ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (DÉCRET 841-98)
ENTRE :
MADAME ELEONORA FIORE
MONSIEUR KHALID BOUDRIBILA
(LES « BÉNÉFICIAIRES »)
ET :
LA
GARANTIE DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS
NEUFS DE L’APCHQ INC.
(L’« ADMINISTRATEUR »)
ET :
CONSTRUCTION TRILIKON INC.
(L’« ENTREPRENEUR »)
SENTENCE ARBITRALE
Arbitre : Me Johanne Despatis
Comparutions pour les bénéficiaires : M. Khalid Boudribila, bénéficiaire assisté de : Mme Eleonora Fiore, bénéficiaire
Comparutions pour l’administrateur : Me François Laplante, procureur, assisté de : M. Pierre Rocheleau, inspecteur-conciliateur
Comparution pour l’entrepreneur : M. Nicola Trinci, entrepreneur
Date d’audience : 21 janvier 2005
Réception dernière documentation : 10 février 2005
Lieu d’audience : Montréal, Québec
Date de la sentence : 18 février 2005
LE RECOURS
[1] Madame Eleonora Fiore et monsieur Khalid Boudribila, les « bénéficiaires », contestent en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le « Plan », les éléments suivants de la décision rendue le 14 octobre 2004 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., « l’administrateur » :
« […]
Réception du bâtiment : Le 15 juin 2002
Réclamation écrite : Le 30 septembre 2003
Inspection : Le 8 octobre 2004 […]
Aucun règlement n ’étant intervenu entre les parties relativement aux points qui suivent, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ doit statuer sur cette portion de la demande de réclamation écrite des bénéficiaires.
La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut considérer les points 2 à 8 dans le cadre du contrat de garantie :
Nous constatons que les points qui suivent ont été dénoncés par écrit après l’échéance de la garantie portant sur les malfaçons non apparentes, dont la durée est de douze (12) mois à partir de la réception. Par conséquent, nous devons statuer sur ces points uniquement dans le cadre des articles 3.3 et 3.4 du contrat de garantie. Or, nous sommes d’avis que les situations observées ne comportent pas le niveau de gravité d’un vice caché ou d’un vice majeur tel que défini au contrat de garantie.
2. Fissures à la dalle de béton du garage
3. Fissures multiples à la dalle de béton du sous-sol
4. Mauvaise finition à l’arrivée d’eau de la toilette du sous-sol
5. problématique des conduits de gaz propane
6. Fissure horizontale au gypse de l’escalier
7. Manque de coulis et scellant à la salle de bain de l’étage
Concernant le point qui suit, le bénéficia ire nous a informé que l’entrepreneur avait efectué les travaux correctifs à sa satisfaction et que par conséquent, l’intervention de la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ n ’était plus requise.
8. Infiltration d’eau à la fenêtre du mur nord Abandon de la réclamation des bénéficiaires pour les points 9 et 10 :
Les bénéficiaires ont abandonné leur demande de réclamation pour les points 9 et 10. Par conséquent, la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ n’a pas à statuer et n ’a
plus à intervenir pour ces points.
9. Luminaires à installer sous les armoires hautes
10. Luminaire à installer au-dessus du garage. […] »
II
LES FAITS
[2] Les bénéficiaires ont signé l’acte de réception de leur résidence située au 12215 rue Adrien-Hébert le 15 juin 2002. Il s’agissait d’une nouvelle propriété dont ils sont les premiers acheteurs.
[3] Monsieur Boudribila raconte avoir convenu ce jour-là avec l’entrepreneur qu’une inspection de sa nouvelle maison serait faite dans les jours suivants et qu’il lui expédierait une liste complète des éléments à y corriger ou à y parachever et ce afin de compléter le formulaire intitulé Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment, communément appelé Étape 5. Ce formulaire signé par les bénéficiaires le 15 juin était donc incomplet en ce qu’on n’y retrouvait pas la liste exhaustive des travaux à parachever et des éléments à corriger.
[4] En fait, explique le bénéficiaire, le document était incomplet parce qu’au moment de le signer, il n’avait pas encore fait une inspection systématique de sa maison. Monsieur Boudribila explique que la livraison de sa maison ayant été retardée de plusieurs semaines, il ne pouvait plus attendre pour en prendre possession. Or, selon le bénéficiaire, une inspection formelle des lieux avant la signature de la déclaration de réception aurait encore retardé la prise de possession, ce qu’il ne pouvait plus se permettre.
[5] C’est donc dans ces circonstances qu’il a signé le formulaire de l’Étape 5 sans inspection préalable, ajoutant avoir eu confiance en l’entrepreneur et à son notaire au sujet de la possibilité pour lui de le compléter par le simple envoi d’une liste dans les jours suivants.
[6] En effet, affirme le bénéficiaire, le notaire et l’entrepreneur l’avaient assuré qu’il n’était pas nécessaire de compléter la liste des travaux à corriger qu’il pouvait signer en toute quiétude la déclaration de réception du bâtiment quand même et que l’entrepreneur s’engageait à effectuer les corrections demandées sur la foi de la liste qu’il lui transmettrait par la suite. Ce témoignage sera contredit par l’entrepreneur qui niera qu’une telle entente avait eu lieu.
[7] Quoi qu’il en soit, le bénéficiaire raconte que sur la foi de l’accord décrit ci-haut, il a complété l’inspection et fait parvenir le 2 juillet 2002 à l’entrepreneur mais pas à l’administrateur la liste des problèmes relevés dans sa résidence. Monsieur Boudribila ajoute que figurent parmi les problèmes mentionnés à la liste transmise le 2 juillet, les éléments 2, 3, 4, 5, 6, 9 et 10 du rapport en litige.
[8] Concernant le point 7 du rapport, i.e. le manque de coulis et scellant à la salle de bain, monsieur Boudribila se dit incapable de se souvenir précisément à quel moment il a constaté ce problème mais affirme qu’il est apparu dans la première année de la réception de sa résidence.
[9] Cela dit, étant resté sans nouvelle de l’entrepreneur après son envoi du 2 juillet, le bénéficiaire lui écrit le 19 août 2002, toujours sans en transmettre une copie à l’administrateur :
« Je t’avais envoyé tel que convenu devant notaire (Me Silvano Gabrielli) le 15 juin 2002, la liste des déficiences à corriger depuis le 2 juillet 2002. Je t ’ai relancé là-dessus à plusieurs reprises en te laissant des messages sur le répondeur et à ton épouse au numéro (…) qui sont resté [sic] hélas sans réponses.
Je me suis rappelé que vous m’aviez demandé de ne pas retenir des fonds lors du paiement devant nota ire ce que j ’ai accepté pour ne pas bâtir une relation basée sur de la méfiance. [...] »
[10] Le 30 septembre 2003, l’entrepreneur n’ayant pas procédé aux correctifs demandés, monsieur Boudribila lui transmet la lettre suivante, en communiquant cette fois une copie conforme à l’administrateur :
« Le 19 août 2002 je t ’ai soumis une facture pour remboursement (Réf. : Facture de Propane Plus Inc. …) concernant ce que j ’ai dû dé bourser pour changer le tuyau (reliant le foyer du sous sol au réservoir de propane) défectueux et installé au mauvais endroit.
Tu m’avais rendu visite chez moi pour prendre connaissance de tous ce qui restait et qui est encore à réparer :
- lumières du comptoir de cuisine
- lumière à l’extérieur du garage;
- fissures dans la dalle de béton du sous sol et dans le garage qui s ’élargissent de plus en plus;
- la plaque en acier qui couvre le drain de la chambre froide à changer;
- l’infiltration d’eau dans le sous sol par le mur nord et pour laquelle tes deux frères (employés) sont venus vérifier en hiver et ont promis de retourner au printemps (période de dégel) faire des essais et la colmater;
- fissures horizontales dans le mur des escaliers reliant le 1er au 2ème étage;
- fissures du mortier dans la salle de bain entre le plafond et les murs, tout autour du
bain, entre les murs et le plancher, ainsi que dans la cuisine entre le mur et le
comptoir de cuisine;
- le tuyau en dessous du lavabo de la salle de bain du sous sol dépasse de 75 mm (3po) le mur fini ce qui empêche la fixation sur le mur de la plaque de finition et qui cacherai le trou dans ce mur.
Lors de cette dernière visite, on avait convenu que tu enverrai tes employés corriger ces anomalies, et concernant la facture de Propane Plus tu percera un trou dans le bon mur (nord, du même côté que le foyer) pour en sortir le tuyau de branchement au réservoir de propane au lieu de la situation actuelle (le tuyau fait presque tout le tour de la maison et enfui à environ un pied sous terre, 70 pieds de long au lieu de 10 pieds seulement avec le nouveau trou à percer). Tu m’avais dis d’ailleurs que c’était ridicule de le laisser comme tel.
Je n ’ai toujours pas aménagé mon terrain, et j ’ai dû attendre tout l’été pour que vous fassiez ces réparations ce qui ne se fut jamais produit.
Je vous demande donc de finir les réparations que vous deviez faire et en particulier ceux concernant les fissures et le perçage du trou pour le tuyau de propane et sa connection à la fois au foyer et au réservoir de propane tel qu’il l’est actuellement, d’ici la fin du mois de septembre 2003. (Après 15 mois d’attente, il est temps. N’est-ce pas!!!)
Je dois procéder à la finition du sous-sol et à l’aménagement de mon terrain à la fin du mois.
Je te demande de me transmettre ta réponse écrite pour au plus tard le 15 octobre 2003, dans le cas échéant, je ferai faire les réparations et je t ’enverrai la facture pour remboursement. » [sic]
[11] Monsieur Boudribila reconnaît que bien qu’une copie de cette lettre ait été transmise à l’administrateur, sa demande de réclamation ne lui a été présentée que le 6 mai 2004.
[12] Poursuivant sa narration des faits, monsieur Boudribila ajoute avoir éventuellement fait procéder aux travaux afin de corriger les problèmes mentionnés aux points 5, 9 et 10 du rapport en litige. Il nie toutefois contrairement à ce que monsieur Pierre Rocheleau, inspecteur conciliateur au service de l’administrateur, a écrit dans son rapport, qu’il avait abandonné sa réclamation pour les points 9 et 10. Monsieur Boudribila précise que vu qu’il a fait effectuer les correctifs relatifs aux points 5, 9 et 10, qu’il ne réclame donc plus leur correction même mais plutôt le remboursement des frais encourus pour y avoir fait procéder.
[13] Quant au point 8, i.e. l’infiltration d’eau à la fenêtre du mur nord, il reconnaît que l’entrepreneur a corrigé ce problème. Il ajoute toutefois que le même problème existe à la fenêtre du mur sud et il demande que l’entrepreneur effectue les mêmes réparations à cet endroit.
[14] Monsieur Boudribila a également reconnu avoir signé le 9 janvier 2003 le formulaire communément appelé Étape 6 intitulé Déclaration d’exécution finale des travaux dans lequel il déclare que les travaux ayant fait l’objet de réserve au moment de la réception du bâtiment avaient été exécutés à sa satisfaction.
[15] L’inspecteur-conciliateur Rocheleau est venu expliquer qu’au moment de l’inspection qui a conduit au rapport en litige, il avait en main la lettre du 30 septembre 2003 des bénéficiaires dénonçant les problèmes. Son examen de ce document, l’a amené à conclure que les bénéficiaires avaient constaté les problèmes en litige quelque 15 mois avant leur dénonciation.
[16] Se tournant plus précisément vers les points 2 à 7 de son rapport, monsieur Rocheleau exprime l’avis qu’il ne s’agit pas là de vices cachés, s’agissant plutôt de malfaçons apparentes qui n’ont pas été dénoncées au moment de la réception du bâtiment. Quoi qu’il en soit, ajoute monsieur Rocheleau, même s’il se serait agi de malfaçons non apparentes, celles-ci n’ont pas non plus été dénoncées dans les délais stipulés au Plan. C'est pour ces raisons, explique monsieur Rocheleau, qu’il a conclut que les problèmes n’étaient plus couverts par le Plan.
[17] Se tournant ensuite vers le point 8 du rapport, i.e. l’infiltration d’eau au mur nord, monsieur Rocheleau reconnaît que monsieur Boudribila lui a mentionné l’existence d’un problème identique d’infiltration du côté sud. Il explique toutefois ne pas avoir inspecté ce point puisque la demande de réclamation écrite du bénéficiaire ne visait que le côté nord.
[18] Interrogé sur sa conclusion à l’effet que le bénéficiaire avait abandonné sa réclamation relativement aux points 9 et 10, monsieur Rocheleau l’explique du fait que le bénéficiaire avait apporté des correctifs à ces problèmes sans attendre une décision de l’administrateur. C'est ce qui l’a amené à conclure comme il l’a fait.
[19] Monsieur Nicola Trinci, représentant de l’entrepreneur, dit s’en remettre essentiellement à la lettre qu’il a transmise à l’APCHQ le 18 août 2004 en réponse aux réclamations des bénéficiaires.
III
PLAIDOIRIES
Les bénéficiaires
[20] Sommairement, l’essentiel de l’argumentation des bénéficiaires est qu’ils ont agi de bonne foi et fait confiance au notaire et à l’entrepreneur qui, réitèrent-ils, les avaient assuré que la liste des travaux à corriger pouvait être complétée après la déclaration de réception du bâtiment.
[21] De plus, ajoutent les bénéficiaires, ils ont tout fait pour garder une bonne relation avec l’entrepreneur qui n’a pour sa part jamais répondu par écrit à leurs demandes ni pris le temps de les rappeler.
[22] Au surplus, ajoute les bénéficiaires, lorsqu’il réussissait à parler à l’entrepreneur, ce dernier leur laissait toujours entendre qu’il viendrait corriger les problèmes sous peu, ce qu’il ne faisait pas.
[23] C’est, soutiennent les bénéficiaires, ce qui explique pourquoi ils n’ont pas dénoncé les problèmes à l’administrateur avant le 30 septembre 2003.
L’administrateur
[24] Selon le procureur de l’administrateur, le Plan est un règlement d’ordre public qui doit recevoir une interprétation restrictive. De plus, ajoute le procureur, ce règlement est le seul lien entre les bénéficiaires et l’administrateur.
[25] Cela dit, le procureur rappelle que le présent litige porte sur une demande d’arbitrage présentée par les bénéficiaires qui contestent une décision rendue par l’inspecteur-conciliateur Rocheleau. Pour le procureur, les bénéficiaires agissant en demande ont donc le fardeau de prouver que la décision de monsieur Rocheleau n’est pas conforme au Plan.
[26] Or, selon Me Laplante, la preuve révèlerait que les bénéficiaires avaient connaissance des problèmes mentionnés au point 2 à 7 ainsi que 9 et 10 du rapport dès le 2 juillet 2002 alors qu’ils n’ont présenté leur demande de réclamation à l’administrateur qu’en mai 2004 soit près de 2 ans plus tard.
[27] Invoquant l’article 10 du Plan, le procureur rappelle les délais qui y sont stipulés relativement aux malfaçons et aux vices cachés.
[28] De plus, ajoute le procureur, le Plan couvre également les malfaçons et vices déjà apparents à la livraison et qui sont dénoncés par écrit au moment de la signature du formulaire Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment communément appelé Étape 5. Or pour le procureur, les points 4, 5, 6, 7, 9 et 10 constituent précisément des malfaçons apparentes qui auraient dû être dénoncée dès la réception du bâtiment le 15 juin 2002.
[29] Au surplus, ajoute le procureur, même si on prenait pour acquis que l’ensemble des items contestés par les bénéficiaires auraient concerné des malfaçons inapparentes au sens du Plan au moment de la signature de l’Étape 5, il reste que les bénéficiaires ne les ont pas dénoncées à l’intérieur du délai de 6 mois de l’article 10 du Plan de sorte que leur recours devrait aussi pour cette seule raison être rejeté.
[30] Au sujet des allégations de la présence de vices cachés dans les éléments dénoncés, le procureur nie qu’aucun d’eux ait constitué un vice caché au sens du Plan et que même si c’était le cas, ils n’auraient pas été dénoncés dans les délais prescrits. A cet égard, il invoque la doctrine suivante : Doyon, G. et Crochetière, S., Le Règlement du le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Les Éditions Yvon Blais inc., 1999.
[31] Se tournant enfin vers la demande de remboursement des coûts des travaux effectués par les bénéficiaires relativement aux points 5, 9 et 10, le procureur soutient que même si le Tribunal en vient à la conclusion que ces problèmes ont été dénoncés en conformité du Plan, les bénéficiaires ne peuvent pas en vertu du Plan réclamer les coûts de tels travaux effectués.
Réplique des bénéficiaires
[32] Monsieur Boudribila nie avoir jamais prétendu que les problèmes soulevés constituaient des vices cachés. Il réitère en revanche avoir dénoncé l’ensemble des problèmes à l’entrepreneur dès le 2 juillet 2002 et qu’en ce sens les délais mentionnés au Plan avaient été respectés. La seule raison pour laquelle il affirme ne pas avoir avisé l’administrateur à l’époque est que l’entrepreneur lui avait toujours laissé sous-entendre qu’il apporterait les correctifs demandés et qu’il voulait maintenir une bonne relation avec ce dernier.
IV
ANALYSE ET DÉCISION
[33] Les réclamations exercées en vertu du Plan sont assujetties à certaines règles. Je dois pour décider de ce litige voir en premier lieu si les bénéficiaires qui ont entrepris ce recours ont présenté leurs réclamations en conformité des exigences du Plan. Dans l’affirmative, il s’agira de décider du bien fondé de ces réclamations et notamment celles de nature purement monétaires présentées relativement aux points 5, 9 et 10 du rapport.
[34] Le premier paragraphe de l’article 10 du Plan se lit ainsi :
« La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1- le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n ’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
2- la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n ’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
3- la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4- la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
[35] Il ressort des alinéas de la disposition qui précède que la seule existence d’une malfaçon, apparente ou non, ou d’un vice caché, n’est pas suffisante selon le Plan pour donner ouverture à un recours en faveur d’un bénéficiaire. En effet, il faut en plus que ces problèmes soient dénoncés de la façon et dans les délais prescrits.
[36] En l’espèce, il est admis que les problèmes dénoncés ne constituent pas des vices cachés au sens du Plan. En fait, la preuve prépondérante révèle que les problèmes rapportés aux points 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9 et 10 constituent des malfaçons ou vices allégués qui étaient apparents dès la réception du bâtiment au sens de l’alinéa 2 du premier paragraphe de l’article 10 du Plan [précité] mais qui n’auraient formellement été relevés par les bénéficiaires qu’à l’occasion d’une inspection du bâtiment réalisée après sa réception.
[37] Le second alinéa du premier paragraphe de l’article 10 du Plan exige que les malfaçons et vices apparents à la prise de possession soient dénoncés par écrit au moment même de la réception du bâtiment, ou dans les trois jours qui suivent, si le bénéficiaire n’y a pas encore emménagé. Un formulaire prescrit à cette fin par l’administrateur doit alors être complété et signé par les bénéficiaires et l’entrepreneur. Or, selon la preuve, un tel formulaire a bel et bien été signé par les bénéficiaires au moment de la réception de leur bâtiment le 15 juin 2002 mais il était incomplet en ce qu’il ne comportait pas la mention complète des problèmes apparents.
[38] En effet, selon la preuve, ce n’est que le 2 juillet 2002, donc plus de deux semaines après la réception de leur résidence, que les bénéficiaires ont transmis à l’entrepreneur la liste complète des problèmes qu’ils imputaient à des malfaçons apparentes. Figurent à cette liste, les problèmes rapportés aux points 2, 3, 4, 5, 6, 9 et 10 du rapport en litige.
[39] Selon ma compréhension des propos des bénéficiaires, cette liste se voulait un complément au document intitulé Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment et son envoi dans ces circonstances résultait d’une entente à cet effet intervenue avec l’entrepreneur au moment de la signature de l’acte de vente en présence du notaire.
[40] L’entrepreneur nie l’existence d’une telle entente alors que le notaire n’a pas été cité à témoigner. Selon les bénéficiaires, ils ont été trompés par l’entrepreneur et son notaire sur la nécessité de procéder à une inspection systématique des lieux avant la complétion de l’Étape 5 et cette circonstance justifierait de les relever de leur défaut d’avoir dénoncé au moment de la réception les malfaçons apparentes tel que l’exige l’alinéa 2 du premier paragraphe de l’article 10 du Plan.
[41] Sans décider que la preuve d’une entente de ce genre, si celle-ci était clairement démontrée, puisse justifier de relever des bénéficiaires du défaut d’avoir dûment compléter la liste de l’Étape 5 dans les délais, j ’estime qu’en l’espèce la preuve prépondérante ne permet pas de retenir l’allégation qu’une telle entente verbale soit intervenue.
[42] En effet, l’affirmation du bénéficiaire est contredite par l’entrepreneur et cette affirmation va à l’encontre de trois déclarations formelles et signées par les bénéficiaires. Autrement dit, pour conclure à l’existence de l’accord verbale alléguée, je devrais ignorer trois déclarations écrites faites par les bénéficiaires à l’effet contraire.
[43] En effet, les bénéficiaires ont signé le contrat de vente devant le notaire le 15 juin 2002 dans lequel on peut lire :
« D ’autres part l’Acquéreur s ’oblige à ce qui suit :
1. Prendre l’immeuble dans l’état où il se trouve, déclarant l’avoir vu et
examiné à sa satisfaction [...] »
[44] Les bénéficiaires ont également signé la Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment (Étape 5) dans laquelle ils affirment par écrit accepter le bâtiment « sous réserve de la Liste préétablie, laquelle prévoit les éléments à corriger et/ou à parachever ». Or, ni cette déclaration ni cette liste ne comportent la moindre indication qu’il y aurait inspection systématique des lieux à une date ultérieure et qu’il serait alors loisible aux bénéficiaires de modifier leur affirmation à l’effet que l’immeuble présentait d’autres problèmes non encore énoncés à la liste.
[45] Finalement, la déclaration des bénéficiaires à l’effet que la liste de l’Étape 5 serait complétée ultérieurement contredit une troisième déclaration formelle de leur part faite le 9 janvier 2003 dans le cadre de l’Étape 6 (i.e. la Déclaration d’exécution finale des travaux) et déclarant que « relativement à la liste préétablie d’éléments à vérifier et Déclaration de réception du bâtiment intervenue entre le(s) bénéficiaires et l’entrepreneur en date du 15 juin 2002, le(s) bénéficiaire(s) déclare(nt) par la présente que tous les travaux ayant fait l’objet de réserve ont été entièrement exécutés à la satisfaction du ou des bénéficiaire (s). »
[46] Or, cette déclaration est signée en janvier 2003, soit près de sept mois après la réception du bâtiment et alors que l’entrepreneur n’avait toujours pas donné suite à la lettre des bénéficiaires datée du 2 juillet 2002.
[47] Dans de telles circonstances, relever les bénéficiaires de leur défaut de signaler à temps les malfaçons apparentes signifierait que j ’ignore à toutes fins utiles et que je rejette ces trois déclarations signées sans réserve et qu’aucun élément de preuve convaincant ne permet de mettre de côté.
[48] Pour toutes ces raisons, je juge que les réclamations des bénéficiaires concernant les points 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9 et 10 doivent être rejetés.
[49] Cela dit, même si, pour les fins d’analyse, je considérais que les points 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9 et 10 n’avaient pas concerné des problèmes apparents devant de ce fait être dénoncés au moment de la réception du bâtiment mais constituaient plutôt des malfaçons non apparentes, le recours devrait quand même être rejeté.
[50] En effet, l’alinéa 3 du premier paragraphe de l’article 10 du Plan prévoit que le bénéficiaire victime de malfaçons non apparentes les dénonce par écrit à l’entrepreneur ainsi qu’à l’administrateur dans un délai n’excédant pas 6 mois de leur découverte. Voici ce qu’écrivent au sujet de ce délai les auteurs Gilles Doyon et Serge Crochetière dans leur ouvrage Le Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté [précité] : [pages 47-48]
« Lorsque le bénéficiaire découvre une malfaçon sur son bâtiment, il doit alors respecter deux conditions imposées par le paragraphe 3 pour conserver son droit à la garantie. Il doit d’abord dénoncer la malfaçon par écrit tant à l’entrepreneur qu’à l’administrateur du plan. En outre, cette dénonciation doit être faite dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la malfaçon.
Cette dernière stipulation comporte en elle-même deux conséquences. D ’une part, le délai de dénonciation doit d’abord et avant tout être raisonnable et peut en conséquence, pour demeurer raisonnable au regard des circonstances du dossier, être jugé plus court que le délai maximal de 6 mois prévu au Règlement. D ’autre part, dans l’éventualité où le bénéficiaire, quoi qu’à l’intérieur de la première années suivant la réception, dénoncerait la malfaçon après le délai maximal de 6 mois de la découverte, il perdra (sous réserve de la preuve évidemment) son droit à la garantie, alors même que sa période de garantie d’un an ne serait pas expirée. »
[51] En l’espèce, la preuve révèle que le 2 juillet 2002, les bénéficiaires ont dénoncé par écrit à l’entrepreneur une série de problèmes constatés dans leur résidence. On y retrouve dans cette dénonciation les points 2, 3, 4, 5, 6, 9 et 10, document dont de leur propre aveu, les bénéficiaires n’ont toutefois pas transmis copie à l’administrateur.
[52] Suivant la preuve, les bénéficiaires écrivent à nouveau à l’entrepreneur le 30 septembre 2003, en reprenant les items déjà dénoncés ainsi que ceux que l’on retrouvera aux points 7 et 8 du rapport en litige. Cette fois, ils transmettent une copie de leur lettre à l’administrateur. Cet envoi nous permet donc de considérer que les problèmes en question avaient en pratique été portés par écrit à la connaissance de l’administrateur et lui auraient donc été dénoncés le 30 septembre 2003 et non pas en mai 2004 comme l’a soutenu son procureur.
[53] Il n’empêche cependant que même située en septembre 2003, cette dénonciation à l’administrateur de problèmes tenus pour inapparents n’a quand même pas été faite dans les six mois de leur découverte, contrairement à l’exigence prescrite à l’alinéa 3 du premier paragraphe de l’article 10 du Plan.
[54] En effet, selon la preuve et toujours en prenant pour acquis qu’il se serait agi de malfaçons non apparentes à la réception mais découvertes par les bénéficiaires quelque part entre le 15 juin et le 2 juillet 2002, les problèmes rapportés aux points 2, 3, 4, 5, 6, 9 et 10 du rapport auraient donc été découverts en 2002 pour n’être dénoncés à l’administrateur que plus d’un an après, soit le 30 septembre 2003.
[55] Quant à la dénonciation du problème rapporté au point 7 du rapport, elle aussi serait tardive puisqu’elle se fait le 30 septembre 2003 alors que les bénéficiaires y indiquent l’avoir constaté le 19 août 2002, également donc plus d’un an avant.
[56] Somme toute, même si on la situe en septembre 2003, la dénonciation en question aurait dépassé d’entre treize et quinze mois la découverte des problèmes dénoncés. Le Plan fixe la limite à 6 mois et en l’espèce les bénéficiaires n’ont à l’examen présenté aucun fait ni aucun argument que je pourrais retenir qui serait susceptible de permettre de les relever de ce défaut.
[57] Qu’en est-il de la réclamation à l’égard du problème d’infiltration d’eau à la fenêtre du mur sud? On l’a vu, une exigence du Plan est qu’il y ait (1) dénonciation formelle des problèmes et cela (2) dans un délai stipulé. En l’espèce, selon la preuve présentée, il n’y a jamais eu de dénonciation écrite ni à l’entrepreneur ni à l’administrateur. N’ayant jamais été dénoncé au sens du Plan, le problème n’a donc pas fait l’objet d’une décision de l’administrateur même s’il a verbalement été signalé à l’inspecteur lors de sa visite en octobre 2004. Pour ces raisons, l’arbitre n’a pas compétence pour s’en saisir et la demande à ce sujet doit être rejetée.
[58] Ainsi, pour toutes ces raisons, que l’on soit en présence de malfaçons apparentes ou non, les réclamations des bénéficiaires n’ont de toute façon pas été engagées en conformité du Plan de sorte que le Tribunal n’a guère d’autre choix que de conclure à leur rejet.
[59] En conformité de l’article 123 du Plan, je départage les coûts d’arbitrage selon les proportions suivantes : 70 % à être défrayés par l’administrateur et 30 % par les bénéficiaires.
Montréal, ce 18 février 2005
Johanne Despatis, avocate Arbitre
Adjudex inc.
0411 -8200-GAMM S/A 8004-02-05