l’usage auquel il était destiné ? Pour répondre à cette question, le Bénéficiaire propose qu’il faille préalablement poser la question : il était destiné à quoi ?

 

[36]        Primo, sur ce, on nous réfère à la pièce P-7 qui nous informe à l’effet que ce bâtiment, sur la foi du permis de construction qui a été émis, est un bloc d’unité résidentielle détenue en copropriété et qui doit avoir un Garage lequel est «considéré comme partie intégrale du projet»;

 

[37]        Donc, ce qui m’est soumis, est que la finalité de cet immeuble, vu les conditions d’émission du permis de construction, est, entre autre, d’avoir un Garage. S’il n’y a pas de Garage, il n’est pas «fini» non plus que conforme à la réglementation municipale qui permettait l’usage auquel il est destiné;

 

[38]        Secundo : il s’agit d’un immeuble résidentiel au sein duquel (forcément) des habitants devront y vivre. L’immeuble doit être sécuritaire et quand on examine le rapport de Monsieur Dussault (pièce A-5) en terme de sécurité on dénote, à tout le moins, vingt-six (26) «lumières rouges» (sic);


 

[39]        En plaidoirie, le Bénéficiaire représente que :

 

[39.1]    Le point culminant de cette absence de sécurité est arrivé en juin 2015 quand un déménageur circulant à la passerelle du 3e étage a vu le plancher flancher sous ses pas. Il est alors tombé de 2 étages. On ne peut alors dire que cet immeuble est sécuritaire.

 

[39.2]    Subsidiairement, ce n’est pas parce que les individus prennent le risque d’occuper leurs unités qu’on peut prétendre que l’immeuble est sécuritaire.

 

[39.3]    Si l’immeuble n’est pas «sécuritaire», il ne peut pas être conforme à l’usage auquel il est destiné.

 

[40]        Selon le Bénéficiaire, il n’est pas acceptable de suggérer que «puisque des gens habitent dans un immeuble» qu’il est conforme à l’usage auquel il est destiné;

 

[41]        Tertio, en réplique à la position de Madame Delage à l’effet que : «le transfert de contrôle de l’Entrepreneur au Bénéficiaire fut en date du 26 juillet» et qu’à partir ce moment (juillet 2013) selon Madame Delage : «le syndicat devait être assez informé de ses obligations et donc, dans les six mois du 26 juillet 2013, aurait dû procéder à la réception des parties communes. Puisque ceci ne fut fait, elle en déduit une certaine forme de négligence du syndicat. On m’affirme qu’en juillet 2013, lorsque le contrôle du syndicat a été transféré au propriétaire, jamais, en aucun temps, quelques informations ne leur furent offertes concernant les obligations leur incombant;

 

[42]        Toujours en juillet 2013, Monsieur Gauthier témoigne à l’effet qu’à ce moment-là, leurs (le Bénéficiaire) énergies étaient sur «il y a des choses prioritaires qui doivent être faites». Ils ont dirigés leurs efforts vers l’Entrepreneur «afin qu’il vienne faire ses travaux» («il y a des travaux urgents et il y a des travaux de parachèvement qui doivent être fait donc on est focusés là-dessus et on voit avec la pièce P-9 les travaux qu’ils ont fait»);

 

[43]        Se référant à la pièce P-11, Monsieur Gauthier nous dit qu’en octobre 2013, «vue que l’entrepreneur tergiverse, on appelle la garantie pour savoir qu’est-ce qui est à faire»;

 

[44]        Toujours selon la preuve administrée par le Bénéficiaire, il y aurait une politique à l’interne, chez l’Administrateur, une procédure «administrative» à l’effet qu’après six (6) mois du transfert de contrôle au syndicat de l’Entrepreneur à une majorité de copropriétaires, il y a présomption de réception des parties communes;

 

[45]        Selon les représentations du Bénéficiaire, la pièce P-9 (qui est une chaîne de courriels de janvier 2014), on comprend que la liste de priorités adressées par le syndicat est communiquée à l’Entrepreneur suite à certaines discussions. L’Entrepreneur écrit (répond) «I will be back on the week-end and will act starting Monday». Le syndicat se dit alors que l’Entrepreneur va peut-être (enfin) venir effectivement faire (comprendre «finir») les travaux;

 

[46]        Quelle est l’attitude de l’Entrepreneur lorsque le syndicat véhicule ses griefs ? L’Entrepreneur promet «on va venir faire les travaux, ça va être long mais on va faire les travaux» et donc, selon le Bénéficiaire, la date de parachèvement est repoussée jusqu’en janvier 2015 où l’Entrepreneur dit : «c’est assez, je ne reviens plus»;

 

Communications avec l’Administrateur

 

[47]        En mars 2014 (pièce A-6), le syndicat écrit à l’Administrateur pour savoir ce qu’il doit faire;

 

[48]        Selon la preuve administrée, on informe l’Administrateur que l’espace commun n’a pas été achevé et qu’aucune inspection n’a encore eue lieue. Deux (2) points importants : le Bénéficiaire n’a pas connaissance de l’avis de fin des travaux (pièce A-1) et l’immeuble n’est pas terminé (ou conforme à l’usage auquel il est destiné) :

 

[48.1]    l’Administrateur aurait répondu (verbalement) que tant que l’Entrepreneur ne finit pas ses travaux, il (l’Administrateur) ne peut rien faire ! ;

 

[49]        L’Administrateur aurait suivi ses représentations verbales par la pièce A-24. La pièce A-24 est datée du 31 mars 2014. Cette correspondance aurait été reçue (selon le tampon), le 7 mai 2014. Cette correspondance du 7 mai 2014 informe le syndicat que la procédure de réclamation requière un chèque de 100$ et un avis de fin des travaux;

 

[50]        Ce qui nous amène à la pièce A-7 où le syndicat envoie une mise en demeure à l’Entrepreneur de venir terminer les travaux afin d’obtenir «l’avis de fin des travaux» et que puisse «commencer le processus avec la garantie». Nous sommes le 28 mai 2014, le syndicat donne un délai de trente (30) jours à l’Entrepreneur, ce qui  amène au 28 juin 2014. Vue l’immobilisme de l’Entrepreneur au 28 juin 2014, le syndicat envoie sa réclamation à l’Administrateur avec le chèque de 100$ (voir pièces A-8 et A-9);

 

[51]        Début juillet 2014, a lieu une inspection par un expert du bâtiment choisi par le syndicat, Monsieur François Dussault (pièce A-5);

 

[52]        Avant de conclure sur ce thème, il est abordé sommairement les articles 26, 27, 33.1 et 34 du Règlement;

 

[53]        L’article 26 du Règlement prévoit inter alia que la garantie existe dans les cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles avant la réception des parties communes, des acomptes versés et le parachèvement des travaux (etc.);

 

[54]        L’article 27 inter alia prévoit que la garantie dans le cas d’un manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles après la réception des parties privatives ou des parties communes;

 

[55]        Le Bénéficiaire, ensuite, se réfère à l’article 33.1 qui vise la procédure qui doit être faite lorsqu’on est avant la réception des parties communes et l’article 34 lorsque, après la réception des parties communes;

 

Le Garage (point 45 de la décision du 5 octobre 2015)

 

Quelle est la preuve documentaire soumise ?

 

[56]        Selon la pièce P-6 qui inclue certains plans de l’architecte Lavigne (qui est venu nous expliquer dans quel contexte ils ont été fait) et les pièces P-3 et P-5 (lettre de l’inspecteur Dussault), le Bénéficiaire soumet que ceci constitue une preuve documentaire à l’effet que le Garage est (doit être) «relié» au bâtiment principal;

 

[57]        À contrario, pour suggérer que le Garage n’est pas relié, il y a absence absolue de preuve documentaire;

 

[58]        Pour ce qui est de la preuve testimoniale versée par Madame Delage, cette dernière a admis s’être référé à un plan d’architecte qui démontrait que le Garage était initialement relié au bâtiment mais qu’elle aurait, depuis, changé d’idée;

 

[59]        De même, Madame Delage en regardant le plan n°750 de la liasse cotée P-6 a été obligée d’admettre qu’en regardant ce plan, effectivement, le Garage prévu semble être relié au bâtiment;

 

[60]        Ceci étant dit, l’architecte Lavigne est venu expliquer qu’en tout temps (comprendre au fil des différents plans d’architecture), les plans prévoyaient toujours que :

 

[60.1]    il y avait un Garage; et

 

[60.2]    le Garage était relié au bâtiment;

 

[61]        Selon l’architecte Lavigne, le Garage est prévu pour être relié au bâtiment et si une certaine partie n’y est pas reliée en raison d’une entrée cochère, ceci ne signifie pas que le Garage «n’est pas relié au bâtiment principal»;

 

[62]        Un des arguments de la conciliatrice Delage réside dans le fait qu’une partie du mur mitoyen sur lequel le Garage doit être apposé, aujourd’hui, est briqueté, ce qui peut suggérer que le Garage serait éventuellement une construction parallèle;

 

[63]        Sur ce dernier point, Monsieur Lavigne est venu expliquer que dans les plans, ce mur n’est pas prévu être briqueté. Si l’Entrepreneur à décider de briqueter avant de construire le Garage, ceci signifie plutôt son intention de se soustraire à ses obligations et ne pas faire de Garage. Le Garage était prévu d’être «fusionné» au bâtiment principal. Ces deux (2) «éléments structurels» partageaient des éléments importants tels que l’électricité, une toiture commune, un mur mitoyen, des assises de fondations, fondation, système de drainage (commun) bref, tout militait pour que ça soit un seul et même bâtiment;

 

Conclusions recherchées par le Bénéficiaire

 

[64]        Le Bénéficiaire demande d’infirmer les décisions pour les points 7 à 42 et 45 de la décision d’octobre 2015 et les points 1 à 9 de la décision d’avril 2016. Il demande aussi de fixer la date de réception des parties communes (à une date «future» à être éventuellement déterminée). Il demande aussi d’ordonner à l’Administrateur d’intervenir en lieu et place afin de réaliser (parachever) les travaux;

 

[65]        Le Bénéficiaire suggère que j’ai le pouvoir en équité prévu à l’article 116 du Règlement qui m’habilite et me donne juridiction de fixer la date de réception des parties communes mais que pour fixer la date de la réception des parties communes, il faut préalablement que les travaux soient terminés et pour que les travaux soient terminés, il faut que le Garage soit terminé. Ce qu’on me demande c’est de déterminer une date à laquelle les travaux du Garage doivent être terminés pour que la réception des parties communes puissent se faire (!);

 

[66]        Selon le Bénéficiaire, je devrais (si j’adhères à ses points de vue) déclarer que le bâtiment n’est pas complet, qu’il n’y a donc pas réception des parties communes, que les travaux soient fait à l’intérieur d’une certaine grille de temps et qu’à la fin des travaux, il y aurait alors réception des parties communes;

 

[67]        Le Règlement prévoit que l’Entrepreneur doit fournir l’avis de fin des travaux. Le plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur. C’est l’Administrateur qui doit prendre fait et cause, qui doit reprendre à sa charge le projet, qui doit donner l’avis de fin des travaux et qui doit intervenir;

 

Selon l’Administrateur

 

[68]        Suivant l’ordre des représentations du Bénéficiaire, l’Administrateur aborde la question en lien avec la réception des parties communes puis terminera par «le Garage»;

 

[69]        Selon sa (la procureur de l’Administrateur) compréhension des représentations  du représentant du Bénéficiaire, ces derniers plaideraient qu’il ne peut y avoir de réception des parties communes même à l’heure actuelle car les travaux prévus au contrat ne sont pas terminés vu, entre autre, le bâtiment est impropre à l’usage auquel il est destiné et l’absence du Garage;

 

[70]        Pourtant, et dans le rapport de Monsieur Dussault, qui est un professionnel retenue par le Bénéficiaire (onglet A-5, page 6), celui-ci déclare que les travaux des parties communes sont terminés sauf pour le Garage extérieur. Donc, même si certaines non-conformités sont mentionnées dans le rapport de Monsieur Dussault, cela n’empêche ce dernier de dire que «les travaux sont terminés». Les non-conformités corrigées au rapport Dussault doivent être considérées comme du parachèvement;

 

[71]        Même si tous les travaux prévus au contrat n’étaient pas terminés, compte tenu que le bâtiment principal, lui était terminé, ceci n’empêcherait pas la «réception du bâtiment» (sic);

 

[72]        L’Administrateur nous suggère que la première question à se poser est : «est-ce que le parachèvement qui reste à faire» donc, la non-construction du Garage doit empêcher la réception des parties communes ?;

 

[73]        Les questions de parachèvement, qui sont mentionnés dans le rapport Dussault (pièce A-5) ont-elles pour effet d’empêcher la réception des parties communes à l’heure actuelle? Ou même en 2013 ? Car on me suggère qu’il a été mis en preuve que le bâtiment est à peu près dans le même état qu’il était en novembre 2013 sauf quelques petites réparations au niveau de la ventilation mais sensiblement, dans son ensemble, il est plus ou moins dans la même situation qu’il se trouvait fin 2013;

 

[74]        Plus particulièrement, est-ce que malgré qu’il y ait certains éléments (26) de sécurité (qui ne sont pas conformes ou pour lesquels des attestations de conformité sont nécessaire) est-ce que ceci peut avoir comme effet d’empêcher la réception des parties communes ?;

 

[75]        La prétention de l’Administrateur c’est dire que non. Ces non-conformités ou ces questions de parachèvement n’empêchent pas l’usage du bâtiment. À titre d’exemple, on cite le fait que certaines balustrades à l’étage n’étaient pas conformes. Madame Delage a expliqué que ceci concernait uniquement trois (3) balcons à usage restreint (privatif). Il n’est pas automatique qu’on va tomber, la balustrade est simplement incomplète, comprendre de hauteur insuffisante et donc, simplement «dangereuse». Le fait qu’ailleurs il n’y ait pas de main courante dans un escalier «c’est une question de sécurité mais ça ne veut pas dire nécessairement que parce qu’il n’y a pas de main courante, qu’on va tomber (automatiquement) en utilisant l’escalier». Ceci n’empêche pas l’usage du bâtiment. Le procureur de l’Administrateur reconnaît qu’il faut qu’il y ait des modifications pour rendre le bâtiment conforme aux normes mais qu’il s’agit de parachèvement. Ça ne peut pas en empêcher l’usage. D’ailleurs, si la situation était si dramatique, personne n’aurait voulu emménager dans leur condo (et on a une admission du Bénéficiaire dans une lettre [pièce A-6] qui expose que «les copropriétaires ont commencés l’emménagement en début 2013»);

 

[76]        Se référant ensuite à la pièce A-18 où on identifie dates de vente des condos, on constate qu’en décembre 2013, il n’y avait qu’une unité invendue (la majorité avait été vendue en juillet 2013 et était habité). Aucune preuve ne fut offerte à l’effet qu’un bénéficiaire aurait dit «non, non, moi j’ai acheté le condo mais je n’emménage pas parce qu’il y a une question de sécurité»;

 

[77]        Les copropriétaires habitent le bâtiment depuis trois (3) ans. Il y a donc un critère «d’habitabilité» (sic) qui est rencontré;

 

[78]        Répliquant aux représentations qui ont référé à l’onglet P-7 (la lettre de la ville à l’effet qu’il faut absolument un Garage pour l’usage du bâtiment), on me suggère que la couverture de la garantie n’est que pour l’usage résidentiel, plus précisément que la protection offerte par le Règlement se limite à l’espace réservé à un usage résidentiel et qu’un Garage est un accessoire à l’espace réservé à un usage résidentiel. Qu’il soit lié ou pas au bâtiment, l’usage principal du Garage n’est pas «résidentiel». Ce qui contribue à exclure ici le Garage. Réitérant à satiété qu’il y a des gens qui habitent le bâtiment depuis trois (3) ans, l’usage résidentiel est rencontré;

 

[79]        L’Administrateur propose que selon la logique du Bénéficiaire, nous serions présentement avant réception. Si tel est le cas, ce qui est couvert par la garantie sont les acomptes. La garantie aurait donc la discrétion de décider soit d’effectuer le parachèvement, soit de simplement rembourser les acomptes qui ont été versés par les bénéficiaires, un remboursement sous réserve des limites prévues par le Règlement, avant janvier 2015. Si le soussigné arrive à la conclusion qu’il n’y a pas de réception, l’Administrateur pourrait se limiter à rembourser les acomptes jusqu’à concurrence des limites du Règlement précédent;

 

[80]        Subsidiairement, on me représente que ce n’est pas vrai que depuis l’adoption de l’article 25.1 qu’on ne peut pas recourir à l’usage pour établir une date de réception des parties communes (quand il y a absence d’avis de fin de travaux qui est envoyé par l’Entrepreneur). Le cahier d’autorité émis par l’Administrateur se réfère d’ailleurs abondamment à plusieurs décisions et à cet effet;

 

[81]        L’Administrateur reconnaît qu’on peut faire appel à l’équité pour établir réception des parties communes mais précise que l’équité peut être utilisée également en faveur de l’Administrateur (ou l’Entrepreneur). De plus, on veut souligner qu’il serait contraire à l’esprit du Règlement que les garanties puissent survivre indéfiniment. Il faut qu’il y ait une date de début et la date de début c’est la date de réception des parties communes. Indûment reculer la date de réception des parties communes viendrait à pénaliser et prolongerait indûment les garanties qui sont données par le règlement et que l’Administrateur doit honorer. C’est d’ailleurs en fonction de ces critères que la prime est établie;

 

[82]        On me réitère qu’il y a plusieurs éléments que je dois considérer afin de déterminer s’il y a réception des parties communes. Le premier, bien entendu, étant le critère d’habitabilité. Le deuxième est la perte de contrôle du syndicat par l’Entrepreneur, (le concept d’indépendance du syndicat). Toujours selon la preuve administrée, l’indépendance du syndicat, ici, est survenue en juillet 2013;

 

Sur la conduite des parties (selon l’Administrateur)

 

[83]        Bien que le Règlement puisse s’apparenter à un règlement de protection du consommateur, il n’est certainement pas de l’intention du législateur de déresponsabiliser les Bénéficiaires quant à leurs devoirs et obligations. Si la conduite des parties doit être prise en considération, ceci inclut la conduite des Bénéficiaires;

 

[84]        Dans un procès-verbal du conseil d’administration du Bénéficiaire (la réunion du 11 mars 2014, pièce A-8, page 2), le Bénéficiaire appert s’être informé du prix que coûterait l’inspection des parties communes (un estimé à 500 $, haut de la page 2 du procès-verbal). Donc, connaissance présumée de cette obligation préliminaire à la réception des parties communes dès mars 2014;

 

[85]        Le Bénéficiaire, à l’époque, était préoccupé; il y avait des travaux urgents et ce que l’Administrateur a compris de la preuve est que l’Entrepreneur est venu au chantier pour une dernière fois début janvier 2014 et il n’est plus revenu et ceci malgré l’envoi d’une mise en demeure à l’Entrepreneur en novembre 2013 et d’une rencontre en mars 2014. La garantie (comprendre l’Administrateur) n’est toujours pas avisée;

 

[86]        Le 31 mars 2014, la garantie envoie la lettre standard (pièce A-24) qui informe le Bénéficiaire que s’il veut faire une plainte relativement aux parties communes, voici les documents qu’il doit fournir : formulaire de réclamation et copie de dénonciation à l’Entrepreneur (mise en demeure). À partir de ce moment «ça devrait allumer une lumière (sic) et faire prendre conscience au Bénéficiaire que doit être compléter un formulaire de réception des parties communes avec l’aide d’un professionnel du bâtiment pour procéder à l’inspection pré-réception». Alors que l’Entrepreneur n’est pas intervenu et n’a pas fait de promesse de travaux depuis janvier 2014, le Bénéficiaire attend sept (7) mois avant de se faire;

 

[87]        On me suggère qu’il y a négligence puisque le porte-parole du Bénéficiaire n’est pas un profane, à cette époque, le président est un «gestionnaire professionnel» (sic);

 

[88]        L’article 35.1 du règlement, aliéna 2 prévoit que le non-respect d’un délai ne peut non plus être opposé aux bénéficiaires lorsque les circonstances permettent d’établir que le bénéficiaire a été amené à outrepasser ce délai suite aux représentations de l’entrepreneur et l’administrateur;

 

[89]        L’Administrateur nous représente n’avoir fait aucune représentation pour empêcher ou retarder l’inspection pré-réception;

 

[90]        L’Administrateur ne pouvait pas connaître l’avancement des travaux. Il fut avisé uniquement lorsqu’il reçoit le formulaire de réception des parties communes ou copie d’une mise en demeure qui est transmise à l’Entrepreneur pour l’achèvement («parachèvement») des travaux. Si l’Administrateur fut gardé à l’écart, il ne peut être blâmé pour son immobilisme. Les obligations de l’Administrateur peuvent être, dans une certaine mesure avec effet rétroactif puisqu’il cautionne les obligations de l’Entrepreneur mais tant qu’on ne l’avise pas, on ne peut pas lui reprocher son inaction;

 

Sur le Garage

 

[91]        Il faut se référer à l’article 29, paragraphe 9 du Règlement :

 

«Sont exclus de la garantie:

 

«9°  les espaces de stationnement et les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvrage situé à l’extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain à l’exception de la pente négative du terrain;»

 

[92]        L’article 29, paragraphe 9 doit être lu conjointement avec l’article 1 du Règlement qui définit le mot «bâtiment» :

 

«bâtiment: le bâtiment lui-même, y compris les installations et les équipements nécessaires à son utilisation soit le puits artésien, les raccordements aux services municipaux ou gouvernementaux, la fosse septique et son champ d’épuration et le drain français»;

 

[93]        On rappelle que ce qui est couvert par la garantie c’est l’utilisation résidentielle tel que notamment et à tire d’exemple, le puits artésien, le raccordement aux services municipaux ou gouvernementaux, la fosse septique et son champ d’épuration et le drain français. Bien que l’article 29 n’est pas une énumération limitative, l’article 1, lui, serait limitatif;

 

[94]        L’Administrateur soutien qu’il n’y a pas de lien prévu entre le Garage et les passerelles qui donnent accès aux unités privatives. La porte cochère prévue pourrait exister ou ne pas exister et ceci n’affecterait en rien l’usage du Garage ou de l’immeuble principal. Il n’y a rien pour les relier ensembles. La porte cochère n’est qu’un passage. Il pourrait y avoir juste un passage (complètement ouvert) comme c’est le cas présentement entre l’immeuble principal et le Garage (à venir) et ça ne changerait rien à la structure du bâtiment principal comme tel;

 

[95]        En preuve principale, il fut représenté par l’architecte Lavigne (pour le Bénéficiaire) que le bâtiment principal et le Garage partageait la même fondation. Selon l’Administrateur, la photo satellite démontre qu’il n’y a qu’un trottoir (de béton) entre les deux. À l’heure actuelle, ce qui a été coulé c’est uniquement la semelle puis les murs de la semelle. Depuis, le «trou» fut (temporairement et provisoirement) rempli (question de sécurité). Présentement, le bâtiment principal existe, il est terminé et n’est pas affecté par l’absence du Garage;

 

[96]        Il y avait aussi la prétention qu’il y aurait électricité et chauffage qui serait commun aux deux (Garage et bâtiment principal). À l’heure actuelle, il n’y a aucune électricité ni aucun chauffage qui est passé et tel que pour un «cabanon» ou une «remise», ce n’est pas parce qu’on passe l’électricité du bâtiment principal vers un cabanon que ce cabanon en devient une partie intégrante du bâtiment;

 

[97]        En réplique à la prétention que la ville exige qu’un Garage soit construit pour être conforme au permis de construction qui a été émis, on nous fait remarquer que la preuve ne précise pas quel plan fut remis à la ville relativement au Garage. Certes, des plans furent soumis mais lesquels ? On a vu plusieurs versions de plans mais on ne sait pas lesquels furent déposés pour fin de permis. Comme mentionné, la stratégie du Garage a évoluée, tout ce qui est, semble-t-il, certain est qu’il doit y avoir au moins neuf (9) cases de stationnement. Ça n’indique pas que le Garage doit être attaché au bâtiment. Oui, il doit y avoir un bâtiment avec neuf (9) espaces de stationnement mais ça ne peut pas être un argument pour dire que celui-ci doit nécessairement être attaché au bâtiment principal;

 

[98]        Le procureur de l’Administrateur comprend mal qu’il y a nécessité d’un mur mitoyen entre la structure du Garage et le bâtiment existant s’il y a une porte cochère avec un toit. Ce n’est pas nécessaire qu’il y ait un mur mitoyen. À la rigueur, ce ne saurait qu’être une question esthétique pour combler un trou, un vide. La porte cochère ne fait pas partie intégrante de la structure du Garage. Le vide a comblé et l’harmonisation du toit ne fait pas du Garage une partie intégrante du bâtiment résidentiel;

 

[99]        Le Garage est un accessoire qui, selon les articles 1 et 29 du Règlement, ne fait pas partie intégrante du bâtiment. Le fait de relié les 2 structures par des éléments de maçonneries ne peut permettre de conclure que le Garage fait partie intégrante du bâtiment;

 

Brève réplique du Bénéficiaire

 

[100]     L’argumentation du procureur de l’Administrateur ne reprendrait pas fidèlement la preuve qui a été administrée et l’exemple le plus flagrant est à l’effet qu’avant juillet 2014, la garantie «n’était pas informée». On nous réfère à A-6, lettre adressée au plan de garantie et étampée reçue 19 mars 2014, lettre à laquelle le Bénéficiaire fait la liste de toutes ses doléances;

 

[101]     Autre point : réception des parties communes. On nous dit ce qu’on doit regarder se sont les critères d’habitabilité des unités privatives et la perte de contrôle par l’Entrepreneur du syndicat. Ce qu’on me soumet c’est que les critères d’habitabilité laissent une porte grande ouverte à la subjectivité et que l’équité peut donc ici jouer (sic). Ce qui est habitable pour un ne sera pas nécessaire habitable pour l’autre. Quand on vient nous dire que «parce qu’il y a des gens qui y habitent, forcément c’est habitable; pas nécessairement». Il y a des raisons pour lesquelles une personne pourrait être contrainte d’emménager indépendamment que l’unité soit «habitable» au sens du Règlement;

 

[102]     On me soumet qu’en adoptant les critères de Madame Delage, on peut arriver à quelque chose d’habitable très rapidement. Il faudrait juste une enveloppe avec des escaliers pour s’y rendre et puis on serait dans quelque chose «d’habitable»;

 

[103]     Pour le Garage et en lien avec ce que le procureur de l’Administrateur plaidait, concernant la porte cochère, le mur au-dessus de cette entrée est mitoyen jusqu’au toit. Les deux (2) structures sont prévues imbriquées l’une à l’autre en laissant un couloir au rez-de-jardin. Cela n’en fait pas pour autant un immeuble détaché du bâtiment principal; outre l’ouverture pour la porte cochère; il s’agit d’un mur mitoyen entre le Garage et le bâtiment principale pour en faire qu’un seul bâtiment tant au point de vue visuel pour le profane que d’un point de vue plus technique en matière de construction;

 

Jugé

 

[104]     D’entrée, je me dois de préciser que chaque cas est un cas d’espèce et si certains sont plus évident que d’autres, ce qui est ou non situé hors du périmètre du bâtiment principal ou ce qui est ou non composante (partie intégrante) du bâtiment est et se doit de demeurer à l’appréciation du décideur;

 

Quant à la date de fin des travaux et réception du bâtiment

 

Vers une interprétation de réception des parties communes

 

[105]     L’article 25 du Règlement prévoit qu’il y a fin des travaux des parties communes sous réserve (…) de menus travaux à parachever (…);

 

[106]     Par «menus travaux», menus s’adjoint à titre d’adjectif de premier niveau : mince, frêle et en second «qui a peu d’importance»;

 

[107]     Le soussigné doit-il conclure que les cent cinquante-huit (158) points qui constituent la section «travaux à parachever» au rapport d’inspection (pré-réception) de Monsieur François Dussault T.P. (7 juillet 2014, pièce A-5) constitue ou non des menus travaux et que de ces 158 éléments dont plus ou moins 26 sont considérés problématiques au niveau de la sécurité des occupants doit constituer des travaux de nature de faible ou négligeables importances;

 

[108]     Je suggère que dans la présente instance, il me serait inapproprié de me substituer à l’expert retenu par le Bénéficiaire dans le cadre du rapport d’inspection pré-réception requis (pièce A-5). Le but de ce rapport étant un examen des principaux systèmes et composantes des parties détenues en copropriété afin de précisément déterminer si le bâtiment était complet et prêt pour livraison (ainsi que pour faire rapport sur les éléments nécessitant des travaux de parachèvement, de correction ou de réparation);

 

[109]     L’auteur de ce rapport établi (et l’auteur de sa propre plume l’identifiant en caractères gras et souligné) que les travaux relatifs aux parties communes du bâtiment «sont terminés sauf pour le Garage extérieur»;

 

[110]     Ce rapport de Monsieur Dussault, le professionnel retenu par le Bénéficiaire, prend position: sauf et à l’exception d’une distinction importante à savoir la construction du Garage. Il considère que le reste des travaux sont du «parachèvement»;

 

[111]     Je n’accepte pas qu’à eux seuls, on puisse identifier les dates de vente des unités privatives pour constater qu’en 2013, l’ensemble des unités (sauf une) était vendues et que ceci pourrait constituer, en soi, une fin des travaux;

 

[112]     Je n’accepte non plus que si certains éléments de sécurité n’ont pas pour effet d’empêcher la réception des parties communes, de simplement prétendre que, et parce que le bâtiment (ou les unités) sont habités que le bâtiment est nécessaire apte l’usage auquel il est destiné;

 

[113]     Force m’est, par contre, de constater et je me dois d’inférer ce qui suit de ma lecture du procès-verbal du conseil d’administration du Bénéficiaire tenu le 11 mars 2014 (pièce A-8, page 2) que le Bénéficiaire est informé du coût d’une inspection pré-réception des parties communes et j’en infère connaissance présumée de cette obligation préliminaire à la réception des parties communes en mars 2014. Conséquemment, j’en déduis qu’il y a «réception des parties communes» à la suite du rapport d’un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires d’ailleurs titré «Rapport d’inspection pré-réception» qui déclare les travaux (relatif aux parties communes du bâtiment) terminés sauf pour le Garage extérieur (toujours pièce A-5);

 

[114]     En vertu donc des articles 25, 25.1 et 116 du Règlement, je fixe la réception des parties communes à six (6) mois depuis le rapport d’inspection pré-réception daté du 7 juillet 2014 donc au 7 janvier 2015;

 

[115]     La preuve révèle que le Bénéficiaire n’a pas été empêché d’une quelle que manière de présenter leur réclamation à l’Administrateur. Seule leur ignorance des critères d’application est soulevée (et que cette ignorance a été provoquée par l’inaction de l’Entrepreneur ou de l’Administrateur indiffère, inaction (comprendre «immobilisme») n’est pas «avoir été amené (comprendre «manœuvrer») à outrepasser (…) suite à des représentations»);

 

[116]     À regret pour le Bénéficiaire, la maxime à l’effet que «nul ne peut plaider sa propre turpitude et l’ignorance d’une loi ne peut faire échec à son application» trouve ici usage;

 

Le Garage (point 45 de la décision du 5 octobre 2015)

 

[117]     Il s’agit ici d’une structure prévue pour abriter un carrousel qui permettra l’accès d’un véhicule routier à la fois par une entrée charretière simple, un élément à la fois imaginatif et imposant arrimé sur une fondation, une accise qui, on me représente (selon les plans A-400, A-701, A-702, A-750, A-902 [produit en liasse comme pièce P-2], selon le témoignage de l’auteur de ces plans, à savoir l’architecte Jean-François Lavigne) est une structure arrimée à la portion résidentielle du bâtiment. Les deux (2) structures sont imbriquées l’une à l’autre (en dépit d’un couloir au rez-de-jardin), il y aurait raccordement au service public à même le bâtiment résidentiel, les murs extérieurs de façade ne doivent faire qu’un seul et les sections de toiture sont partagées. De toute évidence, il ne s’agira que d’un seul bâtiment au point de vue visuel pour le profane et semblerait-il, d’un point de vue plus technique, selon les plans et l’auteur des plans, en matière de construction souterraine;

 

[118]     Vue l’admission de la conciliatrice, Madame Delage, (supra paragraphe [59]), je suis d’opinion qu’il s’agit de parachèvement et vu l’apparente déconfiture de l’Entrepreneur, un parachèvement à la charge de l’Administrateur;

 

[119]     Je rappelle ici que le présent tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur les plans de garantie pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litige qui relève de l’application d’autres lois même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige;

 

[120]     Suivant mon appréciation des faits, ma compréhension de la Loi et la jurisprudence connue, je suis d’opinion que certaines explications soumises tant par l’Administrateur que par le Bénéficiaire ne sont pas raisonnables dans les circonstances et ne peuvent concurremment être retenus;

 

[121]     Pour l’ensemble des motifs ci-haut repris, je me dois de trancher et de déclarer la date de fin des travaux et de réception des parties communes pour le 15 janvier 2015 et de statuer que le Garage est partie reliée au bâtiment principal et constitue du «parachèvement»;

 

[122]     Le tout est sans préjudice et sous toute réserve du droit qui est leur (les parties) de porter devant les tribunaux civils leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament sujet, bien entendu, aux règles de droit commun et de la prescription civile;

 

[123]     En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et puisque le Bénéficiaire a eu gain de cause sur, à tout le moins, certains aspects de sa réclamation, en conséquence, les frais d’arbitrage aussi bien en droit qu’en équité selon les articles 116 et 123 du Règlement, seront à la charge de l’Administrateur;

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

DÉCLARE que la réception des parties communes est le 7 janvier 2015.

 

FIXE la date du 7 janvier 2015 pour la date de départ de computation de tout délai.

 

RENVERSE la décision de l’Administrateur quant au point 45 de la décision du 5 octobre 2015.

 

DÉCLARE que le Garage (point 45 de la décision du 5 octobre 2015) est relié au bâtiment principal et constitue du «parachèvement».

 

LE TOUT, vue l’article 123 du Règlement, avec frais du présent arbitrage à la charge de l’Administrateur.

 

 

Montréal, le 27 septembre 2016

 

 

 

 

 

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ME MICHEL A. JEANNIOT, ClArb

Arbitre / SORECONI