ARBITRAGE EN VERTU DE LA LOI SUR LE RÉGIME DE RETRAITE DES

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN 

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :          GAMM  :  2012-11-005

                         APCHQ :  169431-1 (12-140FL)

 

 

 

ENTRE :

CHRISTINE PHANEUF & GUY ST-PIERRE

 

                                                                                              (ci-après, les bénéficiaires)

 

ET :

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ

 

                                                                                                            (ci-après, l’administrateur)

 

 

ET :

DAG CONSTRUCTION INC.

                                                                                                            (ci-après, l’entrepreneur)

 

DEVANT L’ARBITRE :                               Me Johanne Despatis

 

 

Pour les bénéficiaires :                                 Mme Christine Phaneuf, bénéficiaire 

M. Guy St-Pierre, bénéficiaire

Pour l’administrateur :                                 Me François Laplante (Savoie Fournier, avocats)

Pour l’entrepreneur :                                    Aucun 

Date d’audience :                                               10 juillet 2012

Réception dernière correspondance :                  11 juillet 2012

Date de la sentence :                                          2 août 2012

 

 

 

Adjudex inc.

JD-0312-35021-GAMM        SA 8099

 

 

I

LE RECOURS

[1]               Madame Christine Phaneuf et monsieur Guy St-Pierre, les bénéficiaires, contestent en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ciaprès le Plan, une décision rendue le 30 janvier 2012 par la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ inc., l’administrateur. Cette décision suivait des réclamations présentées en vertu du Plan au sujet de problèmes affectant le revêtement extérieur de leur résidence située à  St-Adolphe-d’Howard et construite en partie par l’entrepreneur Dag Construction inc., l’entrepreneur. 

[2]               L’administrateur y rejette l’ensemble des réclamations des bénéficiaires dans les termes suivants : 

Puisque la demande de réclamations des bénéficiaires a été reçue dans la deuxième année de la garantie, l’administrateur doit se référer à l’article 3.3 du contrat de garantie, lequel porte sur les vices cachés. 

[...]

FAITS, ANALYSE ET DÉCISION

Le 15 [novembre] 2010, les bénéficiaires ont constaté que certaines planches de bois du revêtement extérieur étaient fendillées et que la teinture appliquée en usine se soulevait à certains endroits, situation qu’ils ont dénoncée à l’entrepreneur par écrit.

Quant à l’administrateur, il fut informé de ces situations le 11 mai 2011.

Le 29 août 2011, les bénéficiaires ont transmis un deuxième courriel à l’entrepreneur, l’informant qu’en se préparant à la visite d’inspection de l’administrateur, ils ont constaté diverses malfaçons dans la pose du revêtement extérieur. Ils ont donc informé la garantie de ces situations le 29 aout 2011. 

1. Revêtement de bois dont certaines planches sont fendillées et dont la teinture appliquée par le fabricant se soulève par endroits

L’administrateur doit donc statuer sur la présence d’un vice caché puisque les deux dénonciations ont été reçues dans la deuxième année de garantie.  Lors de l’inspection, l’administrateur a remarqué qu’en effet, certaines planches sont fendillées mais n’a pu constater de soulèvement de la teinture appliquée en usine, pas plus que son écaillage.

Toutefois, nous avons remarqué que sur la façade qui, selon les bénéficiaires, est la plus exposée aux intempéries, le nombre de planches craquées est plus important que sur les autres façades du bâtiment qui sont moins exposées. 

Aucune infiltration d’eau n’a été remarquée par les bénéficiaires.  ANALYSE ET DÉCISION (point 1) :

De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec le point 1 ne rencontrent pas tous les critères du vice caché en ce sens qu’elles ne sont pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.

Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ce point. 

2.      Clous enfoncés trop profondément par la cloueuse pneumatique dans le revêtement extérieur de bois

3.      Teinture de protection manquante aux endroits de coupe

4.      Extrémité des planches n’ont pas été coupées à 22 ou 45 degrés Les faits

L’administrateur a été en mesure de constater qu’à certains endroits, les clous sont enfoncés trop profondément, que de la teinture est manquante aux coupes des planches et que les extrémités visibles n’ont pas été coupées à 22 ou 45 degrés.

ANALYSE ET DÉCISION (points 2 à 4)

Du point de vue de l’administrateur, les points 2 à 4 étaient apparents au moment de la réception en ce sens qu’ils étaient décelables pour un acheteur raisonnablement diligent. 

Or, il appert que contrairement aux exigences de l’article 3.2 du contrat de garantie, ces points n’ont pas été dénoncés par écrit au moment de la réception. 

Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ces points. 

5. Manque de dégagement entre les fourrures ANALYSE ET DÉCISION (point 5) :

Lors de l’inspection, nous n’avons pas été en mesure de constater la situation dénoncée en ce qui a trait au point 5.

Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ce point.

[3] L’entrepreneur, dûment convoqué, ne s’est pas présenté à l’audience. Il semblerait que cette entreprise ne soit plus en affaire. 

 

II

PREUVE

[4]               En 2009, les bénéficiaires négocient avec l’entrepreneur un contrat d’entreprise en vue de la construction partielle de leur résidence. Le contrat prévoit la pose du revêtement extérieur notamment du parement à clins de bois. Monsieur St-Pierre, le bénéficiaire, explique qu’il avait en outre été convenu dans le cadre de ces négociations, qu’il magasinerait lui-même les matériaux de bois et qu’il soumettrait son choix à l’entrepreneur pour approbation. 

[5]               Le choix des bénéficiaires s’arrêtent sur un produit de la compagnie Juste du Pin, choix qu’approuve l’entrepreneur qui se charge par ailleurs de commander les matériaux requis.  

[6]               La pose du revêtement bois commence en janvier 2010 alors que monsieur St-Pierre se rend régulièrement sur le chantier. Il affirme que les ouvriers y travaillent bien et de manière minutieuse, notamment dans la sélection des planches. Monsieur St-Pierre dépose une série de photos prises à l’époque. 

[7]               Les travaux de pose sont terminés au début février et la réception de l’ouvrage a lieu le  8 février. À cette époque, selon le bénéficiaire, le revêtement de la résidence est correct et il n’y a ni fendillement ni torsion. Toujours selon monsieur St-Pierre qui ignore alors que l’enfoncement de certains clous et la coupe de bois des planches sont contraires aux normes, l’aspect général du revêtement répond à ses attentes.

[8]               Ce n’est, dit-il, qu’en novembre suivant que lui et sa conjointe constatent l’apparition des premières fissures sur quelques planches et aussi que certains clous sont trop enfoncés. Préoccupés, ils effectuent une recherche sur internet pour comprendre le phénomène et monsieur St-Pierre adresse le 15 novembre 2010 le courriel suivant à l’entrepreneur :

Je t’écris aujourd’hui pour porter à ton attention que Christine et moi avons observé ce week-end que, sur un des murs, quelques planches du revêtement extérieur sont fendillées à différentes profondeurs et que la teinture appliquée en usine par le fournisseur soulève par endroit. Ces signes d’usure nous semblent prématurés puisqu’ils apparaissent dans la première année suivant l’installation et que ce type de revêtement extérieur fait habituellement l’objet d’une garantie de 15 ans offerte par le fournisseur.

De plus, nous sommes inquiets du fait que, lors de l’installation du revêtement extérieur, les clous ont été fixés aux planches à des profondeurs variables. Nous craignons que, de ce fait, l’eau puisse infiltrer les planches du revêtement et accélérer leur détérioration. 

Cette communication ne vise, à cette étape-ci, qu’à t’informer de la situation afin que tu puisses procéder aux démarches, aux vérifications et aux visites requises, notamment auprès du fournisseur du revêtement, et nous apporter, d’ici 15 jours, des solutions ou des réponses aux problèmes soulevés dans ce courriel. 

[...]

[9]               Des échanges de courriels suivent entre l’entrepreneur et les bénéficiaires de novembre à mai 2011. On peut en déduire que l’entrepreneur entreprend à tout le moins des démarches auprès du fournisseur en vue de lui signaler les problèmes observés. 

[10]           Le 11 mai 2011, le problème demeurant entier, les bénéficiaires dénoncent la situation à l’administrateur dans les termes suivants : 

[...] je vous transmets les courriels ci-joints afin de vous informer des démarches que ma conjointe et moi avons entreprises auprès de l’entrepreneur [...] le 15 novembre 2010 pour lui soulever un problème de fendillement du revêtement mural extérieur et nos questionnements concernant la pose de ce dernier. 

À cette étape-ci, nous ne souhaitons que respecter le délai prescrit de 6 mois après le constat de l’anomalie pour vous transmettre l’information afin de préserver, s’il y a lieu, nos droits à un éventuel recours au Programme de garantie des maisons neuves.

Nous maintenons actuellement une excellente communication avec l’entrepreneur [...] qui assure un suivi étroit de notre demande et recueille l’information requise notamment auprès du fournisseur du revêtement extérieur. Nous demeurons très confiants que DAG Construction nous propose incessamment une solution à notre problème. 

[...]

[11] Au cours de l’été 2011, un représentant de l’entreprise Juste du Pin, le fournisseur du clin de bois, procède à une inspection des lieux. Il décline alors toute responsabilité, affirmant aux bénéficiaires que les problèmes dont ils se plaignent résultent d’une pose déficiente du produit et non du produit lui-même. Il leur écrit le 4 août 2011 : 

[...] J’ai constaté que le revêtement a été endommagé par des clous à l’installation et que les bouts de planches n’ont pas été coupé en angle et peinturé. Il s’agit de la base de l’installation des revêtements en bois. sic  [12] À la fin août 2011, les bénéficiaires constatent l’apparition d’autres problèmes, notamment que les planches se déforment. Ils adressent alors le courriel suivant à l’entrepreneur  dont ils transmettent une copie à l’administrateur : 

Comme tu sais, Christine et moi avons transmis à l’APCHQ une demande de réclamation en vertu du Programme de garantie des maisons neuves dans laquelle nous soulevions certains problèmes liés à l’installation du revêtement extérieur de notre résidence. Nos communications initiales faisaient état d’un problème de fendillement sur un des murs et du fait que plusieurs clous sur tous les murs étaient beaucoup trop enfoncés dans les planches du revêtement. Nous exprimions alors notre inquiétude que le revêtement extérieur se détériore prématurément. Or, nous avons effectivement constaté au cours des derniers mois d’autres signes de détérioration du revêtement sur tous les murs de la maison : fendillement accentué, planches craquées, arrondies, joints horizontaux et verticaux des planches ouverts. 

En préparant le dossier en vue de la visite prochaine de l’inspecteur de l’APCHQ, nous avons consulté les guides d’installation des grands fournisseurs de revêtement extérieur de bois […] ainsi que des ouvrages publiés par l’APCHQ (l’ABC… de la pose des revêtements extérieur dans  le secteur résidentiel : Prévenir les malfaçons pour obtenir un ouvrage de qualité, éditions 2004 et 2010). à la lecture de ces documents, nous concluons que le revêtement extérieur n’a pas été installé selon les règles de l’art reconnues pour les éléments suivants : 

1.        Une quantité importante de clous ont été enfoncés trop profondément par la cloueuse pneumatique;

2.        Aucune teinture de protection n’a été appliquée sur tous les endroits de coupe des planches;

3.        Les joints entre les extrémités de planches verticales n’ont pas été coupés en 22 ou 45 degrés

4.        Aucun dégagement n’a été laissé entre les fourrures placées bout à bout horizontalement ne permettant pas ainsi l’évacuation de l’eau vers le bas et ne laissant pas place aux mouvements de dilatation/contraction du bois. 

Cette liste ne se veut pas exhaustive pour le moment mais ces seuls éléments peuvent expliquer l’état de détérioration actuel du revêtement extérieur et tous les fournisseurs de revêtement précisent dans leurs guides d’installation que le défaut d’appliquer ces règles d’installation constitue une raison pour annuler la garantie de 15 ans normalement consentie sur ce type de revêtement. 

Nous souhaitons que tu puisses nous proposer des pistes de solutions qui tiendront compte de ces éléments et qui contribueront à réinstaurer la garantie offerte par le fournisseur sur ce genre de produit. 

[13]           Ce courriel à l’entrepreneur demeurera sans réponse et la situation ne cessera de s’aggraver par la suite. 

[14]           Monsieur Rhéal Galarneau, inspecteur agréé, estimateur et expert en bâtiment, a été cité comme témoin expert par les bénéficiaires. Il raconte avoir procédé à une inspection des lieux le 3 avril 2012 et fait rapport le 24 mai suivant. Monsieur Galarneau relève plusieurs déficiences au revêtement. Il écrit :

5.2   Revêtement extérieur de finition des murs

Nous avons observé une mise en œuvre déficiente du bardage vertical à rainure et languette avec malfaçon, avec une carence de construction démontrant une source de dommage anticipé. 

Nous avons observé que des éléments en bois du bardage étaient en contact direct avec le mur de béton sans protection appropriée de désolidarisation pour durabilité et pour prévention de dommage. 

Une ouverture au mur arrière près de la porte-patio pour échantillonnage a démontré et confirmé une déficience de mise en œuvre du lattage à la lame d’air. 

Les fourrures horizontales ne représentent pas une mise en œuvre avec une ouverture minimale de drainage de 6mm (1/4 po.) à 12 mm (1/2 po.) bout à bouts tous les 1,2 m (48 po.) ou un espace aménagé en quinquonce à la lame d’air ou un contre lattage, tel que requis, en prévision du mouvement de dilatation-contraction du bois, de la protection structurale, de la protection du mur intermédiaire avec l’isolation thermique et en prévision de la qualité de l’air intérieur, pour contrer un état de détérioration et un potentiel d’usure accélérée. 

Nous avons constaté que l’ensemble du clouage des planches de bois était inapproprié, que les embouts de chevauchement n’étaient pas coupés à angle ni badigeonnés de teinture de retouche pour protection, que des clins étaient avec gauchissement oblique ou concave avec un écart supérieur 6mm (1/4 po.) étant hors tolérance et que la résine coulait sur certains clins.  

Le bardage de bois doit être sain et exempt de trous de nœuds, de nœuds lâches, de gerces ou de fentes. 

Les nœuds et les fentes emprisonnent l’eau et réduisent la résistance à la détérioration.

La barrière contre les intempéries dépend de la qualité d’exécution nécessaire à assurer un ajustement serré entre le parement et les moulures.

Si un élément est défectueux, il ne doit pas être posé. 

La coupe doit être faite du côté de la planche qui sera masquée et dans un angle permettant l’évacuation de l’eau.

La tête des clous doit s’appuyer sur la surface de la planche.

La jonction mur/toit de moulure de finition doit avoir un espacement minimum à respecter de 51 mm (2 pouces).

La base de la cavité du mur doit être pourvue d’un grillage destiné à empêcher les insectes de s’y introduire et le haut obturé pour compartimenter le mur.

À notre avis, la mise en œuvre selon les recommandations du manufacturier doit être respectée.

Le non respect des instructions de pose annule les garanties du manufacturier. Lors de notre inspection, tel que le démontre les photos et en fonction des objectifs du CBD-48-F, l’enveloppe de l’immeuble n’était pas protégée adéquatement; la situation d’état préventif était inadéquate et la protection contre les intempéries nettement insuffisante. 

Nous avons constaté des travaux qui n’étaient pas exécutés adéquatement en fonction des exigences de la section 9.27. « Revêtement extérieur » du CCQ, de l’objectif des normes et des règlements.

Des ajustements sont requis où les travaux démontrent des déficiences. Certaines anomalies visibles requièrent des correctifs appropriés.

La plupart des bardages risquent d’être affectés par l’humidité. Les modes de pose de solin et solin larmier rejet d’eau au-dessus et audessous des baies de porte et de fenêtre et entre différents types de revêtements muraux font l’objet de normes.

Le point de rencontre de 2 matériaux de nature différente constitue un exemple typique de construction nécessitant l’utilisation adéquate de solins.

Le recouvrement de la pièce inférieur doit permettre le chevauchement où le joint agit comme effet de larmier [15] Le rapport conclut : 

Basé sur nos observations et constatations nous sommes d’opinion que la mise en œuvre du parement extérieur, que la mise en œuvre du système de solin et rejet d’eau au parement extérieur, démontre sic une malfaçon de pose en délit, une exécution fautive. Les déficiences constatables à certains endroits contreviennent aux objectifs et exigences du CCQ (Code de construction du Québec), aux normes ainsi qu’aux règles de l’art afin de contrer une usure prématurée et un état de détérioration.

Basé sur nos observations lors de l’inspection, nous pouvons raisonnablement déduire que des correctifs majeurs et des travaux sont requis pour la mise en état acceptable de l’enveloppe du bâtiment.

Le bâtiment a besoin de travaux à compléter et/ou à corriger dans un proche avenir et selon les informations recueillies, est couvert par le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

Certains défauts relevés et certaines anomalies décelées représentent des défauts apparents qui se doivent d’être pris en considération.

À notre avis, des déficiences apparentes influent sur la valeur et altèrent l’immeuble d’une dépréciation et usure prématurée d’éléments.

La présente situation relève l’existence de facteurs se rapportant à l’immeuble, susceptibles de façon assez significative d’en diminuer la valeur ou les revenus ou d’en augmenter les dépenses.

 [...]

[16]           Monsieur Galarneau, dont le témoignage n’a pas été contredit, reprend essentiellement à l’audience ce qu’il écrit dans son rapport. Il déclare avoir observé des signes de détérioration aux quatre murs extérieurs et il exprime l’avis que les déficiences observées au niveau de la pose auront l’effet d’entrainer l’usure accélérée du revêtement de clins de bois.  

[17]           Madame Anne Delage, inspectrice-conciliatrice à l’emploi de l’administrateur, procède à une visite des lieux le 15 décembre 2011 en vue de vérifier les problèmes dénoncés. Elle fait rapport le 30 janvier suivant, document dont l’essentiel est reproduit plus haut. À l’audience, madame Anne Delage reconnait que la situation s’est aggravée depuis sa dernière visite en décembre 2011. Elle affirme que si elle avait eu à rendre sa décision aujourd’hui plutôt qu’en janvier 2012, elle reconnaitrait que l’ensemble des cinq points dénoncés par les bénéficiaires constituent bel et bien des vices cachés au sens du Règlement.  

 

III

ANALYSE ET DÉCISION

[18]           Le litige porte sur la décision rendue par l’administrateur le 30 janvier 2012 qui rejetait la réclamation des bénéficiaires. 

[19]           Le Plan énonce et encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers les bénéficiaires. C’est donc en vertu de celui-ci que je dois déterminer les droits et obligations de chacun. En vertu du Plan, l’administrateur se doit d’exécuter les obligations de l'entrepreneur résultant du contrat de vente si celui-ci n'y satisfait pas et ce toutefois, à l’intérieur toutefois des limites définies au Plan.

[20]           A cet égard, l’article 10 du Plan se lit ainsi :

La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

[…]

3-   la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

4-   la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil. 

[...]

[21]           Juridiquement, la partie qui se porte demanderesse devant un tribunal a de manière générale le fardeau de démontrer de manière prépondérante le bien-fondé de ses prétentions. C'est donc le cas ici pour les bénéficiaires qui se pourvoient à l’encontre d’une décision de l’administrateur. 

[22]           La règle suivante énoncée à l’article 2804 du Code civil du Québec relative à la notion de prépondérance de la preuve s’applique au présent litige : 

La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. 

[23]           Le litige porte sur les cinq points de la décision qui concernent la pose du revêtement extérieur de la résidence des bénéficiaires. Selon la preuve non contredite, le clin de bois du revêtement en question n’a pas été installé en conformité des normes qui régissent pareille construction. 

[24]           L’expert Galarneau dont la compétence et les propos n’ont à aucun moment été remis en question est le seul témoin expert à avoir témoigné sur les déficiences affligeant les travaux en litige. Il a livré un témoignage articulé et précis, appuyé sur des constatations qu'il a faites luimême et déjà amplement décrites tant dans son rapport et reprises à l’audience. Il a identifié plusieurs déficiences au niveau de la pose du revêtement. D’une part, l’installation des fourrures horizontales sur lesquelles sont clouées les planches de bois ne respecte pas les normes de construction pertinentes. Selon cette preuve non contredite, aucun espace n’a été ménagé pour le drainage avec les conséquences que l’on sait. Aussi, toujours cet expert, les clous posés pour fixer les planches ont été installés de façon inadéquate de sorte qu’ils sont trop enfoncés à plusieurs endroits. En outre, les embouts de chevauchement des planches n’ont pas été coupés à angle ni revêtus d’aucune teinture de protection aux endroits de coupe. 

[25]           Ma visite des lieux faite en cours d’audience m’a également permis de constater de visu de quoi il en retourne concrètement des points en litige. J’ai effectivement constaté que plusieurs planches sont fendillées, certaines ont gauchis. À plusieurs endroits, les joints sont ouverts et la majorité des clous ont été enfoncés trop profondément.  

[26]           En somme, le revêtement de clin de bois n’a pas été installé en conformité des normes en outre que la déficience observée au niveau de l’installation des fourrures, notamment grâce à des photos prises par les bénéficiaires en cours de construction, aura pour effet d’aggraver la situation.  

[27]           Comme madame Delage l’a correctement reconnu d’emblée dans son témoignage, il y a eu exécution fautive dans l’assemblage du parement de bois et il en résulte, selon une preuve largement prépondérante, un vice caché au sens du Plan.

[28]           Pour toutes ces raisons, les réclamations des bénéficiaires sont accueillies. 

Les frais d’expertises

[29]           L’article 124 du Plan stipule que l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel. 

[30]           Les bénéficiaires demande que leur soient remboursés des frais d’expertise qui totalisent la somme de  4 027,84 $ et couvrant le rapport de monsieur Galarneau ainsi que sa présence à l’audience. 

[31]           Cette réclamation vise le remboursement de frais d’expertise encourus en vue de soutenir la réclamation portée à l’arbitrage. Ces frais, dont personne n’a soutenu qu’ils n’auraient pas été raisonnables étaient pertinents à une expertise qui a permis d’éclairer utilement les points en litige. 

[32]           Les bénéficiaires ont donc droit au remboursement de ces frais.

 

IV

CONCLUSIONS ET DISPOSITIF

[33]         Pour toutes les raisons qui précèdent, le Tribunal :

-         Accueille la réclamation des bénéficiaires à l’égard des points 1 à 5 de la décision de l’administrateur rendue le 30 janvier 2012;  

-         Étant donné que l’entrepreneur ne s’est jamais manifesté depuis l’institution du présent recours et que tout semble indiquer qu’il n’est plus en affaire, ordonne  en conséquence à l’administrateur de procéder aux correctifs requis afin de corriger les défaillances visées aux points 1 à 5 de la réclamation ;  

-         Ordonne à l’administrateur de procéder à ces travaux dans un délai raisonnable à convenir avec les bénéficiaires. A défaut d’accord à ce sujet, je déterminerai moimême cette échéance sur demande de l’une ou l’autre partie.

-         Déclare en vertu de l’article 124 que les frais de 4 027,84 $ encourus par les bénéficiaires pour les services de l’expert Galarneau sont à la charge de l’administrateur et ordonne à celui-ci de les rembourser aux bénéficiaires d’ici le 15 septembre 2012.

-         Décide, en conformité de l’article 123 du Plan, que les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l’administrateur. 

Montréal, ce 2 août 2012

                                                                                    ____________________________

                                                                                     Johanne Despatis, arbitre

 

Adjudex inc.

JD-0312-35021-GAMM SA 8099