TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide de la
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS inc.
(SORECONI)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
Canada
Province de Québec
Dossier no: 232707001
MARC-DAVID OLIGNY ET JADE GOSSELIN
(« Bénéficiaires »)
c.
2945-6316 QUÉBEC INC.
(f/a/s Les Construction G.L. Enr.)
(« Entrepreneur »)
et
La Garantie Construction Résidentielle (« GCR »)
(« Administrateur »)
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre :
Me Jean Philippe Ewart
Pour les Bénéficiaires :
Me Laurence Cliche
Bernier Beaudry Avocats
Pour l’Entrepreneur :
M. Gilles Lecours, président
Pour l’Administrateur :
Me Nancy Nantel
Contentieux de La Garantie
construction résidentielle (gcr)
Date de la décision arbitrale : 26 mars 2024
Identification des Parties
ENTREPRENEUR : 2945-6316 QUÉBEC INC.
(f/a/s Les Construction G.L. Enr.)
BÉNÉFICIAIRES: MARC-DAVID OLIGNY ET JADE GOSSELIN
Attention: Me Laurence Cliche
Bernier Beaudry, Avocats
ADMINISTRATEUR : GARANTIE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
contentieux garantie construction résidentielle
Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ~ compétence arbitrale n’est pas pas seulement en fonction de la réclamation ou de la décision de l’Administrateur ~ Arbitrage au Règlement est une procédure ‘de novo’.
Administrateur n’a pas l’autorité de réviser, rétracter ou émettre une décision rectifiée ou supplémentaire subséquente à une décision initiale soumise à l’arbitrage ~ Nullité des décisions ‘rectifiée’ et ‘supplémentaire’ ~ Chose jugée.
Liminaire
[1] L’Administrateur plaide que le Tribunal n’a pas juridiction sur un Point de la décision de l’Administrateur, puisqu’inter alia reconnu en faveur du demandeur à l’arbitrage.
[2] Les présentes s’adressent aussi entre autres à une décision de l’Administrateur ‘’Rectifiée’’ (du 4 octobre 2023) et par la suite une décision de l’Administrateur ‘’Supplémentaire’’ (du 5 décembre 2023) toutes deux postérieurement à la nomination du 3 août 2023 de l’Arbitre au dossier.
Mandat et Litige Initial
[3] Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné aux présentes en date du 3 août 2023 en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (RLRQ. c. B-1.1, r.08) (« Règlement ») adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1), le tout suite à des dénonciations des Bénéficiaires en date des 31 août 2022, 12 octobre 2022 et 10 mars 2023 respectivement, et une réclamation en date du 17 mars 2023 pour couverture sous le plan de garantie au Règlement (« Garantie » ou « Plan ») relativement à une demande d’arbitrage des Bénéficiaires à la Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI) (« Centre ») datée du 27 juillet 2023 (« Demande ARB 1») (Pièce A-16 en liasse).
Déroulement procédural
[4] Afin d’alléger le texte, une chronologie de certaines dates procédurales charnières de ce dossier (pour les fins des présentes) est en Annexe 1 ci-dessous pour faire partie intégrante; cette chronologie est clairement d’intérêt dans les circonstances.
[5] La Demande ARB 1 fait suite à une décision de l’Administrateur datée du 3 juillet 2023 (42 pages et 4 annexes, total 51 pages) [26 Points] (Pièce A-15 en liasse) (« DécisionAdm1 »)
[6] L’Administrateur émet par la suite, alors que le soussigné est déjà l’Arbitre assigné, sans avis préalable au Tribunal, une décision sous l’intitulé « Décision Rectifiée » datée du 4 octobre 2023 (36 pages et 3 annexes, total 46 pages) qui indique tenir sa source des mêmes dénonciation (31 août 2022) et réclamation (17 mars 2023) précitées (« DécisionAdm Rectifiée » quelquefois « Rectifiée ») (Pièce A-17).
[7] On doit noter que malgré la nomination de l’Arbitre en date du 3 août 2023 et une 1ère conférence préparatoire au présent dossier en date du 30 octobre 2023, le Tribunal n’est informé de cette DécisionAdm Rectifiée (que chacune des Parties confirme avoir reçue suite à son émission) datée du 4 octobre 2023 que le 30 octobre 2023 dans le cadre de la 1ère conférence de gestion d’instance.
[8] Notons de plus qu’une deuxième demande d’arbitrage des Bénéficiaires datée du 30 octobre 2023 est reçue par le Greffe le 1er novembre 2023 (« Demande ARB 2») (Pièce B-6, cotée par le Tribunal).
[9] La 1ère Décision de Gestion (Gestion1) accorde un délai à l’Administrateur pour dépôt du Cahier de l’Administrateur qui malheureusement après (art. 108 et 109 du Règlement) plus de 90 jours n’avait pas encore été transmis (art. 129 du Règlement).
[10] Une 2e conférence de gestion d’instance, est tenue le 23 novembre 2023 dont résulte une 2e Décision de Gestion (Gestion2) qui reprend en détail les Points que le Tribunal a compris demeurent à l’Arbitrage; nous y reviendrons.
[11] L’Administrateur émet une « Décision Supplémentaire » en date du 5 décembre 2023 sur un seul Point qui contredit sa détermination de ‘reconnu’ sous sa DécisionAdm1(Point 3 – Taux d’humidité élevé dans le sous-sol) qui n’est transmise au Tribunal (et à tout le moins selon la preuve de même qu’aux Bénéficiaires) que plus de trois mois plus tard, soit le 19 mars 2024 lors de la 3e conférence de gestion.
Faits Pertinents pour les Présentes
[12] Il est important de souligner que Me Nancy Nantel, procureure de l’Administrateur au dossier, a participé et collaboré au processus arbitral avec meilleurs efforts.
[13] Le Tribunal souligne, à diverses reprises sur le banc et d’à-propos dans des Décisions ARB au dossier, son obligation d’assistance raisonnable et des limites à cette assistance afin d’assurer la tenue d’un procès équitable à une partie qui n’est pas représentée par avocat [1] (i.e. l’Entrepreneur).
[14] Pour nos fins, le Tribunal a noté le contenu entre autres des rapports d’auteurs (et le Tribunal comprend que les Bénéficiaires ont l’intention de requérir caractérisation d’experts), soit (i) intitulé ‘Drain de fondation’ , «inspecter le drain de fondation et la fondation de la propriété » daté du 8 septembre 2022, sous mandat des Bénéficiaires (Pièces A-13 et B-5) et (ii) rapport intitulé ‘Rapport d’inspection’ (48 pages) daté du 15 septembre 2022, sous mandat des Bénéficiaires (Pièces A-12 et B-3), rapports que le Tribunal comprend étaient disponibles lors de la visite des lieux de l’Administrateur dont découle la DécisionAdm1 (visite en date du 18 avril 2023 à laquelle sont présents les représentants respectifs des Bénéficiaires et de l’Entrepreneur).
[15] Un rapport sous intitulé Expertise Technique daté du 18 novembre 2023, sous mandat des Bénéficiaires a été rédigé par A. Petitpas, ingénieur, (Pièce B-4 et annexe B-4.1),
[16] La DécisionAdm Rectifiée s’adresse à différents Points de la DécisionAdm1 qui alors étaient soit ‘reconnus’ avec ordonnance de correction au plus tard le 30 septembre 2023, ‘ne peut statuer’, ‘rejetés, non reconnus’ ou ‘résolus sans ordonnance’, et accueille ces Points (sauf Points 14 et 18, rejetés sous la Décision Adm1 et la Rectifiée) et, plus particulièrement pour nos fins aux présentes, ordonne sous la Rectifiée à l’Entrepreneur de régler les Points reconnus incluant le Point 26 au plus tard le 15 décembre 2023 et stipule qu’il s’agit d’un délai de rigueur.
[17] Mais il y a plus.
[18] La DécisionAdm1 stipule « N'INTERVIENDRA PAS à l'égard des points 22, 23, 24, 25 et 26 » alors que sous la Rectifiée l’Administrateur s’adresse au Point 26 avec commentaires, analyse et décision et inter alia accueille celui-ci.
[19] La Demande ARB 2 identifie les Points 1, 23, 24, 25 et 26 et ajoute des éléments que les Bénéficiaires identifient comme dénoncés mais non couverts par les Décision Adm1 et DécisionAdm R, incluant plus particulièrement pour nos fins aux présentes «incapacité de la thermopompe» et «un seul ventilateur de salle de bain installé sur 4» mais on note que cette question de ventilateur est traitée par l’Administrateur au Point 13 de la DécisionAdm1 sous le couvert de l’Intitulé « Point 13 Absence de conduit d’échangeur d’air dans la salle de bain des maîtres », Point non reconnu et rejeté alors par l’Administrateur.
[20] C’est un ensemble de Points, reconnus ou rejetés, (incluant sans restreindre la généralité les Points 3, 12, 13, 17, 26) qui selon le Tribunal peuvent viser certains constats ou une problématique du système de ventilation/climatisation (notons que l’échangeur d’air est au sous-sol et une unité de climatisation murale est à l’étage) et qui porteront vers la nomination d’un expert commun pour l’ensemble de cette problématique.
[21] Cet expert commun et son mandat sera adressé plus particulièrement sous une Demande de suspension des Bénéficiaires (plaidée le 24 novembre 2023 et adjugée sur le banc sujet à motifs écrits, donc précédemment à la DécisionAdm Supplémentaire) et la Décision ARB de Suspension s’appuie entre autres sur une problématique du système de ventilation/climatisation.
Le Règlement
[22] Le Règlement est d’ordre public tel que confirmé à diverses reprises par notre Cour d’appel [2] et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie qui est inconciliable avec le Règlement est nulle [3] et conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.
[23] La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue [4], et tel que mentionné précédemment, l’arbitrage au Règlement est de novo [5] d’une décision de l’Administrateur et non un ‘appel’ de celle-ci.
Analyse et Motifs
Arbitrage n’est pas restreint aux réclamations déposées en demande
Déroulement procédural
[24] L’Administrateur plaide que la nomination de l’expert commun prévu à la Décision ARB de Suspension n’est pas appropriée alors que le descriptif du mandat vise la conception et réalisation du système de chauffage/climatisation et d’échangeur d’air de la résidence unifamiliale des Bénéficiaires (6 chambres à coucher et 4 salles de bain).
[25] L’Administrateur plaide que le Point 3 (à la DécisionAdm1) intitulé ‘Taux d’humidité élevé dans le sous-sol’ avec descriptif ‘Échangeur d’air non calibré ou pas assez gros’ a été reconnu et ne se retrouve pas comme Point porté à la demande d’arbitrage subséquente (et que la Rectifiée ne s’y adresse pas non plus, ni la 2e demande d’arbitrage immédiatement subséquente).
[26] L’Administrateur plaide que le Tribunal n’a pas alors juridiction et que d’ailleurs les Décisions arbitrales de gestion (Gestion 1 et 2) n’identifient pas ce Point dans l’énumération; c’est toutefois incorrect, entre autres sous le titre ‘Points à l’arbitrage’ (Gestion2, par. 32) qui sous énumération indique ce Point 3 (et autres Points connexes à cette problématique).
[27] Tel qu’exprimé sur le banc, le Tribunal soulignant d’ailleurs qu’il est familier avec des questions de puissance, calibration et balancement de systèmes de ventilation/climatisation (Gestion2), et quoique les Bénéficiaires avisaient que cette suspension était nécessaire pour une expertise qu’ils auraient unilatéralement mandatée, le Tribunal suggère que cette problématique alléguée requiert une expertise préférablement commune.
[28] Cette expertise commune sera en effet détaillée sous la Décision ARB de Suspension. S’inspirant des dispositions du Code de procédure civile (inter alia, art. 156 C.p.c. quant à une suspension, et art. 158 (2) C.p.c. pouvoir de gestion, d’office, à évaluer l’objet et la pertinence de l’expertise, qu’elle soit commune ou non), la Demande de suspension est accordée, non pas sine die, mais se terminant à la fin de la période de captation qui sera déterminée par l’expert commun pour les fins de ce rapport d’expertise et délai subséquent pour le dépôt d’un rapport écrit de l’expert.
Analyse - Le concept de différend
[29] Afin de circonscrire l’étendue de la notion de différend au sens du Règlement, on peut, entre autres, s’appuyer sur le sens donné à cette expression par la doctrine, entre autres sous la plume de Me Pierre Bienvenu, L’arbitrage comme mode de règlement des différends (1998) qui précède l’arrêt Descindes (2004) et souligne :
« Il faut porter une attention toute particulière aux mots utilisés. Les mots ‘différend’, ‘désaccord’ ou ‘controverse’ sont plus larges que les mots ‘réclamation’ ou ‘litige’. » [6]
[30] Il y a maintenant 20 ans que notre Cour d’appel a confirmé que le différend au sens du Règlement n’est pas fonction de la seule réclamation d’un bénéficiaire.
[31] Le Règlement prévoit, pour nos fins :
« 19. Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur… . » [7]
« 106. Tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section. » [8]
(nos soulignés).
[32] La Cour d’appel dans l’arrêt phare Descindes (2004) [9] sous la plume de Madame la juge Rayle (J.C.A.) (banc : Hon. Juges Rousseau-Houle, Morin et Rayle) cite un extrait du jugement de première instance qui cherche à restreindre le différend uniquement sur la décision de l'intimée (l'administrateur) et sur aucun autre différend. Citant le jugement de la Cour Supérieure:
« [47] Le différend soumis à l'arbitre par les requérants portait donc uniquement sur la décision de l'administrateur de refuser de parachever et de refuser d'indemniser et ces refus étaient les seuls fondements de la «réclamation» (la demande) des requérants.
[48] C'est ce différend qui portait sur cette décision de l'intimée (l'administrateur) qui relevait de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la section III (articles 106 à 131) du chapitre IV du Règlement et aucun autre différend. L'arbitre n'était pas saisi d'un différend portant sur des «acomptes versés par le bénéficiaire».[10]
[33] Ce qui porte la Cour d’appel à renverser le jugement de première instance et à conclure qu’un différend n’est pas fonction de la seule réclamation d’un bénéficiaire :
« On ne doit pas confondre la réclamation des intimés avec le différend qui découle de la suite des événements, le cas échéant.» (parag. 32)
et, de plus :
« Je conclus de ce qui précède que le différend n’est pas fonction de la seule réclamation des bénéficiaires; qu’il est le produit de l’insatisfaction du bénéficiaire ou de l’entrepreneur face à la décision prise par l’administrateur à la suite de son investigation du conflit entre le bénéficiaire et son entrepreneur, et que ce différend, s’il n’est pas résolu par entente… le sera par la décision d’un arbitre qui est finale et sans appel et qui lie le bénéficiaire, son ancien entrepreneur et l’administrateur du plan de garantie …» (parag. 33)
(nos soulignés).
[34] On retrouve de même des décisions en révision judiciaire par différents plans de garantie au même effet, tels à titre d’exemples:
APCHQ c Chartier [11], Hon, Clément Gascon (alors de la Cour Supérieure et par la suite de la Cour Suprême du Canada) indique simplement que le différend 'ne fait pas l’objet d’une décision …’
Garantie Habitation c. Piquette [12] sous laquelle l’administrateur plaide « Il n’y avait … pas de différend nécessitant arbitrage… en l’absence de litige, les propriétaires n’avaient pas droit à l’arbitrage sur cette question » et « l’arbitre n’a pas … été saisi d’un différend au sens du Règlement résultant de la décision de l’Administrateur mais plutôt de l’insatisfaction des propriétaires » alors que l’Hon. Dufresne (maintenant de notre Cour d’appel) conclut entre autre qu’il n’y a pas excès de compétence de l’arbitre.
APCHQ c Décarie [13] l’administrateur, en demande de révision devant l’Hon. Hébert (j.c.s.), prétend que suite à un règlement intervenu où l’entrepreneur s’engageait à effectuer des travaux pour une certaine date, l’arbitre ne pouvait statuer sur ces points puisqu’il n’y avait plus de différend au sens du Règlement, qui porte la Cour, citant l’art. 106 du Règlement, à rejeter la demande en révision et qui stipule :
« Compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, c’est là une interprétation très restrictive et exagérément légaliste. » (parag. 22)
[35] La Cour supérieure a confirmé dans l’affaire Moseka (2018) que l’arbitrage est un procès «de novo», au cours duquel le Bénéficiaire et l’Entrepreneur peuvent apporter toute preuve nouvelle :
« [20] […] L’arbitre peut entendre des témoins, recevoir des expertises et procéder à l’inspection des biens ou à la visite des lieux.
[24] Le Tribunal rappelle que l’arbitre ne siège pas en appel ou en révision de la décision du Conciliateur. Il ne procède pas non plus à décider en se basant uniquement sur le dossier transmis. […] » [14]
[36] Par la suite (2019), dans l’affaire GCR c Ewart [15] cette question est de nouveau soulevée et plaidée en 2019 par la GCR dans un pourvoi en contrôle judiciaire,
alors que la Cour Supérieure s’exprime ainsi :
« [11] L’arbitre rejette les objections de GCR quant à son absence de compétence à décider d’une question non traitée dans sa décision du 3 février 2016 et d’ordonner le remboursement d’acomptes alors que GCR avait décidé de garantir le parachèvement des travaux.
[12] L’arbitre décide que GCR a omis de traiter la demande du bénéficiaire dont elle a été saisie avant l’arbitrage et qu’elle avait l’obligation de trancher. Elle ne peut objecter que cette question n’est pas visée par sa décision du 3 février 2016 pour faire échec à la compétence de l’arbitre. »
[37] La Cour identifie (parag. 14) ce qu’elle considère être les questions en litige :
« 1) L’arbitre a t’il agit de manière ultra vires en statuant sur une demande non traitée dans la décision de GCR ?
2) L’arbitre a-t’il ordonné le paiement d’une indemnité non prévue par la Loi et le Règlement ? »
[38] La Cour sous son analyse poursuit et rejette le pourvoi en contrôle judiciaire de l’Administrateur :
« [22] L’arbitre a écarté les objections de compétence soulevées par GCR voulant qu’il n’ait pas juridiction parce que la demande du bénéficiaire n’avait pas été traitée par sa décision du 3 février 2016. Il a aussi rejeté la prétention de GCR voulant qu’il ait statué ultra vires […].
[23] L’arbitre pose ainsi la première question :
[82] Qu’en est-il de la compétence du Tribunal, alors que l’administrateur avance que la décision Adm, n’adresse pas cette réclamation que constituerait la Demande R/Bénéficiaire et donc selon l’administrateur, que le Tribunal n’a pas juridiction à ce sujet.
[86] Le Tribunal considère que pour l’administrateur de décider de ne pas statuer, incluant dans le cadre d’une décision de l’administrateur, est en soi une décision de l’administrateur, au sens du Règlement.
[27] Le fait pour GCR de ne pas avoir traité, le 3 février 2016, l’ensemble de la demande du bénéficiaire, ce qui comprenait la dénonciation d’octobre 2015, ne peut servir de fin de non-recevoir à la juridiction de l’arbitre. Cette question est au cœur de la compétence de l’arbitre et sa décision est raisonnable. »
[39] En conclusion à ce sujet de compétence du Tribunal au Règlement, l’arbitrage au Règlement est de novo d’une décision de l’Administrateur, le Tribunal n’est pas restreint aux réclamations du demandeur auprès de l’Administrateur ou aux sujets couverts à la décision de l’Administrateur; le différend visé par l’art. 106 du Règlement (précité) n’est pas fonction de la seule réclamation des bénéficiaires, et le Tribunal peut recevoir toute preuve (selon les règles de preuve applicables) nouvelles ou non, déposées ou non auprès de l’inspecteur-conciliateur auteur de la décision portée à l’arbitrage.
Principe d’absence d’autorité de l’administrateur de modifier, réviser, rectifier ou rétracter ultérieurement sa décision alors soumise à l’arbitrage – Nullité de la décision subséquente.
[40] On retrouve entre autres le principe que l’Administrateur ne peut réviser une décision sur réclamation après que celle-ci soit rendue dans l’affaire Spooner [16] de la Cour Supérieure qui s’adresse à une décision arbitrale sous le Règlement dans un dossier qui comportait deux décisions de l’administrateur, la 2e modifiant la 1ère.
[22] Au contraire, l'existence d'une disposition prévoyant que la décision arbitrale est finale et sans appel 16 et l'expertise particulière requise de l'arbitre 17 sont des facteurs qui militent en faveur d'une grande déférence 18. […] [citations omises]
[30] […] Une fois sa décision rendue le 2 novembre 2006, laquelle déterminait les correctifs possibles, La Garantie ne pouvait la réviser. Il n'existe en effet au Règlement aucune disposition lui permettant de réviser une décision déjà rendue [24]. Il en découle que la décision du 24 mai 2007, ne pouvait modifier la décision du 2 novembre 2006 en imposant un correctif différent de ceux que La Garantie avait déjà déterminés.
(nos soulignés).
[41] La Cour dans Spooner cite en appui à sa note 24 (à son para. 30 ci-dessus) :
« Brunelle entrepreneur inc. c. Leblanc, 2005 CanLII 59103, paragr. 38 à 41;
Olivier c. Construction André Richard inc., 2007 CanLII 54578, paragr. 18 à 20;
Spooner c. 9020-8034 Québec Inc. (Entreprises Robert Gagnon), 2006 CanLII 605511. »
[42] À titre d’exemple, la décision Brunelle stipule :
« [40] La décision du 24 mai 2005 constitue donc une révision de sa décision du 5 août 2004. Or, l’administrateur de la Garantie n’a pas selon le règlement, le pouvoir de réviser ses décisions.
[41] La décision rendue le 24 mai 2005 concernant le surfaçage du balcon avant et du balcon arrière est donc nulle. » [17]
(nos soulignés).
[43] Dans le cadre d’une longue judiciarisation dans l’affaire Dubois c Habitations Lemaire [18] (d’une réclamation initiale de l’Entrepreneur sous le Règlement pour paiement d’un solde reconnu par les parties, à des réclamations subséquentes des bénéficiaires, d’une décision de l’administrateur, d’une demande d’arbitrage des bénéficiaires (2006), d’une homologation par l’entrepreneur de la décision arbitrale (2008), d’une poursuite par les bénéficiaires en Cour Supérieure (de 2008 à 2011) ) on retient pour nos fins au jugement de la Cour Supérieure:
« [100] Or, la Loi sur le bâtiment ne confère pas à l'inspecteur-conciliateur de pouvoir de révision ou de révocation de ses propres actes. Le principe de l'autorité de la chose jugée s'applique, par conséquent, en l'espèce. »
(nos soulignés).
[44] Les décisions arbitrales sous le Règlement sont principalement du même avis, tels dans l’affaire récente (août 2023) Desbiens c Maison Laprise de notre collègue l’Arbitre Me Roland-Yves Gagné qui écrit :
« [309] Comme le soussigné l’a rappelé récemment [ndlr : citant la décision arbitrale Khoukaz [19]] l’Administrateur « statue » en vertu de l’article 18 du Règlement (c’est le terme employé par l’article), ce Règlement ne prévoit pas de rétractation proprio motu, ni changement de décision […] » [20]
[45] Notre collègue l’Arbitre Me Michel A. Jeanniot est du même avis, tel que cité par Me Roland-Yves Gagné dans Desbiens (précitée) :
« [311] Dans l’affaire Maisons Laprise Inc. c. Hoang Tuan Vu et Raymond Chabot, Administrateur Provisoire Inc. ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc. notre confrère Michel A. Jeanniot écrit :
[21] Cette tentative de rétractation est inopportune. La décision de la conciliatrice est scellée, l’Administrateur a statué et une demande de soumettre le différend à l’arbitrage fut (valablement) formulée;
[22] L’Administrateur, en renversant (changeant) sa décision en cours d’instance et plus précisément en cours d’enquête et audition sur le mérite, n’est pas un droit prévu au Règlement, est un mécanisme difforme à la procédure prévue de mise en œuvre de la garantie (infine art. 18 du Règlement) et aurait pour effet de possiblement priver les Bénéficiaires ou l’Entrepreneur d’un droit prévu à l’article 19 du Règlement. » [21]
[46] En effet, force est de constater que nonobstant une jurisprudence constante depuis plus de 15 ans, l’Administrateur continue dans une direction qui ne peut que résulter en une confusion pour les parties tant bénéficiaire que entrepreneur, et de la coordination subséquente du Tribunal, qui ne peut résulter qu’en une annulation de décisions de modification, rectification ou supplémentaire de l’Administrateur alors qu’une procédure arbitrale relative à sa décision est engagée.
[47] Mais il y a plus, dans nos circonstances.
[48] La DécisionAdm Rectifiée n’est transmise au Tribunal que lors de la 1ère conférence de gestion, près d’un mois après son émission (et transmission aux Parties).
[49] Tel que mentionné précédemment, La DécisionAdm Supplémentaire datée du 5 décembre 2023 n’est transmise au Tribunal (et, à tout le moins, aux Bénéficiaires) plus de trois mois après sa date, soit lors de la 3e conférence de gestion le 19 mars 2024.
[50] Lorsque j’ajoute des éléments que l’Administrateur stipule dans sa décision initiale du 3 juillet 2023 qu’il n’interviendra pas sur certains points de réclamation mais qu’il cherche à ‘adjuger’ sous la Rectifiée cela semble être une indifférence ou négligence répétée de l’Administrateur envers le Tribunal, sa compétence législative exclusive et le processus arbitral.
[51] C’est aussi mal saisir les dispositions du Règlement et la jurisprudence constante sur les éléments traités aux présentes.
[52] On retiendra aussi, uniquement comme élément de fait, que l’Administrateur plaide en gestion en mars 2024 qu’une expertise commune prononcée en novembre 2023 ne peut être ordonnée (sous argument que le Point 3 à la DécisionAdm 1, en juillet 2023 intitulé ‘Taux d’humidité élevé dans le sous-sol’ a été statué (comme « reconnu et requérant correction avant le 30 septembre 2023 ») mais alors que le seul sujet de la Décision Supplémentaire est ce Point 3 qui alors qu’initialement reconnu, indique maintenant « décision : ne peut pas être statué dans l’immédiat ». Il n’est pas nécessaire de commenter plus avant.
[53] Finalement, d’abondant, si requis, ce qui n’est pas inféré, on note dans une décision qui vise la Régie du Bâtiment, en suivi de deux décisions arbitrales sous l’égide du Centre canadien d’arbitrage Commercial (CCAC) [22]:
« [31] En l’espèce, la Commission constate que les deux décisions arbitrales impliquant le demandeur ont effectivement été diffusées sur le site internet de la CCAC [ndlr : citation omise]. Elles sont donc publiques au sens de l’article 55 de la Loi sur l’accès, ce qui les soustrait à une possible rectification. »
[54] En conclusion, l’Administrateur n’est pas autorisé à émettre des décisions modifiées, rectifiées ou supplémentaires, de quelque forme que ce soit, suite à une décision initiale portée en arbitrage.
[55] Conséquemment, la Décision Rectifiée de l’Administrateur et la Décision Supplémentaire de l’Administrateur sont chacune, respectivement, nulle ab initio, non avenue et émise sans droit.
●
[56] Les autres éléments revus lors de la conférence de gestion d’instance du 19 mars 2024 seront couvert par Ordonnances séparées des présentes.
FRAIS D’ARBITRAGE
[57] Les frais d’arbitrage des présentes sont à charge de l’Administrateur.
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ANNEXE 1
2022.10.12 Dénonciation (Bénéficiaires) (Pièce A-6).
2023.03.10 Dénonciation (Bénéficiaires) (Pièce A-8).
2023.03.17 Réclamation (Bénéficiaires).
2023.07.03 Décision de l’Administrateur (« DécisionAdm 1 »).
2023.07.27 Demande ARB 1 (Bénéficiaires).
2023.08.03 Nomination de l’Arbitre.
2023.10.30 Première conférence de gestion d’instance.
30 Octobre 2023 Conférence de gestion de l’instance et 1ère transmission au Tribunal lors de la conférence de la DécisionAdm ‘Rectifiée’ datée du 4 octobre 2023.
1er novembre 2023 Décision arbitrale de Gestion d’instance («Gestion 1»).
1er Novembre 2023 Réception par le Greffe d’une 2e Demande d’arbitrage des Bénéficiaires datée du 30 Octobre 2023 au vue de la DécisionAdm Rectifiée de même date (définie ci-dessous).
18 novembre 2023 Rapport intitulé Expertise Technique, rédigé par A. Petitpas, ingénieur, sous mandat des Bénéficiaires déposé au Tribunal, transmis à l’Entrepreneur et l’Administrateur (Pièce B-4 et annexe B-4.1).
24 novembre 2023 2e conférence de gestion d’instance.
30 novembre 2023 Décision Arbitrale de Gestion d’instance («Gestion 2»).
5 décembre 2023 Décision de l’Administrateur ‘Supplémentaire’.
6 décembre 2023 Décision Arbitrale sur Demande de suspension (plaidée le 24 novembre 2023) prévoyant entre autre la nomination d’un expert commun.
23 janvier 2024 Ordonnances du Tribunal en suivi d’une demande de l’Entrepreneur.
17 février 2024 Ordonnances du Tribunal relatives aux dénonciations des Bénéficiaires.
19 mars 2024 Conférence de gestion de l’Instance dont découle la présente Décision Arbitrale et première transmission au Tribunal de la Décision de l’Administrateur ‘Supplémentaire’ du 5 décembre 2023.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE
[58] REJETTE toute prétention de validité de la Décision Rectifiée de l’Administrateur du 4 octobre 2023 au dossier en titre et de la Décision Supplémentaire de l’Administrateur du 5 décembre 2023 au dossier en titre.
[59] ORDONNE que la Décision Rectifiée de l’Administrateur au dossier en titre du 4 octobre 2023 est nulle ab initio et non avenue.
[60] ORDONNE que la Décision Supplémentaire de l’Administrateur du 5 décembre 2023 au dossier en titre est nulle ab initio et non avenue.
[61] ORDONNE au Greffe de Société pour la Résolution des Conflits Inc. (SORECONI) de pourvoir à la publication de la présente sans autre avis ou délai.
[62] ORDONNE en conformité du Règlement que l'Administrateur assume les coûts du présent arbitrage, LE TOUT, avec les coûts de l’arbitrage à la charge de La Garantie Construction Résidentielle avec les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de trente (30) jours.
DATE: 26 mars 2024.
Me Jean Philippe Ewart, Arbitre
[1] Jarrah c. R., 2017 QCCA 881, par. 42; Ménard c. Gardner 2012 QCCA 1546.
[2] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA) paragr. 11; Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. MYL Développements 2011 QCCA 56, paragr. 13; Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de) 2013 QCCA 1211 (paragr. 18), confirmant en appel un jugement de la Cour supérieure confirmant l’ensemble des motifs sur ‘Décision arbitrale de Suspension’ du soussigné.
[3] Articles 5, 139 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.08).
[4] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.
[5] 9264-3212 Québec Inc. c. Moseka 2018 QCCS 5286, paragr. 20 et 24.
[6] BIENVENU, Pierre, L’Arbitrage comme mode de règlement des différends dans le cadre de La construction au Québec : perspectives juridiques, p. 797, sous la direction de Me Olivier F. Kott – Me Claudine Roy, Ed. Wilson Lafleur, 1998.
[7] sous le Chapitre II ~Garantie minimale, Section II ~Contenu, V. Recours.
[8] sous le Chapitre IV ~Normes et Critères du plan de garantie et du contrat de garantie, Section III ~
[9] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes et al, 2004 CanLII 47872 (C.A.).
[10] Jugement en date du 11 mars 2003, Hon. Pierre Fournier, C.S., para. 47 et 48 cités au jugement de la Cour d’appel.
[11] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Chartier où le juge Gascon (alors de la cour Supérieure et par la suite de la Cour Suprême du Canada) indique simplement que le différend 'ne fait pas l’objet d’une décision …’
Le jugement de la Cour supérieure a été rendu oralement sur le banc; le soussigné a étudié et analysé copie de la requête introductive d’instance en révision judiciaire et de la sentence arbitrale visée.
[12] Garantie Habitation du Québec Inc. c. Piquette, [2002] J.Q. no 3230 (C.S.).
[13] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Guy Décarie et Habitations Beaux Lieux Inc., 2006 QCCS 907.
[14] Op. cit. note 5 ci-dessus.
[15] Garantie de construction résidentielle (GCR) c. Ewart 2019 QCCS 40 qui confirme la décision arbitrale du soussigné 9266-4374 Québec Inc.(f/a/s Les Constructions Alyro) c Alain Phaneuf et Garantie de construction résidentielle (GCR) CCAC no: S16-022901-NP, 11 juillet 2017, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, en en rejet d’un pourvoi en contrôle judiciaire par GCR, publiée par Soquij; voir aussi, entre autres ,sur la compétence exclusive de l’Arbitre Garantie de construction résidentielle (GCR) c. De Vallières Construction inc. 2023 QCCS 2084 qui cite GCR c Ewart.
[16] Spooner c Fournier 2009 QCCS 1652
[17] Brunelle entrepreneur inc. c. Leblanc, 2005 CanLII 59103
[18] Dubois c. Fondations André Lemaire inc. (Habitations André Lemaire) 2011 QCCS 2339
[19] Khoukaz-Gamache et Maison Laprise inc., 2020 CanLII 100510 (Me Roland-Yves Gagné, arbitre).
[20] Desbiens et Guertin c Maison Laprise inc. et GCR 2023 CanLII 102832
(Me Roland-Yves Gagné, arbitre).
[21] Maisons Laprise Inc. c. Hoang Tuan Vu et Raymond Chabot, Administrateur Provisoire Inc. ès qualité
d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc. CCAC S15-111701-NP, 25 mai
2016, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
[22] Lamarre c. Régie du bâtiment du Québec 2020 QCCAI 326