ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN
DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no : GAMM : 2011-12-009
APCHQ : 152907-1 (11-243ES)
ENTRE :
CAROLE CASTONGUAY ET GASTON LEGAULT
(ci-après les « bénéficiaires »)
ET :
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ
(ci-après l’« administrateur »)
ET :
CONSTRUCTION SERGE RHEAULT INC.
(ci-après l’« entrepreneur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Johanne Despatis
Pour le bénéficiaire : M. Gaston Legault
Pour l’administrateur : Me Élie Sawaya
Pour l’entrepreneur : M. Serge Rheault
Date d’audience : 9 septembre 2011
Date de la sentence : 6 octobre 2011
SENTENCE ARBITRALE
Adjudex inc.
1105-8407-GAMM
SA-8089
INTRODUCTION
[1] Madame Carole Castonguay et monsieur Richard Legault, les bénéficiaires, contestent en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Plan, les éléments suivants de la décision rendue le 11 avril 2011 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., l’administrateur :
[...]
2. Brique et pierre ternes - non lavées à l’acide
Les faits
Le bénéficiaire dénonce qu’à la mi-aout 2010, un maçon l’aurait informé à l’effet que son revêtement de pierre et brique était terne puisqu’il n’avait pas été lavé à l’acide.
L’inspection n’a pas permis de constater que le revêtement nécessitait un nettoyage.
Analyse et décision (points 1 et 2)
De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec les points 1 et 2 ne rencontrent pas tous les critères du vice caché en ce sens qu’elles ne sont pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.
Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ces points.
3. Revêtement du carrelage céramique du plancher de l’entrée à refaire
Les faits
Lors de l’inspection, le bénéficiaire nous a informé à l’effet que la fissuration des joints s’est manifestée au printemps suivant la réception, soit vers les mois d’avril ou mai 2009, problème récurrent.
L’entrepreneur a dû intervenir à au moins sept reprises, dont deux à trois fois pour le même carreau.
L’inspection a permis d’observer qu’à la suite de la dernière réparation qui aurait eu lieu au printemps 2010, un carreau situé entre la porte d’entrée et l’escalier du sous-sol est instable.
Le coulis est fissuré, de même que le quart-de-rond de finition à la base de la porte.
Le bénéficiaire réclame une reprise complète du plancher, tandis que le représentant de l’entrepreneur indique pour sa part que seul le coulis nécessite une reprise.
L’administrateur doit quant à lui tenir compte de la date de réception de la dénonciation, soit dans la deuxième année de la garantie et environ treize (13) mois après l’apparition du problème.
[…]
ANALYSE ET DÉCISION (points 3 et 4)
Comme il fut mentionné au début du présent rapport, ces points furent dénoncés par écrit à l’administrateur en date du 17 juin 2010. On constate donc qu’il s’est écoulé plus de six (6) mois entre la découverte du point en question par les bénéficiaires et le moment où ces derniers les ont dénoncés par écrit à l’administrateur.
En ce qui a trait au délai de dénonciation, le contrat de garantie stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
Par conséquent, puisque le délai de dénonciation dans ce cas-ci excède le délai raisonnable qui a été établi par le législateur, l’administrateur doit rejeter la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard des points 3 et 4.
LES FAITS
[2]
Les bénéficiaires ont signé l’acte de réception de
leur résidence située à Terrebonne le
10 février 2009. Il s’agissait d’une nouvelle propriété construite par
Construction Serge Rheault inc., l’entrepreneur, et couverte par le Plan.
[3] Au moment de la réception, les travaux de maçonnerie ainsi que l’installation de la céramique au plancher du hall d’entrée ne sont pas encore terminés et ils y sont indiqués comme travaux à parachever. Dans les faits, selon la preuve prépondérante, ces travaux seront finalisés dans la semaine suivant la réception alors que l’entrepreneur transmet à l’administrateur une déclaration d’exécution finale des travaux dans laquelle on peut lire :
Relativement au « Formulaire d’inspection préréception » intervenu entre le(s) bénéficiaire(s) et l’entrepreneur date du 10 février 2009, l’entrepreneur déclare par la présente que tous les travaux à parachever ayant fait l’objet de réserve ont été entièrement exécutés en date du 19 février 2009.
[4] Monsieur Legault affirme avoir dans les semaines suivantes dénoncé à l’entrepreneur une série de problèmes, au fur et à mesure qu’il les constatait, dont le point 3. Revêtement du carrelage céramique du plancher de l’entrée à refaire mais sans jamais toutefois en aviser l’administrateur.
[5] Monsieur Legault explique que c’est au printemps 2009 qu’un premier joint de son plancher de céramique s’est fissuré; puis d’autres par la suite. L’entrepreneur y a effectué des réparations à six reprises au cours des mois qui ont suivi. La septième fois, les bénéficiaires refusent la réparation suggérée par l’entrepreneur, jugeant que le problème se situait plutôt au niveau du sous-plancher et qu’il fallait carrément retirer la céramique et reprendre les travaux afin de corriger le problème à sa source.
[6] L’entrepreneur refuse et les bénéficiaires insatisfaits transmettent la lettre suivante datée du 10 mai 2010 à l’entrepreneur, lettre dont ils communiquent une copie à l’administrateur qui la reçoit le 17 juin suivant :
La présente est pour vous demander de bien vouloir terminés les réparations (voir la liste au bas) qui restent à faire et ceci après plusieurs demandes verbale et écrite, [...]
Aussi refaire la céramique dans l’entrée car les joints de finitions sont craquées et les tuiles bougent. Les joints ont déjà été réparés par vous au moins cinq fois, le problèmes revient toujours, la céramiques doit être changer et le sous plancher réparé.
[...] [sic]
[7] Concernant la découverte de la situation dénoncée au point 2. Brique et pierre ternes - non lavées à l’acide, monsieur Legault dit avoir réalisé le problème qu’au mois d’aout 2010 alors qu’un ami maçon lui a signalé que la brique était à certains endroits d’apparence terne faute d’avoir été lavée après sa pose. Se référant à un document trouvé sur internet, le bénéficiaire affirme que la brique aurait du être lavée à l’acide.
[8] C’est dans ces circonstances que le 18 octobre 2010 les bénéficiaires transmettent une seconde lettre à l’entrepreneur dont une copie est communiquée à l’administrateur le 12 novembre suivant et dans laquelle il dénonce la situation visée au point 2. On y lit :
Vers la mi-aout nous avons reçu des invités et parmi eux il y avait un maçon, il nous avise que notre brique et pierre autour de la maison n’a pas été lavés à l’acide et suite à ça il y a beaucoup de mortier ce qui rends la brique et pierre terne. Suita à cette information nous avons contactés le contracteur soit la personne en charge d’effectuées les réparations, nous avons aucun retour depuis. La semaine dernière soit début octobre, la personne en charge pour représenter le contracteur nous avise que l’année est terminé selon la garantie d’un an et que le nettoyage ne se ferait pas et qu’il ne prendrait pas en considération notre demande. Nous trouvons dommage l’Attitude du contracteur mais nous considérons qu’on a des droits et qu’on veut les faire valoir. Merci de vous occuper de notre cas. […]. [sic] [Caractères gras ajoutés]
[9] L’administrateur désigne madame Joanne Tremblay, inspecteur-conciliateur à son emploi, qui procède à une inspection le 24 mars 2011 et fait rapport le 11 avril suivant.
[10] Concernant le point 2, madame Tremblay explique qu’en raison du moment où ce point a été dénoncé, soit plus d’un an suivant la réception, elle ne l’a examiné que sous l’angle de la garantie contre les vices cachés. Or, selon elle, cette situation ne constituait pas un vice caché d’où sa conclusion de rejeter cette demande. En outre, ajoute madame Tremblay, en cela corroborée par monsieur Rheault, représentant de l’entrepreneur, ce type de brique ne doit pas être lavé à l’acide mais seulement à l’eau.
[11] Interrogée au sujet du point 3, madame Tremblay témoigne avoir constaté au moment de son inspection que les bénéficiaires avaient réalisé la présence de ce problème plusieurs mois avant de le dénoncer à l’administrateur, en l’occurrence selon ce témoin, dès les premiers mois suivant la réception de leur propriété, soit au printemps 2009. Ils n’ont pourtant saisi l’administrateur de leur réclamation qu’en juin 2010, soit bien après le délai de six mois prescrit au Plan. C’est pour cette raison qu’elle a conclu que cette réclamation échappait à la couverture prévue au Plan tout en reconnaissant que la situation observée n’est pas normale.
ANALYSE ET DÉCISION
[12]
Cette sentence porte sur les points 2 et 3 de la décision
rendue par l’administrateur le
11 avril 2011.
[13] Le Plan énonce et encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers les bénéficiaires. Ce n’est d’ailleurs qu’à l’intérieur des limites et des paramètres définis au Plan que je peux agir. Autrement dit, ma compétence en l’espèce se limite essentiellement à assurer que la garantie offerte par le Plan a été respectée.
[14] Cela dit, juridiquement, toute partie qui se porte demanderesse devant un tribunal a le fardeau de démontrer le bien-fondé de ses prétentions au moyen d’une preuve prépondérante. L’article 2804 du Code civil du Québec nous dit en quoi consiste une preuve prépondérante :
La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
[15] L’article 10 du Plan se lit ainsi :
La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1. le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
2. la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
3. la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4. la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5. la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[16] Le Plan offre quatre types de garantie. Outre celle applicable au moment de la réception de l’ouvrage, il y en a trois autres. Celle d’un an couvrant les malfaçons non apparentes; de trois ans, pour les vices cachés; et la dernière de cinq ans pour les vices de construction. En substance, malfaçon, vice caché et vice de construction sont des notions voisines qui se distinguent entre elles essentiellement par leur gravité relative.
[17] La présence d’une malfaçon ou d’un vice n’est pas suffisante à elle seule en vertu du Plan pour ouvrir droit à un recours en faveur d’un bénéficiaire. Il faut aussi que le problème soit découvert puis dénoncé, à l’administrateur et à l’entrepreneur, dans les délais prescrits.
Point 2. Brique et pierre ternes - non lavées à l’acide
[18] Qu’en est-il de cette réclamation dénoncé en novembre 2010 ?
[19] En l’espèce, ce problème a été découvert après l’expiration de la couverture d’un an suivant la réception offerte par le Plan contre les malfaçons. C’est ce qui explique pourquoi l’administrateur, à bon droit, s’est appliqué à examiner la réclamation sous l’angle de la garantie contre les vices cachés puisque celle contre les malfaçons avait expirée.
[20] S’agissant de la garantie contre les vices cachés, tout bénéficiaire a le fardeau de démontrer la matérialité des problèmes qui constitueraient un vice caché au sens du Plan.
[21] La notion de vice caché couverte par le Plan renvoie aux articles 1726 et 2103 du Code civil du Québec. Il doit donc s’agir de problèmes qui rendent le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
[22] Les bénéficiaires devaient démontrer par une preuve prépondérante : 1) l'existence d'un vice caché au moment de la réception, 2) un vice grave qui rend le bien impropre à l’usage auquel on le destine ou qui en diminue son utilité, et 4) qu'il n'aurait pas acheté ou donné un si haut prix s'il en avait connu l'existence.
[23] Or, l’examen de la preuve présentée en l’espèce, révèle que les bénéficiaires ne se sont pas déchargés de leur fardeau à cet égard. Par conséquent, cette réclamation est rejetée.
Point 3. Revêtement du carrelage céramique du plancher de l’entrée à refaire
[24] Qu’en est-il de la tardivité alléguée de cette dénonciation faite le 17 juin 2010 ?
[25] Ce problème est, selon la preuve prépondérante, découvert dans les semaines suivant la réception, soit au printemps 2009. Pour être couvert selon le Plan, il devait être dénoncé par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois de sa découverte. Or, selon la preuve, il ne l’a pas été.
[26] Ainsi, même en prenant pour acquis que ce problème aurait constitué une malfaçon non apparente ou même un vice caché au sens du Plan, sa dénonciation tardive à l’administrateur l’exclut de la protection du Plan.
[27] Au moment de présenter leur plaidoirie, les bénéficiaires ont fait valoir, d’une part, ne pas avoir été familiers avec le délai qu’on leur oppose et, d’autre part, avoir fait confiance à l’entrepreneur.
[28] Il est vrai que l’audience m’a permis de constater que le point 3 concerne un problème qui, s’il avait été dénoncé à temps, aurait pu être corrigé en conformité du Plan. Force est toutefois de constater, après analyse du Plan, qui est clair et impératif au sujet de ces questions, et à la lumière de toute la jurisprudence pertinente à la sanction de ce délai de six mois, qu’il s’agit d’un délai impératif qu’il n’est tout simplement pas possible d’ignorer ni de contourner en invoquant l’équité.
[29] En l’espèce, la responsabilité première des bénéficiaires était de s’assurer de faire valoir leurs droits à l’intérieur des délais du Plan auquel ils étaient assujettis. En attendant jusqu’en juin 2010 pour agir, ils ont laissé écouler le délai leur permettant d’agir utilement en vertu du Plan.
[30] La question s’est posée du fait, comme cela est arrivé ici, que l’entrepreneur ait reconnu à un moment donné auprès des bénéficiaires qu’il y avait possiblement problème et ait convenu de s’en occuper. Selon la jurisprudence, une telle situation ne dispense pas un bénéficiaire de l’obligation qu’il a en vertu du Plan de notifier directement l’administrateur de toute réclamation assujettie au Plan à l’intérieur du délai stipulé de six mois, dans la mesure où tant qu’ils n’ont pas effectivement été réglés, pareils problèmes demeurent assujettis et risquent donc de conduire à une réclamation auprès de l’administrateur.
[31] Le Plan est clair et ne souffre pas d’exception à ce sujet : un avis, écrit, dénonçant la situation doit être donné non seulement à l’entrepreneur, mais aussi à l’administrateur, et cela dans le délai imparti. Or, en l’espèce, il ne l’a pas été.
[32] Il en résulte que la réclamation en litige n’a pas été dénoncée à l’administrateur en conformité du Plan de sorte que je n’ai guère le choix que de conclure à son rejet.
[33] Dans ces circonstances, il restera aux bénéficiaires, si ceux-ci le souhaitent, à examiner, ou à faire examiner par un conseiller apte à les renseigner adéquatement, si leur réclamation ne peut pas être invoquée en vertu du droit commun prévu au Code civil du Québec.
[34] Pour tous ces motifs, les réclamations visées aux points 2 et 3 sont rejetées.
[35] Qu’en est-il des frais d’arbitrage ? Il m’apparait justifié dans les circonstances que les frais des présentes soient à la charge de l’administrateur. Je déclare donc, conformément aux dispositions de l'article 123 du Règlement que les coûts des présentes seront à la charge de l'administrateur.
Montréal, ce 6 octobre 2011
____________________________
Johanne Despatis, arbitre
Adjudex inc.
1105-8407-GAMM
SA-8089