ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES
BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : JACINTHE MURRAY & RANDY MURRAY (ci-après « les Bénéficiaires »)
ET
: CONSTRUCTION
SYLVAIN LIBOIRON
INC.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier SORECONI : 060418001
No. bâtiment: 069710
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour les
Bénéficiaires : Mme
Jacinthe Murray
M. Randy Murray
Me Vincent Carrozza
Pour l’Entrepreneur : M. Sylvain Liboiron
M. Guy Laberge
Pour
l’Administrateur : Me
Luc Séguin
M. Michel Hamel
Date d’audience : 11 septembre 2006
Lieu d’audience : Domicile des Bénéficiaires
Date de la sentence : 15 septembre 2006
Identification complètes des parties
Me Michel A. Jeanniot Gross, Pinsky
2, Place Alexis Nihon Suite 1000
Montréal (Québec) H3Z 3C1
Mme Jacinthe Murray & M. Randy Murray
1561, rue de Versailles St-Lazarre
(Québec)
J7T 3H6
Et leur procureur :
Me Vincent Carrozza (Pepper & Associés )
Construction Sylvain Liboiron Inc. A/s. M. Sylvain Liboiron
1704, rue des Frènes
St-Télesphore (Québec)
J0P 1Y0
La Garantie des bâtiments résidentiels
neufs de l’APCHQ Inc.
5930, boul. Louis -H. Lafontaine
Anjou (Québec)
H1M 1S7
Et son procureur :
Me Luc Séguin
(Savoie Fournier )
Décision
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 15 mai 2006.
Contrat préliminaire et contrat de garantie incluant modifications et annexes;
Liste préétablie d’éléments à vérifier (parties communes) et réception du bâtiment;
Acte
de vente et acte de prêt hypothécaire;
Avis de fin des travaux;
Lettre
de l’Entrepreneur à Goodfellow;
Lettre de Goodfellow à l’Entrepreneur;
Lettre des Bénéficiaires à l’Entrepreneur;
Lettre de Goodfellow à l’Entrepreneur;
Lettre de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires;
Lettre des Bénéficiaires à l’Administrateur (demande de réclamation);
Avis de 15 jours;
Inspection du bâtiment;
Décision de l’Administrateur;
Lettre de Bénéficiaires à SORECONI Demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
SORECONI obtient copie du dossier relatif à la décision de l’Administrateur;
Nomination de l’arbitre;
Lettre de l’arbitre aux parties, les informant du processus à venir;
Lettre de l’arbitre aux parties fixant la date et l’heure de l’audience au 11 septembre 2006;
Lettre de l’arbitre aux parties fixant l’endroit de l’audience au domicile des Bénéficiaires;
Objection préliminaire :
Aucune objection préliminaire n’a été soulevée par les parties, l’arbitre constate que juridiction lui est acquise et l’audience, de consentement, est ouverte à 9h30 am, lundi le 11 septembre 2006.
Je rappelle qu’à l’origine, la demande en appel se limitait aux points 2, 3 et 4 de la décision du 20 mars 2006, sous la plume de Pierre Rocheleau, inspecteur- conciliateur, service d’inspection et de conciliation pour l’Administrateur.
[3] [4]
L’enquête
débute par le retrait par les Bénéficiaires des points 3 et 4, seul demeure en
litige (l’arbitre se limitera) au point 2 référant aux multiples interstices au
plancher de bois franc. Fait à noter, il s’agit d’un plancher de bois
particulièrement haute gamme du KEMPAS, un bois dur importé de Chine et déjà
naturellement foncé.
L’enquête (preuve et plaidoirie) s’est déroulée sur plus de trois (3) heures et a été interrompue à deux (2) reprises par une visite du site.
Valeur estimée de la réclamation:
[5] Dans la collégialité et d’un commun accord, il a été décidé que la valeur en litige du présent arbitrage est entre 15,001.00$ et 30,000.00$.
Admission :
[6] Le bâtiment est une unité résidentielle non détenue en copropriété et est habitée par les Bénéficiaires depuis leur réception du bâtiment en date du et/ou vers le 12 novembre 2004.
[7] La première communication écrite adressée à l’Entrepreneur remonte au mois de février 2005 et la première dénonciation écrite fut reçue par l’Administrateur en date du ou vers le 12 décembre 2005.
[8] L’information accessible au soussigné est à l’effet que le bois pour les planchers avait été livré dans le bâtiment et distribué au sein des pièces auxquelles il était destiné alors que le bâtiment était en période de chauffe (et ceci pour une période de plusieurs semaines).
[9] Ma compréhension est à l’effet que les Bénéficiaires ont inspecté à une ou deux reprises la propriété avant de s’en porter acquéreurs et que lors de cette (ou ces) inspection(s), une attention toute particulière a été portée aux planchers. Les Bénéficiaires, étant sensibles au fait qu’il puisse y avoir vices et/ou malfaçons, nous ont déclaré avoir consciemment pris la décision de porter une attention particulière aux planchers et qu’en aucun temps n’ont-ils remarqué craquement et/ou interstice. Ceci est indirectement corroboré par l’absence de dénonciation contemporaine à la prise de possession (l’étape 5). Les Bénéficiaires représentent que c’est à plus ou moins trente (30) jours de leur prise de possession qu’ils ont remarqué l’apparition d’interstices et qu’ils ont alors immédiatement avisé l’Entrepreneur (lequel a avisé son fournisseur).
[10] Visites et échanges de correspondances eurent lieu entre les Bénéficiaires, l’Entrepreneur et son fournisseur (importateur). Ce dernier en est venu à la conclusion que les interstices résultent d’un taux d’humidité inadéquat et que, conséquemment, ni l’Entrepreneur, ni le fournisseur (importateur) ne peut être tenu responsable.
[11] L’Administrateur, sous la plume de Pierre Rocheleau, dans le cadre de sa décision du 20 mars 2006, constate que lors de sa visite, le contrôle de l’humidificateur pour l’unité résidentielle était réglé à quinze pourcent (15%) et il conclut que ceci est nettement en deçà du pourcentage recommandé pour le maintien des planchers, lequel, mes recherches confirmes, se situe entre 35% et 45%. Ceci est indirectement corroboré par de l’information obtenue de l’Entrepreneur qui a mesuré un taux d’humidité de 6.2% dans le bois plutôt que 8.4% qui serait normal pour tout type de plancher de bois.
[12] L’Entrepreneur représente de plus qu’à deux (2) reprises, il aurait visité la propriété et constaté que l’humidificateur avait été calibré pour livrer un taux d’humidité à quinze pourcent (15%) (en dépit qu’il l’avait lui-même placé et à chaque reprise à ou vers trente-cinq pour cent (35%)). J’ai moi-même constaté que ce mécanisme de réglage est manuel et ne peut se déplacer électroniquement et/ou de façon automatique sans manutention. Les Bénéficiaires n’interviennent pas lorsque l’Entrepreneur remarque que ces changements ne peuvent s’opérer autrement que par la manutention physique du calibreur.
[13] D’ailleurs, les Bénéficiaires nous ont précisé que sur le boîtier qui habite le contrôle d’humidité est pré-imprimé de lignes guides (recommandation) quant à un taux d’humidité optimale pour la conservation de l’énergie et la prévention d’accumulation d’eau, givre sur les surfaces froides (les fenêtres). Ces lignes guides sont les suivantes:
Température extérieure |
Taux d’humidité relatif recommandé |
-20°C |
20% |
-10°C |
25% |
0°C |
30% |
+10°C |
35% |
+20°C |
40% |
[14] Ce tableau pré-imprimé est appuyé par le « Manuel du Propriétaire Occupant », distribué par la SCHL et transmis aux Bénéficiaires par l’Entrepreneur en date du ou vers le 23 novembre 2005 (onglet #9 du cahier de pièces de l’Administrateur).
[15] Malheureusement pour les Bénéficiaires, ces recommandations font référence à un pourcentage recommandé pour éviter l’accumulation d’eau sur les surfaces froides (i.e. les vitres).
[16]
La
preuve et le témoignage non-contredit m’indiquent que suivant la prise de
possession du bâtiment par les Bénéficiaires, le taux d’humidité aura été
artificiellement maintenu entre deçà du seuil recommandé pour les planchers de bois et que ceci aurait causé un rétrécissement excessif de la matière (vivante) qu’est le bois.
[17] Je conclu que les espaces constatés par le soussigné le 11 septembre 2006, appert être une réaction appropriée au taux d’humidité relevé au cours des inspections précédentes .
[18] Je constate d’ailleurs que les interstices les plus prononcés sont autour des trappes d’aération, ce qui appuie la thèse que l’humidité ambiante (et/ou l’air sec circulé par le système d’air pulsé) en est la cause principale.
[19] Même si mon constat des espacements entre les lattes du plancher me laisse croire que certaines d’entre elles sont excessives, il s’agirait d’une réaction normale considérant le bas taux d’humidité subi par les palnchers. Pour cette raison, je ne pourrai donner suite à ce poste de réclamation.
[20] D’ailleurs, je rappelle qui est exclu de la couverture du Plan de Garantie de l’Administrateur :
« Les réparation rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements ( art. 12.2º du Règlement)»
et
«
Les réparations rendues nécessaires par une faute du Bénéficiaire, tel que
l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment (…) etc…
(art. 12.2 du Règlement) ».
[21] L’Administrateur renchérit et plaide que puisque le plancher a déjà été en très bonne condition, pour lui c’est un signe indéniable que tout dommage et/ou problème de rétrécissement excessif fut causé par une baisse, elle aussi excessive dans le taux d’humidité.
[22] Nous savons que l’obligation de l’Entrepreneur qui découle de la Loi et du Code civil est beaucoup plus large que celle de l’Administrateur, laquelle (obligation et responsabilité) se limite à ce qui est prévu au Règlement.
[23] Je rappelle que les Bénéficiaires sont en demande et qu’à cet effet, ils ont le fardeau de la preuve et doivent démontrer qu’une situation est incorrecte, en quel cas qu’ils ne sont ni auteur et/ou autrement responsable de cette situation, en quel cas, l’Administrateur devra (à l’intérieur des paramètres du Plan de Garantie) faire honneur à ses obligations.
[24] Nul ne peut plaider sa propre turpitude et aussi regrettable soit-elle, l’absence de donnée et/ou avertissement de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires (quand au taux d’humidité recommandé pour le maintien des planchers de bois) n’est pas une
faute attributive de responsabilité en vertu du Règlement sur le Plan de Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs¹.
[25] Sans préjudice et sous toutes réserves de ce qui ci-haut est repris, je constate que la première dénonciation a l’Entrepreneur a été faite à plus ou moins trente (30) jours de la réception du bâtiment et que la première dénonciation écrite à l’Administrateur a été faite le ou vers le 8 novembre 2005, bien plus de six (6) mois après l’occurrence (ou réoccurence) du problème (tel que ce constat appaire de la correspondance reprise au cahier de pièces émis par l’Administrateur).
[26] Bien que les réclamations ont été valablement faites à l’Entrepreneur, c’est à regret que je me dois de constater qu’elles furent présentées hors délai à l’Administrateur de la Garantie (à plus ou moins onze (11) mois du constat), ce qui les rend irrecevables pour ce dernier.
[27] Les Bénéficiaires reconnaissent qu’ils n’ont pas été empêchés, d’une quelque manière de présenter leurs réclamations à l’Administrateur à l’intérieur du délai, seule leur ignorance du critère d’application du délai est soulevée.
[28] Nul ne peut plaider sa propre turpitude et à regret, l’ignorance d’une Loi ne peut faire échec à son application.
[29] Le fait que les Bénéficiaires ignoraient qu’ils devaient dénoncer la situation à l’Administrateur, à regret, ne les décharge pas de cette obligation.
[30] Faisant mien les propos de mon collège, Alcide Fournier (dossier SORECONI 050401002, du 15 juin 2005) :
« Le tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur les Plans de Garantie pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litige qui relève de l’application d’autres lois, même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige. »
[31] La Loi et le Règlement ne contiennent pas de clause privative complète. L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel². Enfin, l’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit »; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifie³.
[32] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie à trancher tout différend. découlant des Plans de Garantie. Bien que ceci inclut toute question de faits, de droit et de procédures, les éléments de la présente décision doivent prendre souche dans le Plan de Garantie.
[33] Sur ce dernier volet, suivant mon appréciation des faits et la compréhension de la Loi et de la jurisprudence connue, je suis d’opinion que les explications
soumises pour proposer que les délais puissent être ignorés ne sont pas raisonnables; dans les circonstances, je ne peux les retenir.
[34] Pour l’ensemble des motifs ci-haut repris, je me dois d’accepter et maintenir la décision de l’Administrateur et je me dois de rejeter l’appel des Bénéficiaires (la demande d’arbitrage).
[35] En vertu de l’article 123 du Plan de Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs et vu que les Bénéficiaires appelants n’ont obtenu gain de cause sur aucun des aspects de leurs réclamation, l’arbitre doit départager les coûts de l’arbitrage entre l’Administrateur du Plan et les Bénéficiaires.
[36] Conséquemment, mais usant de la discrétion qui m’est accordée, les frais d’arbitrage (aussi bien en droit qu’en équité selon les articles 116 et 123 du Plan de Garantie) seront partagés entre les Bénéficiaires (pour la somme de cent dollars (100.00$) et l’Administrateur du Plan de Garantie de l’APCHQ (pour la balance du coût du présent arbitrage).
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
MAINTIENT la décision du 20 mars 2006, sous la plume de Pierre Rocheleau, inspecteur-conciliateur, service d’inspection et de conciliation pour l’Administrateur;
LE TOUT avec frais à être départagés entre les Bénéficiaires pour la somme de cent dollars (100.00$) et l’Administrateur pour la balance des coûts du présent arbitrage.
Montréal, ce 15 septembre 2006
ME MICHEL A. JEANNIOT
Arbitre / SORECONI