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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Martin St-Denis - ès qualité de représentant

du syndicat de la copropriété du 292 Monchamp à Saint-Constant

(ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

Les Constructions Tradition inc. (faillie)

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier de La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ : 062854

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour le bénéficiaire :

M. Martin St-Denis

 

Pour l'administrateur :

Me Jacinthe Savoie

 

Date d’audience :

19 avril 2005

 

Lieu d'audience :

Saint-Constant

 

Date de la sentence :

19 mai 2005

 

I : INTRODUCTION

[1]                À la demande de l'arbitre, l'audience s'est tenue à la résidence du représentant des copropriétaires.

[2]                À la suite d'une demande de réclamation du syndicat de copropriété, l'administrateur, en date du 8 décembre 2004, a déposé son rapport d'inspection comportant 16 points.

[3]                Insatisfait de la décision de l'administrateur relativement aux points 11, 12 et 13 du rapport précité, le bénéficiaire a demandé que le différend soit soumis à l'arbitrage. Les points en litige sont les suivants :

B       Point 11 : Bardeaux d'asphalte - pignon de façade avant

B       Point 12 : Fils électriques - façade arrière

B       Point 13 : Gouttières

[4]                La conclusion de l'administrateur contenue dans le rapport du 8 décembre 2004, commune à ces trois éléments, se lit comme suit :

LA GARANTIE DES MAISONS NEUVES DE L'APCHQ NE PEUT CONSIDÉRER LES POINTS 11 À 15 DANS LE CADRE DU CONTRAT DE GARANTIE :

Concernant les points qui suivent, nous sommes en présence de travaux de parachèvement relatifs aux parties communes pour lesquelles, aucune disposition n'est prévue à cet effet au contrat de garantie.

La garantie de parachèvement des travaux n'est applicable qu'aux parties privatives du bâtiment. Selon l'article 3.1 du contrat de garantie, la garantie prévoit le parachèvement des travaux dénoncés par écrit par le bénéficiaire au moment de la réception de sa partie privative uniquement.

[5]                En cours d'enquête, les personnes suivantes ont témoigné :

B       Mme Marie-Claude Laberge, inspecteur-conciliateur

B       M. Patrick Leclerc, copropriétaire

B       Mme Emmanuelle Smith, copropriétaire

[6]                Il s'agit ici d'un immeuble comportant trois unités de condominium.

[7]                L'entrepreneur, Les Constructions Tradition inc., a fait cession de ses biens et n'a pas rencontré ses obligations.

[8]                La visite des lieux a convaincu le soussigné qu'il s'agit bien, pour les trois éléments faisant l'objet de réclamation, de parachèvement des travaux et non pas de vices ou malfaçons.

[9]                En effet, les travaux n'ayant pas été terminés, une infime portion de bardeaux est manquante sur le pignon de la façade avant; toutefois, aucune infiltration d'eau n'a été dénoncée.

[10]            Sur la façade arrière, il existe une série de fils électriques non raccordés et pendants; de toute évidence, ces circuits sont destinés à l'éclairage extérieur à l'arrière, et aucune défectuosité n'a été dénoncée en ce qui concerne le système électrique intérieur.

[11]            Les gouttières étant totalement absentes, le bénéficiaire les a fait installer à ses frais, au coût d'environ 1 200 $; l'absence de gouttières ne portant pas atteinte à l'utilisation ni à la structure du bâtiment, cette situation n'est donc pas considérée comme une malfaçon.

II : POSITION DES PARTIES

Position de l'administrateur

[12]            L'administrateur soumet qu'aucune disposition n'est prévue dans le Règlement en ce qui concerne le parachèvement des travaux relatifs aux parties communes.

[13]            Le témoin cite la définition de « réception des parties communes » (déclaration de la date de la fin des travaux) à l'article 25 du Règlement.

[14]            L'article 27 prévoit le parachèvement des travaux relatifs aux parties privatives seulement; il ne contient aucune mention en ce qui a trait aux parties communes.

[15]            Dans le présent dossier, un professionnel du bâtiment a signé le document de réception des parties communes auquel est annexée une liste des éléments à corriger, incluant les trois éléments à parachever faisant l'objet de la présente demande.

[16]            L'administrateur est intervenu pour les malfaçons dénoncées à cette annexe, mais refuse d'intervenir dans les cas de parachèvement.

[17]            Selon la procureure, le Règlement est d'ordre public et il doit être interprété de façon restrictive.

[18]            L'entrepreneur a des obligations légales en vertu du contrat; l'administrateur ne cautionne que certaines obligations de l'entrepreneur et non pas la totalité, et il ne cautionne que ce qui est expressément prévu au Règlement.

[19]            La procureure fait une distinction entre la garantie avant réception et la garantie après réception.

[20]            Mettant en parallèle l'article 26 du Règlement d'une part et les définitions relatives aux parties communes à l'article 25 ainsi que le premier alinéa de l'article 27 d'autre part, la procureure conclut que le parachèvement des travaux n'est pas couvert, ni avant ni après réception.

[21]            La procureure soumet que dans le présent dossier, il n'y a pas eu entente avec l'administrateur pour le parachèvement des travaux.

[22]            À la réception des parties communes, il faut déclarer la fin des travaux; ainsi, ultérieurement, il ne peut y avoir de parachèvement.

[23]            Le premier alinéa de l'article 27 du Règlement (parachèvement des travaux relatifs aux parties privatives) est tout à fait conforme aux définitions de l'article 25 relativement aux parties communes.

[24]            À l'appui de son argumentation, la procureure a déposé ce qui suit :

B       La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle et René Blanchet, ès qualité d'arbitre au Centre d'arbitrage Commercial national et international du Québec, C.A. 500-09-013349-030 (450-05-004987-026), juges Thérèse Rousseau-Houle, Benoît Morin et Pierrette Rayle, 2004-12-15.

B       Tableau comparatif - Art. 26 (avant réception), art. 25 et 27 (après réception).

B       Gilles DOYON, et Serge CROCHETIÈRE, Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, [s. l.], Les Éditions Yvon Blais inc., [s. d.], p. 94, 95 et 98.

Position du bénéficiaire

[25]            Le bénéficiaire soumet qu'un ou plusieurs éléments de la présente réclamation avaient été dénoncés lors de la réception d'une partie privative de l'immeuble concerné.

[26]            Il se questionne à savoir si les fils électriques qui pendent sur le mur arrière du bâtiment ne constituent pas une malfaçon plutôt qu'un parachèvement.

[27]            Le syndicat, poursuit-il, aura à payer tous les frais d'asphaltage et de terrassement, travaux non exécutés par l'entrepreneur et non couverts par la garantie, et il n'a plus les moyens de défrayer les coûts que nécessitera la réalisation des travaux faisant l'objet de la présente réclamation.

[28]            Le bénéficiaire est d'avis que le premier alinéa de l'article 27 du Règlement couvre le parachèvement des travaux des parties communes.

[29]            Il prétend qu'une loi est sujette à interprétation; dans le présent Règlement, les exclusions de la garantie sont clairement exprimées et n'indiquent pas que le parachèvement des travaux est exclu; par contre, les dispositions concernant les éléments inclus sont imprécises.

III : DÉCISION ET MOTIFS

[30]            En ce qui concerne les trois points faisant l'objet de la présente réclamation, il a été établi, en introduction, qu'il s'agit d'éléments de parachèvement des travaux relatifs aux parties communes.

[31]            La preuve ainsi que l'argumentation de l'administrateur sont à l'effet que la garantie ne couvre pas le parachèvement des travaux relatifs aux parties communes, pas plus avant qu'après réception de celles-ci.

[32]            Face à une preuve non contredite à l'effet qu'il n'y a pas eu d'entente entre le bénéficiaire et l'administrateur sur le parachèvement des travaux des parties communes suite au manquement de l'entrepreneur à ses obligations avant la réception de ces parties, la garantie ne peut s'appliquer.

[33]            À cet égard, je reproduis ci-après l'article 26 du plan :

26.        La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

      1°   dans le cas d'un contrat de vente:

      a)   soit les acomptes versés par le bénéficiaire;

      b)   soit le parachèvement des travaux lorsque le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;

      2°   dans le cas d'un contrat d'entreprise:

      a)   soit les acomptes versés par le bénéficiaire à la condition qu'il n'y ait pas d'enrichissement injustifié de ce dernier;

      b)   soit le parachèvement des travaux lorsqu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;

      3°   le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:

      a)   le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;

      b)   il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur afin de permettre à l'administrateur de parachever le bâtiment.

(Le soulignement est de l'arbitre)

[34]            L'administrateur et la doctrine prétendent que l'article 26 ne peut en aucune circonstance s'appliquer aux parties communes pour des raisons d'ordre légal ou pratique.

[35]            Comment expliquer alors que le législateur ait expressément indiqué « parties communes » dans le premier paragraphe de cet article?

[36]            Dans l'hypothèse où l'article 26 soit applicable aux parties communes, il n'en demeure pas moins qu'en l'instance, il n'y a pas eu entente entre le bénéficiaire et l'administrateur.

[37]            La présente décision, sur la question du parachèvement des travaux relatifs aux parties communes avant réception, s'applique donc à un cas d'espèce.

[38]            Il en sera autrement relativement à ma décision portant sur le parachèvement des travaux relatifs aux parties communes après réception. À cet égard, les articles pertinents du plan sont les suivants :

25.        Pour l'application de la présente sous-section, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

      « fin des travaux des parties communes »: la date à laquelle tous les travaux de l'entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs aux parties communes sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine;

[...]

      « réception des parties communes »: l'acte par lequel un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires déclare la date de la fin des travaux des parties communes. Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires.

[...]

27.        La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

      1°   le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

      2°   la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

      3°   la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

      4°   la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les trois ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

      5°   la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

      Le défaut de se conformer aux règles de l'art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment notamment celles contenues au Code national du bâtiment du Canada, au Code canadien de l'électricité et au Code de plomberie constitue une malfaçon sauf s'il ne porte pas atteinte ou n'est pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment.

[39]            Dans le présent dossier, la déclaration de réception du bâtiment a été effectuée par un professionnel, soit un architecte, et a été signée par ce dernier en date du 16 novembre 2004. En voici un extrait :

[...]

Le professionnel du bâtiment déclare ce qui suit : que les travaux de l'entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs aux parties communes sont exécutés, et que le bâtiment est en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine, le tout :

[...]

ý  sous réserve des éléments à corriger et à réparer.

[...]

[40]            Les éléments à corriger dénoncés à la réception ainsi que d'autres éléments ont fait l'objet d'une décision favorable de la part de l'administrateur, sauf en ce qui concerne ceux situés à l'extérieur du bâtiment, de même que ceux faisant l'objet du présent arbitrage, ces derniers étant considérés comme des travaux de parachèvement.

[41]            Le 16 novembre 2004, un professionnel du bâtiment a donc déclaré la fin des travaux relatifs aux parties communes, ou encore a déclaré que tous les travaux de l'entrepreneur relatifs aux parties communes avaient été exécutés.

[42]            Ces travaux étant déclarés terminés, on ne peut ultérieurement réclamer leur parachèvement.

[43]            Ces travaux terminés peuvent toutefois comporter des malfaçons ou des vices; le cas échéant, le plan y pourvoit. C'est d'ailleurs ce qu'a fait l'administrateur dans le présent dossier.

[44]            Ceci nous amène à l'article 27 du plan où le premier alinéa concerne le parachèvement des travaux relatifs aux parties privatives seulement, tandis que les alinéas subséquents visent les vices et malfaçons ayant trait aux parties privatives et communes.

[45]            Par ailleurs, le soussigné s'est demandé pourquoi le législateur, à l'article 29 du plan traitant des exclusions de la garantie, n'a pas spécifiquement indiqué que le parachèvement des travaux relatifs aux parties communes après réception du bâtiment est exclu.

[46]            Après analyse de cet article, les exclusions m'apparaissent être des exceptions à la couverture de certains éléments par la garantie; le parachèvement des travaux relatifs aux parties communes n'étant pas couvert par ladite garantie, il va de soi qu'il ne peut y avoir d'exclusions s'y rattachant.

[47]            En cours d'enquête, le syndicat de copropriété a déposé un document, soit un envoi électronique daté du 21 décembre 2004 et adressé à M. St-Denis par un employé de la Direction de la planification et du développement de la Régie du bâtiment du Québec. Ce document traite principalement du sujet qui nous concerne, soit le parachèvement des travaux relatifs aux parties communes.

[48]            Dans son analyse du dossier, le tribunal a écarté ce document pour les raisons suivantes : il s'agit d'une lettre d'opinion d'une personne qui n'a pas visité les lieux et qui, n'étant pas présente à l'audience, n'a pu être interrogée ni contre-interrogée; il ne s'agit sûrement pas d'un document de doctrine; tout au plus, il s'agit d'un document d'interprétation relativement aux articles du plan mis en cause dans le présent dossier; or, ce fardeau d'interprétation appartient au soussigné.

[49]            POUR TOUS CES MOTIFS, la présente réclamation est rejetée.

[50]            Face à un règlement pour le moins imprécis et difficile à interpréter, le soussigné est d'avis que la présente réclamation n'était pas farfelue ni sans fondement.

[51]            Conséquemment, en vertu du deuxième alinéa de l'article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le tribunal départage les coûts d'arbitrage de la façon suivante : cinquante dollars (50 $) à la charge du bénéficiaire et le solde à la charge de l'administrateur.

 

BELOEIL, le 19 mai 2005.

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]