TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Constitué en vertu du Règlement sur le plan de garantie des

bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Sous l’égide de

société pour la résolution des conflits inc. (soreconi)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec responsable

de l’administration de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1)

 

CANADA

 

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

Dossier n: PG-174020-1

Dossier n: 111311001

SYNDICAT DES COPROPRIÉTÉs bosquet des ardennes phase 2

 

« Bénéficiaire » / Demanderesse

 

c.

 

CLAUDE DION ENTREPRISE INC.

 

« Entrepreneur » / Défenderesse

 

 

-et-

 

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

 

« Administrateur »

 

 

 

 

DÉCISION INTERLOCUTOIRE

________________________________________________________________

 

Arbitre :

MTibor Holländer

 

 

Pour le Bénéficiaire :

Me Serge Gagné procureur pour le Syndicat des copropriétés Bosquet des Ardennes Phase 2

 

Madame Maude Gagné

 

 

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Claude Dion Entreprise Inc.

 

Monsieur Richard Latulippe

 

 

Pour l’Administrateur :

M Stéphane Paquette, procureur pour

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

 

Michel Hamel, Inspecteur conciliateur

 

 

Date de la décision interlocutoire

Le 4 juin 2013

 

Identification des parties

 

« BÉNÉFICIAIRE » / DEMANDERESSE:

Syndicat des copropriétés Bosquet des Ardennes Phase 2

 

1147, rue des Ardennes

 

Québec (Québec)

 

G1N 0A4

 

 

« ENTREPRENEUR » / DÉFENDERESSE:

Claude Dion Entreprise inc.

 

4370, rue Bellerose,

 

Québec (Québec)

 

G2A 4H8

 

 

« ADMINISTRATEUR »

DU PLAN DE GARANTIE:

La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

 

5930, boul. Louis-H. Lafontaine,

 

Anjou (Québec)

 

H1M 1S7

 

Observations Préliminaires

 

[1]       Aux fins de la présente décision interlocutoire, le Tribunal exposera d’abord les faits, documents et pièces qui sont pertinents à la décision qui est rendue.

 

[2]       Une demande d’arbitrage a été déposée par la demanderesse en date du 13 novembre 2011 et Me Riverin a été désigné comme arbitre le 21 novembre 2011. Ce dernier s’est subséquemment retiré du dossier et le soussigné a été désigné comme arbitre le 18 juin 2012.

 

[3]       La demande d’arbitrage (Pièce A-13) découle de la décision rendue par l’administrateur le 4 juillet 2011 (Pièce A-9) et l’addendum du 6 octobre 2011 (Pièce A-13) en vertu duquel les demandes liées aux points 23.6 à 23.10 ont été rejetées par l’administrateur.

 

[4]       Les points 23.6 à 23.10 consistent en diverses déficiences identifiées par l’administrateur de la manière suivante[1]:

 

Point 23

Parement de briques

 

 

Point 23.6

Largeur des joints

 

 

Point 23.7

Alignement des joints

 

 

Point 23.8

Vallonnements

 

 

Point 23.9

Correctif inadéquat au mortier à la fenêtre du sous-sol de l’unité 1129

 

 

Point 23.10

Linteaux rouillés apparents de chaque côté des ouvertures

 

[5]       La date de l’audience a d’abord été prévue pour une journée, soit le 25 janvier 2013. Cependant, à l’issue de l’audience tenue ce jour-là, les parties n’étaient pas en mesure d’achever leur preuve et une deuxième journée d’audience fut prévue le 5 avril 2013, auquel moment les parties ont déclaré la preuve close.

 

[6]       Le 5 avril 2013, les experts des parties ont conclu leurs témoignages. Toutefois, étant donné qu’il n’y avait pas assez de temps pour les parties de faire valoir leurs arguments, il a été convenu que la présentation des arguments se poursuivra à une date future convenue par les parties.

 

[7]       À l’issue de l’audience du 5 avril 2013, le Tribunal n’a pas pris l’affaire en délibéré, compte tenu du fait que les parties n’avaient pas encore soumis leurs arguments respectifs.

 

[8]       D’après la preuve présentée devant le Tribunal en ce qui concerne les déficiences alléguées et les coûts afférents visant à remédier les points 23.6 à 23.10, la valeur du litige se monte à un montant supérieur à 100°000,00$, s’il était établi que les déficiences constituent une malfaçon au sens et en vertu de l’application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RRQ, c B-1.1, r 8, «°Règlement°».

 

[9]       Avant de mettre au rôle l’audience une date pour entendre les arguments des parties, la défenderesse a présenté une demande de réouverture d’enquête.

 


Faits

 

[10]    Suivant deux conférences de gestion tenues entre les parties en octobre et novembre 2012, l’audition d’arbitrage a été fixée pour un jour, soit le 25 janvier 2013.[2]

 

[11]    Lors de la première conférence de gestion, la demanderesse et la partie défenderesse n’étaient pas représentées par procureurs. Par la suite, Me Serge Gagné a comparu pour la demanderesse, alors que la partie défenderesse a continué d’être représentée à tout moment par Monsieur Richard Latulippe, un de ses principaux représentants.

 

[12]    Au cours de  la conférence préparatoire qui a eu lieu avec les parties en cause, le Tribunal a informé la demanderesse et la partie défenderesse de leur droit à désigner un avocat et que chaque partie avait le fardeau de la preuve lié à l’appui de leurs positions respectives.

 

[13]    Le 6 novembre 2012, avant même de fixer la date pour l’audience au 25 janvier 2013, Monsieur Richard Latulippe, le représentant de la partie défenderesse, a informé le Tribunal et les parties en cause que la défenderesse « ne présentera pas de témoin ».[3]

 

[14]    L’audience a débuté le 25 janvier 2013 et toutes les parties étaient présentes comme indiqué ci-dessus. La partie défenderesse était représentée par Monsieur Latulippe.

 

[15]    La demanderesse et l’administrateur agissant par l’intermédiaire de leur avocat ont présenté leurs éléments de preuve par l’entremise de leurs témoins ordinaires qui ont été interrogés et contre-interrogés par les avocats respectifs.

 

[16]    Monsieur Latulippe a eu l’occasion de contre-interroger chaque témoin ordinaire présenté par la demanderesse et l’administrateur, toutefois, il a choisi de ne pas exercer ce droit, en précisant qu’il n’avait pas de questions à poser aux témoins ordinaires.

 

[17]    À l’issue de l’audience, tenue le 25 janvier 2013, les parties en cause n’ont pas été en mesure de compléter leur preuve et une deuxième journée a été fixée afin de présenter les éléments de preuves et les déclarations des témoins experts de la demanderesse et l’administrateur.

 

[18]    Le 5 avril 2013, les témoins experts ont été entendus et ont été dûment contre-interrogés par les avocats représentant la demanderesse et l’administrateur.

 

[19]    Monsieur Latulippe, à nouveau, a eu l’occasion de contre-interroger chaque témoin expert, toutefois il a choisi de ne pas exercer ce droit, en précisant qu’il n’avait pas de questions à poser aux témoins experts.

 

[20]    À l’issue de la deuxième journée d’audience, les parties en cause ont déclaré leur preuve close. Par manque de temps, il n’a pas été possible de présenter l’argumentation, d’où le fait que les parties ont convenu de présenter verbalement leurs arguments à un moment à être fixé au cours du mois d’avril 2013.

 

[21]    Le 24 avril 2013, le Tribunal a reçu un courriel de Monsieur Latulippe déclarant l’intention de la défenderesse d’être entendu[4], une demande que le Tribunal a considérée comme constituant une demande de réouverture d’enquête même si la demande de la défenderesse n’était pas présentée comme une demande de réouverture d’enquête.

 

[22]    Le 29 avril 2013, le Tribunal a reçu un courriel des avocats de l’administrateur déclarant aussi l’intention de l’administrateur de présenter une demande de réouverture d’enquête[5].

 

[23]    Le 3 mai 2013, le Tribunal a prévu une téléconférence afin d’entendre les représentations des parties en cause liées aux demandes présentées par la défenderesse et l’administrateur. Les avocats de la demanderesse se sont opposés à la réouverture d’enquête. Compte tenu des circonstances de l’espèce, le Tribunal a demandé aux parties de soumettre par écrit leurs positions respectives relatives à la réouverture d’enquête.

 

[24]    Le 8 mai 2013, les avocats de l’administrateur ont informé le Tribunal que l’administrateur a décidé de renoncer à sa demande de réouverture d’enquête[6] et a fait connaître son appui à la demande de la partie défenderesse pour la réouverture d’enquête.

 

LES MOTIFS DE RÉOUVERTURE D’ENQUÊTE

[25]    L’argument avancé par la défenderesse est repris ci-dessous :

 

«°Pour faire suite aux deux journées d’audiences auxquelles j’ai participé et en raison de mon inexpérience autant professionnelle que personnelle à assister à une audience, le témoignage de M. Serge Barré, copropriétaire de Constructions CDE inc. (CDE) et responsable des travaux lors de la construction, serait pertinent dans ce dossier et devrait être entendu sur les éléments suivants:

 

·     Plan et devis : la façon dont fonctionne le choix de brique en lien avec les obligations que nous avons;

·     Faire l’historique des relations avec les représentants du syndical.

 

Nous évaluons la durée de son témoignage a une heure incluant un contre-interrogatoire.°»

[Nos soulignements]

 

[26]    L’administrateur appuie la position de la défenderesse et fait valoir les arguments suivants :

 

«°… les fins de la justice milite en faveur que la demande de l’entrepreneur soit accueillie considérant que l’entrepreneur n’a présenté aucune preuve et qu’il a le droit d’être entendu d’autant plus qu’aucune partie n’a présenté ses arguments et que la cause n’est pas en délibéré.  Je joins à cet égard deux décisions arbitrales portant sur des demande de ré-ouverture d’enquête.

 

Je vous soumets de plus que la preuve que désire apporter l’entrepreneur est pertinente et que la ré-ouverture de l’enquête n’aura pas pour effet de retarder indument l’instruction de la présente cause.°»

[Nos soulignements]

 

[27]    La demanderesse s’y oppose et fait valoir que pour autant que les faits de la cause dans le cas présent les préoccupent que :

 

«°1. Décision de l’entrepreneur de ne pas faire entendre les témoins et de ne pas être représenté par avocat

 

Le 19 janvier 2012, lors d’une conférence téléphonique avec votre prédécesseur, Me Louis Riverin (procès-verbal ci-joint), l’entrepreneur annonçait deux témoins, soit monsieur Serge Barré, copropriétaire de Constructions CDE, et monsieur Kevin Paré, sous-traitant en maçonnerie. Lors d’une conférence téléphonique avec vous au début octobre 2012, monsieur Latulippe réitérait cette annonce. Cependant, dans un courriel du 6 novembre 2012 (fourni en pièce jointe), il annonçait qu’il ne ferait plus entendre ces témoins. On présume qu’il s’agit d’un choix conscient et réfléchi. Il est donc inexact de prétendre qu’il ne savait pas, en raison de son inexpérience personnelle et professionnelle, qu’il pouvait faire entendre des témoins. À plus forte raison quand on souvient que vous avez mentionné, à l’audience, qu’il lui était possible de faire entendre des témoins et de déposer des pièces.

 

Lors de la conférence téléphonique du 3 mai 2013, Me Paquette a soulevé le fait que l’entrepreneur n’est pas représenté par avocat. L’entrepreneur a fait le choix de ne pas prendre d’avocat et on ne peut se servir, après coup, de cette décision pour justifier la présente demande.

 

Comme vous l’avez souligné lors de cette conférence téléphonique, il a toujours été clair depuis le début que les parties avaient la possibilité d’être représentée par un avocat. De plus, tout au long de l’audition des témoins, vous vous êtes toujours adressé à toutes les parties pour leur demander si elles désiraient poser des questions aux témoins.

 

Le représentant de l’entrepreneur s’est dit «intimidé» par le processus d’arbitrage. Il aurait dû agir en conséquence et céder sa place à une personne plus à l’aise, ou recourir aux services d’un avocat. Le bénéficiaire n’a pas à subir les conséquences de cette incurie.°»

 

[28]    La demanderesse fait en outre valoir que :

 

«°Aucun fait nouveau ne s’est produit depuis le dépôt de la demande d’arbitrage; aucune preuve ignorée ou impossible à connaître n’a été alléguée. En fait, la demande de l’entrepreneur porte exclusivement sur une preuve qu’il a omis volontairement et en toute connaissance de cause de présenter lors de l’audition. Pour ce motif, elle est irrecevable.°»

 

ANALYSE

 

[29]    Il ne fait aucun doute que la défenderesse à tous les moments déterminants au cours du processus d’arbitrage, reconnaît avoir pris connaissance de son droit d’être représentée par avocat et de présenter tous les éléments de preuve pertinents qu’il a jugé nécessaire et important d’être présentés devant le tribunal.

 

 

[30]    Le Règlement n’impose aucune obligation auprès du bénéficiaire ou de l’entrepreneur d’être représentés par avocat, bien que le Tribunal estime que dans la plupart des cas, sinon dans tous, c’est un choix éclairé. Néanmoins, toute décision sur le sujet d’être représenté par avocat incombe à la partie concernée et la partie en cause doit vivre avec sa décision.

 

[31]    Pendant toute la durée du processus, Monsieur Latulippe a assisté et a participé aux conférences préparatoires et à l’audience. Tout au long sur une route bien sinueuse qui a mené à l’achèvement de l’audience du 5 avril 2013, Monsieur Latulippe a eu toutes les occasions d’interroger et de contre-interroger les témoins, mais il a refusé le faire, et il a attendu jusqu’à ce que la preuve ait été déclarée close par les parties pour demander une réouverture d’enquête.

 

[32]    Voyant que la défenderesse avait eu l’occasion de présenter sa preuve et contre-interroger tous les témoins, le Tribunal ne serait pas normalement favorable à la réouverture de l’enquête à moins que les circonstances justifient de permettre à la défenderesse de présenter sa preuve après que la preuve a été déclarée close.

 

[33]    Au cours d’une audience d’arbitrage, le Tribunal accorde souvent un degré de latitude raisonnable aux parties qui ne sont pas représentées par  procureur, dans la modalité dont les parties en cause présentent leurs preuves, pourvu que les principes fondamentaux du droit en matière de la preuve, comme stipulé dans le Civil Code du Québec[7], soient respectés.

 

[34]    Le Tribunal tient compte que la défenderesse n’était pas représentée par  avocat. À lui seul, toutefois, ce fait ne pourrait pas être invoqué comme excuse pour permettre la réouverture d’enquête, sauf dans des cas dûment justifiés qui permettraient de justifier une telle demande.

 

[35]    Comme nous l’avons déjà indiqué, le coût lié à la correction des déficiences associées aux travaux du parement de briques est supérieur à 100°000,00$.

 

[36]    Même si le Tribunal estime que le manque de connaissance et d’expérience de Monsieur Latulippe en la matière n’est pas une excuse, les circonstances particulières de cette affaire sont telles, qu’elles méritent un examen attentif que devrait être accordé à la requête de la défenderesse.

 

[37]    Un tel examen a toutefois besoin d’être étudié dans le cadre relatif à l’application des principes généraux régissant la réouverture d’enquête, en gardant toujours à l’esprit la notion d’équité et le droit de chaque partie de se faire entendre.

 

[38]    L’argument de la demanderesse est fondé sur la décision rendue par la Cour d’appel dans le cas de Symons General Insurance Company c. Rochon, 1995 CanLII 5292 (QC CA) où la Cour d’appel a traité des critères liés à une demande de réouverture d’enquête exigeant de la défenderesse d’établir que la preuve qu’elle a l’intention de présenter constitue : a) des nouvelles preuves; b) nonobstant la diligence raisonnable, qu’il était impossible pour la partie en cause de prendre connaissance de tels éléments de preuve avant l’audience; c) les nouvelles preuves pourraient avoir une influence décisive sur la décision qui sera rendue par le Tribunal.

 

[39]    Selon la demanderesse, la défenderesse ne s’était pas acquittée de son fardeau de preuve qui lui incombait, afin d’établir que les faits sur lesquels elle s’appuie relèvent du champ d’application des conditions qui justifieraient l’octroi de sa demande de réouverture d’enquête.

 

[40]    La demande de la défenderesse pour la réouverture d’enquête ne peut pas être simplement considérée dans les limites étroites de l’application des principes régissant les procédures devant les tribunaux de droit commun de la province du Québec; de même, le Tribunal ne peut pas examiner la requête de la défenderesse dans le vide, dépourvue de l’ensemble des circonstances dans l’affaire en cours devant le Tribunal.

 

[41]    Le Tribunal est d’abord et avant tout, régi par les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Hamel c. Brunelle et al., [1977] 1 R.C.S. 147 où l’honorable juge Pigeon de la Cour suprême du Canada  s’est exprimé comme suit :

 

«°A mon avis, il importe d’intervenir pour faire respecter la volonté du législateur québécois d’abroger le vieil adage que «la forme emporte le fond». … Quand la décision sur une question de forme a pour conséquence qu’un justiciable perd son droit, elle cesse d’être une question de forme et devient une question de droit. Ce n’est une question de forme qu’en autant qu’un remède est possible, non quand cela emporte le droit. °»

[Nos soulignements]

 

[42]    Le Tribunal est appelé à examiner la demande de la défenderesse dans le cadre de l’application de l’article 116 du Règlement qui est libellé comme suit :

 

«°116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.°»

 

 

[43]    L’honorable juge Michèle Monast, J.C.S. dans le cas de Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Dupuis, 2007 QCCS 4701 (CanLII) a porté sur la notion d’équité et l’application de l’article 116 du Règlement de la manière suivante :

 

«°[75] Il est acquis au débat que l’arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu’il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui. Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l’équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu’il peut suppléer au silence du règlement ou l’interpréter de manière plus favorable à une partie.

[76] L’équité est un concept qui fait référence aux notions d’égalité, de justice et d’impartialité qui sont les fondements de la justice naturelle. Dans certains cas, l’application littérale des règles de droit peut entraîner une injustice. Le recours à l’équité permet, dans certains cas, de remédier à cette situation.°»

[Nos soulignements]

 

[44]    Dans le cas de Symons General Insurance Company, la Cour d’appel a souligné l’importance d’examiner les critères se rapportant à la réouverture d’enquête, avec l’objectif d’assurer que le Tribunal en rendant sa décision a devant lui tous les éléments de preuve jugés nécessaires :

 

«°CONSIDÉRANT que cette évaluation doit se faire de façon à permettre que la preuve, sur la foi de laquelle le jugement sera prononcé, soit la plus complète possible et ce, dans l’intérêt de la justice…°»

[Nos soulignements]

 

[45]    La Cour d’appel dans l’affaire Beaver Foundations Ltd c. R.N.R. Transport Ltée, [1984] C.A. 207, a jugé que :

 

«°La réouverture d’enquête est favorablement reçue quand le requérant démontre au tribunal que telle réouverture est de nature à faire plus de lumière sur le litige.°»

[Nos soulignements]

 

[46]    Il n’y a aucun doute que le Tribunal possède le pouvoir discrétionnaire de refuser la réouverture d’enquête, si de l’avis du Tribunal la preuve n’est pas essentielle et n’a que peu de valeur probante comme l’a déclaré la Cour d’appel dans l’affaire de Beaver Foundations Ltd, dans lequel l’honorable juge M. Albert Mayrand a affirmé :

 

«°Mais le juge à discrétion pour la refuser quand elle a pour but de présenter une preuve qui lui paraît non essentielle et peu concluante, surtout lorsque avec plus de diligence on aurait pu la faire avant que l’enquête ne soit close.°»

 

[47]    En outre, le Tribunal doit s’assurer que la demande de réouverture d’enquête ne retarde pas indûment l’achèvement de l’affaire à l’arbitrage, ainsi qu’il avait été clairement exprimé par le juge Mayrand dans l’affaire de Beaver Foundations Ltd, dans lequel il a affirmé :

 

«°Aux lenteurs inévitables de la justice, on ne doit pas, sans motifs graves, ajouter des retards additionnels qui nuisent à la bonne administration de la justice.°»

 

[48]    Dans l’affaire d’arbitrage de C. Monette & Fills Ltée c. Teamsters Québec, Section Locale 106 (F.T.Q.), 1998 CanLII 1439 (QC SAT), l’arbitre Claude Dupuis ing., saisi d’une demande de réouverture d’enquête a maintenu ce qui suit :

 

«°Le tribunal a analysé la jurisprudence déposée par le syndicat. Il ressort de cette analyse que la réouverture d’enquête est généralement permise, même si c’est par inadvertance qu’une partie a omis d’établir un fait; toutefois, cette demande de réouverture ne doit pas être faite pour ajouter un élément étranger au débat ou pour en retarder le déroulement.

 

Cette analyse démontre de plus que cette requête ne doit pas apparaître frivole et qu’elle doit porter sur un élément essentiel au débat»

[Nos soulignements]

 

[49]    Il est intéressant de noter que l’arbitre Claude Dupuis, citant le cas de l’Iron Ore of Canada -vs- Métallurgistes unis d’Amerique, local 5569 (S.A. 81-11-125) a insisté en particulier sur le passage suivant°:

 

"Je n’ai aucune hésitation à recevoir la demande de réouverture d’enquête et ce, pour les motifs suivants:

 

a) Parce qu’il s’agit d’une question de justice élémentaire en autant que la compagnie I.O.C. est concernée.

 

Il serait injuste, je crois, de refuser à une partie, quelle qu’elle soit, la permission de présenter tous les faits devant l’arbitre et ce, peu importe la raison pour laquelle présentation de ces faits n’a pas été faite lors de l’enquête surtout lorsque, comme en l’occurrence, jugement n’a pas encore été rendu.

 

(...)"

[Nos soulignements]

 

[50]    Dans la présente affaire, le Tribunal estime qu’il est dans l’intérêt de la justice, d’octroyer la demande de la défenderesse pour la réouverture d’enquête pour les raisons exposées ci-après.

 

[51]    La partie défenderesse prétend que le témoignage de Monsieur Serge Barré, un administrateur de la défenderesse, est nécessaire du fait que Monsieur Barré était responsable de la construction du bâtiment, et en tant que tel son témoignage permettra de faire la lumière sur les plans de construction et le choix des briques que la défenderesse a utilisées dans le bâtiment en cause, ainsi que de témoigner sur l’historique de la relation avec les représentants de la demanderesse.

 

[52]    Lors de l’audience, l’expert de l’administrateur a témoigné longuement en ce qui concerne la taille des briques que la défenderesse a utilisées et comment la taille des briques a eu un impact sur la manière dont les briques étaient installées.

 

[53]    À ce stade-ci, le Tribunal n’est pas en mesure de conclure que le témoignage que Monsieur Barré rendra est frivole et non nécessaire ou pertinent et qu’il n’apportera pas un éclairage supplémentaire sur les éléments de preuve quant à la manière dont la sélection des briques installées a été prise; ou une telle preuve aura peu de valeur probante; ou il ne sera pas éclairant en vue d’aider le Tribunal à recueillir tous les éléments de preuve dont il a besoin aux fins de statuer sur la question relative aux déficiences associées aux travaux du parement de briques réclamées par la demanderesse.

 

[54]    La partie défenderesse ajoute que la durée du témoignage de Monsieur Barré y compris le contre-interrogatoire durera une (1) heure. Dans le cadre de la présente affaire, l’audition afin d’entendre la preuve qui sera donnée par Monsieur Barré ne retarderait pas indûment la conclusion du processus d’arbitrage et en tout état de cause une audition supplémentaire devait être prévue pour permettre aux parties de soumettre leurs arguments.

 

[55]    Finalement, la réouverture d’enquête ne causera aucun préjudice à la partie demanderesse puisque la demanderesse aura le droit de contre-interroger Monsieur Barré et pourra apporter tous les éléments de preuve qu’il jugera nécessaire en contrépreuve.

 

[56]    Si la demanderesse jugeait nécessaire d’avoir la présence de son expert (Monsieur Claude Bisson) au cours du témoignage de Monsieur Barré et si l’expert devait témoigner en contrepreuve, les coûts afférents et les honoraires de l’expert, dûment étayés, seront accordés en faveur de la demanderesse, indépendamment de la décision que sera rendu par le Tribunal en fonction de l’application du principe du bien-fondé de la demande, dont le Tribunal est saisi.

 

Conclusion

 

[57]    Les faits de chaque cause sont différents. Il appartient donc au Tribunal d’apprécier toutes les circonstances de l’affaire.

 

[58]    Il ne faut jamais oublier en effet que «°la procédure ne sert qu’à faire apparaître le droit et non à l’occulter°».[8] Par conséquent, le Tribunal exerce sa compétence équitable et considère que dans les circonstances particulières de cette affaire il est dans l’intérêt de la justice que la défenderesse a le droit de voir Monsieur Barré témoigner sur les questions suivantes :

 

58.1. Plan et devis: la façon dont fonctionne le choix de brique en lien avec les obligations de la défenderesse;

 

58.2. Faire l’historique des relations avec les représentants du syndicat.

 

[59]    Par conséquent, le Tribunal fait droit à la demande de la défenderesse et accorde la réouverture d’enquête.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[60]                 MAINTIENT la demande de la défenderesse pour la réouverture d’enquête.

 

[61]                 ORDONNE la réouverture d’enquête au moment et à l’endroit à être déterminée.

 

[62]                 PERMET à Monsieur Serge Barré de témoigner sur les questions suivantes :

 

62.1. Plan et devis: la façon dont fonctionne le choix de briques en lien avec les obligations de la défenderesse/l’Entrepreneur;

 

62.2. Faire l’historique des relations avec les représentants du syndicat.

 

[63]                 CONDAMNE la défenderesse/l’Entrepreneur et l’Administrateur conformément à l’article 123 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, à payer à parts égales les coûts de l’expert Monsieur Claude Bisson, dans l’éventualité où Monsieur Claude Bisson était présent lors de la réouverture d’enquête.

 

[64]                 CONDAMNE la demanderesse/l’Entrepreneur et l’Administrateur conformément à l’article 123 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, à payer à parts égales les coûts de la demande de la réouverture d’enquête.

 

 

 

DATE : 4 JUIN 2013

 

 

 

 

 

 

                    [Original signé]

 

___________________________

 

M Tibor Holländer

 

Arbitre

 

 

 



[1] Pièce A-11, décision en date de 6 octobre 2011.

[2] 1er conférence de gestion tenue le 5 octobre 2012; 2e conférence de gestion tenue le 16 novembre 2012.

[3] Courriel reçu du Monsieur Latulippe le 6 novembre 2012 (17:29:27): «°Bonjour la présente est pour vous mentionner que lors de l'audience dans le dossier #174020-1 Bosquet des Ardennes, l'entrepreneur (Constructions CDE inc. ) ne présentera pas de témoin.°»

[4] Courriel reçu du Monsieur Latulippe le 24 avril 2013 (16 :44); «°Bonjour Maître Hollander, nous CDE voudrions être entendu en preuve.°»

[5] Courriel reçu du Me Stéphane Paquette le 29 avril 2013 (11 :48); «°Par ailleurs, je vous informe que j’ai également une demande de réouverture d’enquête à formuler.°»

[6] Courriel reçu du Me Stéphane Paquette le 8 mai 2013 (13 :36); «°Je désire vous informer par la présente que ma cliente renonce à présenter une requête en ré-ouverture d’enquête, mais appuie la demande de l’entrepreneur de faire entendre des témoins à ce stade-ci du litige.°»

[7] Le tome sept, articles 2803 et suivants.

[8] Takhmizdjian c. Soreconi (Société Pour la Résolution des conflits Inc.), 2003 CanLII 18819 (QC CS)