Lettre dossier

ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :   GAMM 2018-06-30 / 2018-08-06
GCR: 132401-987

 

 

ENTRE :

MICHÈLE LAURE MINGOLE

(ci-après la « Bénéficiaire »)

 

ET

 

CONSTRUCTION INVESTIPRO INC.

(ci-après l’« Entrepreneur »)

 

ET

 

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)

(ci-après l’« Administrateur »)

 

DEVANT L’ARBITRE :          Me Karine Poulin

Pour l’Entrepreneur :                 ---

Pour la Bénéficiaire :                Michèle Laure Mingole

Pour l’Administrateur :              Me Éric Provençal

 

Date d’audience :                     28, 30 et 31 mai 2019

Derniers documents reçus :   14 juin 2019

Date de la sentence :               9 août 2019

 

SENTENCE ARBITRALE

 

I

LE RECOURS

[1]                      La Bénéficiaire conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») les décisions de l’Administrateur rendues le 7 juin 2018 dans le dossier 132401-987 (ci-après appelé le « Dossier I ») et celle du 21 février 2019 dans le dossier 132401-1659 (ci-après appelé le « Dossier II »).

[2]                      Le Tribunal est donc saisi de deux (2) demandes d’arbitrage distinctes, relativement au même immeuble.

[3]                      En ce qui concerne le Dossier I, les points en litige sont les suivants : 45, 50, 54 à 58, 60 à 63, 65 et 68. La Bénéficiaire s’est désistée de sa demande d’arbitrage relative aux points 1, 25, 32, 46 à 48 et 68 et le Tribunal en prend acte dans les conclusions des présentes. Il est à noter que lors de la visite des lieux, la Bénéficiaire a demandé à ce que les points 46 à 48 soient traités en arbitrage, malgré son désistement antérieur. Ce point fait l’objet d’une discussion dans les sections subséquentes.

[4]                      Par ailleurs, lors de la conférence téléphonique préparatoire du 12 mars 2019, il a été convenu que l’Administrateur rende une nouvelle décision sur le point 66 du Dossier I. En effet, la Bénéficiaire avait dénoncé que l’aménagement du terrain était incomplet, ce qui incluait, selon elle, la question des pentes négatives couvertes par le Règlement. Or, telle que rédigée, la décision n’aborde pas la dénonciation sous cet angle. Ainsi, dans un souci d’efficacité et de proportionnalité, et étant donné qu’il s’agit uniquement de déterminer s’il y a des pentes négatives ou non entourant l’immeuble, il fût convenu que l’inspecteur-conciliateur rende une décision supplémentaire viva voce sur cette question lors de l’audition.

[5]                      Ainsi, lors de la visite des lieux qui a précédé l’audition, l’Administrateur a observé la situation et reconnu ce point, précisant que l’Administrateur procéderait à la correction des pentes négatives tout autour de l’immeuble et procéderait au nivellement brut. Le Tribunal en prend acte dans les conclusions des présentes et lui ordonne de s’y conformer.

[6]                      Quant dossier 132401-1659, le seul point en litige est le point 3, la Bénéficiaire s’étant désistée de sa demande d’arbitrage sur les points 1 et 2 et le Tribunal en prend acte dans les conclusions des présentes.

II

LES FAITS

[7]          La Bénéficiaire et l’Entrepreneur ont signé un contrat d’entreprise à prix coûtant majoré pour la construction d’un immeuble locatif comportant trois (3) logements et un (1) local commercial, ainsi qu’un contrat de garantie.

[8]          Le contrat d’entreprise prévoit que la construction sera faite selon les plans fournis par la Bénéficiaire. Par ailleurs, il appert que les parties ont signé plusieurs versions du contrat voire même différents contrats aux fins d’obtention du financement.

[9]          Quoi qu’il en soit, le contrat final prévoit que le taux de majoration sera de 18 %. Pour des raisons financières, l’Entrepreneur abandonne le chantier, laissant la Bénéficiaire aux prises avec des travaux mal exécutés et d’autres carrément non exécutés.

[10]       Désemparée, la Bénéficiaire contacte le service à la clientèle de l’Administrateur afin d’être guidée et de faire valoir ses droits. C’est ainsi que celle-ci procède à l’exécution de certains travaux. Elle mandate également un inspecteur en bâtiment afin de procéder à l’inspection préréception, en présence de l’Entrepreneur. Ladite inspection a eu lieu le 6 novembre 2017.

[11]       La Bénéficiaire dénonce ensuite la situation à l’Administrateur le 5 janvier 2018 (Dossier I). Suite à deux (2) visites des lieux par l’inspecteur-conciliateur, la réclamation de la Bénéficiaire pour parachèvement et/ou malfaçons et/ou vices cachés est rejetée en partie, d’où le présent arbitrage.

[12]       Le 29 octobre 2018, une deuxième (2e) dénonciation est reçue par l’Administrateur (Dossier II) et la visite des lieux a pris place le 17 décembre 2018. La réclamation de la Bénéficiaire par laquelle elle demande le remboursement du coût de certains travaux (point 3) est rejetée. Elle est toutefois accueillie quant aux points 1 et 2. La présente sentence porte donc uniquement sur le point 3 de ce second dossier.

III

LA PREUVE

Admissions

[13]       En début d’audition, l’Administrateur indique qu’il reconnaît la nécessité de remblayer et de poser une membrane relativement au point 56 du Dossier I, sous réserves de la preuve du paiement de cet élément par la Bénéficiaire.

[14]       Les parties admettent que le contrat signé entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur en est un à prix coûtant majoré au taux de 18%. Elles admettent aussi que l’Entrepreneur est en faillite.

[15]       Vu les admissions, la preuve de ces éléments n’est pas autrement requise et le Tribunal les tient pour avérés.

Bénéficiaire

[16]       La Bénéficiaire témoigne avoir d’abord signé un contrat d’entreprise à prix coûtant majoré au taux de 12% (B-21). Ce contrat prévoit que des frais de gestion de chantier, d’administration et de comptabilité entre 30 000 $ et 35 000 $ seront facturés en sus du 12% de majoration. Par la suite, de nouveaux documents sont signés pour les fins d’obtention du financement, selon ce que lui a expliqué l’Entrepreneur. Cependant, la Bénéficiaire ne comprend pas qu’il y ait un coût d’évaluation des travaux d’indiqué sur ces autres documents. Bien qu’elle reconnaisse sa signature auxdits documents, elle affirme que les montants indiqués n’étaient pas là lors de sa signature. Elle allègue que les documents ont été modifiés postérieurement. S’ensuivent ensuite des échanges avec Louis Caron, représentant du premier (1er) prêteur privé (9074-5522 Québec inc.) et le contrat initial (B-21) est modifié.

[17]       Ainsi, le contrat final prévoit un taux de 18%, sans facturation additionnelle de frais de gestion de chantier ni de frais de comptabilité et d’administration. Madame Mingole affirme que l’Entrepreneur a, tout au long du projet, tenté de la dissuader de prendre la garantie de l’Administrateur dont le coût avoisine les 35 000 $. Elle ne cède pas sur ce point et exige la garantie.

[18]       La Bénéficiaire ne reçoit aucune copie du contrat final et l’Entrepreneur lui indique qu’elle recevra sa copie directement de l’Administrateur, avec son certificat de garantie.

[19]       La Bénéficiaire précise qu’il s’agit d’un contrat de type « clé en main » et que tout était inclus.

[20]       Par ailleurs, Madame Mingole indique avoir reçu des amendes en raison du fait que la construction a débuté avant l’émission du permis de construction, alors que seulement le permis de démolition avait été émis. Elle précise qu’elle ne pouvait savoir que l’Entrepreneur agissait illégalement au moment de débuter la construction puisqu’elle avait déjà payé le permis de construction, en même temps que le permis de démolition. Aussi, elle a cru que l’Entrepreneur avait reçu le permis de construction lorsque les travaux débutent.

[21]       Cependant, en sus et en raison de l’amende, elle a perdu son droit à une subvention importante (B-23 Annexe 8).

[22]       En juin 2017, elle avait payé, par l’intermédiaire de son prêteur privé, la somme de 600 000 $ à l’Entrepreneur. Alors qu’elle s’apprête à quitter pour le Cameroun, l’Entrepreneur l’informe qu’il manquera environ 50 000 $ pour terminer la construction. Elle contacte alors le prêteur privé pour obtenir la somme supplémentaire, mais ce dernier refuse, estimant que l’immeuble aurait dû être achevé compte tenu des sommes déjà versées.

[23]       Elle contacte alors un autre prêteur privé appelé Cedma finance (ci-après appelé « Cedma »), et contracte un nouvel emprunt au montant de 160 000 $, soit 60 000 $ pour compléter la construction, et 100 000 $ pour ses besoins d’affaires.

[24]       Il est alors convenu que Cedma débourse le 50 000 $ demandé par l’Entrepreneur sur présentation de factures, ce qui est fait le 18 juillet 2017. Or, la Bénéficiaire témoigne qu’elle savait que le 50 000 $ serait remis à l’Entrepreneur éventuellement, sur présentation de factures, mais pas qu’il le serait le 18 juillet 2017, alors qu’elle est à l’étranger, puisque l’Entrepreneur vient de recevoir la somme de 84 079,67 $ du 1er prêteur privé le 29 juin 2017. La Bénéficiaire dit avoir alors informé Cedma de ne plus débourser quelque somme que ce soit à l’Entrepreneur avant son retour du Cameroun.

[25]       Toujours alors qu’elle est à l’étranger, elle est contactée par la personne qui l’assiste pour la location des logements en son absence. Cette dernière l’informe qu’il ne se passe rien en termes de travaux et que l’Entrepreneur n’a de cesse de répéter à tous qu’il n’a pas d’argent pour la construction.

[26]       Inquiète, elle contacte l’Entrepreneur qui la rassure et lui dit qu’il ne manque que quelques petites choses à compléter pour que la construction soit terminée. Il l’avise qu’il y aura un retard dans la livraison.

[27]       Ce retard de livraison a eu pour conséquence que l’appartement numéro 2, qui a été loué avec prise de possession le 1er août 2017 n’a pu être livré au locataire en temps utile. Quant aux deux (2) autres logements, ils sont loués, mais il n’y a pas de climatisation de sorte qu’à son retour du Cameroun, le 13 août suivant, le locataire de l’appartement 1 l’avise qu’il va quitter.

[28]       Le 13 août, elle constate également que plusieurs éléments sont manquants et que ses instructions n’ont pas été suivies à certains égards. À titre d’exemple, elle note qu’il n’y a pas de céramique dans la salle de bain de l’unité 2, contrairement à ce qui avait été demandé (et posé dans les unités 1 et 3), et que ni le revêtement extérieur en aluminium ni la maçonnerie n’ont été faits.

[29]       De fait, l’Entrepreneur lui demande de payer le maçon elle-même directement et il supervisera les travaux. L’Entrepreneur indique d’ailleurs à Cedma de remettre à la Bénéficiaire une somme de 20 000 $ pour payer le maçon.

[30]       En somme, la Bénéficiaire expose l’ensemble de ses mésaventures avec l’Entrepreneur et indique que cette mise en contexte est nécessaire à la compréhension du Tribunal eu égard à sa réclamation portant sur le remboursement des travaux d’urgence (point 3 du Dossier II). Elle dépose au dossier l’ensemble des factures que l’Entrepreneur lui a transmises.

[31]       Sur les points 45 à 63 du Dossier I, Madame Mingole dit que l’Administrateur refuse de couvrir les travaux de parachèvement au motif qu’il ne peut se prononcer que sur les travaux déjà effectués.  Or, elle précise qu’elle a payé pour l’ensemble des travaux et que sur ce point, c’est son expert qui fournira au Tribunal le détail des transactions démontrant les sommes payées. Si des travaux payés n’ont pas été effectués, il appartient à l’Administrateur de voir au parachèvement,

[32]       Elle ajoute qu’elle n’a effectué ou fait effectuer elle-même que des travaux d’urgence et de climatisation (en urgence également).

[33]       Par ailleurs, la Bénéficiaire indique au Tribunal que le 28 octobre 2017, l’Entrepreneur se présente à elle pour lui faire signer le formulaire d’inspection préréception, avec indication « d’acceptation sans réserves », ce qu’elle refuse de signer.

[34]       En effet, à cette date, l’Entrepreneur ne fait plus rien sur le chantier. Il n’y a alors aucun revêtement d’installé ni balcon, et les logements sont occupés par des locataires. De plus, un inspecteur de la ville l’informe qu’elle n’est pas conforme à la règlementation en vigueur. Le préposé chez l’Administrateur lui indique alors de transmettre une mise en demeure à l’Entrepreneur, lui donnant 10 jours pour corriger la situation.

[35]       Le 6 novembre au matin, Monsieur Richard Berthiaume procède à l’inspection préréception en présence de la Bénéficiaire et de l’Entrepreneur. Ce dernier indique alors qu’il n’a plus d’argent pour compléter la construction.

[36]       Par conséquent, en après-midi, la Bénéficiaire rappelle au service à la clientèle de l’Administrateur et réitère les faits relatés ci-dessus, et ajoute avoir un rapport qui indique que les travaux de parachèvement doivent être faits rapidement. C’est à ce moment que le préposé lui indique qu’elle doit faire les travaux d’urgence et qu’il y a un budget, au sein de l’Administrateur, pour le remboursement de ce type de travaux.

[37]       La Bénéficiaire fait donc exécuter les travaux par l’entreprise SMJ qui a déjà soumissionné sur le projet, et l’exécution des travaux par SMJ est supervisée par l’Entrepreneur, bien que payé par la Bénéficiaire directement.

[38]       La Bénéficiaire a eu, par la suite, divers problèmes pour lesquels des travaux d’urgence ont eu à être réalisés et elle n’a eu aucun problème à se faire rembourser ceux-ci par l’Administrateur. Elle ne comprend pas pourquoi il en serait autrement pour les travaux faisant l’objet du point 3 du Dossier II et pour lesquels elle demande remboursement.

[39]       En contre-preuve, la Bénéficiaire ajoute :

[40]       Elle avait rencontré les architectes avant le début du projet avec l’Entrepreneur puisqu’elle avait l’intention de se faire construire un immeuble. Par la suite, lorsqu’elle rencontre l’Entrepreneur, elle se rappelle d’une réunion de chantier entre Patrick Croteau, Mélanie Perron, Normand Hébert, les architectes et elle-même. À ce moment, il y a eu un gros conflit entre Normand Hébert et les architectes relativement aux calculs des charges, d’où la nécessité de désigner un gérant de chantier pour les discussions futures. Initialement, les architectes devaient agir comme gérant, mais c’est finalement Monsieur Hébert qui est désigné à ce titre, d’où le mécontentement des architectes et le manque de collaboration subséquent.

[41]       Madame Mingole fait ensuite entendre Monsieur Normand Hébert, charpentier menuisier et anciennement gérant de chantier chez l’Entrepreneur.

[42]       Il affirme avoir agi à titre de gérant de chantier sur le projet de la Bénéficiaire et que le mandat consistait en la construction d’un immeuble neuf de type multi logements. Il confirme que le choix des matériaux est fait par l’Entrepreneur, de même que le choix des employés assignés au chantier.

[43]       Il confirme, à l’instar de la Bénéficiaire, qu’il s’agissait d’un contrat « clé en main ». De plus, il explique qu’au début de tous les projets qu’il a fait avec l’Entrepreneur au cours des sept (7) dernières années, ce sont des « clé en main » qui doivent être construits, mais qu’en cours de route, l’Entrepreneur fini toujours par manquer d’argent et abandonner le chantier, généralement rendu à l’étape des revêtements de planchers et des armoires.

[44]       Ici, c’est lui qui a fait l’installation des armoires parce qu’il trouvait que la situation était injuste pour la Bénéficiaire et que celle-ci faisait pitié.

[45]       Il confirme que le crépi est toujours inclus dans les projets « clé en main », mais qu’il ne sait que ce que Patrick Croteau et sa conjointe Mélanie Perron veulent bien lui dire, car il ne négocie pas les contrats. Cependant, dans un projet « clé en main », le crépi est inclus.

[46]       Monsieur Hébert confirme, à l’instar de la Bénéficiaire, que le maçon a été embauché par l’Entrepreneur. Il indique avoir lui-même supervisé les travaux de ce dernier, sans salaire, comme c’est souvent le cas pour les constructions entreprises par l’Entrepreneur. Il explique avoir souvent terminé les chantiers seul, sans salaire, afin de venir en aide aux clients puisque ces derniers, étant incapables de joindre l’Entrepreneur, l’appellent directement.

[47]       Il confirme connaître Monsieur Richard Boucher qui est un installateur de plancher qui a travaillé sur différents chantiers de l’Entrepreneur. C’est lui qui a installé le prélart sur les murs de douche dans la salle de bain de l’appartement 2, ainsi que le revêtement de plancher dans les aires communes.

[48]       Il connaît également l’entreprise SMJ qui a effectué des travaux sur plusieurs chantiers de l’Entrepreneur et chez la Bénéficiaire.

[49]       Les travaux de l’Entrepreneur chez la Bénéficiaire ont cessé à l’automne 2017 et ceux-ci n’étaient pas terminés. De fait, Patrick Croteau lui a dit : « On arrête tout, j’ai plus une crisse de cenne ». À cette date, le maçon avait été embauché, mais les travaux n’avaient pas été effectués. Patrick Croteau lui dit alors de faire ce qu’il veut avec le maçon, en autant que lui n’a plus rien à voir ni à payer.

[50]       Selon son estimé, bien qu’il admette ne pas être doué pour les chiffres, il estime qu’au plus 550 000 $ a été investi dans l’immeuble.

[51]       Au moment de quitter le chantier, les balcons n’étaient pas faits, mais il avait installé des balcons avec rampes en contreplaqué pour les logements loués.

[52]       Monsieur Hébert explique ensuite que le prélart dans la douche de l’appartement 2 n’est pas une solution adéquate et que deux (2) dégâts d’eau sont survenus en raison de ce fait.

[53]       En contre-interrogatoire, il explique ce qu’est un contrat « clé en main » et un contrat à coût majoré.

[54]       Il dira que l’Entrepreneur manque toujours d’argent parce qu’il « pige dans le plat de bonbons » et qu’il pourrait même vendre des bateaux dans le désert.

[55]       Il est ensuite réinterrogé et affirme connaître les compagnies De Wall et Green Summit. Il affirme que les murs extérieurs de l’immeuble de la Bénéficiaire ont été faits chez De Wall, mais que Green Summit n’a jamais travaillé sur son chantier. Il ignore pourquoi la Bénéficiaire a reçu de l’Entrepreneur des factures de cette compagnie pour des travaux sur le chantier.

[56]       Enfin, il dira avoir été payé 1 500 $ par semaine pour sa gérance de chantier chez la Bénéficiaire.

[57]       Richard Berthiaume témoigne ensuite. Il est inspecteur et expert en bâtiment, entrepreneur général et exécute des contrats de conciliation pour l’Administrateur sur demande. En l’instance, il est mandaté par la Bénéficiaire et non par l’Administrateur.

[58]       Suite à l’audition de la preuve quant à son degré d’expertise, le Tribunal lui octroie le statut d’expert et c’est à ce titre qu’il témoigne.

[59]       Sur le point 45 de la décision de l’Administrateur dans le Dossier I (crépi), il indique que selon les informations obtenues, le crépi fait partie du contrat, celui-ci étant de type « clé en main », à coût majoré. Il ajoute cependant qu’en cette matière, le contrat est véritablement la loi des parties puisqu’aucun code ne prévoit que le crépi soit obligatoire.

[60]       En l’espèce, le contrat ne prévoit aucune exclusion en ce qui concerne le crépi. Il s’agit, selon lui, de parachèvement et il questionne la décision rendue puisque les points 1 à 9, qui sont tous des travaux de parachèvement, ont été acceptés alors que le point 45, qui est aussi du parachèvement, est refusé.

[61]       Quant au point 50 du Dossier I, il s’agit de taches sur la maçonnerie. Bref, la maçonnerie n’a pas été lavée. Il s’agit de parachèvement et aucune exclusion n’est stipulée au contrat à cet égard. Il s’agit d’une malfaçon apparente qui doit être couverte par le plan de garantie. Pour lui, il est clair que les plans n’ont pas été dessinés sans revêtement extérieur.

[62]       Au sujet du point 54 du Dossier I, il s’agit d’un problème de scellant mal appliqué à plusieurs endroits. Bien que le scellant ait été refait en partie, il reste encore des endroits non adéquatement protégés des infiltrations d’air et d’eau.

[63]       Le point 55 concerne les dalles de béton absentes à l’entrée avant et à l’arrière. Il s’agit ici d’une question de parachèvement qui doit être reconnue par l’Administrateur, puisque prévues aux plans.

[64]       Quant au point 56, il précise que l’Administrateur a reconnu la nécessité de remblayer et d’installer la membrane, mais pas la dalle. Il précise que la dalle est prévue aux plans et que cette section du bâtiment n’étant pas détachée de l’immeuble, aucune exclusion n’est applicable en l’espèce.

[65]       Les points 57 et 58 doivent être reconnus puisqu’il n’y a aucune exclusion à ce sujet et qu’il s’agit d’une question de sécurité (mains courantes et garde-corps).

[66]       D’ailleurs, ces deux (2) points font l’objet d’une demande de remboursement (point 3 du Dossier II) et il est d’avis qu’il s’agit de travaux d’urgence requis pour des raisons de sécurité des usagers.

[67]       Quant au point 60, le plancher du vestibule arrière ne fait l’objet d’aucune exclusion et la demande de parachèvement doit être accueillie, comme l’ont été les points 1 à 9 dans le même dossier. Puisque les plans prévoient de la céramique, c’est ce qui devrait être installé.

[68]       Le revêtement de vinyle dans la douche du logement numéro 2 fait l’objet de la décision au point 60. Il dit d’abord que ce n’est pas un revêtement approprié pour une douche et que cela ne respecte pas les règles de l’art. Il souligne également que la décision de l’Administrateur sur ce point est incohérente avec sa décision au point 8 de la même décision voulant qu’il accueille la demande de poser du silicone au bas des murs de la douche alors qu’au point 60, il ne reconnaît pas que les murs ont été faits par l’Entrepreneur. Il s’agit pour lui d’une question claire de parachèvement qui doit être accordé.

[69]       Sur le point 62, il dira que le vestibule avant était fini et qu’il n’existe aucune exclusion au contrat qui permet de croire que la finition du vestibule arrière ne serait pas incluse au contrat. Ainsi, le parachèvement est requis.

[70]       Quant au point 63, il dira que les matériaux aux escaliers des aires communes et des unités sont de piètre qualité. Il dit n’avoir jamais vu ce type de revêtement dans des aies communes et qu’au surplus, ce n’est pas sécuritaire. Il questionne la cohérence de la décision rendue qui refuse ce point, mais accepte les demandes aux points 5, 6, 38, 39, 40 et 41 tous concernant des problèmes de parachèvement dans les aires communes.

[71]       Selon lui, plusieurs matériaux peuvent être adéquats, que ce soit du bois ou de la céramique, mais pas du vinyle, qui n’est pas conforme aux règles de l’art.

[72]       Sur le point 65 portant sur une réclamation pour une fissure à la fondation au mur latéral gauche, il indique qu’au moment de sa visite, il a vu la fissure, mais qu’il n’y avait aucune progression vers la maçonnerie. En ce sens, il dit comprendre la décision rendue rejetant la demande au motif qu’il s’agit du comportement normal des matériaux (fissure de retrait). Cependant, lorsque la Bénéficiaire l’informe d’une aggravation, il lui indique d’en faire la dénonciation à l’Administrateur. De ce fait, une nouvelle décision a été rendue à ce sujet et il s’agit du point 2 du Dossier II qui accueille la réclamation.

[73]       L’Administrateur reconnaît l’aggravation et il en impute la cause à un affaissement du sol au côté latéral gauche, à l’avant du bâtiment.

[74]       Par contre, il ne comprend pas la position de l’Administrateur qui, lors de la visite des lieux, a vu les nouvelles fissures au mur latéral droit montrées par la Bénéficiaire et qui refuse de reconnaître qu’il s’agit du même problème. Pour lui, il est clair qu’il s’agit du même problème, et que la cause est la même : un affaissement du sol. Il trouve ridicule d’exiger de la Bénéficiaire qu’elle fasse une nouvelle dénonciation. Selon lui, la décision devrait s’étendre aux autres fissures. À long terme, un tassement différentiel causant des fissures favorise les infiltrations d’eau.

[75]       Enfin, en ce qui concerne la décision de l’Administrateur au point 3 du Dossier II, il s’agit selon lui de travaux nécessaires, urgents et conservatoires. Il précise qu’il comprend de la facture produite sous A-4, p. 15/44 qu’il s’agit là de travaux de préparation du bâtiment avant de recevoir le revêtement extérieur. Il indique que le papier pare-intempéries a une limite d’exposition de 6 mois et qu’au moment des événements, cela faisait 10 mois que le bâtiment était exposé, sans revêtement extérieur adéquat.

[76]       Pareillement, les travaux de pose du revêtement étaient nécessaires, urgents et conservatoires pour les mêmes motifs. À défaut de l’avoir fait, la Bénéficiaire s’exposait à des risques d’infiltration d’eau.

[77]       La pose des balcons et garde-corps était également nécessaire, urgente et conservatoire, notamment dû au fait que les logements sont occupés par des locataires. Il s’agit d’une question d’assurance.

[78]       En contre-interrogatoire, il affirme que c’est à sa recommandation que la Bénéficiaire a fait effectuer les travaux aux points 57 et 58.

[79]       Michel Coallier témoigne pour la Bénéficiaire. Il est expert-conseil en litige de la construction et en estimation de coût. Après avoir exposé ses compétences, le Tribunal lui reconnaît le statut d’expert.

[80]       Il affirme avoir reçu mandat de réviser la comptabilité et d’émettre une opinion sur la question de savoir si l’Entrepreneur a bel et bien été payé pour tous les travaux exécutés et si, comme le prétend la Bénéficiaire, celle-ci a payé plus que ce qu’elle aurait dû eu égard au type de contrat signé entre les parties et les travaux effectivement réalisés. L’objectif est de déterminer si l’Entrepreneur a des obligations qui n’ont pas été remplies et, de ce fait, couvertes par le plan de garantie. Ce mandat recoupe celui reçu dans le dossier civil entre l’Entrepreneur et la Bénéficiaire. Aussi, l’expertise préparée dans le présent dossier servira en partie dans le dossier civil.

[81]       Il explique avoir exécuté son mandat en utilisant les chiffriers fournis par la Bénéficiaire, les factures qu’elle lui a remises et les preuves de paiement à l’Entrepreneur. Il a également reçu ses commentaires.

[82]       Lors de l’audition, il a reçu un certain nombre de factures additionnelles de Patrick Croteau, assigné comme témoin en sa qualité de représentant de l’Entrepreneur. Il doit les prendre en compte dans ses conclusions, ainsi que ses commentaires. Pour ce motif, un délai lui est accordé pour soumettre de nouveaux chiffres et compléter ou modifier ses conclusions après l’audition.

[83]       Selon son analyse de la documentation, il est en mesure d’affirmer qu’il y a un dédoublement de factures et que l’Entrepreneur avait au moins un (1) autre chantier actif en même temps que celui de la Bénéficiaire. De fait, le chantier à Lac Mégantic est actif depuis novembre 2016 et il implique le même prêteur privé (1er prêteur). Par conséquent, afin de fournir la somme exacte payée en trop par la Bénéficiaire à l’Entrepreneur, il devra procéder à un relevé des quantités afin de savoir si les matériaux facturés sont tous en lien avec le projet de la Bénéficiaire. Par ailleurs, et de façon préliminaire, il est indéniable que la Bénéficiaire a payé au moins 60 000 $ de trop et donc, que cette somme doit servir au parachèvement des travaux.

[84]       De fait, au moment de témoigner devant le Tribunal, il était en mesure d’affirmer qu’au moins un (1) versement de 20 000 $ fait par le prêteur privé à l’Entrepreneur est en lien avec le chantier à Lac Mégantic. Il doit donc tout revoir afin de donner une opinion basée sur la preuve reçue et ainsi éviter d’induire le Tribunal en erreur.

[85]       Il indique avoir reçu les plans d’architecte et avoir obtenu de la ville les plans approuvés. Il constate que l’immeuble, tel que construit, n’est pas conforme aux plans, peu importe le plan utilisé pour fins d’analyse.

[86]       Il affirme que sa consultation du dossier auprès de la municipalité lui permet d’affirmer que la demande de permis de démolition a été faite le 7 décembre 2016 en même temps que celle relative au permis de construction. Le permis de démolition a été émis le même jour alors que le permis de construction a été émis le 3 mars 2017.

[87]       Il dit que la démolition a eu lieu en hiver, tel que l’affirme la Bénéficiaire et que ce fait est corroboré par les factures. Quant à la construction, elle a également débuté en hiver, avant l’émission du permis de construction et ceci est également corroboré par la preuve documentaire.

[88]       Par ailleurs, étant donné que la construction a débuté avant l’émission du permis de construction, la Bénéficiaire a reçu un avis d’infraction le 26 janvier 2017 (pour des faits constatés le 19 du même mois) et a effectivement perdu la subvention de 20 000 $ pour laquelle elle se qualifiait (B-23, onglet 8).

[89]       Monsieur Coallier affirme que son dossier contient des factures de matériaux qui ont été livrés par Surplus Malouin inc. à Kahnawake à l’entreprise Construction Green Summit inc. en février 2017. Bien que cette entreprise apparaisse au Registre des entreprises, elle n’a aucune place d‘affaires. Il a également en sa possession des bons de commande à l’entreprise The Wall, également à Kahnawake, et à Green Summit pour 17 000 $.

[90]       Malgré ses recherches et son analyse, la question des travaux effectués et des matériaux livrés à Kahnawake à ces entreprises et qui seraient apparemment en lien avec le projet de la Bénéficiaire est tout sauf claire. Il affirme cependant que les dates concordent avec les représentations que lui a faites Monsieur Croteau, quoiqu’un relevé des quantités s’avère nécessaire pour vérifier si l’ensemble des matériaux peut vraisemblablement être lié au projet de la Bénéficiaire.

[91]       Par ailleurs, il souligne que l’Entrepreneur a commandé des matériaux avant de savoir ce qui sera approuvé par la ville. Ceci est particulièrement problématique puisque l’Entrepreneur fait construire les murs alors qu’il n’a aucune idée de ce que la ville approuvera.

[92]       Monsieur Coallier affirme qu’il est fréquent de faire préparer les murs extérieurs en usine pendant la période hivernale afin d’accélérer les travaux le printemps venu. Cependant, il faut avoir les plans finaux approuvés pour ce faire.

[93]       Il explique que suite à la réception des plans approuvés par la ville, l’Entrepreneur a dû faire de nombreux correctifs et notamment aux murs déjà construits, ce qui a causé des pertes de matériaux et de temps, et a contribué à l’augmentation des coûts.

[94]       De fait, l’expert indique qu’il est facile de prévoir un budget assez précis dans les cas de construction neuve, avec une marge d’erreur de plus ou moins 5 %, contrairement aux impondérables que l’on rencontre lors de travaux de rénovation. En l’espèce, la façon de procéder de l’Entrepreneur relève plus de la rénovation que de la construction neuve. Il dira qu’ici, la construction ne correspond en rien aux plans et que c’est de l’improvisation tout au long du chantier.

[95]       Selon sa réconciliation des factures et versements effectués, il est en mesure d’affirmer que les murs extérieurs ont été commandés, la semelle coulée et coffrée, ainsi que les entrées profondes à l’avant du bâtiment ont été faits en février 2017, après l’émission de l’avis d’infraction et avant l’émission du permis de construction.

[96]       Au 10 mars 2017, il affirme que l’Entrepreneur avait reçu la somme de 176 678,23 $. Par ailleurs, la preuve démontre des factures d’achats de matériaux et de sous-traitants totalisant 89 007,16 $, dont seulement 63 459,76 $ ont été payées par l’Entrepreneur, en sus du 18 % que l’Entrepreneur était en droit de facturer, pour un total facturable de 105 028,45 $. Ainsi, en tenant compte des déboursés effectivement payés par ce dernier, il avait en sa possession un capital de 97 197,18 $ pour construire. Monsieur Coallier travaille ici avec une comptabilité de caisse.

[97]       Au 30 avril 2017, le total des sommes reçues par l’Entrepreneur est de 251 181,84 $ alors que les factures reçues démontrent des déboursés totaux engagés (mais non nécessairement payés) à hauteur de 226 386,71 $, et des frais de gestion cumulatifs facturables totalisant 40 749,61 $. Ainsi, en supposant que l’Entrepreneur aurait payé toutes les factures et tous ses sous-traitants, la somme d’environ 15 000 $ lui était due. Par ailleurs, en tenant compte des factures effectivement payées par l’Entrepreneur, ce dernier détenait la somme de 101 466,46 $ pour voir à l’avancement de la construction.

[98]       Au 30 juin 2017, le total des sommes reçues par l’Entrepreneur est de 583 500 $ alors que les factures reçues démontrent des déboursés totaux engagés (mais non nécessairement payés) à hauteur de 410 790,85 $, et des frais de gestion cumulatifs facturables totalisant 73 942,35 $. Si l’Entrepreneur avait payé tous ses sous-traitants, incluant ses frais de gestion, une somme de 98 766,80 $ était disponible pour la construction. Toutefois, si l’on tient compte des déboursés réellement payés par l’Entrepreneur, celui-ci détenait ou aurait dû détenir la somme de 157 777,09 $ pour la construction.

[99]       Au 7 septembre 2017, le total des sommes reçues par l’Entrepreneur est de 706 952,89 $ alors que les factures reçues démontrent des déboursés totaux engagés à hauteur de 501 426,04 $ (l’expert précise avoir rejeté des factures pour un total  d’environ 3 000 $ parce que non justifiées), et des frais de gestion cumulatifs facturables totalisant 90 256,69 $ portant ainsi la somme que l’Entrepreneur était en droit de facturer à la Bénéficiaire à 591 682,73 $.

[100]    Par ailleurs, l’expert affirme que nonobstant le fait que l’Entrepreneur n’ait payé que 478 593,56 $ à ses sous-traitants, il est d’avis que les matériaux et travaux correspondent pour l’essentiel à ce qui a été observé dans l’immeuble (sous réserves d’effectuer un relevé des quantités) de sorte qu’il reconnaît un coût de construction de 591 682,73 $.

[101]    Néanmoins, Monsieur Coallier précise que ces chiffres pourraient s’avérer inexacts à la lumière des factures reçues du témoin Croteau en cours d’audience.

[102]    Ainsi, en supposant que l’Entrepreneur aurait payé tous ses sous-traitants, une somme de 115 243,16 $ était disponible pour la construction, sous réserves de corriger ce montant suite à la réception des factures additionnelles reçues de Monsieur Croteau. Il faudra également déterminer le statut de Normand Hébert afin de préciser la somme exacte à déduire du 115 243,16 $.

[103]    En effet, les factures reçues en cours d’audience incluent les frais de Normand Hébert à hauteur d’environ 26 000 $. Ainsi, il faudra déterminer le statut de ce dernier, à savoir s’il est gérant de chantier ou employé afin de déterminer si cette somme s’ajoute aux déboursés engagés ou non.

[104]    Suite à l’audience, et conformément aux instructions verbales Tribunal données le 31 mai, puis confirmées par écrit le 3 juin, le 14 juin, l’expert écrivait ceci à l’arbitre et aux parties afin de compléter/modifier les conclusions contenues à son rapport:

« Tel que convenu lors de la dernière journée d’audience, j'ai procédé à une révision de toutes les factures qui m’ont été remises par le représentant de l’entreprise Investipro.

Par contre, je n’ai pas encore validé si toutes ces factures de temps et de matériel sont afférentes à des composantes et assemblages au chantier puisqu’une telle analyse requerra de faire le total de tous les pieds planches de colombages détaillés aux factures versus, ce qui était effectivement requis au chantier. Nous avons retracé une facture de Richard Boucher, mais elle est afférente à des travaux effectués en juin 2017 qui ne semblent pas être en lien avec les aménagements (revêtement souple à la douche et au bain) dans la salle de bain de la suite #2.

Il est appert, toutefois, à cette analyse préliminaire qu’à contrario du témoignage de M. Croteau, il y aurait eu d’autres chantiers en avancement pendant le chantier de Mme Mingole.

Nonobstant ces commentaires, je n’ai pas relevé de factures pouvant apporter plus de précisions aux points en litige avec la GCR sauf, tel que témoigné à l’audience, le différentiel entre les avances obtenues et les factures serait moindre qu’à mon rapport, mais, dans le pire des cas , être de ± 55 000$ en lieu des 115 000$ détaillés au rapport.

Espérant le tout conforme (sic) »

[105]    Sur la qualification du statut de Normand Hébert, les factures démontrent que ce dernier fait des achats pour le projet de la Bénéficiaire, de même que Mélanie Perron. Monsieur Coallier affirme que ce dernier ne peut clairement pas être sur le chantier s’il fait des achats, d’où sa conclusion qu’il est gérant de chantier.

[106]    Quoi qu’il en soit, selon lui, même si ce dernier était qualifié d’employé, son interprétation de la clause 5.2 du contrat est à l’effet que le salaire de Normand Hébert fait partie du 18 % versé à l’Entrepreneur. En effet, les entrepreneurs généraux ont rarement des employés à temps plein, sauf des gérants de chantier. Il en est toutefois autrement dans les cas d’entrepreneurs œuvrant en rénovation plutôt qu’en construction neuve.

[107]    Monsieur Coallier se dit d’avis que l’Entrepreneur a quitté le chantier au plus tard le 15 septembre 2017 et sa conclusion se base sur le dernier déboursé effectué par l’Entrepreneur en date du 11 septembre 2017.

[108]    Relativement au point 45 (crépi), l’expert Coallier affirme n’avoir reçu aucune facture, ni déboursé relativement à cet élément. Il ne peut donc affirmer, sur la foi de la documentation financière reçue que l’Entrepreneur avait l’obligation de se faire. Par contre, considérant les sommes reçues, il est logique de conclure que le crépi devait être fait.

[109]    En ce qui concerne le point 50 (éclaboussures et taches sur le parement de maçonnerie), il indique que cet élément dépend de la conclusion à laquelle le Tribunal parvient, à savoir si les travaux de maçonnerie relèvent de l’Entrepreneur ou non.

[110]    Selon lui, à la lumière des différentes correspondances au dossier et notamment le fait qu’au moment d’exécuter les travaux l’Entrepreneur est encore sur le chantier et supervise les travaux, il faut conclure que ceux-ci relèvent de sa responsabilité, nonobstant le fait que le paiement est fait directement par la Bénéficiaire au maçon, selon les instructions de l’Entrepreneur au prêteur.

[111]    Quant au point 54 (Application du scellant à compléter), il affirme que si le Tribunal conclut que les travaux du maçon au point 50 sont la responsabilité de l’Entrepreneur, il faut alors conclure que l’application du scellant aux ouvertures de maçonnerie est également de sa responsabilité puisqu’il incombe au maçon d’appliquer le scellant une fois son travail complété.

[112]    Les points 55 et 56 (Dalles de béton absentes aux entrées avant et arrière / Dalle de béton absente à l’endroit prévu pour le rangement des déchets), quant à eux, ne sont supportés par aucune facture, ni déboursés ni engagement de l’Entrepreneur.

[113]    Le plancher du vestibule arrière à parachever (point 60) est de la responsabilité de l’Entrepreneur. Les factures reçues démontrent l’achat de matériaux, bien que ceux-ci soient impropres à l’usage destiné, et le paiement de factures à Monsieur Boucher (bien que celles-ci soient imprécises) militent en faveur de cette conclusion. Bien qu’il lui soit impossible de confirmer à 100 % que les factures de Monsieur Boucher sont en lien avec la pose de ces matériaux, tout laisse croire que c’est le cas.

[114]    Le point 61 relatif à la finition inadéquate des murs de la douche (unité 2) laisse perplexe. En effet, la compilation des factures de Monsieur Boucher et des paiements ne concordent pas, à 1 000 $ près. Il est difficile d’établir qui a payé pour ces travaux et même si les travaux payés sont en lien avec ceux effectués chez la Bénéficiaire.

[115]    Par contre, il est clair que les murs de la douche étaient complétés avant l’emménagement des locataires et donc, alors que l’Entrepreneur est encore sur le chantier.

[116]    Sur le point 62 qui traite de l’absence de finition dans le vestibule de l’aire commune arrière, Monsieur Coallier a retracé des factures d’achat de matériaux, mais aucune relative à l’installation, quoi que Monsieur Boucher ait fait l’installation de ce même matériau au vestibule avant (et les factures sont imprécises quant aux travaux effectués).

[117]    Quant au point 63 (finition des escaliers des aires communes et des unités), il est clair que les matériaux ont été achetés par l’Entrepreneur, mais la question de l’installation demeure non résolue. En effet, les photos déposées par Patrick Croteau et qui démontrent que le recouvrement de plancher est présent dans les unités (mais non dans les aires communes) ont été prises au cours des mois de juin et juillet 2017 et qu’il est logique de croire que la pose du revêtement de sol dans les unités a eu lieu avant la pose dans les aires communes.

[118]    Néanmoins, même si l’on conclut ainsi, la question de savoir si la pose du revêtement dans les aires communes a eu lieu avant ou après le départ de l’Entrepreneur demeure intacte. Les factures de Monsieur Boucher sont quasi muettes quant au travail effectué.  

[119]    Monsieur Coallier traite ensemble les points 57 et 58 du Dossier I et le point 3 du Dossier II. Il s’agit, selon lui, de travaux urgents, nécessaires et conservatoires.

[120]    Plus particulièrement, en ce qui concerne la réclamation de la Bénéficiaire eu égard au revêtement extérieur (point 3 Dossier II), l’expert indique que le pare-intempéries de type Tyvek que l’on retrouve sur le bâtiment de la Bénéficiaire peut être exposé directement aux intempéries (sans autre revêtement) pour une durée de 120 jours. Passé ce délai, sa performance à long terme diminue et les risques d’atteinte à la structure du bâtiment augmentent.

[121]    En l’espèce, au moment où la Bénéficiaire fait poser le revêtement extérieur, le délai de 120 jours est dépassé. Il devenait donc urgent, selon lui, de poser le revêtement extérieur ou du moins, un revêtement temporaire, afin de maintenir la performance du pare-intempéries.

[122]    Il reconnaît qu’au lieu de poser le revêtement extérieur définitif, il aurait été possible de poser un deuxième (2e) pare-intempéries et de nouvelles fourrures par-dessus celui existant ou encore, un revêtement temporaire, pour passer l’hiver.

[123]    Il évalue que le coût de la pose d’un second pare-intempéries (avec de nouvelles fourrures) par-dessus celui existant, aurait été d’environ 3 000 $ à 5 000 $.

[124]    Quant aux points 57 et 58 du Dossier I (Balustrades et mains courantes absentes / Garde-corps absents), il est d’avis que ces éléments sont essentiels à la sécurité des occupants et à l’émission d’un permis d’occupation.

[125]    En l’espèce, il ignore si et, le cas échéant, quand le ou les permis d’occupation ont été émis. Il indique qu’il est possible qu’un ou des permis d’occupation aient été émis alors que le bâtiment était protégé par des garde-corps temporaires en contre-plaqué et que ceux-ci aient été retirés par la suite.

[126]    Il admet également ignorer dans quel état était le bâtiment au moment où la Bénéficiaire prend la décision de faire poser les balcons et les garde-corps.

[127]    Il se dit en accord avec Patrick Croteau lorsque ce dernier affirme que les garde-corps temporaires ont forcément été retirés afin de permettre la pose du revêtement extérieur.

[128]    Par ailleurs, les photos prises par Richard Berthiaume en date du 6 novembre 2017 démontrent l’absence de garde-corps et mains courantes. Cependant, à cette date, seule une petite partie du bâtiment n’est pas recouverte de revêtement extérieur. Ainsi, la majorité du bâtiment est recouvert du revêtement extérieur final.

[129]    Il dit que la somme de 6 000 $ réclamée pour la pose des garde-corps et mains courantes n’est pas déraisonnable.

[130]    Monsieur Coallier réitère toutefois son opinion voulant que la maçonnerie ait été posée sous la supervision de l’Entrepreneur de sorte qu’il appartenait à ce dernier de voir à poser des garde-corps et balustrades avant de quitter le chantier. Cela vise donc le point 57, et le point 58 quant aux balcons du rez-de-chaussée.

[131]    Aussi, la somme de 24 000 $ représente le coût d’installation de tout le revêtement extérieur d’aluminium (dernier étage de l’immeuble, sauf le coin avant gauche). Monsieur Coallier souligne que la facture stipule que les travaux ont été effectués entre le 31 octobre et le 7 novembre 2017. Il réfute donc l’allégation voulant que ce soit suite à la recommandation de Monsieur Berthiaume que les travaux de revêtement ont été faits. Il ajoute que l’Entrepreneur n’a pas été payé par la Bénéficiaire pour les travaux d’aluminium et donc que ce dernier n’avait pas la responsabilité de ces travaux.

[132]    Monsieur Coallier termine en remettant ses factures. Il affirme que la première concerne uniquement sa vacation à l’arbitrage (3 564,23 $) alors que la seconde concerne le rapport d’expertise qui a servi en arbitrage (8 766,70 $) et qui servira dans le cadre du recours civil. À ce titre, il verra à retirer les éléments qui concernent uniquement le recours devant le Tribunal d’arbitrage.

[133]    Il souligne avoir octroyé un crédit à la Bénéficiaire de 3 750 $ (avant taxes) pour la préparation et la rédaction du rapport d’expertise en raison de son épuisement financier et du principe de proportionnalité.

Administrateur

[134]    Martin Bérubé est inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur et auteur des décisions contestées devant l’arbitre.

[135]    Il explique que les points 45 à 64 ont tous été refusés au motif qu’il s’agit de parachèvement, pour des travaux qui n’ont pas été exécutés par l’Entrepreneur. La difficulté résidait dans le fait de savoir ce qui était inclus au contrat et ce qui ne l’était pas. Il dit avoir eu, au moment de visiter les lieux et de rendre les décisions, moins d’informations qu’il n’en a aujourd’hui.

[136]    En somme, l’Administrateur ne se prévaut pas d’une exclusion prévue au Règlement (malgré ce qui peut être écrit à certains endroits dans les décisions). Dès qu’il est prouvé que les travaux ont été payés à l’Entrepreneur par la Bénéficiaire, ces points doivent être considérés comme étant couverts par le Règlement.

[137]    Sur les points spécifiques en litige, il s’exprime ainsi :

Point 45 : absence de crépi

[138]    Certains plans démontrent la présence d’Adex (acrylique), mais d’autres non. Il manque d’informations pour déterminer si cet élément est inclus ou non au contrat. Il maintient donc sa décision.

Point 50 : Éclaboussures et taches sur le parement de maçonnerie

[139]    Lors de sa visite, il avait comme information que la facture était au nom de la Bénéficiaire, d’où sa conclusion qu’il ne s’agit pas de travaux de l’Entrepreneur.

[140]    Par ailleurs, qu’il s’agisse d’un problème de parachèvement ou de malfaçons apparentes, cela n’a aucun impact en l’instance, puisque dénoncé lors de la réception.

Point 54 : Application du scellant à compléter

[141]    Selon les informations en sa possession, chaque quart de métier devait sceller les ouvertures une fois son travail complété. Compte tenu qu’une entente est intervenue entre les avocats des parties pour que soient complétés certains travaux, il ne sait pas qui avait la responsabilité finale des scellants.

Point 55 : Dalles de béton absentes aux entrées avant et arrière

[142]    Il s’agit d’une question de finition. Le nivellement brut du terrain a été fait, mais il a été mal fait. Il rappelle sa décision rendue à l’audience à l’effet que l’Administrateur accepte la demande de la Bénéficiaire de procéder au nivellement brut. Il dit qu’encore aujourd’hui, il ignore si les dalles étaient incluses ou non au contrat.

Point 56 : Dalle de béton à l’endroit prévu pour le rangement des déchets absente

[143]    Tout comme pour le point précédent, il ignore si cela était inclus au contrat.

Point 57 : Balustrades et mains courantes absentes

Point 58 : Garde-corps absents

[144]    Au moment de sa visite, ces éléments étaient faits et il avait en sa possession des factures payées par la Bénéficiaire.

[145]    Compte tenu de l’abandon du chantier par l’Entrepreneur, il n’a toujours pas l’information à savoir si ces éléments étaient prévus au contrat. Par ailleurs, puisque les travaux sont exécutés par la Bénéficiaire, il ne s’agit pas de travaux de l’Entrepreneur et donc, il n’y a pas de parachèvement possible par l’Administrateur.

[146]    De plus, il ne s’agit pas, selon lui, de travaux urgents au sens du Règlement. Les travaux faits sont des travaux finaux. Par conséquent, la demande de remboursement (point 3 du dossier II) est refusée puisqu’elle ne cadre pas dans les paramètres prévus au Règlement pour une demande de remboursement. Il précise que la Bénéficiaire aurait tout simplement pu faire installer des garde-corps et mains courantes temporaires, ou encore condamner temporairement l’accès aux balcons.

Point 60 : Plancher du vestibule à parachever à l’arrière

[147]    Il s’agit, encore une fois, d’une difficulté à déterminer ce qui est inclus au contrat.

Point 61 : Unité 2- Finition inadéquate des murs de la douche

[148]    Selon l’information en sa possession, il est incapable de déterminer si ces travaux relèvent de l’Entrepreneur ou de la Bénéficiaire. Il sait cependant que Monsieur Boucher n’a pas été payé pour certains travaux. Il est également informé que l’Entrepreneur a accepté dans le cadre de l’entente intervenue entre les avocats, de réparer des dommages causés par un dégât d’eau dans cette même salle de bain.

Point 62 : Absence de finition dans le vestibule de l’aire commune arrière

[149]    Il ignore si cet élément était prévu au contrat. Il s’agit de matériaux manquants sur un « cube » situé dans le vestibule. Rien ne lui permet de déterminer ce qui doit être posé, et par qui [Entrepreneur ou Bénéficiaire]. Une chose est certaine par contre et c’est que cet élément ne peut rester ainsi et doit être parachevé.

Point 63 : Finition des escaliers des aires communes et des unités

[150]    Tout comme pour la finition des murs de la douche, il ignore qui est responsable de ces travaux. Il est clair que le travail a été bâclé. Il dit ne pas savoir si parmi les matériaux commandés et achetés par l’Entrepreneur il y en avait de prévus pour cet item.

Point 65 : Fissures à la fondation

[151]     Il indique qu’il s’agit de la réclamation acceptée par l’Administrateur et qui se trouve au point 2 du Dossier II (qui n’est plus en litige). Il dit que pour lui, les nouvelles fissures vues lors de l’audience (visite des lieux) ne sont pas incluses à ce point et qu’elles feront l’objet d’une nouvelle décision.

Point 3 du Dossier II

[152]    La Bénéficiaire demande le remboursement de frais.

[153]    Il a déjà traité, en partie, dans son témoignage de cette réclamation de la Bénéficiaire aux points 57 et 58.  

[154]    Par ailleurs, et plus particulièrement eu égard au remboursement des frais relatifs au revêtement extérieur, il indique que le 7 novembre 2017, les travaux finaux étaient complétés. Il ne s’agit pas de travaux conservatoires ni urgents.

[155]    En contre-interrogatoire, il confirme que l’Administrateur a, en principe, 30 jours suivant sa visite des lieux pour rendre une décision. En l’espèce, deux (2) visites ont eu lieu soit le 5 avril et le 1er mai 2018 et la décision a été rendue le 7 juin 2018. Il reconnaît  que la réclamation de la Bénéficiaire a été reçue le 5 janvier 2018 et qu’une visite des lieux aurait dû avoir lieu le ou vers le 5 février suivant.

[156]    Il dit ignorer la position de l’Administrateur eu égard aux mesures d’urgence lors de longs délais entre la réclamation et la décision.

[157]    L’Administrateur fait entendre Patrick Croteau, représentant de l’Entrepreneur. Il sied de mentionner que l’Entrepreneur a fait faillite et que son syndic a choisi de ne pas participer à l’arbitrage. C’est donc en sa qualité de témoin qu’il est présent et non à titre de partie. L’Entrepreneur n’administre donc aucune preuve au dossier.

[158]    Patrick Croteau confirme avoir rencontré la Bénéficiaire suite à la recommandation de son entreprise à la Bénéficiaire par le prêteur privé. Il confirme qu’il s’agit d’un contrat à coût majoré au taux de 18 %.

[159]    Selon lui, le contrat produit sous A-4 a été préparé uniquement aux fins d’obtention du financement. Quant au 1er contrat intervenu entre lui et la Bénéficiaire, il s’agit de celui déposé sous la cote B-21.

[160]    Monsieur Croteau indique que les contrats ont été signés dans l’ordre suivant : B-21 (non daté), A-14, daté du 7 septembre 2016, A-4, non daté, puis A-2, daté du 2 avril 2017. Par ailleurs, le témoin refuse de reconnaître la validité de tout contrat qui ne porterait pas sa signature, mais uniquement celle de Mélanie Perron, sa conjointe, coactionnaire et administrateur.

[161]    Il indique n’avoir jamais reçu de plans de construction de l’architecte et que ce dernier n’a pas toujours collaboré. Selon lui, les plans émis pour permis ont été déposés à la ville environ un (1) an avant qu’il n’intervienne au dossier. Par la suite, il a reçu les plans de l’architecte. À la vue desdits plans, il a dit à la Bénéficiaire d’enlever la cage d’escalier arrière parce que c’est bien trop cher. Une demande a alors été faite à l’architecte afin qu’il soumette de nouveaux plans à la ville. Selon les nouveaux plans, il n’y avait plus de cage d’escalier arrière. C’est sur la foi de ces nouveaux plans corrigés qu’il a commandé certains matériaux, dont les fenêtres.

[162]    Par la suite, la ville refuse les nouveaux plans et exige que la construction soit faite conformément aux plans initiaux qui ont été soumis pour l’émission du permis. Monsieur Croteau dit que la ville lui a remis les plans initiaux, corrigés manuellement par leur représentant [ville], incluant des modifications à la charpente. Par conséquent, des nouvelles commandes de matériaux ont dû être faites et certains matériaux ont, de ce fait, été désuets et inutilisables.

[163]    En somme, le gros problème avec cette construction est le fait qu’ils ont dû ajouter une deuxième (2e) cage d’escalier, tel que prévu initialement et exigé par la ville. Une autre partie du problème réside dans le fait qu’une grosse partie de l’immeuble, à l’arrière, est en porte-à-faux.

[164]    Par ailleurs, il indique que le budget de la Bénéficiaire pour exécuter la construction était trop faible pour ce type de projet. Il explique qu’il y a eu plusieurs changements en cours de route et notamment dû au manque de collaboration de l’architecte, mais également en raison des demandes de modification de la Bénéficiaire. Il affirme que la construction faite reflète l’entente intervenue avec la Bénéficiaire et que  les plans importent peu puisqu’il s’agit d’un contrat à coût majoré. Selon lui, de ce fait découle que la construction ne peut que refléter l’entente intervenue.

[165]    Monsieur Croteau ajoute ensuite que le dernier mois de construction a été particulièrement difficile. Il attribue les difficultés au fait que la Bénéficiaire était à l’extérieur du pays, faisant ainsi naître des doutes, et au manque de liquidités.

[166]    En somme, il explique qu’il a manqué d’argent pour terminer la construction. Selon lui, tout était inclus au contrat, sauf les exclusions spécifiques qui sont indiquées. Il ajoute que certaines exclusions ont été, d’emblée, indiquées, aux seules fins de respecter le budget, mais, qu’au final, si la cliente demande que ces travaux soient exécutés et qu’elle paie pour l’exécution, ce sera inclus.

[167]    Il indique que la relation avec la cliente s’est terminée le 15 septembre 2017, date à laquelle il paie le charpentier. Il n’a pas les moyens de financer les constructions pour ensuite être payé par les clients.

[168]    En date du 15 septembre 2017, la brique avait été achetée et livrée, mais pas installée. Le revêtement extérieur autre que la maçonnerie n’était pas installé. Tous les logements étaient terminés et loués. Il restait bien quelques petites choses à terminer dans le local commercial, mais il affirme ne pas avoir eu mandat de faire ces travaux. Par ailleurs, il reconnaît que les aires communes n’étaient pas terminées, ajoutant qu’il n’avait pas l’argent pour ce faire.

[169]    Selon lui, tous les balcons et escaliers étaient munis de garde-corps lorsqu’il a quitté le chantier, mais ceux-ci ont été enlevés par la suite par les travailleurs mandatés par la Bénéficiaire pour poser le revêtement extérieur.

[170]    Monsieur Croteau dit avoir des photos et vidéos du chantier démontrant l’état dans lequel il se trouvait au moment de son départ. Il ne pouvait laisser un chantier non sécurisé, d’autant plus que les logements étaient occupés.

[171]    À l’audience, il remet des photos qui sont déposées sous A-15. Par ailleurs, les photos ne portent aucune date, mais le témoin affirme qu’elles ont été prises entre le 1er  juillet et le 1er août 2017.

[172]    Monsieur Croteau dit que la construction a coûté environ 680 000 $, incluant la majoration à 18%. Il aurait eu besoin d’une somme supplémentaire d’environ 70 000 $ pour terminer les travaux, incluant la climatisation, les balcons, la finition des aires communes et même le stationnement.

[173]    Il nie catégoriquement que la construction en était une de type « clé en main ». Il n’aurait jamais accepté ce type d’arrangement avec une section en porte-à-faux dont on ignore les coûts prévisibles.

[174]    Sur les points spécifiques en arbitrage, il confirme que la fondation devait être recouverte d’un matériau de finition (point 45), bien que non obligatoire en vertu des codes et lois en vigueur. Il indique qu’il était prévu que ce soit de l’acrylique qui soit posée et non du crépi, l’acrylique étant de meilleure qualité. Il s’agit ici d’esthétisme, mais il n’avait pas l’argent pour procéder à ces travaux.

[175]    Quant aux taches et éclaboussures sur la maçonnerie, il dit avoir acheté les matériaux, mais ne pas avoir fait procéder à l’installation. Ainsi, ces travaux de nettoyage relèvent exclusivement de la Bénéficiaire.

[176]    Les scellants (point 54) doivent être faits par celui qui a installé le revêtement extérieur en aluminium. Comme il n’a mandaté personne pour ce faire, il n’est pas responsable de ces travaux. Il ajoute qu’à cette date, il était sur un autre chantier à Lac Mégantic.

[177]    Par ailleurs, l’inspection préréception a été faite en présence de ses avocats et ceux de la Bénéficiaire et il a été convenu de procéder à quelques travaux urgents. Selon lui, les travaux ont été exécutés afin de régler la réclamation de la Bénéficiaire et non en continuité du contrat. Il réfère ici aux lettres produites sous A-5. Il dit d’ailleurs que la lettre sous A-5, à la page 8, représente sa déclaration relative aux événements. En somme, il affirme être retourné sur le chantier suite à l’abandon du chantier, parfois pour constater des travaux mal faits, et d’autres fois pour réparer, mais jamais en continuité du contrat.

[178]    Lors de l’inspection préréception le 6 novembre 2017, les travaux de maçonnerie étaient entamés, mais non terminés.

[179]    Il confirme, à l’instar de la Bénéficiaire, qu’il a voulu faire l’inspection préréception plus tôt, mais que celle-ci aurait refusé, disant vouloir retenir les services d’un inspecteur pour ce faire.

[180]    Quant au rôle de Monsieur Normand Hébert sur le chantier, il dit que ce dernier n’agissait pas à titre de gérant de chantier. Au contraire, il affirme que Monsieur Hébert était gérant de projet sur un autre chantier à Lachine et qu’il construit les murs de la Bénéficiaire à Kahnawake. Selon lui, Monsieur Hébert a fait des travaux de finition chez la Bénéficiaire à compter d’avril 2017 et pour lesquels il a reçu un salaire hebdomadaire. À l’appui, il dépose des photos de Monsieur Hébert en juin et juillet 2017 où l’on peut voir ce dernier faire la peinture. Bref, selon son témoignage catégorique, Monsieur Hébert n’agit pas comme gérant de chantier sur ce projet.

[181]    Il ajoute avoir été informé que Monsieur Hébert a fait des travaux chez la Bénéficiaire entre le 15 septembre 2017 et le 6 novembre de la même année, mais dira qu’il présume qu’il y a eu entente entre la Bénéficiaire et Monsieur Hébert à cet effet. En ce qui le concerne, cela n’implique pas son entreprise.

[182]    Sur le point 55 (dalles de béton), il confirme que c’était inclus au contrat, mais que les travaux devaient être faits à la toute fin, après le stationnement et le nivellement du terrain. Il n’a aucune facture pour l’achat de ce matériau.

[183]    Quant au point 56 (dalles de béton au-dessus de l’espace prévu pour le rangement des déchets), cela aussi était inclus au contrat et devait être fait à la fin. Hélas, il ne s’est pas rendu là.

[184]    Relativement aux points 57 et 58 (balustrade et mains courantes), cela était inclus. Il indique que les mains courantes devaient être installées après la pose du revêtement extérieur et la maçonnerie. Au moment de quitter le chantier, c’était des garde-corps « de fortune » qui étaient en place (planches de contreplaqué).

[185]    Le plancher du vestibule arrière (point 60) devait aussi être fait. Il a dû arrêter les travaux avant de se rendre là, faute d’argent. Interrogé sur le matériau prévu, il indique que c’est selon le budget de la cliente. Rien n’avait été prédéterminé à l’avance en termes de matériau selon lui. Il affirme que Monsieur Richard Boucher, qui a installé le revêtement de sol et les marches, a fait une partie des travaux en sous-traitance, mais que pour le reste, il devait s’arranger directement avec la Bénéficiaire.

[186]    Il indique avoir recommandé, en tout, quatre (4) sous-traitants à la Bénéficiaire et lui avoir remis une copie des soumissions reçues. Quant à lui, il n’était plus responsable de quoi que ce soit sur le chantier. Il affirme ne pas avoir voulu mettre en péril sa licence avec la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). Par ailleurs, il affirme qu’à cette époque, il n’était pas en mauvais termes avec la Bénéficiaire et que pour lui, il devait retourner sur le chantier pour compléter les travaux au moment où la Bénéficiaire serait en mesure de dégager de nouvelles liquidités. D’ailleurs, la remise de soumissions avait pour but de lui permettre de se préparer et de connaître les coûts prévisibles à venir.

[187]    Quant au point 61 (finition inadéquate des murs de la douche), il affirme que c’est tout à fait tendance de mettre une finition en vinyle (prélart) dans une douche et que le produit est garanti 25 ans. Selon lui, c’est le produit qui avait été déterminé de concert avec la Bénéficiaire puisque celle-ci n’avait pas d’argent pour poser de la céramique. Ici, cependant, il confirme que le travail a été mal fait et que l’installateur n’a pas voulu reprendre le travail pour cause de non-paiement. Il ne se souvient plus si les travaux ont été faits sous sa supervision ou après qu’il ait quitté le chantier.

[188]    Concernant le point 62 (absence de finition dans le vestibule de l’aire commune arrière), il dit ne pas être concerné puisqu’il avait quitté le chantier à ce moment.

[189]    La finition des escaliers des aires communes et des unités a été faite par Monsieur Boucher. En raison du non-paiement, il refuse de reprendre le travail. Il ajoute que lorsqu’il a quitté le chantier, des balustrades en contreplaqué étaient en place. Il dit que sur le choix des matériaux pour le vestibule, des discussions ont eu lieu entre la Bénéficiaire et sa conjointe et que le choix était soit du vinyle, soit de la céramique. Mais il ignore la raison pour laquelle ce sont les seuls matériaux discutés.

[190]    Comme sa conjointe, qui fait la comptabilité, lui dit qu’il n’y a plus d’argent, il met la Bénéficiaire en contact directement avec Monsieur Boucher et c’est à eux de prendre arrangement ensemble pour compléter les travaux du vestibule.

[191]    Monsieur Croteau témoigne ensuite sur les différentes factures déposées au dossier. Ainsi, à la vue de la facture du maçon datée du 7 septembre 2017 et adressée directement à la Bénéficiaire, il révise sa position quant à la date de son départ du chantier pour dire qu’en date du 7 septembre, il n’était plus là, et non le 15 septembre comme il l’a affirmé plus tôt.

[192]    Confronté à la lettre de Revêtements extérieurs SMJ (ci-après « SMJ ») qui affirme que des travaux de menuiserie ont été faits par l’Entrepreneur peu avant le début de leurs travaux (le 31 octobre 2017), il dit ignorer d’où provient cette lettre et nie catégoriquement avoir fait des travaux extérieurs. Il réitère qu’il n’a qu’un seul employé (Normand Hébert) et qu’il n’a aucune facture pour des travaux de menuiserie en lien avec des travaux extérieurs. Il soutient d’ailleurs que c’est probablement Raphaël St-Louis inc. qui a fait les travaux préalables à ceux de SMJ.

[193]     En contre-interrogatoire, il précisera qu’il est vrai que malgré le départ de l’Entrepreneur du chantier, Normand Hébert y est retourné, mais ajoutera que ce n’était pas sous ses ordres et instructions. Il maintient donc que les travaux faits par ce dernier ne peuvent être considérés comme étant ceux de l’Entrepreneur.

[194]    Il confirmera également que la licence RBQ est détenue par Mélanie Perron, sa conjointe, et maintiendra sa position à l’effet que Mélanie Perron n’est pas habile à signer des contrats qui engagent l’Entrepreneur, cette dernière n’étant que l’une des deux (2) actionnaires.

[195]    Il réaffirme que Mélanie Perron était la gérante de chantier et que ses responsabilités consistaient à ouvrir et gérer le chantier et à obtenir des soumissions. Il admet que c’est Monsieur Hébert qui a été désigné pour être présent lors de l’inspection préréception, mais ajoute qu’il n’a pas besoin d’être gérant de chantier pour être présent à l’inspection. D’ailleurs, il affirme n’avoir versé aucun salaire à ce dernier à titre de gérant de chantier. Même si Monsieur Hébert était présent la 14 juin 2017 lors d’une visite de chantier, c’est uniquement en raison d’un accident de travail de Mélanie Perron, laquelle ne pouvait être présente à cette date. Il admet également que Mélanie Perron peut parfois poser des questions à Monsieur Hébert lorsqu’elle ignore quelque chose puisque ce dernier est leur employé depuis 7 ans.

[196]    Quant aux instructions données par lui à Cedma concernant le paiement du maçon, il dit que c’est en raison du fait que la Bénéficiaire ne voulait pas lui donner l’argent [à lui] et qu’il refuse, par conséquent, d’engager sa licence RBQ.

[197]    Patrick Croteau nie qu’en juillet 2017 il avait reçu l’argent pour engager et payer les sous-traitants, notamment pour le revêtement extérieur et la brique. De fait, il explique qu’il doit céduler ses sous-traitants à l’avance, mais qu’il faut se garder de conclure que cela signifie qu’il a l’argent et signera les contrats. Bref, il dit qu’il cédule à l’avance, et il signera, ou non, le contrat du sous-traitant en fonction du fait qu’il aura, ou non, reçu l’argent de la Bénéficiaire au moment de signer le contrat avec ce dernier. Il réitère qu’il refuse d’engager sa licence RBQ sans avoir reçu la contrepartie monétaire.

[198]    Relativement au taux majoré de 18%, il indique que cela inclut les frais d’administration du chantier et de gestion du projet. Cela inclut, selon lui, uniquement ses frais à lui et ceux de Mélanie Perron. Cela n’inclut pas les employés ni les sous-traitants.

IV

PLAIDOIRIES

Bénéficiaire

Ajout des points 46 à 48 dans le Dossier I

[199]    La Bénéficiaire demande d’ajouter les points 46 à 48 au présent arbitrage. Elle indique que lors de son désistement, elle croyait qu’elle ne pouvait demander l’arbitrage sur ces points puisqu’elle avait déjà payé les sommes. Elle a ensuite appris que sa réclamation pouvait être couverte par la garantie malgré tout. Elle demande donc que ces points soient ajoutés.

Sur le mérite du dossier

[200]    La Bénéficiaire plaide qu’elle avait le fardeau de prouver, relativement aux points en litige dans le Dossier I, que l’Entrepreneur a encaissé suffisamment d’argent pour l’exécution de l’ensemble des travaux et que les travaux ont été exécutés sous sa supervision.

[201]    Quant au point 3 du Dossier II, il lui incombait de démontrer que les travaux étaient nécessaires, urgents et conservatoires.

[202]    En l’espèce, Patrick Croteau a reconnu qu’il s’agit d’un contrat à coût majoré,          « clé en main ». Ceci est également confirmé par son gérant de chantier, Normand Hébert.

[203]    Patrick Croteau a confirmé qu’il devait tout faire, y compris planter des arbres s’il avait suffisamment de fonds.

[204]    Par ailleurs, les contrats signés contiennent des exclusions spécifiques. Ainsi, si ce n’est pas expressément exclu, il faut conclure que c’est inclus.

[205]    Elle soutient que l’Entrepreneur n’a pas respecté les règles de l’art. De plus, le contrat signé par elle et qui devait être transmis à l’Administrateur ne contenait aucun chiffre lorsqu’elle l’a signé, alors que celui transmis en contient.

[206]    Elle rappelle que le premier (1er) prêteur privé est un ami de Patrick Croteau et qu’il a déboursé la somme de 600 000 $ pour la construction de son immeuble. Force est de constater que ce dernier n’aurait pas déboursé une telle somme s’il avait cru que les travaux ne seraient pas exécutés. Au surplus, l’Entrepreneur avait préparé et remis au prêteur une soumission au coût de 600 000 $ pour l’émission du financement. Il faut donc conclure que cette somme a été jugée suffisante pour la réalisation du projet. Autrement, le chiffre proposé aurait été plus élevé.

[207]    Elle indique que l’affirmation de Patrick Croteau voulant que Normand Hébert ne fût pas le gérant de chantier n’a que pour seul objectif d’ajouter des frais. D’ailleurs, les frais de gérance prévisible de 30 000 $ à 35 000 $ ont été retirés du contrat et intégrés au pourcentage de majoration (18% plutôt que 12%).

[208]    La pièce B-22, qui est une soumission datée du 4 décembre 2016, démontre un coût de construction de 501 000 $, incluant des frais de GCR de 34 746,90 $. Elle indique que cette soumission a été faite dans le but d’obtenir du financement et rappelle que l’Entrepreneur a tenté de la dissuader de prendre la garantie, ce qu’elle refusa.

[209]    Par ailleurs, contrairement aux affirmations de l’Entrepreneur voulant que ce soit la Bénéficiaire qui ait choisi des matériaux de piètre qualité, elle soutient que la preuve documentaire démontre le contraire, et notamment les pièces B-17a) et B-17b).

[210]    De plus, elle affirme avoir vu, lors d’une pause santé en cours d’audience, les nouvelles factures remises par Patrick Croteau à son expert, Monsieur Coallier. Elle y a vu notamment une facture émanant du fils de Patrick Croteau, alors que ce dernier n’a jamais mis les pieds sur son chantier.

[211]    Elle rappelle que Patrick Croteau lui a de tout temps affirmé lui avoir remis toutes les factures, alors qu’il en apporte de nouvelles à l’audience.

[212]    Aussi, ce dernier a affirmé, lors de son témoignage, qu’il aurait eu besoin d’une somme supplémentaire de 70 000 $ pour compléter les travaux, incluant la climatisation, les balcons, la finition des aires communes et même le stationnement. Monsieur Coallier a démontré que l’Entrepreneur avait reçu au moins 60 000 $ de plus, et jusqu’à 115 000 $ de plus. Cette somme aurait très certainement été suffisante pour couvrir l’ensemble des travaux ou du moins, ceux couverts par le Règlement.

[213]    Madame Mingole rappelle au Tribunal les propos de Monsieur Hébert voulant que les chantiers de l’Entrepreneur se terminent bien souvent comme le sien et que ce dernier finit généralement par mettre la main à la pâte pour aider le client. Ce dernier a aussi était catégorique sur le fait qu’il s’agit d’un contrat à coût majoré, de type « clé en main ».

[214]    Elle ne comprend pas que l’Entrepreneur dise que le crépi n’est pas inclus au contrat alors que sur tous les plans, il y a de l’acrylique de prévue (meilleur matériau). Pareillement, elle ne comprend pas la position de l’Administrateur qui fait des distinctions entre parachèvement et malfaçon, surtout si cela n’a aucune importance sur l’issue devant le Tribunal. Elle se sent lésée dans ses droits par l’Administrateur, alors qu’elle a payé près de 35  000 $ pour la garantie.

[215]    La Bénéficiaire souligne que l’on s’est souvent demandé, lors de l’audience, si tel ou tel élément était inclus au contrat. Se référant à une décision de Claude Dupuis[1], elle indique qu’en cas de doute, l’arbitre doit pencher en faveur du Bénéficiaire. En l’espèce, Patrick Croteau admet le contenu du contrat. Il soutient simplement qu’il a manqué d’argent, alors que c’est faux. On se rappellera que l’Entrepreneur a reçu de l’argent à deux (2) reprises en juillet et août 2017 et qu’il confirme qu’il fera le revêtement extérieur au retour des vacances. Par ailleurs, même si ce dernier avait installé des garde-corps temporaires avant de quitter le chantier, il aurait dû les retirer pour poser le revêtement extérieur. Pourquoi alors le lui reprocher à elle alors qu’elle a fait exactement ce que l’Entrepreneur aurait fait lui-même? La preuve a démontré que la maçonnerie a été exécutée sous la supervision de l’Entrepreneur.

[216]    Madame Mingole rappelle qu’elle a contacté le service à la clientèle de l’Administrateur à deux (2) reprises et qu’elle a fait ce qu’on lui a dit de faire : si le bâtiment est en péril, elle doit le protéger. Elle n’avait pas d’argent et a dû s’endetter pour faire faire les travaux. Elle comprend mal pourquoi on lui dit aujourd’hui qu’elle aurait pu, ou dû, ne faire que le strict minimum à titre de mesures d’urgence. Si elle l’avait su, c’est ce qu’elle aurait fait.

[217]    Elle s’en remet aux témoignages de ses experts en ce qui concerne la qualité des matériaux relativement aux points 60 et 61 du Dossier I.

[218]    La Bénéficiaire réitère le contenu de la preuve documentaire eu égard aux matériaux choisis qui démontre sans équivoque que l’Entrepreneur n’a pas fait ce qui lui avait été demandé et qu’il n’a pas posé les matériaux choisis par la Bénéficiaire.

[219]    La Bénéficiaire, s’appuyant sur une décision de France Desjardins[2], soutient que le Tribunal doit déterminer s’il y aura enrichissement injustifié de sa part advenant que le parachèvement des travaux soit ordonné. En l’espèce, la réponse qui s’impose est non. L’Entrepreneur a reçu plus d’argent que ce qu’il a investi dans l’immeuble, incluant ses propres frais.

[220]    Aujourd’hui, on lui tape sur les doigts pour avoir fait le nécessaire pour protéger la bâtisse et ses occupants. L’Administrateur ne peut refuser de faire les travaux inexécutés ou mal faits par l’Entrepreneur, qui a été payé en contrepartie.

[221]    La Bénéficiaire demande au Tribunal de faire droit à sa demande et d’ordonner le parachèvement et la correction des travaux, le remboursement des frais engagés pour compléter les travaux décrétés urgents et nécessaires par ses experts et le remboursement de ses frais d’expert.

[222]    Elle demande également qu’il soit tenu compte, dans l’analyse de la situation, du délai de quatre (4) mois qui s’est écoulé entre sa réclamation et la première (1ère) visite de l’Administrateur, et qu’il soit considéré la réaction probable de l’Administrateur si le bâtiment n’avait pas été protégé par la Bénéficiaire à cette date.  

[223]    En réplique, la Bénéficiaire indique qu’elle accepte que les frais de Monsieur Coallier soient réduits. Elle précise qu’elle ne voit pas toutefois comment elle aurait pu faire autrement pour démontrer que l’Entrepreneur a reçu plus d’argent que ce qui a été investi dans l’immeuble.

[224]    Quant au point 45, elle précise que ce n’est pas du crépi qui doit être posé, mais bien de l’acrylique puisque c’est ce qui est indiqué aux plans et que tous l’ont admis.

[225]    Elle conteste le fait que Me Provençal parle de suppositions alors que la preuve est écrite.

[226]    Le point 61 est clair à l’effet qu’il a toujours été question de poser de la céramique dans la douche et non du vinyle. Sur le point 50, l’Entrepreneur a admis que la pose de la maçonnerie était prévue au contrat. Quant aux exclusions prévues à l’article 12 du Règlement, on y traite de matériaux achetés par le bénéficiaire. Ici, les matériaux ont été achetés par l’Entrepreneur.

[227]    Par ailleurs, elle rappelle que le premier (1er) contrat signé avec l’Entrepreneur prévoyait un taux majoré de 12% et des frais de gestion, administration et comptabilité de l’ordre de 30 000 $ à 35 000 $. Il est étrange que les frais de Monsieur Hébert, selon les calculs effectués par Me Provençal, avoisinent les 30 000 $ initialement prévus. Monsieur Coallier a d’ailleurs témoigné à l’effet qu’aucun frais d’ouvriers ne devrait lui être chargé.

[228]    La Bénéficiaire soumet la décision Mainville[3] et réitère qu’à l’issue de l’arbitrage,  non seulement il ne doit pas y avoir d’enrichissement injustifié du Bénéficiaire, mais qu’il ne doit pas non plus en résulter un appauvrissement injustifié de ce dernier, ni un enrichissement injustifié de l’Administrateur.

[229]    Enfin, elle soumet qu’elle avait l’obligation de mitiger ses dommages. Compte tenu de sa situation financière découlant de la non-complétion des travaux et de l’abandon du chantier par l’Entrepreneur, elle avait aussi l’obligation de mitiger ses pertes financières.

[230]    Elle ajoute, lors de son courriel du 11 juin 2019 en réponse à la demande du Tribunal transmise le 3 juin, que la condamnation des balcons tel que suggéré par l’Administrateur n’était pas possible. Elle allègue avoir consulté plusieurs sources et que selon les réponses obtenues, la condamnation des balcons ou la pose de contre-plaqué en guise de garde-corps n’aurait pas été légal. Elle soumet une série de documents, et notamment des extraits du règlement de la ville de Saint-Hubert, de codifications administratives et du Code civil du Québec relativement au louage résidentiel.

Administrateur

Ajout des points 46 à 48 dans le Dossier I

[231]     Me Provençal, procureur de l’Administrateur, s’est opposé à l’ajout de ces points sur lesquels il y a eu désistement à l’automne dernier. Il allègue qu’il y a chose jugée suite à l’émission et à l’envoi du procès-verbal du 23 octobre 2018, du courriel de la Bénéficiaire du 13 novembre suivant, et la réponse de l’arbitre du 14 novembre dans lequel l’arbitre écrit : 

« Je prendrai acte, dans la sentence à intervenir, du désistement de la Bénéficiaire relativement aux points 1, 25, 32, 46, 47 et 48. »

[232]    Par conséquent, il soumet qu’il y a chose jugée et il s’oppose à l’ajout de ces points.

Sur le mérite du dossier

[233]    Me Provençal commente d’abord les décisions jurisprudentielles soumises par la Bénéficiaire.

[234]    En ce qui concerne la décision Mariane Vincent[4] il affirme que cette affaire est tout à fait différente du cas présent. En effet, il s’agissait d’une demande de l’entrepreneur à l’encontre d’une décision favorable aux bénéficiaires, auquel cas le fardeau de la preuve reposait sur les épaules de l’entrepreneur. Par conséquent, ici, en cas de doute, ce dernier doit s’interpréter en faveur de l’Administrateur et non de la Bénéficiaire.

[235]    Quant à la décision de l’arbitre Desjardins dans l’affaire Paradis[5], il soutient que le débat portait sur l’application de la garantie en contexte préréception et non après réception. Il s’agissait d’une demande de remboursement d’acomptes et de parachèvement. Vu le contexte fort différent, cette décision ne saurait s’appliquer au présent cas. Au surplus, l’arbitre rejette l’argument relatif à l’enrichissement injustifié et maintien la décision de l’Administrateur.

[236]    En ce qui concerne le présent dossier plus spécifiquement, il indique que le contrat produit sous A-4, qui semble être celui accepté de tous, ne comporte aucune mention à l’effet que les salaires des employés de l’Entrepreneur sont inclus dans le « prix du contrat », ni dans le « prix coûtant », selon les définitions indiquées au contrat. Selon lui, l’Entrepreneur est en droit de facturer le salaire de Monsieur Hébert à la Bénéficiaire, en sus de son taux de majoration de 18%. Ainsi, le salaire de Monsieur Hébert d’environ 26 000 $, majoré de 18% équivaut à environ 30 000 $. Il est donc d’avis que cette somme doit être déduite du montant de 60 000 $ que l’expert Coallier indique avoir été payé en trop par la Bénéficiaire. Par ailleurs, il convient qu’il existe un débat sur tout ce qui touche les aspects financiers du dossier et que rien n’est clair.

[237]    Il souligne le contexte très particulier de la situation contractuelle des parties. S’il est admis qu’il s’agit d’un contrat à coût majoré, il n’y a aucune admission quant au fait qu’il s’agirait d’un contrat de type « clé en main ».

[238]    D’ailleurs, la situation contractuelle des parties se rapproche beaucoup plus d’un contrat d’entreprise que d’un contrat de vente, ce qui exclurait ou diminuerait les possibilités qu’il se soit agi d’un contrat « clé en main » qui lui se retrouve beaucoup plus souvent en matière de contrat de vente.

[239]    Il ajoute qu’il n’y a aucun plan définitif, seulement les plans soumis à la ville. Également, la preuve a démontré qu’il y a eu plusieurs modifications au contrat en cours de route. En somme, il n’y a rien sur quoi le Tribunal puisse se fier pour déterminer le contenu du contrat. Il n’y a que des suppositions.

[240]    Il soumet la décision Alexis Waddel[6] et invite l’arbitre à appliquer le plan de garantie, sans dépasser le cadre du Règlement. Ainsi, seuls les frais urgents, nécessaires et conservatoires doivent être remboursés à la Bénéficiaire. Aussi, tout ce qui concerne l’aspect financier du dossier et qui a été débattu devant l’arbitre ne fait pas partie du contrat de garantie. De fait, l’article 10 du Règlement prévoit de façon exhaustive ce qui est couvert par la garantie et il n’y a rien qui puisse permettre de réclamer des frais payés en trop à l’Entrepreneur. Par conséquent, le débat financier ne doit servir qu’à déterminer le contenu du contrat afin de déterminer les obligations contractuelles de l’Entrepreneur. Il précise que le plan de garantie n’est pas une garantie mur-à-mur.

[241]    En ce qui concerne  le point 45, l’expert de la Bénéficiaire a admis qu’il n’y avait rien dans la documentation soumise qui permette de conclure que l’Entrepreneur se soit engagé à procéder à la pose du crépi. En ce sens, Me Provençal soumet que l’Administrateur peut avoir raison de conclure qu’il n’y a aucune preuve à cet effet et rejeter la demande de la Bénéficiaire. Rappelant que le fardeau repose sur les épaules de la Bénéficiaire, il demande que soit maintenue la décision de l’Administrateur.

[242]    Quant au point 50 (taches et éclaboussures sur la maçonnerie), il se dit d’avis que la situation n’est pas claire quant à savoir qui avait la responsabilité de l’installation de la maçonnerie. Par ailleurs, si le Tribunal conclut que la responsabilité échouait à l’Entrepreneur, mais que dans les faits, les travaux ont été faits par ou sous le contrôle de la Bénéficiaire, il faut conclure que cet élément est spécifiquement exclu du plan de garantie en vertu de l’article 12 du Règlement.

[243]    Le point 54 concernant les scellants manquants n’est pas plus clair que le reste et l’expert Coallier a été incapable de se prononcer sur cet aspect.

[244]    Le même raisonnement s’applique relativement au point 55 (dalles de béton absentes aux entrées avant et arrière) et, quant à ce point, il faut aussi déterminer s’il s’agit d’éléments faisant partie intégrante du bâtiment ou non pour déterminer s’il y a couverture au sens du Règlement puisque les perrons et balcons sont expressément exclus.

[245]    Le point 56 (dalle de béton à l’endroit prévu pour le rangement des déchets) doit recevoir le même traitement que le point 55.

[246]    Me Provençal continue son argumentation en traitant des points 57 et 58 (garde-corps et mains courantes) du Dossier I, et du point 3 du Dossier II portant spécifiquement sur les travaux faits par la Bénéficiaire relativement à ces éléments et pour lesquels elle réclame le remboursement.

[247]    Selon lui, la preuve démontre que les travaux ont été faits par la Bénéficiaire et il n’y a aucune preuve voulant que ces travaux fussent sous la responsabilité de l’Entrepreneur. Compte tenu du manque de clarté des plans, les nombreuses modifications verbales au contrat, il est impossible de déterminer si ces éléments étaient inclus au contrat.

[248]    Puisque l’article 12 du Règlement exclut les travaux faits par les bénéficiaires, il faut conclure que ces éléments ne sont pas couverts. Par ailleurs, même s’ils étaient inclus, il n’y avait aucune urgence à procéder aux travaux comme l’a fait la Bénéficiaire en l’instance.

[249]    Les points 60 (plancher du vestibule à parachever à l’arrière), 61 (unité 2 - finition inadéquate des murs de la douche) et 62 (absence de finition dans le vestibule de l’aire commune arrière) n’ont également fait l’objet d’aucune preuve probante qui tende à démontrer que ces travaux étaient inclus au contrat. De fait, les travaux semblent avoir été faits par Monsieur Boucher, mais rien n’indique qui de l’Entrepreneur ou de la Bénéficiaire était le donneur d’ouvrage. Au surplus, si l’arbitre devait conclure à la responsabilité de l’Entrepreneur, il n’y a aucune indication des matériaux qui devaient être utilisés. Si la Bénéficiaire veut réduire les coûts de finition, rien n’indique qu’il devrait y avoir de la céramique au lieu du vinyle.

[250]    Sur le point 65, Me Provençal indique que cette réclamation a été acceptée au point 2 du Dossier II et il n’est pas nécessaire ici d’en traiter.

[251]    Enfin, il revient au point 3 du Dossier II et dépose la décision Syndicat de copropriété 8105 De Londres, Brossard[7] rendue par Alcide Fournier. Dans cette affaire, le bénéficiaire avait procédé au calfeutrage des ouvertures et l’arbitre indique qu’il ne peut retenir qu’il s’agit là d’une solution temporaire avant que ne survienne la solution finale. Selon lui, la mesure conservatoire doit nécessairement être une mesure temporaire. Il refuse donc la demande de remboursement du coût des travaux. Me Provençal demande au Tribunal de tenir le même raisonnement en l’instance.

[252]    Il ajoute aussi que les travaux faits par la Bénéficiaire étaient exécutés avant même la réception du bâtiment. Il faut donc conclure que la Bénéficiaire a pris en charge le parachèvement des travaux et qu’elle ne peut ensuite en réclamer remboursement à l’Administrateur, quand bien même il serait démontré que ces travaux étaient sous la responsabilité de l’Entrepreneur.

[253]    Me Provençal rappelle qu’il existait des mesures conservatoires temporaires qui auraient pu être mises en place par la Bénéficiaire plutôt que de procéder aux travaux finaux. Il rappelle notamment la pose d’une deuxième (2e) membrane pare-intempéries pour recouvrir le bâtiment ou la pose de garde-corps temporaires. D’ailleurs, selon lui, l’Entrepreneur avait sécurisé le chantier avant de quitter.

[254]    De plus, par courriel daté du 14 juin 2019, et à la demande du Tribunal, Me Provençal soumet que la condamnation des issues menant aux balcons constitue une solution alternative temporaire conforme aux codes et lois en vigueur, notamment les articles 9.9.8.2 1) et 9.9.9.3 1)a) du Code national du bâtiment (2010) et les articles 2.7.2.1 1) et 5.6.1.16 1) du Code national de prévention des incendies - Canada 2010. IL est vrai que c’est le Code national du bâtiment (2005) qui s’applique ici, mais les dispositions en cause sont, à toutes fins pratiques, les mêmes.

[255]    Il n’y a aucune indication voulant que les travaux finaux doivent être exécutés par la Bénéficiaire. Le remboursement demandé est donc impossible.

[256]    Toujours en lien avec la demande de précisions du Tribunal, Me Provençal argue que la portée du courriel de la Bénéficiaire daté du 11 juin 2019 dépasse largement le cadre de ce qui a été demandé et permis par l’arbitre. Il s’objecte donc à tout ce qui n’est pas en lien direct avec le contenu du courriel de l’arbitre du 3 juin 2019 puisque les plaidoiries sont terminées et la preuve close.

[257]    Me Provençal demande le maintien intégral de la décision de l’Administrateur. Il demande toutefois au Tribunal, vu la situation particulière du dossier, de déterminer les matériaux qui devront être utilisés advenant la conclusion du Tribunal voulant que la responsabilité de l’Entrepreneur soit engagée à certains égards.

[258]    Plus spécifiquement, relativement aux scellants, il réitère le consentement de l’Administrateur, tel qu’indiqué lors de la visite des lieux, que si cet élément relève de l’Entrepreneur qu’une ordonnance générale de vérifier et refaire tous les scellants sera suffisante sans qu’il soit nécessaire de préciser lesquels sont visés par l’ordonnance.

[259]    Quant aux frais d’expertise, il demande au Tribunal d’appliquer l’article 124 du Règlement. Par ailleurs, il soutient que les frais d’expertise relatifs à l’inspection préréception doivent être  la charge de la Bénéficiaire. Quant aux frais de l’expert Coallier, il soumet que le rapport d’expertise n’est pas conforme aux indications du Tribunal indiquées au procès-verbal du 12 mars 2019 et qu’au demeurant, celui-ci est d’une pertinence limitée pour le présent litige. Il s’avère que l’expertise est plus en lien avec le litige civil qu’en arbitrage. Il demande donc de réduire les frais de préparation de l’expertise de 50%, et accepte les frais relatifs à la présence de l’expert à l’audition.

V

ANALYSE ET DÉCISION

[260]    Le Tribunal statue d’abord sur la demande de la Bénéficiaire voulant que les points 46 à 48 du Dossier I soient traités dans le cadre de l’arbitrage, malgré le désistement.

[261]    Le Tribunal, après avoir entendu les parties, rejette la demande de la Bénéficiaire séance tenante. Le Tribunal note que le 22 octobre 2018, il octroyait à la Bénéficiaire un délai de dix (10) jours pour indiquer si elle renonce effectivement aux points 46 à 48 du Dossier I et dont voici l’extrait pertinent du procès-verbal daté du 23 octobre 2018 :

« i. Madame Mingole indique aussi, dans ce même courriel, que : « je renoncerai aux points 46, 47,48, 50, 53, 59, 64 soumis à l'arbitrage ». Or, les points 53, 59 et 64 ne sont présentement pas en arbitrage. Il est donc demandé à Madame Mingole de fournir une liste exacte des points en arbitrage, et ce, dans les dix (10) jours suivants la réception des présentes, et de renoncer de façon claire et non équivoque aux points dont elle entend se désister si tant est que ce soit toujours son intention. De l’avis du Tribunal, la simple mention « qu’elle renoncera » à certains points n’est pas suffisamment certaine pour qu’il en soit pris acte à ce stade-ci; »

            [Soulignement ajouté]

[262]    Le 13 novembre suivant, la Bénéficiaire écrit ceci :

« En prévision de notre appel conférence de demain matin, je tiens par la présente à vous spécifier que j’abandonne  les points suivants dans le cadre de l’arbitrage :

ARBITRAGE : TABLEAU DES POINTS AUXQUELS JE RENONCE NOVEMBRE 2018

Point

ABANDONNÉS

JUSTIFICATION

 

46.

Solin absent au- dessus des ouvertures

Travaux supervisés par le contremaître d’Investi Pro mais payé par moi, à la demande d’Investi Pro

 

47.

Solins ne débordent pas de 5 mm

J’ai payé le briqueleur

 

48.

Protection contre la pluie-solins absents sous les appuis de fenêtres en maçonnerie jointoyée

Travaux supervisés par le contremaître d’Investi Pro mais payé par moi, à la demande d’Investi Pro

 »

[263]    Ainsi, le Tribunal estime que la Bénéficiaire, qui a bénéficié d’un délai de réflexion suffisant pour prendre sa décision, a renoncé en toute connaissance de cause à sa demande sur ces points. L’erreur de droit n’est pas une erreur qui vicie le consentement.  La décision de l’Administrateur traitant de ces points a acquis la force de la chose jugée et n’est pas révisable par l’arbitre.

Sur le mérite du dossier

[264]    Quant au reste du dossier, il n’y a pas de réelle contestation quant à savoir si le bâtiment, dans l’état où il se trouve, est achevé ou non ni quant à savoir si des travaux de correction ou de parachèvement sont requis. L’essentiel du litige consiste à déterminer l’étendue des obligations de l’Entrepreneur et si la Bénéficiaire a payé ou non pour les travaux dont elle réclame la correction et/ou le parachèvement. De l’admission même de l’Administrateur, dès qu’il est prouvé que les travaux ont été payés à l’Entrepreneur par la Bénéficiaire, ces points doivent être considérés comme étant couverts par le Règlement.

Le contrat

[265]    Il importe d’abord de dire quelques mots sur le contrat et ses nombreuses versions.

[266]    La pièce A-14 fait état d’un contrat qui a été signé le 7 septembre 2016, et qui prévoit une majoration du coût au taux de 12%, frais de gestion de chantier, de comptabilité et d’administration en sus. Selon cette version du contrat, le coût de construction est évalué à environ 805 000 $, taxes incluses. Il ne porte aucune autre mention particulière.

[267]    Une autre version du contrat, produite sous A-4, prévoit une majoration du coût de 18 %, incluant les frais de gestion de chantier et les frais d’administration. Le document ne porte aucune date ni évaluation des coûts de construction, mais prévoit que la construction sera faite « Tels que plans fournie par la cliente » (sic). Il porte également la mention suivante :

            « Retard de commencement travaux dû a l’Architect

            18 janvier 2017 Permis non émis (en Attente) (sic) »

[268]    On peut aussi y lire que l’Entrepreneur fourni la main d’œuvre, les matériaux, l’outillage et l’équipement. Y est également prévue une liste d’exclusions.

[269]    Sous A-1 et A-2, on trouve un contrat de garantie, et un de construction, tous deux (2) signés le 2 avril 2017. Plus particulièrement, le contrat de construction prévoit un coût de construction d’environ 805 000 $, et une majoration du coût au taux de 18 %. On y note également la mention suivante :

« Annexe au contrat (inclusion et exclusion)

Contrat a coût majorer (cliente paie toute les factures et toute extra (se reférer au coût majorer)

(Note) Plans du au changement du par la cliente (sic) »

[270]    Une autre version du contrat est déposée au dossier sous la cote B-21. Selon le témoignage non contredit de la Bénéficiaire, ce serait le contrat original qui aurait été signé par les parties. Le Tribunal la croit. Ce contrat n’est pas daté, et ne porte aucune mention de prix.

[271]    En effet, une analyse des différents documents et des témoignages rendus suffit à me convaincre que le contrat déposé sous la cote B-21 est le contrat original signé par les parties, et que le contrat déposé sous la cote A-4 est en fait le contrat B-21, sur lequel des modifications ont été faites. Mais en aucun cas les modifications n’affectent l’étendue des prestations dues par l’Entrepreneur. Ainsi, je conclus que le contrat produit sous la cote A-4, au taux de 18 % est le contrat final qui lie véritablement les parties.

[272]    Les autres versions du contrat apparaissent avoir été confectionnées à d’autres fins, tels les besoins de financement, comme l’ont exposé la Bénéficiaire et Monsieur Croteau. Il convient donc de les mettre de côté pour les fins du présent arbitrage.

[273]    Quant au contenu du contrat, le Tribunal retient le témoignage de la Bénéficiaire et celui de Monsieur Hébert comme étant crédibles. Aussi, le Tribunal est d’avis que le contrat en était un de type « clé en main ».

[274]    D’ailleurs, Monsieur Croteau, bien que niant ce fait, reconnaît que le contrat incluait tout ce que la Bénéficiaire demandait, et même les arbres et le stationnement s’il y avait assez d’argent. Le Tribunal indique ici qu’il accorde peu de crédibilité au témoignage de Monsieur Croteau qui manifestement n’a pas été transparent et cherche des motifs pour continuer de nuire à la Bénéficiaire malgré sa faillite et le fait que ses obligations incomberont, dans les faits, à l’Administrateur.

[275]    Une fois déterminé qu’il s’agit d’un contrat de type « clé en main », il faut ensuite déterminer quels sont les travaux qui ont été payés à l’Entrepreneur. Comme l’admettait l’Administrateur, s’il a été payé, il faut conclure que c’est couvert par le plan de garantie. Par ailleurs, pour ce faire, il faut aussi qualifier le statut de Monsieur Hébert puisque cela a un impact direct sur les sommes que devait payer la Bénéficiaire.

[276]    De l’avis du Tribunal, il y a lieu de conclure que Monsieur Hébert a agi à titre de gérant de chantier. Au soutien de cette conclusion, le Tribunal réfère le lecteur aux témoignages de Monsieur Hébert, de Madame Mingole et de Monsieur Coallier. S’ajoute aussi une correspondance émanant du premier (1er) prêteur privé qui indique que Mélanie Perron n’a aucune expérience de chantier (B-20).

[277]    Par conséquent, cela dispose de la question de savoir si l’on doit ajouter les frais de Monsieur Hébert aux déboursés engagés dans le cadre de la construction. Ceux-ci sont réputés inclus dans le 18% de majoration prévue au contrat.

[278]    Sur la question des travaux payés à l’Entrepreneur, le témoignage de Monsieur Coallier fait état d’un certain nombre de travaux de parachèvement et de réparation de malfaçons demandés par la Bénéficiaire pour lesquels il n’a trouvé aucune facture. Par ailleurs, son analyse du dossier démontre aussi que l’Entrepreneur a reçu bien plus d’argent que ce qu’il était en droit de facturer, sur la foi des factures au dossier.

[279]    Compte tenu du fait qu’il s’agit d’un contrat à coût majoré, l’Entrepreneur a droit au paiement des coûts engagés, majorés de 18%. Il n’a cependant droit à aucune autre rémunération. Ainsi, si des sommes ont été remises à l’Entrepreneur, c’est qu’il les a demandées. Et s’il les a demandées, c’est que nécessairement il devait avoir engagé des déboursés. Il est vrai que le Code civil du Québec permet de demander des acomptes, mais uniquement si le contrat le prévoit. L’article 2122 se lit ainsi :

2122. Pendant la durée des travaux, l’entrepreneur peut, si la convention le prévoit, exiger des acomptes sur le prix du contrat pour la valeur des travaux exécutés et des matériaux nécessaires à la réalisation de l’ouvrage; il est tenu, préalablement, de fournir au client un état des sommes payées aux sous-entrepreneurs, à ceux qui ont fourni ces matériaux et aux autres personnes qui ont participé à ces travaux, et des sommes qu’il leur doit encore pour terminer les travaux.

[Soulignement ajouté]

[280]    Puisque le contrat ne prévoit pas la possibilité de demander des acomptes, et comme l’Entrepreneur a reçu beaucoup plus d’argent que ce qui est appuyé par les factures, il faut conclure qu’il ne peut s’agir d’acomptes ni d’une petite erreur de comptabilité. Il est vraisemblable de croire qu’il s’agit d’un cas où des matériaux ont été achetés, et des travaux effectués et payés, sans qu’aucune facture ne soit émise, ou encore que l’Entrepreneur s’est purement et simplement payé grassement à même les fonds reçus. De l’avis du Tribunal, cette évidence s’impose.

[281]    De plus, le Tribunal tient compte du fait que plusieurs chantiers étaient actifs au même moment et que Monsieur Hébert indique que les chantiers de l’Entrepreneur se terminent à peu près tous comme celui-ci, ajoutant que ce dernier pige « dans le plat de bonbons ». Bref, le Tribunal estime qu’on ne peut se fier sur la comptabilité effectuée par l’Entrepreneur ni sur les factures fournies. Il y a donc lieu de se fier aux montants payés par la Bénéficiaire, au fait qu’il s’agit d’un contrat « clé en main » et aux exclusions prévues au contrat pour déterminer l’étendue des travaux payés à l’Entrepreneur.

[282]    Certes, comme l’affirme le procureur de l’Administrateur, le plan de garantie ne constitue pas une garantie mur-à-mur. Cependant, conclure que les travaux dont la Bénéficiaire demande le parachèvement et/ou la correction n’ont pas été payés, si l’on se fie uniquement aux factures au dossier, reviendrait à accepter que l’Entrepreneur ait pu facturer la Bénéficiaire au-delà de ce que prévoit le contrat ou, comme le présume le Tribunal, que cette dernière a été facturée très probablement pour des travaux payés au noir par l’Entrepreneur, et punir cette dernière en raison des actes fautifs et illégaux  de son Entrepreneur en la privant de la protection que lui accorde le plan de garantie.

[283]    Pareillement, il serait tout aussi choquant de considérer que sont exclus de la garantie les travaux payés par la Bénéficiaire aux sous-traitants directement, à la demande de l’Entrepreneur, alors que les travaux ont été faits sous sa supervision, telles la maçonnerie et la pose du revêtement extérieur en aluminium.

[284]    Il s’agit d’un cas où l’application à la lettre du Règlement mène à un résultat absurde et incompatible avec l’esprit de la loi et il faut, en toute équité, pallier à cette injustice en vertu des pouvoirs conférés à l’arbitre par l’article 116 du Règlement.

[285]    Conséquemment, et considérant l’esprit du Règlement qui veut garantir aux acheteurs de maisons neuves une construction de qualité, je suis d’avis qu’il faut considérer que les travaux dont la Bénéficiaire demande la correction et/ou le parachèvement ont tous été payés et faisaient tous partie du contrat signé entre les parties. Conclure autrement serait inéquitable à l’endroit de la Bénéficiaire, que le Règlement est censé protéger.

[286]    Plus particulièrement, et pour répondre aux prétentions soumises de part et d’autre eu égard à chacun des points en litige, le Tribunal est d’avis que la preuve prépondérante est à l’effet que les travaux de maçonnerie ont été exécutés sous la supervision de l’Entrepreneur. De ce constat découle celui que les travaux de nettoyage des taches et éclaboussures sur le parement de maçonnerie (point 50) et ceux de scellants incombaient à l’Entrepreneur (point 54).

[287]    De même, les travaux d’aluminium ont également été faits sous la supervision de l’Entrepreneur.

[288]    Au soutien de cette dernière conclusion, le Tribunal reproduit une lettre déposée sous la cote B-23, annexe 10, par Monsieur Coallier et contre le dépôt de laquelle aucune objection n’a été formulée :

            « Le 10 novembre 2017

            Black Beauty coiffure et cosmétique inc.

            5240 Montée St-Hubert, Qc

            J3Y 1V7

            Objet : TRAVAUX EFFECTUÉ AU 5240 MONTÉE ST-HUBERT, SAINT-HUBERT

            Bonjour,

            Suite à votre demande, je vous remets ce résumé des démarches que nous avons fait pour vos travaux de finition extérieure que nous avons exécutés.

Nous avons d’abord été contactés par Construction InvestiPro pour soumissionner le projet ci-joint. Cette soumission a ensuite été transférée en facturation directement à la cliente pour faciliter les échanges à la demande de Patrick.

Lors de la signature du contrat avec la propriétaire, nous avons demandé de compléter plusieurs travaux de menuiserie qui n’était pas terminé pour rendre la job « prête » pour nous.

Il a donc eu une équipe de menuisier (Investipro) qui a passé avant nous pour compléter 80% des travaux restant, sauf ceux en hauteur que nous avons terminée en rajout à l’heure. Les matériaux étaient tous fournit par la cliente.

Nos travaux ont débuté le 31 octobre 2017 et ont pris fin le 7 novembre 2017.

(s) Marc-André Daigneault

Marc-André Daigneault

Représentant aux ventes »

[289]    Bien que Patrick Croteau affirme avoir quitté le chantier, le ou vers le 15 septembre 2017, la preuve démontre que Monsieur Hébert a continué à aller sur le chantier pour superviser et/ou exécuter des travaux, et qu’il n’a pas été payé par la Bénéficiaire.

[290]    Aussi, malgré le fait que Patrick Croteau ait dit à Monsieur Hébert de faire ce qu’il voulait, en autant que ça ne le concernait plus et qu’il n’avait rien à payer, ce dernier ne lui a pas interdit de continuer à se présenter sur le chantier, en sa qualité de gérant de chantier, ni indiqué que c’est en son nom personnel qu’il devait effectuer le travail. Il n’a pas non plus indiqué à la Bénéficiaire que Monsieur Hébert ne le représentait plus. La principale préoccupation de l’Entrepreneur à cette époque, est de ne plus rien devoir payer. Il dira même qu’il était question de retourner sur le chantier pour compléter les travaux une fois que la Bénéficiaire aurait les liquidités nécessaires.

[291]    L’on ne saurait par conséquent conclure que la Bénéficiaire a octroyé à Monsieur Hébert un mandat indépendant suite à l’abandon du chantier par l’Entrepreneur, ni que c’est à ce titre que ce dernier a agi.

[292]    La lettre reproduite ci-dessus soutient la prétention de la Bénéficiaire voulant que l’Entrepreneur ait continué à superviser des travaux même après l’arrêt des travaux en septembre 2017 et que c’est à ce titre qu’agissait Monsieur Hébert. L’on ne saurait conclure alors que l’Entrepreneur avait définitivement, en date du 6 novembre 2017, quitté complètement le chantier. Est-ce que Monsieur Hébert a outrepassé son mandat? Peut-être. Mais l’Entrepreneur confirme qu’il était informé de ce fait et il n’a rien fait pour y mettre un terme. Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins qu’aux yeux de la Bénéficiaire, elle obtient encore du support de l’Entrepreneur, bien que ténu. Ce n’est que le 6 novembre 2017, lors de l’inspection préréception, que la Bénéficiaire a la confirmation officielle que l’Entrepreneur ne terminera pas le chantier.

[293]    Quant au point 45 (absence de crépi), le Tribunal est d’avis que le contrat prévoyait la pose d’acrylique (et non de crépi). Ce fait est confirmé par Patrick Croteau. Aussi, ces travaux ayant été payés, c’est ce que devra poser l’Administrateur.

[294]    Sur les points 55 (dalles de béton absentes aux entrées avant et arrière) et 56 (dalle de béton à l’endroit prévu pour le rangement des déchets), le Tribunal est d’avis que ces travaux étaient prévus au contrat et qu’ils font partie intégrante du bâtiment. Cela est nécessaire pour accéder au bâtiment et ce ne sont pas des trottoirs ni des allées, exclus du plan de garantie. L’Administrateur devra donc voir à la pose des dalles de béton à ces endroits.

[295]    Quant aux points 60 à 63, le Tribunal s’explique mal les nuances que fait l’Administrateur entre ces items et ceux acceptés aux points 1 à 9 quant au parachèvement et aux points 10 à 43 quant aux corrections des malfaçons. Monsieur Berthiaume a raison de soulever des incohérences.

[296]    L’on note, dans la décision de l’Administrateur, que ce dernier refuse les items 60 à 63 au motif qu’il s’agit soit de parachèvement de travaux non exécutés par l’Entrepreneur, soit de travaux réalisés par la Bénéficiaire.

[297]    Or, en matière de parachèvement, force est de constater que ce sont nécessairement des travaux non exécutés ou non terminés. Autrement, il s’agirait de correction de malfaçons.

[298]    Le Tribunal est d’avis qu’il n’y a aucune preuve démontrant que les travaux aient été sous la responsabilité de la Bénéficiaire, au contraire. Comme ces travaux étaient inclus au contrat et qu’ils ont été payés, l’Administrateur devra voir au parachèvement des travaux relativement aux points 60 et 62 et aux corrections des malfaçons relativement aux points 61 et 63.

[299]    Par ailleurs, et à la demande expresse de l’Administrateur, le Tribunal précise les matériaux qui devront être utilisés dans le cadre du parachèvement ici ordonné.

[300]    En ce qui concerne le point 61 (finition inadéquate des murs de la douche), le vinyle posé par l’Entrepreneur dans la douche est inadéquat et ne respecte pas les règles de l’art. Sauf l’Entrepreneur, tous sont d’avis que le vinyle (prélart) n’est pas un matériau approprié pour des murs de douche. D’ailleurs, deux (2) incidents impliquant des infiltrations d’eau en provenance de la douche ont eu lieu et causé des dommages.

[301]    L’Administrateur a décrété un manque d’étanchéité à la douche et ordonné que les correctifs appropriés soient apportés. Comment reconnaître que l’étanchéité de la douche est de la responsabilité de l’Entrepreneur sans reconnaître, du même coup, que la pose du vinyle dans la douche, cause des infiltrations, relève également de ce dernier?

[302]    La preuve a démontré que l’Entrepreneur n’a pas respecté les règles de l’art ni posé la céramique qu’avait demandée la Bénéficiaire. Par conséquent, l’Administrateur devra poser de la céramique à cet endroit.

[303]    Les points 60 (plancher du vestibule à parachever à l’arrière) et 63 (finition des escaliers des aires communes et des unités) sont intimement liés. Le Tribunal est d’avis que ces travaux ne sont pas de la responsabilité de la Bénéficiaire. L’Administrateur a d’ailleurs reconnu des déficiences et ordonné des correctifs aux points 39 et 41 qui concernent les barreaux mal fixés et la finition du nez de palier. Comment conclure que les barreaux doivent être fixés correctement par l’Entrepreneur alors même que les balustrades sont nécessairement posées après les matériaux de finition dans les escaliers? Force est de constater que si l’Entrepreneur a la responsabilité des travaux relatifs aux points 39 et 41, il avait certainement la responsabilité des travaux préalables à la pose de ces éléments.

[304]    Le Tribunal retient également de la preuve que les matériaux utilisés sont de piètre qualité et qu’ils ne respectent pas les règles de l’art. Par conséquent, le Tribunal décide que l’Administrateur devra procéder au parachèvement et aux correctifs requis relativement aux points 60 et 63 dans le respect des règles de l’art. L’Administrateur devra convenir avec la Bénéficiaire du matériau à utiliser, selon les paramètres que le Tribunal fixe en conclusion des présentes.

[305]    Relativement au point 62, l’Administrateur devra parachever les travaux de finition au vestibule des aires communes arrière en s’assurant que les matériaux au vestibule arrière soient les mêmes qu’au vestibule avant, dans la mesure où ceux-ci respectent les règles de l’art. Autrement, il devra déterminer avec la Bénéficiaire les matériaux à utiliser, selon les paramètres que le Tribunal fixe en conclusion des présentes.

[306]    Le Tribunal estime opportun de faire le commentaire suivant : bien qu’il ne soit pas saisi d’une demande de la Bénéficiaire eu égard à la qualité des matériaux utilisés aux endroits autres que ceux spécifiquement visés par les demandes d’arbitrage, il serait approprié pour l’Administrateur de considérer la possibilité d’effectuer des correctifs aux autres endroits si le budget que détermine le Tribunal aux conclusions des présentes le permet. Il n’est pas permis à l’arbitre de rendre une décision sur des éléments non soumis à sa juridiction au risque de rendre une décision ultra vires. Cependant, il est permis de faire des suggestions en vue d’assurer une construction de qualité, sans pour autant que l’Administrateur y soit légalement tenu. C’est ce que le Tribunal fait ici et il s’en remet à la bonne foi de l’Administrateur dans le cadre de la mission que le législateur lui a confiée.

[307]    Le point 65, par ailleurs, n’a fait l’objet que de peu de commentaires, sauf pour dire que ce point, d’abord refusé, a ensuite été accepté au point 2 du Dossier II et qu’il devrait inclure les nouvelles fissures vues lors de la visite préalable à l’audience.

[308]    Il a été convenu lors de l’audition que la Bénéficiaire ferait une nouvelle dénonciation à l’Administrateur afin qu’une décision soit rendue eu égard aux nouvelles fissures. Ainsi, le Tribunal ne statue pas sur ce point.

[309]    Ceci m’amène à traiter des points 57 (balustrades et mains courantes absentes) et 58 (garde-corps absents) du Dossier I, et du point 3 (demande de remboursement) du Dossier II.

[310]    La disposition pertinente du Règlement est la suivante :

18. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 10:

1°  le bénéficiaire dénonce par écrit à l’entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l’administrateur en vue d’interrompre la prescription;

[…]

5°  dans les 30 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. Si le délai de 30 jours ne peut pas être respecté pour des motifs raisonnables, l’administrateur doit en informer par écrit le bénéficiaire, l’entrepreneur et la Régie; l’administrateur doit également justifier le retard et annoncer quand la décision sera rendue. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai raisonnable qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire;

6°  à défaut par l’entrepreneur de rembourser le bénéficiaire, de parachever ou de corriger les travaux et en l’absence de recours à la médiation ou de contestation en arbitrage de la décision de l’administrateur par l’une des parties, l’administrateur, dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai convenu avec le bénéficiaire en vertu du paragraphe 5, effectue le remboursement ou prend en charge le parachèvement ou les corrections, convient pour ce faire d’un délai avec le bénéficiaire et entreprend, le cas échéant, la préparation d’un devis correctif et d’un appel d’offres, choisit des entrepreneurs et surveille les travaux. Dans les 30 jours qui suivent l’expiration du délai convenu avec le bénéficiaire en vertu du paragraphe 5, l’administrateur doit communiquer par écrit au bénéficiaire l’échéancier prévu des différentes étapes à accomplir pour assurer l’exécution des travaux correctifs;

[…]

[311]    Il est acquis au litige que la pose des balustrades et mains courantes ainsi que des garde-corps, doit être faite après la pose des revêtements extérieurs. Patrick Croteau a affirmé, lors de son témoignage, que des garde-corps, balustrades et mains courantes en contreplaqué étaient en place au moment où il quitta le chantier en septembre 2017. Il confirme également que ces éléments ont forcément dû être retirés lors de la pose des revêtements extérieurs.

[312]    Vu la conclusion voulant que les travaux de revêtement fussent sous la responsabilité de l’Entrepreneur, cela emporte la conclusion qu’il lui incombait de poser les éléments décrits aux points 57 et 58.

[313]    Par ailleurs, comme les travaux sont faits à la date de l’inspection par l’Administrateur, l’exécution en nature n’est pas possible de sorte que les points 57 et 58 sont, à toutes fins pratiques, devenus académiques. Il importe donc d’en traiter uniquement sous l’angle de la réclamation faisant l’objet du point 3 du Dossier II.

[314]    Aussi, comme ces travaux étaient de la responsabilité de l’Entrepreneur et qu’il ne les a pas exécutés, il était urgent afin d’assurer la sécurité des usagers, nécessaire et conservatoire de poser des balustrades et mains courantes aux entrées avant et arrière du sous-sol suite à la pose du revêtement extérieur, d’autant plus que la condamnation de ces sorties n’aurait rien changé. En effet, il s’agit ici de deux (2) descentes d’escalier menant aux entrées du sous-sol qui ne sont pas bordées des deux (2) côtés par des murs dépassant du sol de sorte que l’on doit éviter à ceux qui s’en approchent de faire une chute. Malgré que la décision de l’Administrateur ne précise pas qu’il s’agit des entrées avant et arrière, le Tribunal conclu que tel est le cas, car en date du 6 novembre 2017, ni l’une ni l’autre de ces entrées n’était protégée.

[315]    Les ouvertures indiquées au point 58 nécessitaient également des mesures d’urgence, nécessaires et conservatoires. Toutefois, le Tribunal accepte que la condamnation temporaire des issues menant aux balcons (à l’étage) fût une mesure acceptable, sans contrevenir aux lois et règlements en vigueur. Comme le suggère le procureur de l’Administrateur, il n’était pas nécessaire que la condamnation de ces issues passe par le placardage complet en contreplaqué de celles-ci. Il aurait été possible d’en bloquer l’accès autrement. Il y a, en tout, trois (3) accès qui sont visés par ce point. Le Tribunal ne tient pas compte des commentaires et documents ajoutés par la Bénéficiaire dans son courriel du 11 juin, la preuve étant close et les plaidoiries terminées.

[316]    Par ailleurs, la preuve démontre que la Bénéficiaire a payé la somme de 6 104,02 $ pour les garde-corps, balustrades et mains courantes, sans toutefois que la facture précise le coût afférent à chaque ouverture individuellement. Puisque la balustrade de l’entrée avant est vitrée et d’allure moderne, contrairement à celle de l’entrée arrière et des garde-corps aux balcons à l’étage, le Tribunal estime que la Bénéficiaire a droit au remboursement de la somme de 3 000 $ pour ces travaux d’urgence.

[317]    Le Tribunal ayant conclu que tous les travaux demandés étaient inclus au contrat et qu’ils ont tous été payés, force est de conclure que la Bénéficiaire a payé deux (2) fois pour la réalisation de ces travaux. Dès lors, la portion excédentaire non remboursable à la Bénéficiaire par l’Administrateur pourrait faire l’objet de dommages-intérêts. Cependant, le Règlement ne prévoit pas ce type de dédommagement dans le présent contexte et l’arbitre Morissette, saisi d’une demande de remboursement de sommes payées en trop, a déjà statué que tel n’était pas possible en vertu du Règlement[8]. J’abonde ici dans le même sens.

[318]    Quant à la demande de remboursement des travaux de revêtement, le Tribunal estime que la Bénéficiaire a droit au remboursement de la somme de 5 000 $.

[319]    En effet, la preuve a démontré que des travaux d’urgence, nécessaires et conservatoires étaient requis. Cependant, la preuve démontre également que des travaux autres que ceux effectués auraient pu protéger temporairement le bâtiment sans qu’il s’agisse des travaux finaux.

[320]    Bien qu’il soit généralement reconnu que les travaux finaux ne sont pas remboursables à titre de mesures d’urgence, le Tribunal n’émet aucune opinion à ce sujet.

[321]    De plus, le Tribunal tient à souligner qu’à plusieurs reprises, la Bénéficiaire a mentionné qu’il était urgent de procéder aux travaux de parachèvement pour protéger son investissement et lui éviter la perte d’autres loyers. Bien que cet argument tombe sous le sens, il ne saurait s’appliquer en l’instance. En effet, les travaux qui sont urgents, nécessaires et conservatoires au sens du Règlement doivent être requis afin d’éviter le péril ou l’aggravation de dommages au bâtiment, ou éviter de mettre en péril la sécurité des usagers.

[322]    En aucun cas le Règlement ne prévoit que l’Administrateur cautionne l’ensemble des obligations contractuelles et extracontractuelles de l’Entrepreneur. Le plan de garantie se veut un Règlement de la nature de la protection du consommateur en matière de construction neuve et vise à protéger les acheteurs contre les constructions inadéquates. Bref, il garantit que les constructions au Québec sont construites selon des standards spécifiques et exempts de déficiences, en fonction des différents délais stipulés par le législateur[9].

[323]    Comme l’ont affirmé d’autres avant moi, le plan de garantie ne règle pas le sort de tous les droits et recours dont bénéficient les bénéficiaires. Bien que le Tribunal comprenne la situation et la déplore, il demeure tenu de statuer en vertu des dispositions législatives applicables et le recours à l’équité ne saurait ajouter ou modifier le Règlement. L’équité permet d’interpréter certaines dispositions de façon plus favorable à une partie s’il en résulte une incohérence avec l’esprit du Règlement ou encore, si l’interprétation littérale d’une disposition mène à un résultat absurde et injuste[10]. Aussi, le Tribunal ne saurait inclure les pertes financières aux motifs d’urgence comme le demande la Bénéficiaire, ni l’appauvrissement injustifié du bénéficiaire afin d’ordonner le remboursement de travaux de parachèvement pris en charge par lui. 

[324]    Malgré une analyse en profondeur de la décision Paradis[11] rendue par l’arbitre France Desjardins, l’arbitre soussignée ne parvient pas à conclure autrement. Dans cette affaire, les bénéficiaires avaient signé avec l’entrepreneur un contrat d’entreprise, tout comme ici. À l’instar du présent cas, l’entrepreneur a fait faillite. Cependant, la faillite est survenue avant la fin de la construction, d’où l’abandon du chantier. Il n’y a jamais eu réception du bâtiment.

[325]    Par ailleurs, avant de procéder au parachèvement et à la correction des travaux, les bénéficiaires ont dénoncé la situation à l’administrateur du plan de garantie qui s’est alors prononcé, en ordonnant le remboursement des acomptes à hauteur de 39 000 $ et en se déchargeant de toute responsabilité quant au reste. Se prévalant d’un argument de texte selon lequel l’article 9(2) du Règlement ne prévoit pas les réparations des vices et malfaçons dans les cas où il n’y a pas eu réception du bâtiment, il s’est estimé non tenu de procéder à ceux-ci. De plus, l’administrateur était d’avis qu’il avait le choix entre parachever les travaux ou rembourser les acomptes. Il a choisi l’option la plus avantageuse pour lui, faisant fi de l’esprit du Règlement.

[326]    L’arbitre indique, à juste titre :

[57]         En l'espèce de plus, l'Administrateur n'est pas sans savoir que les Bénéficiaires ont pris possession et habitent le bâtiment. Il y a lieu de distinguer les situations du contrat de vente où on réclame le dépôt sans poursuivre la relation contractuelle à celle du contrat d'entreprise dans lequel le bénéficiaire se retrouve avec un bâtiment à moitié complété sur un terrain qui lui appartient. Dans cette dernière situation, le bénéficiaire n'a pas le choix de poursuivre la construction telle que prévue au contrat.

[58]         Refuser au Bénéficiaire de considérer le coût de correction des malfaçons équivaudrait à décharger l'Administrateur de ses obligations de caution et à son enrichissement. Certes, le Règlement impose des limites à la garantie mais il ne doit pas être interprété de manière telle que son objectif soit complètement dénaturé.

[59]         À cet effet, le Tribunal fait siens les propos de son collège Robert Masson dans l'affaire Mainville précitée.

"En étudiant l'économie générale du texte réglementaire du contrat, le tribunal d'arbitrage est d'avis que ceux-ci escamotent un pan complet de la réalité contractuelle.

En effet, lorsqu'un litige survient après la réception des travaux, les textes prévoient le cas de parachèvement des travaux et celui de l'exécution des travaux de réparations des malfaçons et des vices de construction. Lorsqu'un litige survient avant la réception des travaux, ils prévoient le parachèvement des travaux ou le remboursement des acomptes. Mais alors il n'y est nullement question des travaux de réparation des malfaçons et des vices de construction.

[...]

Mais qu'advient-il lorsqu'on se situe dans un cas comme celui en l'instance où les travaux sont si avancés lorsque survient le litige qu'il n'est pas intéressant pour l'administrateur de s'occuper du parachèvement des travaux et que le remboursement des acomptes résulte en une injustice ou en un appauvrissement injustifié du bénéficiaire.

Le Tribunal est d'opinion que le Règlement aurait dû envisager une telle éventualité et prévoir un mécanisme de correction des malfaçons."

[60]         Jugeant que cette situation justifiait le recours aux règles d'équité prévues à l'article 116 du Règlement, l'Arbitre Masson a accordé le remboursement des sommes prévues pour l'exécution des travaux de correction des vices et malfaçons. Le Tribunal reproduit ici l'article 116 du Règlement:

116.  Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.

[61]          En révision judiciaire, la Cour Supérieure lui a donné raison sous la plume de l'Honorable Juge Durocher. Interprétant l'article 6.6.1.3 du contrat (article13(3) du Règlement) qui fixe les limies (sic) de la garantie à l'égard des montant (sic) pour le parachèvement et la réparation des vices et malfaçons, la Cour écrit:

"Ce texte n'indique pas, en l'occurrence, qui se charge alors de la réparation des malfaçons. On peut néanmoins en induire qu'au cas de refus du garant de les prendre en charge, le paiement peut lui être imposé dans les limites prévues."

[...]

À notre avis, l'arbitre intimé a eu raison de faire appel aux règles de l'équité.

[...]

Or, le cadre du plan approuvé, comme le contrat, n'exclut aucunement la réparation des malfaçons ou le paiement de leur coût. L'économie de la loi, du règlement et du contrat le prévoient"

[Soulignement ajouté, références omises]

[327]    Cette affaire se distingue de la présente en raison du fait que nous sommes ici au stade post réception, et que la Bénéficiaire avait droit à la correction des vices et malfaçons. Les frais qu’elle réclame ne sont de toute façon pas de cette nature.

[328]    De plus, en l’instance, la Bénéficiaire a fait effectuer certains travaux de parachèvement avant de dénoncer la situation à l’Administrateur. Ce dernier n’a pas eu l’opportunité de se prononcer sur la validité de la réclamation avant qu’on ne lui réclame les coûts dudit parachèvement.

[329]    De plus, bien que la fin des travaux ne fût pas survenue au moment où la Bénéficiaire prend en mains le parachèvement de certains éléments, le bâtiment était malgré tout en état de servir. Du moins, la Bénéficiaire aurait pu dénoncer la situation à l’Administrateur avant de procéder aux travaux de parachèvement. Il n’y avait pas péril en la demeure, sous réserves des commentaires du Tribunal eu égard aux descentes d’escalier menant aux entrées du sous-sol.

[330]    Enfin, la Bénéficiaire en l’instance réclame le remboursement des coûts engagés pour parachever le revêtement et la pose des garde-corps, balustrades et mains courantes définitifs et non les coûts engagés pour corriger des vices et malfaçons, comme c’était le cas dans cette affaire.

[331]    Il est vrai qu’ici la Bénéficiaire a payé deux (2) fois le coût des travaux et qu’il en résulte un appauvrissement de sa part.

[332]    Il est également vrai de dire qu’il est possible qu’il en résulte un enrichissement de l’Administrateur, lequel n’a pas eu à prendre en charge le parachèvement desdits travaux, ni à en rembourser la totalité des coûts à la Bénéficiaire. De plus, on peut argumenter que ce dernier a même réalisé une économie puisqu’il n’est pas tenu d’assumer les coûts de parachèvement, en sus du remboursement des coûts pour l’exécution de travaux urgents, nécessaires et conservatoires [temporaires].

[333]    Cependant, bien que cela puisse paraître, à première vue, injuste à l’endroit de la Bénéficiaire, l’appauvrissement de l’un au profit de l’enrichissement de l’autre existe dans d’autres situations, tel un refus sur la foi d’une réclamation faite hors délai, et il n’appartient pas au Tribunal de modifier le Règlement. Conclure autrement risquerait de créer un précédent selon lequel les bénéficiaires peuvent, s’il est plus économique pour l’administrateur, procéder aux travaux finaux eux-mêmes pour ensuite en réclamer remboursement, s’érigeant ainsi en protecteur de l’Administrateur. Ce n’est pas là le mécanisme de mise en œuvre prévu par le législateur.

[334]    Accorder à la Bénéficiaire le remboursement de la totalité des frais engagés et réclamés au point 3 du Dossier II passerait outre au mécanisme prévu au Règlement et serait inéquitable à l’endroit de l’Administrateur qui aurait peut-être pu obtenir l’exécution des travaux à un coût moindre.

[335]    Par ailleurs, un commentaire s’impose sur le témoignage de la Bénéficiaire relatif aux représentations faites par le service à la clientèle de l’Administrateur.

[336]    La Bénéficiaire a témoigné avoir appelé à deux (2) reprises au service à la clientèle de l’Administrateur relativement aux travaux non exécutés sur son bâtiment. Un premier  (1er) appel est fait le 28 octobre 2017, et un deuxième (2e) le 6 novembre 2017. Selon la Bénéficiaire, c’est suite à cet appel qu’elle fait exécuter les travaux d’urgence. Or, la preuve indique que les travaux de revêtement d’aluminium ont débuté le 31 octobre 2017 et se sont terminés le 7 novembre suivant. Le Tribunal ne peut accepter la prétention voulant que ce soit sur recommandation du service à la clientèle de l’Administrateur que les travaux ont été exécutés.

[337]    Le Tribunal comprend que la Bénéficiaire se soit sentie flouée, abusée, et que les gestes de l’Entrepreneur lui ont causé un grave préjudice, notamment au plan financier. Il est également clair que celle-ci a voulu limiter ses dommages et trouver une solution qui lui permette de demeurer propriétaire de son immeuble et à cet effet, de continuer à percevoir ses loyers. C’est à bon droit que celle-ci soutient qu’en cas de doute, le Règlement doit s’interpréter en faveur du bénéficiaire, et la jurisprudence est constante à cet effet, contrairement à l’argument avancé par Me Provençal. Cependant, le Règlement n’est pas le remède à tous les maux.

Dispositions finales

[338]    Le Tribunal tient à souligner que dans son analyse financière, Monsieur Coallier n’a fait aucune différence entre les coûts engendrés inutilement en raison des matériaux commandés et travaux effectués avant l’émission du permis de construction et la réception des plans approuvés, et ceux engendrés valablement par la suite. Il ne s’agit pas d’un reproche, mais simplement d’un constat et le Tribunal tient compte de ce fait dans son analyse.

[339]    Aussi, en date du 10 mars 2017, l’Entrepreneur avait engagé des déboursés totaux au montant de 89 007,16 $. L’expert Coallier n’a pas indiqué le total des déboursés engagés à la date d’émission du permis, soit le 3 mars 2017, mais il est permis de croire que la somme devait être très proche de celle qui prévalait une semaine plus tard. Les agissements de l’Entrepreneur qui procède à des travaux avant l’émission du permis, et davantage s’il procède en l’absence de plans approuvés par la ville constitue un manquement aux bonnes pratiques, autrement appelées les règles de l’art, en matière de gestion de chantier. L’Administrateur ayant cautionné les obligations contractuelles et légales de l’Entrepreneur, et le Règlement ne comportant aucune exclusion quant à ce type de manquement, le Tribunal détermine que l’Administrateur est responsable des manquements de l’Entrepreneur qu’il a accrédité.

[340]    En l’absence du détail du coût des travaux engagés inutilement, ou du coût des travaux effectués pour corriger ceux non conformes, ou encore pour remplacer des matériaux devenus inutilisables, le Tribunal arbitre ceux-ci à 30 000 $. La Bénéficiaire n’a pas à être pénalisée pour l’incompétence de son Entrepreneur. D’ailleurs, la preuve démontre que 39 fenêtres ont été commandées et livrées pour l’immeuble de la Bénéficiaire alors que le bâtiment n’a que 33 ouvertures. Où sont allées les six (6) autres fenêtres?

[341]    De plus, le Tribunal note que l’expert Coallier s’exprime par moment en termes de comptabilité de caisse, et à d’autres moments en termes de comptabilité de projet. Dans son évaluation, il est d’avis que les déboursés totaux engagés, payés ou non, ainsi que la totalité de ses frais, sont de l’ordre de 591 682,73 $ et que c’est cette somme que l’Entrepreneur était en droit de facturer à la Bénéficiaire. Il indique également que l’Entrepreneur a reçu une somme totale de 706 952,89 $ de la Bénéficiaire. Aussi, lors de l’audience, lorsqu’il procède à une réévaluation rapide de ses conclusions, il indique que la Bénéficiaire a probablement payé une soixantaine de milliers de dollars en trop et il établit ainsi son calcul :

            706 952,89 $ - 591 682,73 $ = 115 270,16 $

[342]    Ce chiffre représente le trop payé et il est établi en fonction d’une comptabilité de projet et non une comptabilité de caisse. Mais il ajuste ensuite ce chiffre de la façon suivante :

      115 270,16 $ - 15 000 $ = 100 270,16 $

[343]    Ici, le 15 000 $ provient de la somme que la Bénéficiaire devait en date du 30 avril 2017 et plus amplement expliquée au paragraphe 97 des présentes. Or, cette somme a été incorporée aux frais auxquels l’Entrepreneur avait droit et fait donc partie du 591 682,73 $ci-dessus. Il n’y a donc pas lieu de retrancher cette somme ici.

[344]    L’expert déduit ensuite de la somme de 100 270,16 $ un montant de 30 000 $ représentant les frais de Monsieur Hébert, majoré du 18% auquel l’Entrepreneur a droit. Or, le Tribunal a déterminé que Monsieur Hébert était le gérant de chantier et que l’Entrepreneur n’a droit à aucun supplément. Ainsi, le Tribunal est d’avis que la somme payée en trop par la Bénéficiaire était, au moment où s’est terminée l’audience le 31 mai, de 115 270,16 $.

[345]    Cependant, l’expert n’a pas indiqué de quelle manière il a établi la somme de 55 000 $ dans son courriel du 14 juin et il indique d’ailleurs qu’il doit encore procéder à la vérification des « pieds planches de colombages détaillés ». Il affirme toutefois n’avoir rien trouvé dans les nouvelles factures qui soient en lien avec le présent litige.

[346]    Par conséquent, compte tenu des correctifs ci-haut apportés par le Tribunal aux calculs de Monsieur Coallier, le Tribunal détermine que la Bénéficiaire a payé des matériaux et des travaux d’un montant excédentaire de 115 270,16 $ par rapport à ce qui se trouve dans les faits dans l’immeuble.

[347]    À ce montant le Tribunal ajoute la somme de 30 000 $ déterminée plus haut en raison des matériaux et travaux facturés sans droit à la Bénéficiaire alors que l’Entrepreneur a fait preuve du plus total manquement aux règles élémentaires de bonne gestion de chantier, portant ainsi à 145 270,16 $ le total des sommes payées en trop à l’Entrepreneur pour des travaux prévus au contrat et non réalisés, ou mal exécutés.

[348]    Cette somme constitue le budget maximal (taxes incluses) que l’Administrateur est tenu de dégager pour procéder au parachèvement des travaux et à la correction des vices et malfaçons traités dans la présente sentence. Le coût des autres travaux reconnus par ce dernier est exclu de ce budget.

[349]    Cette somme constituant le budget maximal que doit dégager l’Administrateur, il servira de barème lorsque viendra le moment de choisir les matériaux avec la Bénéficiaire.

Frais

[350]    Quant aux frais d’expertises utiles, le Tribunal les arbitre à 10 999,80 $ et ordonne à l’Administrateur de rembourser cette somme à la Bénéficiaire conformément à l’article 124 du Règlement. En effet, les frais de Monsieur Berthiaume sont accordés en totalité, soit la somme de 2 435,57 $, et ceux de Monsieur Coallier sont réduits à 8 564,23 $, incluant ses frais de présence à l’audience et ses frais d’expertise. Le Tribunal n’accepte pas l’argument voulant que l’expertise ait été d’une utilité limitée, ni le fait que cette dernière ne soit pas conforme en tout point à la demande du Tribunal pour les réduire de moitié. Au départ, la Bénéficiaire n’entendait pas produire d’expertise et c’est à la demande du Tribunal que celle-ci a retenu les services de Monsieur Coallier afin de faire la lumière sur le dossier. Les frais ne sont toutefois pas accordés en totalité puisque le rapport servira également dans un autre dossier. En ce sens, il apparaît juste et raisonnable que l’Administrateur ne paie pas tous les frais de l’expert.

[351]    La Bénéficiaire ayant eu gain de cause sur au moins un (1) point, les frais du présent arbitrage sont à l’entière charge de l’Administrateur conformément à l’article 123 du Règlement.

EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

ACCUEILLE en partie les demandes d’arbitrage de la Bénéficiaire;

PREND ACTE de la décision supplémentaire de l’Administrateur portant sur le point 66 dans le dossier 132401-987;

PREND ACTE de l’engagement de l’Administrateur de procéder à la correction des pentes négatives (point 66) sur tous les côtés de l’immeuble appartenant à la Bénéficiaire et situé au 5240, Montée St-Hubert à Saint-Hubert et de procéder au nivellement brut et ORDONNE à ce dernier de s’y conformer

PREND ACTE du désistement de la Bénéficiaire de sa demande d’arbitrage concernant les points 1, 25, 32, 46 à 48 et 68 dans le dossier 132401-987 (Dossier I);

PREND ACTE du désistement de la Bénéficiaire de sa demande d’arbitrage concernant les points 1 et 2 dans le dossier 132401-1659 (Dossier II);

VU LA FAILLITE DE L’ENTREPRENEUR, ORDONNE à l’Administrateur de procéder au parachèvement des travaux et aux réparations de vices et malfaçons dans les 45 jours suivants la réception de la présente sentence ou dans tout autre délai convenu entre les parties;

ORDONNE à l’Administrateur de procéder parachèvement des travaux et aux correctifs requis selon les règles de l’art et les paramètres suivants (et plus amplement détaillés dans la section analyse de la présente sentence), les règles de l’art ayant préséance sur les indications du Tribunal si toutefois celles-ci exigent des standards plus élevés:

Dossier 132401-987 (Dossier I)

a.    Point 45 : l’Administrateur devra poser le revêtement en acrylique de couleur gris moyen, type Adex 203 4E, ou selon toute autre entente avec la Bénéficiaire;

b.    Point 50 : l’Administrateur devra procéder au nettoyage du revêtement extérieur et à l’enlèvement des taches et éclaboussures;

c.    Point 54 : l’Administrateur devra vérifier l’ensemble des scellants et voir à poser, réparer ou remplacer les scellants au besoin;

d.    Point 55 : l’Administrateur devra couler les dalles de béton aux entrées avant et arrière;

e.    Point 56 : l’Administrateur devra poser une membrane, remblayer l’espace vide et couler une dalle de béton sur le dessus;

f.     Point 60 : l’Administrateur devra procéder au parachèvement des travaux et convenir avec la Bénéficiaire des matériaux à utiliser;

g.    Point 61 : l’Administrateur devra poser de la céramique aux murs de la douche de l’unité 2;

h.    Point 62 : l’Administrateur devra procéder au parachèvement des travaux en s’assurant que les matériaux au vestibule arrière sont les mêmes qu’au vestibule avant, dans la mesure où ceux-ci respectent les règles de l’art. Autrement, il devra déterminer avec la Bénéficiaire les matériaux à utiliser;

i.     Point 63 : l’Administrateur devra procéder au parachèvement des travaux et convenir avec la Bénéficiaire des matériaux à utiliser;

VU L’ABSENCE DE PLANS ET DEVIS DÉTAILLÉS, l’Administrateur devra convenir des matériaux à utiliser avec la Bénéficiaire, au besoin, étant compris que l’ensemble des travaux devra respecter un budget ne dépassant pas la somme de 145 270,16 $;

ORDONNE à l’Administrateur de payer à la Bénéficiaire dans le trente (30) jours suivants la réception de la présente sentence la somme de 8 000 $ en remboursement des travaux urgents, nécessaires et conservatoires effectués par elle;

CONDAMNE l’Administrateur à payer à la Bénéficiaire la somme de 2 435,57 $ en remboursement des frais d’expertise de Le Groupe Conseil Proges-Co (Richard Berthiaume);

CONDAMNE l’Administrateur à payer à la Bénéficiaire la somme de 8 564,23 $ en remboursement des frais d’expertise de Michel F. Coallier;

ORDONNE à l’Administrateur de payer l’ensemble des frais du présent arbitrage conformément à l’article 123 du Règlement.

 

 

Montréal, ce 9 août 2019

 

 

 

                                                                                                                                                           

                                                                              Me Karine Poulin, arbitre

 

 

GAMM 2018-06-30 / 2018-08-06

G1115-102-1 / G1115-102-2

S/A 193



[1] Mariane Vincent et Gilles Hurtubise c. IMAX Construction inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., GAMM 2009-09-014, 6 décembre 2010, Claude Dupuis, arbitre.

[2] Johanne Paradis et Mario Zaurini c. Construction D’Astous Ltée (en faillite) et La Garantie Abritat inc., SORECONI 142212001, 20 mai 2016, France Desjardins, arbitre.

[3] France Mainville c. La Garantie Habitation du Québec Inc., CACNIQ 01-0802, 31 janvier 2002, Robert Masson, arbitre.

[4] Mariane Vincent et Gilles Hurtubise c. IMAX Construction inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., précitée note 1.

[5] Johanne Paradis et Mario Zaurini c. Construction D’Astous Ltée (en faillite) et La Garantie Abritat inc., précitée note 2.

[6] Alexis Waddel et Marie-Ève Dubois c. Les constructions Jacques Laporte inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., GAMM 2009-11-005, 5 novembre 2009, Jean Morissette, arbitre.

[7] Syndicat de copropriété 8105 De Londres, Brossard c. Habitations Signature Brossard Inc. et Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie La Garantie Abritat Inc., CCAC S16-071501-NP, 20 mai 2017, Alcide Fournier, arbitre.

[8] Alexis Waddel et Marie-Ève Dubois c. Les constructions Jacques Laporte inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., précitée note 6.

[9] Mariane Vincent et Gilles Hurtubise c. IMAX Construction inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., précitée note 1; Alexis Waddel et Marie-Ève Dubois c. Les constructions Jacques Laporte inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., précitée note 6.

[10] Johanne Paradis et Mario Zaurini c. Construction D’Astous Ltée (en faillite) et La Garantie Abritat inc., précitée note 2.

[11] Id.