TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide de

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL 

   Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment.

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

CCAC : S19-121801-NP

 

 

GCR :   1208-227 

 

 

 

 

 

KARINE GAUDREAU

et

MICHEL DUCHESNE,

 

Bénéficiaires

 

C.

 

DOMAINE LE GENDRE INC.,

 

Entrepreneur

 

ET

GARANTIE  DE  CONSTRUCTION

RÉSIDENTIELLE (GCR)

      

 

 

Administrateur

 

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE

GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 21 SEPTEMBRE 2020

 

 

YVES FOURNIER ARBITRE

                                                      DÉCISION

 

MANDAT

 

[1]               Le Tribunal fut saisi du présent dossier à la suite d’une demande d’arbitrage formulée par les bénéficiaires le 17 décembre 2019.  Le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) nomma le soussigné à titre d’arbitre le 9 janvier 2020 afin de disposer du litige.

 

[2]               Les parties n’ont formulé aucune objection préliminaire et/ou touchant la compétence du Tribunal lors de la conférence téléphonique préparatoire du 21 janvier 2020.

 

 

CHRONOLOGIE DES PRINCIPAUX FAITS ET PROCÉDURES

 

 

[3]   Le 12 mai 2018, les parties signent un contrat d’entreprise pour la construction d’une maison située au [...], à Québec.  La réception du bâtiment est en date du 14 décembre 2018.  La fin des travaux, bien que prévue le 30 avril 2019, fut fixée au 3 juillet 2019 par l’administrateur.

 

[4]   Vers la fin du printemps 2019, les bénéficiaires découvrent que le bandeau décoratif en aluminium présente d’importantes ondulations lorsqu’exposé au soleil et soutiennent qu’il devait être en acier et non en aluminium, tel que spécifié au devis.

 

[5]   Le 7 août 2019 les bénéficiaires dénonçaient 23 points à l’administrateur et à l’entrepreneur dont le point 17 de la décision du 21 novembre 2019, décrit par le conciliateur comme étant des « Ondulations aux tôles décoratives Nord et Ouest » alors que les bénéficiaires l’avaient autrement formulé: « Tôles d’aluminium qui ondulent ».  La réception de la réclamation des bénéficiaires par la GCR prit place le 19 août 2019.

 

[6]   La visite des lieux par le conciliateur remonte au 3 octobre 2019 et sa décision est du 21 novembre 2019. La demande d’arbitrage fut reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le 17 décembre.

 

[7]   Initialement, cette demande d’arbitrage ciblait les points 8, 9, 10, 11, 12 et 17. 

En cours de route il y a eu désistement des points 8 à 12.

DEMANDE D’AMENDEMENT

 

[8]               Le 2 juillet 2020, une demande d’amendement fut formulée par les bénéficiaires afin d’inclure le bandeau décoratif en aluminium du côté sud dans les correctifs demandés par monsieur Duchesne. Pour ce dernier, l’amendement ne change ni l’objet, ni les éléments de la dénonciation déjà initiée, ni le correctif principal recherché. Il fait un rappel du point 8 au formulaire de dénonciation à l’entrepreneur (A-5, point 8) lequel s’avère incomplet mais qui originairement était ainsi formulé (B-26) :

 

8. Tôles d’aluminium qui ondulent

Des tôles décoratives en aluminium ondulent de façon très apparente lorsqu’exposées au soleil. Il est à noter que le constructeur a décidé de remédier à cette malfaçon pour la plupart des maisons subséquentes à la nôtre en y installant des tôles en acier et d’une plus grande épaisseur. Les tôles qui ondulent sont principalement situées en devanture (versant nord) et sur le versant ouest.

 

[9]               Le bénéficiaire argumente que le texte ne fait aucune exclusion quant aux côtés du bâtiment. Qui plus est, le fait que l’entrepreneur a remédié subséquemment à cette malfaçon pour les maisons construites ultérieurement justifie la pose du bandeau en acier. L’entrepreneur a de ce fait reconnu la déficience du bandeau d’aluminium.

 

[10]           L’utilisation du mot principalement prend assise sur le fait que c’est ce qui se remarquait de jure à partir d’un positionnement dans la rue.  Il note que de cet endroit, on aperçoit le côté nord et le côté ouest.  Le côté sud était d’aucune façon exclu. À l’appui de cette revendication le bénéficiaire fait référence au courriel adressé à Yann Martimbault, (B-10), particulièrement à la date du 27 juin, où il est écrit : Remplacer tôles extérieures qui sont en aluminium.

 

[11]           Aussi, il fait valoir que le bandeau décoratif est plus important en pieds linéaires du côté nord et côté ouest que du côté sud.

 

[12]           En conclusion, il n’y avait pas dans son libellé une limitation à deux côtés uniquement, alors que le conciliateur a réduit la problématique des ondulations au côté nord et côté ouest.  Le Tribunal devrait conclure que le correctif pour le bandeau décoratif devrait inclure « l’ensemble du bâtiment ».

 

 

PREUVE DES BÉNÉFICIAIRES

 

MICHEL DUCHESNE

 

[13]           Monsieur Michel Duchesne, l’un des bénéficiaires, rappelle le contrat d’entreprise (B-01) signé avec l’entrepreneur en mai 2018.  Il s’attarde dans un premier temps à son article 3.1 qui stipule :

 

3.1 Contenance de l’ouvrage.

 

L’ouvrage livré par l’entrepreneur devra être conforme et aux     plans et devis mentionnés à l’article 1 et joints en annexe.

 

[14]           Le devis (B-04) présente sous le sous-titre Finition mur intérieur le poste # 13441, intitulé : « Revêtement spécifique de type Bandeau acier ».

 

[15]           Le témoin s’attarde sur l’article 3.2 du contrat (B-01) lequel établit qu’advenant que des matériaux devant être utilisés ne seraient plus disponibles, l’entrepreneur pourra substituer d’autres matériaux de nature et de qualité équivalentes, à la condition d’en aviser le client.  Le client aura alors l’opportunité de s’objecter à la substitution.

 

[16]           En aucun temps l’entrepreneur n’informa les bénéficiaires de la nondisponibilité du revêtement de bandeau d’acier, ni de sa substitution pour des bandeaux d’aluminium.

 

[17]           Cinq mois environ suivant la réception du bâtiment, il constate que le bandeau décoratif présente d’importantes ondulations lorsqu’exposé au soleil et qu’il n’est pas en acier tel que spécifié au devis.  Des photos (B-15) sont présentées pour appuyer ce constat.

 

[18]           Au fil du temps, monsieur Duchesne échange des courriels (B-09, B-10) avec monsieur Yann Montambault, chargé de projets résidentiels, pour l’entrepreneur et particulièrement pour la future résidence des bénéficiaires, tout en faisant un suivi des points restants à corriger, tel le changement des recouvrements noirs de poutres et de colonnes (B-08).

 

[19]           Le courriel du 27 juin 2019 adressé à son chargé de projets, monsieur Duchesne écrit particulièrement (B-10, en regard aux travaux à compléter et aux déficiences à corriger) :

 

Remplacer tôles extérieures qui sont en aluminium par des tôles en acier pour éviter qu’elles ondulent de façon permanentes à cause du soleil.  

[20]           En juillet 2019, le recouvrement noir en aluminium pour les poutres et les colonnes de la terrasse arrière est remplacé par l’entrepreneur par un recouvrement en acier noir.  Les ondulations de ces éléments soulignés par les bénéficiaires à l’entrepreneur avaient amené ce dernier à procéder audit changement.

 

[21]           À la fin mai, début juin, il remarque des ondulations significatives au bandeau décoratif en aluminium du côté nord et ouest (B-16).  Ces photos montrées en B-

16 (Photos 24-25) furent prises avant l’opération de relâchement des vis du bandeau d’aluminium.

 

[22]  Devant les ondulations du bandeau décoratif en aluminium sur les côtés nord et ouest, le bénéficiaire requiert de monsieur Montambault qu’ils soient changés pour un bandeau d’acier.  Ce dernier aurait alors acquiescé à la requête des bénéficiaires en précisant :

 

                   Ne vous inquiétez pas monsieur Duchesne. Je suis convaincu qu’ils                     sont en acier, et si c’est en aluminium on va vous les remplacer.  

 

[23]  Aucune suite à cette entente ne vit le jour ultérieurement.

 

[24]  Monsieur Montambault fut remplacé par madame Marie-Pierre Breton, nouvelle directrice pour l’entrepreneur.  Elle informe plus tard monsieur Duchesne lors d’une rencontre tenue à l’extérieur de son domicile qu’elle ne s’exécutera pas tel qu’il avait été convenu avec le chargé de projet.  Elle l’informe qu’une méthode corrective a été retenue :

 

On va relâcher les vis et vous aller voir que ça va corriger les ondulations.

 

[25]  Cet énoncé est corroboré par le point 8 du courriel daté du 25 septembre (B12) de Me Andrée-Anne Lebreux adressé à Chantal Lévis (GCR).

 

8. Le client affirme avec vigueur que le bandeau décoratif recouvert d’aluminium noir en façade de sa propriété présente d’importantes ondulations.  Afin d’atténuer l’impact de la variation de chaleur de l’aluminium sur l’aspect visuel de l’aluminium, les vis ont légèrement été relâchées.  Ceci a été fait le 17 juillet 2019 par nos équipes et le résultat souhaité a été atteint.

 

[26]  Malgré cette tentative de correction, monsieur Duchesne insiste pour dire que le bandeau décoratif en aluminium présente toujours d’importantes ondulations lorsqu’il est exposé au soleil (B-16) ce qui se démarque de la portion de tôle en acier du bandeau décoratif en retrait du côté ouest (B-16, photo 28, prise le 8 février 2020).

 

[27]  Le bénéficiaire fait valoir que les photos prises par le conciliateur le 3 octobre 2019 lors de la visite des lieux, ne montrent pas un versant nord exposé au soleil (A-13, page 27).

 

[28]  La section Finitions extérieures, au sous-titre ‘’ Parement d’aluminium ou de vinyle ondulé (fixé trop serré)’’ du Guide de performance de l’APCHQ (p. 269), (B7) est rapportée par le bénéficiaire :

 

PERFORMANCE MINIMALE ATTENDUE

 

Le bardage (revêtement) doit être installé de façon à s’ajuster aux mouvements thermiques et du rétrécissement anticipé de la structure à laquelle il est fixé.

 

Le bardage doit être exempt de toute ondulation (soulèvement) lorsqu’il est installé selon les spécifications du fabricant.

 

Le parement ne devrait pas être arqué de plus de 1/2 po (12 mm) hors de la ligne du mur pour toute mesure horizontale de 32 po (813 mm) ou de plus de 1/2 po (12 mm) à l’intérieur de toute mesure verticale de 8 pi (2.5 m).

 

CORRECTIF À APPORTER

 

Si à cause d’une expansion thermique le bardage ondule ou se déforme au-delà de la performance attendue, l’entrepreneur le réinstallera ou le remplacera.

 

REMARQUE

 

Les variations de la luminosité peuvent accentuer les écarts mineurs de texture, de profil ou de couleur du bardage.

 

Une ondulation légère résultant de mouvements normaux du bardage est acceptable.

 

[29]           Monsieur Duchesne ne considère pas qu’il s’agît d’une ondulation légère en l’espèce.  Malgré l’exercice du relâchement des vis exécuté par l’entrepreneur, d’importantes ondulations persistent lorsque l’aluminium est exposé au soleil (B16, photos 26-27 mises en opposition avec les photos 24-25). Il fait remarquer que les ondulations qui étaient espacées avant le relâchement des vis (photo 29), celles-ci se sont rapprochées davantage.  Il compte 6 ondulations près de la fenêtre de droite.  Quant à lui, la photo 27 prise le 16 juin 2020 est presqu’identique à celle prise le 23 juin 2029 (photo 25) en termes d’ondulations.

 

[30]           De plus, la photo 28 prise le 8 février 2020, soit en période hivernale laisse voir des ondulations notables tout en étant en contraste avec le bandeau en acier en arrière-plan, à droite, qui ne montre pas d’ondulations.

 

CONTRE INTERROGATOIRE

 

[31]           Me Andrée-Anne Lebreux, procureure de l’entrepreneur appelle le bénéficiaire à circonscrire sa demande.  Celui-ci requiert qu’on installe un bandeau en acier avec un calibre capable de résister adéquatement aux effets des rayons de soleil avec un résultat assimilable aux poutres de la terrasse.

 

[32]           La procureure réplique en avançant que lors de la visite du matin elle a constaté que cette partie en acier « ondulait quand même ». Le bénéficiaire rétorque en mentionnant qu’il y a de toute évidence une très grande différence.

 

[33]           Ciblant l’article 3.1 de la pièce B-1 où il est fait référence aux plans et devis, le témoin indique que le devis a été produit et quant aux plans il a déposé les portions pertinentes au dossier (B-3) sur lesquels on peut voir les bandeaux décoratifs de 6 pouces.

 

[34]           Questionné sur la visite du conciliateur en octobre 2019, il précise que ce dernier lui expliqua son mandat, qu’il lui appartenait d’identifier les points à vérifier et qu’il s’est exécuté tel que demandé.

 

[35]           La procureure l’amène à la pièce A-14, traitant notamment de sa demande d’arbitrage par courriel en date du 17 décembre 2019, particulièrement au point 17, intitulé « Ondulations aux tôles décoratives (Nord et Ouest) », dernier paragraphe, où il écrivait :

 

Nous sommes d’avis que l’ondulation est à nouveau trop prononcée avec les parements d’aluminium sur les versants ouest et nord et nous voulons qu’ils soient remplacés par des parements en acier.

 

[36]           Sur la remarque qu’il n’avait pas mentionné le parement sud, le témoin rappelle qu’il avait utilisé les termes « principalement les versants nord et ouest » et qu’il ne faisait que répondre en fonction de l’intitulé emprunté du conciliateur. Le descriptif ne se limitait pas à deux versants.

 

[37]           Quant au Guide de performance de l’APCHQ (B-17) la procureure lui fait reconnaître qu’il n’a pas fait lecture du texte traitant de l’épaisseur de l’arc.  Il acquiesce au fait qu’il ne l’a pas lu, mais il n’en demeure pas moins que selon lui :

 

On parle d’un bandeau décoratif qui n’est pas là pour la solidité du bâtiment mais pour le décorer. C’est une note esthétique au bâtiment.

 

[38]           Il n’a pas mesuré les arcs, ne voulant pas percé le matériau et n’ayant pas les outils pour les mesurer. Ce qu’il observe ce sont des ondulations et qu’il doit y avoir absence de toute ondulation.  C’est le seul critère sur lequel on peut se baser.

 

[39]           Relativement au devis (B-4), que la procureure appelle « estimation », monsieur Duchesne explique dans un premier temps que cette pièce est la version

électronique de la version écrite et signée par les parties mais qu’elle se lit mieux dans la version présentée dans le cahier du bénéficiaire (B-4) ou de l’administrateur (A-4).

 

[40]           Le point 13441 intitulé « Revêtement spécifique de type bandeau d’acier » se veut pour le bénéficiaire le bandeau décoratif car il « ne voit qu’un seul bandeau qui sert en fait à ma maison ».

 

[41]           Il ajoute qu’il savait qu’en consultant le plan, ce point 13441 correspondait au bandeau décoratif en acier et que pour cette raison il n’a pas posé de question.

 

[42]           Quant au courriel transmis à madame Marie-Pierre Breton le 6 août 2019 (B11), il écrit au point 8 :

 

8. Les tôles métalliques en aluminium lorsqu’exposées au soleil ondulent autant sinon plus qu’avant et cela constitue à nos yeux une malfaçon apparente.  Nous souhaitons qu’elles soient remplacées pour des tôles en acier, comme ce qui a été fait pour les autres maisons du quartier construites après la nôtre.

 

[43]           Pour répondre à Me Lebreux le bénéficiaire définit ainsi la malfaçon en l’espèce :

 

‘’De un, ça ne respecte pas le Guide de L’APCHQ qui dit que ça doit être exempt de toute ondulation.  De deux, ça ne respecte pas le devis.  De trois, du point de vue décoratif, c’est de l’essence même du bardeau de décorer et en l’espèce il présente des défauts.  Il y a un préjudice esthétique dans un quartier haut de gamme.  On s’attend d’avoir des matériaux haut de gamme, de qualité.  Les recouvrements des poutres ont été remplacés, je considère qu’il y a là une reconnaissance d’une malfaçon de la part de l’entrepreneur et le fait qu’on a procédé au relâchement des vis et que le résultat n’a pas changé ».

 

[44]           Le coût d’achat du bâtiment uniquement fut de $492,705 dollars plus les taxes.  Le devis lui a été remis par François Lehoux avant de signer le plan avec l’entrepreneur et il fut signé par les 2 parties.

 

 

PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR

 

YANN MONTAMBAULT

 

[45]  Monsieur Yann Montambault est chargé de projets chez l’entrepreneur depuis mars 2018 et le fut pendant 5 ans auparavant pour une autre compagnie. Ses tâches débutèrent après que le projet du client fut consolidé avec les vendeurs, les conseillers et les techniciens en architecture.  Une fois le projet complété pour entreprendre la construction il engage, gère la sous-traitance, construit les échéanciers des travaux tout au long du projet, répond aux questions et aux demandes du client et ce jusqu’à la fin.

 

[46]  Dans le présent dossier, il a pris la relève de sa collègue, Isabelle Richard, qui s’est absentée pour des raisons de maladie.  Il a débuté après la prise de possession de la maison par les bénéficiaires, particulièrement au niveau des déficiences.

 

[47]  Quant aux poutres et aux colonnes qui sont déposées sur la terrasse ou qui supportent le toit au-dessus de la terrasse dont le revêtement en aluminium fut changé pour de l’acier: « C’est le dernier point dont je me souviens d’avoir géré avec monsieur Duchesne ».

 

[48]  Et d’ajouter:

 

On est allé constater qu’il y avait une ondulation.  On a commandé le matériel nécessaire pour remplacer les recouvrements.

 

[49]  Le témoin fait part de son courriel du 26 avril 2019 qui répondait à celui du bénéficiaire transmis le même jour et pour lequel monsieur Duchesne n’avait pas de souvenir lors de son témoignage :

 

Les recouvrements que nous installerons seront faits d’acier et ils auront moins de réaction au changement de température ce qui diminuera grandement l’ondulation.

 

[50]  Le Tribunal s’est permis d’interroger le témoin à ce stade :

 

Q.                        Monsieur Duchesne faisait référence à une discussion que vous avez eue verbalement quant à la tôle décorative et d’un engagement que vous auriez pris quant à faire les modifications. Je voudrais avoir votre version des faits quant à cette discussion.

 

R.                        Je ne peux nier qu’il y a eu cette discussion-là.  Par contre j’ai aucun souvenir d’avoir dit qu’on allait remplacer ces moulures dont il est question aujourd’hui. Est- ce que cette discussion a eu lieu ? Possiblement, je ne m’en souviens pas.

 

[51]  Monsieur Montambault fait valoir que ce qu’il a vu lors de l’inspection préliminaire, au matin de l’audience, était « très beau, conforme et sans problème apparent ».

 

[52]  Traitant du Guide de l’APCHQ produit par le bénéficiaire, il indique avec justesse que la section rapportée s’applique à des clins en bois, en fibres dures, en vinyle ou en aluminium. Ce n’est pas une moulure. C’est un revêtement de maison. Dans le présent cas, « ce sont des appliqués ou des éléments décoratifs et non un clin ». Il ne croit pas quette section pourrait s’appliquer au bandeau d’aluminium.

 

[53]  Interrogé par le Tribunal le témoin admettra que la moulure de transition, comme il la nomme, pourrait être le bandeau en acier :

 

Q.                        134441 Revêtement, « Bandeau d’acier ». Comment vous interprétez ces mots ?

 

R.                        Pour moi un bandeau d’acier ça s’applique toujours dans le haut d’une maison sous le soffite.  Ça ne fait pas le tour. Pour moi ce qu’on voit aujourd’hui c’est une moulure de transition bandeau, cette expression s’applique uniquement dans le haut du mur juste sous le soffite.

 

Q.  Où retrouve-t-on cette moulure de transition dans le devis.

 

R.   Je ne suis pas sûr que l’on retrouve cette moulure dans le document.

 

Q.  Ça ne pourrait pas être ça ?

 

R.   Ça pourrait être ça. Est-ce que la personne qui a conçu le devis à l’époque a utilisé le mot bandeau pour dire que c’était la moulure de transition? Peut-être, je ne peux pas vous dire autre chose.

 

[54]  Le bénéficiaire est intervenu pour appuyer davantage sa position en mentionnant que sous le soffite de sa maison on retrouve du fibrociment et non un bandeau d’acier.  Ce dernier correspond donc à la moulure de transition qu’il y a entre les deux maçonneries.

 

[55]  Il ajoute que lors des étapes de fabrication du plan avec l’équipe responsable des plans, en l’occurrence monsieur Jean-Philippe Landry qui s’occupait de faire avec eux les plans, celui-ci aurait dit qu’il « voulait trois types de revêtement : maçonnerie, fibrociment et un du type métallique pour dynamiser le bâtiment ».  Au surplus, le bénéficiaire rapporte que l’avocate de l’entrepreneur utilise la formulation « bandeau décoratif » dans son courriel du 25 septembre (B-12) en réponse au courriel de madame Chantal Lévis de GCR.

 

 

CONTRE INTERROGATOIRE

 

[56]  Me Éric Provençal, procureur de l’administrateur, questionne monsieur Yann Montambault quant à savoir s’il avait dit que le mot bandeau est en lien avec les soffites.  Il répondra dans ces mots :

 

Non, pas nécessairement.  Je veux dire que le mot bandeau peut être interprété par plusieurs personnes différemment et peut être utilisé par différents entrepreneurs pour différents endroits.  Dans le devis, on ne précise pas où s’applique le mot bandeau.

 

 

MARIE-PIERRE BRETON

 

[57]   Madame Marie-Pierre Breton est directrice en construction pour le Groupe

D’allaire Inc. depuis 2019. Antérieurement, elle était directrice générale pour les Construction T. Ouellet.  Elle est rattachée au domaine de la construction directement ou indirectement depuis plusieurs années.  Elle est notamment diplômée universitaire en administration des affaires.

 

[58]   Son travail vise à superviser l’ensemble des équipes techniques, du processus de la vente jusqu’à la remise des clés au client.

 

[59]   D’entrée de jeu, elle indique qu’il y eu des modifications au plan sans préciser davantage.  Elle explique que lorsque le plan correspond globalement aux volontés du client il y a un contrat d’entreprise qui est alors signé pour quantifier la valeur de l’ouvrage.  Par la suite, des modifications peuvent être apportées.

 

[60]   Elle a débuté en juin 2019 et a récupéré les volets des dossiers qui avaient des déficiences.  Pour le recouvrement en aluminium des bandeaux elle a par expérience considéré que le dévissage des vis lui apparaissait la solution à emprunter.  Cette décision fut prise un (1) mois après qu’elle fut en poste.

 

[61]   Au niveau du devis, elle explique que celui-ci vient expliquer la composition du mur standard faisant référence à la pièce B-4 sous le titre « Finition mur intérieur ».  Le devis « va venir expliquer notre méthode de construction ».  Elle le qualifie de devis général ce qui n’en fait pas un devis spécifique au projet du bénéficiaire.  Elle admettra qu’elle n’a jamais consulté la personne qui l’a pondu.

 

[62]   Le Tribunal lui demande s’il y a dans ce devis des éléments qui ne s’appliquent pas aux bénéficiaires.  Elle répond affirmativement en se référant au point 11132, « option garage excavé : ajoutez 16,000$».  Ce poste est en écriture verte se distinguant des autres points par sa couleur et par un montant s’y rattachant.  Elle ajoute que le devis « explique en mots ce qui est traduit en plan ». Elle rappelle que le devis fut signé au printemps 2018 avant l’émission des plans laquelle remonte à septembre 2018.

 

[63]   Elle précise que les bénéficiaires ont signé une version du plan le 4 janvier 2018, dans laquelle il n’y a pas de bandeau décoratif.

 

[64]   Madame Breton affirme qu’un bandeau d’acier « c’est une portion que l’on retrouve sous le soffite ».  Elle reconnaîtra qu’il n’y a pas de devis spécifique pour chaque client.

 

[65]   Quant à la visite des lieux avec le conciliateur et à laquelle elle prenait part, elle indique que monsieur Gadbois a précisé qu’il appartenait aux bénéficiaires de lui indiquer les points en litige tout en indiquant son rôle.

 

[66]   Quant au bandeau métallique, elle avance qu’ils se sont présentés devant la façade et du côté ouest du bâtiment.  

 

[67]   Questionnée par le Tribunal elle admet qu’ils ont fait le tour des bâtiments à plusieurs reprises, mais c’est particulièrement sur ces deux façades que l’attention a été apportée par les bénéficiaires.  La visite s’est faite sur une période de 2 heures à 2.30 heures.

 

[68]   Pour la directrice de l’entrepreneur la situation actuelle fait en sorte que le devoir de résultat a été atteint. Elle dira:

 

La tôle métallique n’est pas complètement inerte. C’est un très beau travail, un travail qui a atteint ce qui est souhaité, en fonction de ce qui est tolérable et acceptable.

 

 

CONTRE INTERROGATOIRE

 

[69]  Questionnée par monsieur Duchesne elle indique que lorsque le devis fut signé en mai 2018 il n’y avait pas de bande décorative sur le plan et il n’a pu être adopté aux plans signés en septembre.  De plus, le directeur artistique a proposé aux bénéficiaires d’ajouter un volet métallique afin de « jazzer » la résidence.  Quant au fait qu’il y avait une portion en acier et le reste en aluminium, elle explique :

 

La portion qui est à l’arrière sur la face ouest, en fait on a un murage qui est un peu comme un L ou un sept inversé donc la manière dont il est conçu ou dessiné, cette moulure est plus facile à travailler en acier alors que sur la portion qui est en façade et sur la face avant de la façade ouest qu’elle est un pliage en U ou en C inversé, c’est plus facile de travailler en aluminium.  Donc le type de pliage va souvent guider le matériel à utiliser.

 

[70]  Et de poursuivre plus loin :

 

Ce sont deux pliages qui sont totalement différents. La portion qui est en avant on n’a pas le choix de venir la visser en dessous, pour qu’elle tienne bien, pour s’assurer qu’il n’y a pas d’infiltrations d’eau.

 

[71]  Quant aux deux types de parement qui ont été vus au matin de l’audience, elle dira : « C’est deux parements uniformes ».

 

 

PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR

 

YVAN GADBOIS

 

[72]           Monsieur Yvan Gadbois lors de sa visite du 3 octobre 2019 avait l’intégralité de la dénonciation des bénéficiaires.  Il s’est exécuté en prenant point par point les éléments de la dénonciation pour éviter de faire des omissions.  La problématique du remplacement des tôles d’aluminium fut discutée au niveau de sa décision sur deux façades et non trois.  Il se dévoile candidement en ces termes quant à l’omission du troisième versant (sud).

 

Vous me posez la question aujourd’hui pourquoi je n’ai pas tenu compte de la façade sud : Je ne pourrais vous répondre. Je suis franc. On avait dit « principalement », alors je me suis attardé aux niveaux de 2 façades seulement.

 

[73]           Il reconnait que la dénonciation fut faite dans les délais.  Il explique que le revêtement métallique installé de couleur noire est très sensible aux variations des températures et ce, même en période hivernale.  Il ajoutera :

 

Le seul fait que le soleil réchauffe la surface, un revêtement de cette nature a tendance à se déformer sous l’effet de la chaleur, sous l’effet des rayons de soleil.  C’est ce qu’on appelle la dilatation thermique.

 

[74]           Le témoin explique que le matériau étant plié, c’est la surface plane qui fait des ondulations. Le pli donne du renfort à la pièce pour ne pas qu’elle ondule.  La pièce ayant 2 plis est déjà assez rigide de ce fait, mais il reste que sous l’effet du soleil il y a une déformation qui est inévitable. Il conclut que l’installation « rencontre les exigences de l’industrie » ajoutant qu’il n’est pas exigé que ce revêtement soit fait systématiquement en acier.

 

[75]           Le Tribunal le questionne quant à savoir ce que l’industrie requiert.  Il l’exprime ainsi :

 

L’industrie requiert que les matériaux soient installés et exempts de défaut.  Un revêtement d’aluminium, c’est certain si on l’avait mis en blanc ou d’une couleur plus pâle, il y aurait eu des mouvements aussi, des dilatations thermiques, sauf que la couleur étant noire, ça ne pardonne pas.  Il reste que l’ondulation elle, si les matériaux est très foncé il va absorber beaucoup plus de chaleur, il va se déformer beaucoup plus que s’il était pâle.  C’est pour cette raison là que moi je considère que cela rencontre les critères de l’industrie.

 

[76]           Pour l’inspection à la journée de l’audience, il conclut : « Ce matin je n’ai pas vu d’ondulation », ajoutant qu’il faut tenir compte de quel angle on regarde.  Il conclut que l’industrie ne donne pas de précisions quant au seuil de tolérance pour un recouvrement métallique de couleur foncée.

 

[77]           La malfaçon se veut pour le conciliateur « quelque chose de mal fait, un produit défectueux ou une installation qui est défectueuse ».

 

 

DÉCISION DE L’ADMINISTRATEUR

 

 

[78] Le conciliateur a traité les façades nord et ouest du bâtiment quant au revêtement en aluminium du bandeau décoratif.  Il n’a remarqué aucune déformation significative dudit revêtement lors de sa visite du 3 octobre 2019.  Il conclut ainsi :

 

La visite des lieux nous a permis de constater que les travaux qui ont été réalisés par l’entrepreneur respectent les normes en vigueur ainsi que les règles de l’art.

 

Les ondulations occasionnées par le phénomène de dilatation thermique des matériaux sont plus importantes pour les couleurs sombres et aussi plus visibles selon le point d’observation. Toutefois, cette situation ne constitue pas en soi une malfaçon au sens du paragraphe 3 de l’article 10 du Règlement.

 

En l’absence de malfaçon, l’administrateur doit rejeter la réclamation des bénéficiaires à l’égard du point 17.

 

ARGUMENTS DES BÉNÉFICIAIRES

 

[79]           D’abord, lors de la visite des lieux à l’automne 2019 le conciliateur n’était pas en mesure de constater les ondulations résultant des mouvements thermiques qui peuvent varier selon l’heure de la journée et l’ensoleillement.  De fait, lors de cette journée il n’a pu observer l’importance des ondulations sur les tôles quant aux façades nord et ouest en période d’ensoleillement.

 

[80]           L’administrateur a erré en statuant que les travaux réalisés par l’entrepreneur respectent les normes en vigueur ainsi que les règles de l’art. Puisqu’il a omis de tenir compte des recommandations contenues au Guide de performance de l’APCHQ qui précise que si le bardage ondule ou se déforme au-delà de la performance attendue, c’est-à-dire exempt de toute ondulation (soulèvement) l’entrepreneur devra le remplacer d’autant qu’il est question d’un bandeau

« décoratif » dont le but principal est d’ajouter de l’esthétique, d’orner la maison.

 

[81]           L’administrateur a erré en faits et en droit en ne déclarant pas que l’entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l’art et que les réparations rendues nécessaires par le comportement anormal des matériaux sont couvertes par la garantie (selon paragraphe 2 et dernier paragraphe de l’article 12 du Règlement).

 

[82]           L’administrateur n’a pas tenu compte des spécificités mentionnées aux plans et devis, ni des clauses du contrat d’entreprise y référant.

 

[83]           L’administrateur a omis de tenir compte de la substitution unilatérale des matériaux spécifiés au devis par l’entrepreneur et ce, sans en avoir avisé les bénéficiaires, ni obtenu leur consentement.

 

[84]           Les bénéficiaires ont soumis deux décisions (1) tout en tentant de rattacher certains passages aux arguments avancés.

 

 

ARGUMENTS DE L’ENTREPRENEUR

 

[85]           Quant à la demande d’amendement formulée par le bénéficiaire l’emphase a été mise sous deux côtés seulement à savoir les côtés ouest et nord.  La formulation employée par les bénéficiaires le confirme : « … sont principalement situées ».

 

[86]           De plus, le dernier paragraphe de sa demande d’arbitrage datée du 17 décembre 2019 (A-19) ne laisse aucun doute quant à savoir que les façades en cause se limitaient à celles qui furent traitées par le conciliateur. Le texte est limitatif : 

Nous sommes d’avis que l’ondulation est à nouveau trop prononcée avec les parements d’aluminium sur les versants ouest et nord et nous voulons qu’ils soient remplacés par des parements en acier.

 

[87]           Quant à l’argumentation au fond, Me Andrée-Ann Lebreux rappelle que le fardeau de preuve repose sur les épaules des bénéficiaires faisant référence aux articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec, et ils doivent établir qu’ils s’agissent d’une malfaçon.

 

[88]           Le fait que l’acier fut posé chez les voisins, qu’une partie du bandeau du côté ouest est en acier, que l’on ne devrait pas se fier uniquement aux photos prises par le conciliateur, que l’angle retenu ou le moment de la journée, de l’année ne peuvent être des considérants à retenir en l’espèce comme monsieur Duchesne en fait état dans sa demande d’arbitrage (A-14, page 5, 2ième paragraphe).

 

[89]           Il ne peut rencontrer son fardeau de preuve avec des « je suppose, je présume » et d’ajouter leur argumentation est fort suggestive.

 

[90]           Elle rappelle que pour le conciliateur, pour monsieur Yann Montambault et madame Marie-Pierre Breton, le résultat est adéquat.

 

[91]           Monsieur Montambault a indiqué que la référence faite par les bénéficiaires au Guide de performance de l’APCHQ n’est pas applicable car elle cible les clins à bois, ou en vinyle, ou en aluminium et non un bandeau.

 

[92]           La procureure indique que le Tribunal doit décider si les ondulations constituent une malfaçon.  Monsieur Duchesne n’a pas mesuré l’élévation des ondulations en rapport à sa référence au Guide de l’APCHQ. Aucun expert n’a été présenté par les bénéficiaires.

 

[93]           Me Andrée-Anne Lebreux fait référence à la décision MV et al c. Les constructions Raymond et fils Inc., laquelle fut citée également par monsieur Duchesne. Elle cible les paragraphes qui traitent des règles de l’art (66), des normes acceptables (68), de l’obligation d’information (71), d’une anomalie dans le travail de l’entrepreneur (75), de l’évaluation de la déficience (78) et ce qui doit rencontrer la problématique pour être considérée comme une malfaçon (79).

 

[94]           L’ouvrage de Me Vincent Karim (2) est présenté pour souligner le critère objectif de l’appréciation d’une malfaçon (1509) et l’importance de mettre en preuve le préjudice subi par les bénéficiaires (1511).

 

[95]           Le contrat de garantie (A-3) signé par les parties est rapporté particulièrement au chapitre des « Exclusions des garanties », au sous-paragraphe 16.1.2 :

 

16.1 Sont exclus des garanties :

16.1.2 les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux sauf si l’entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l’art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment.

 

[96]           Il n’y a pas eu de preuve à l’effet que les règles de l’art non pas été rencontrées.

 

[97]           La prétention des bénéficiaires à l’effet que le contrat n’a pas été respecté ne saurait tenir. Ces derniers invoquent le devis (B-4) particulièrement au poste 13441 « Revêtement spécifique de type bandeau d’acier » qui correspondait au bandeau décoratif.  Madame Breton a expliqué clairement qu’en l’espèce l’interprétation doit être prise dans le contexte de la « finition intérieure » et que le bandeau d’acier devait se retrouver sous le soffite.  La procureure soumet le passage suivant de la décision de Me France Desjardins, dans l’affaire SDC du 1183 rue des Montérégiennes, apt A, B, c. Repentigny c. CSR Construction 2004 Inc. et Garantie Habitation du Québec Inc. (3) :

 

Or, la jurisprudence majoritaire en cette matière ne reconnaît une obligation de l’Entrepreneur à installer tel ou tel type de matériau qu’en présence d’une convention spécifique à cet effet entre les parties.  À cet effet, l’arbitre Me Michel Jeannot s’exprime ainsi :

 

« Vu l’absence de document contractuel préachat ou d’achat, les plans à eux seuls sont insuffisants pour créer une obligation contractuelle.  En conséquence, et sur la foi de (ces plans n’ont d’ailleurs été consultés qu’après l’achat par les bénéficiaires) la preuve testimoniale qui a été versée devant moi, il s’agit d’un désaccord et/ou mésentente par opposition à un manquement ». (référence omise)

 

[98]           Aucune preuve n’a été soumise établissant un comportement anormal des matériaux.

 

[99]           En conclusion, l’entrepreneur demande le rejet de l’amendement présenté par les bénéficiaires, de la demande d’arbitrage des bénéficiaires et le maintien de la décision de l’administrateur.

 

 

ARGUMENTATION DE L’ADMINISTRATEUR

 

[100]      Le procureur de l’administrateur indique qu’il n’a pas d’autres arguments quant au bandeau décoratif que ceux présentés par la procureure de l’entrepreneur et auxquels il souscrit. 

 

[101]      Pour les tôles décoratives le témoignage du conciliateur a conclu que les ondulations se trouvaient objectivement dans ce qui est acceptable et elles ne peuvent atteindre le niveau d’une malfaçon.  Pour une personne raisonnable, le constat serait que le matériau a un comportement satisfaisant et qu’il n’y a pas d’écart débouchant sur une malfaçon.

 

[102]      Quant au point 13441, bandeau d’acier, il existe pour lui deux interprétations différentes et il laisse le Tribunal disposer de l’interprétation qu’il y a lieu de rendre compte tenu de la preuve soumise de part et d’autre.

 

 

FARDEAU DE PREUVE

 

[103]  Considérant que les bénéficiaires contestent le bien-fondé de la décision du conciliateur le fardeau de preuve repose sur leurs épaules.  Quel niveau de preuve doivent-ils présenter? À l’article 2803 du Code civil du Québec le législateur indique :

 

Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

[104]  Le niveau de preuve en matière civile et règlementaire qui se veut la preuve prépondérante est ainsi encadré par l’article 2804 C.c.Q. :

 

La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

 

[105]  Le juge Rinfret de la Cour Suprême écrivait dans l’arrêt Montréal Tramways

Co. c. Léveillé (4) :  

 

This does not mean that he must demonstrate his case.  The more probable conclusion is that for which he contends, and there is anything pointing to it, then there is evidence for a court to act upon.

 

[106]  Plus précédemment, cette même Cour traitait ainsi de cette norme applicable en matière civile (laquelle se veut similaire à celle en matière réglementaire) (5) :

 

En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s’applique, celle de la prépondérance des probabilités.  Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu (…).

 

[107]  Les tribunaux doivent souvent agir en pesant les probabilités. Rien ne peut être mathématiquement prouvé. (6)) La décision doit être rendue judiciairement et par conséquent en conformité aux règles de preuve généralement admises.  Le

Règlement étant d’ordre public, l’arbitre ne peut décider par complaisance ou par le fait que la preuve présentée par l’une des parties se veut sympathique.

 

[108]  Ainsi les règles concernant le fardeau de preuve permettront à l’arbitre d’apprécier dans un cadre précis la preuve présentée par les parties (7).

 

[109]  Quant à la preuve d’un acte juridique le législateur l’a ainsi codifié à l’article 2811 C.c.Q. :

 

La preuve d’un acte juridique ou d’un fait peut être établie par écrit, par témoignage, par présomption, par aveu ou par la présentation d’un élément matériel, conformément aux règles énoncées dans le présent livre et de la manière indiquée par le Code de procédure civile (chapitre c-25) ou par quelque autre loi.

 

 

ANALYSE ET MOTIFS

 

[110] Le Tribunal traitera les points suivants :

 

1.                 Demande d’amendement présentée par les bénéficiaires.

2.                 Une entente, un contrat est-il intervenu entre l’entrepreneur (Yann Montambault) et le bénéficiaire (Michel Duchesne)?

3.                 L’angle d’approche de l’administrateur est-il approprié et équitable?

4.                 Interprétation du devis.

 

 

1- DEMANDE D’AMENDEMENT

 

[111]  Le 30 juin 2020, les bénéficiaires transmettaient un courriel aux parties et à l’arbitre demandant un amendement au point 17 de la décision du conciliateur, tout en le formulant ainsi :

 

De plus, nous demandons qu’un amendement au point 17 de l’arbitrage (Ondulations aux tôles décoratives nord et ouest) soit porté afin d’inclure également le côté sud. L’amendement demandé ne change ni l’objet, ni les éléments de notre plainte, ni le correctif principal recherché.  En soutien à la demande d’amendement, une photo prise par M. Yvan Gadbois lors de sa visite de conciliation, le 3 octobre 2019, démontrant l’ondulation des tôles d’aluminium du côté sud a été ajoutée à notre preuve.

 

[112]  La photo du 3 octobre 2019 prise par le conciliateur n’apparait pas à sa décision mais apparait au cahier de pièces des bénéficiaires (B-16, photo 29).

Monsieur Gadbois n’a pas nié avoir pris ce cliché à cette date.

 

[113]  Les bénéficiaires estiment que la tôle décorative en aluminium du côté sud du bâtiment aurait dû être traitée par le conciliateur, ce qui n’a pas été le cas et que le Tribunal devrait permettre aux bénéficiaires d’en traiter.

 

[114]  Monsieur Yvan Gadbois s’est exprimé ainsi quant à cette omission :

 

Vous me posez la question aujourd’hui pourquoi je n’ai pas tenu compte de la façade sud : « Je ne pourrais vous répondre. Je suis franc. On avait dit « principalement », alors je me suis attardé aux niveaux des 2 façades seulement.

 

[115]  Il ne niera pas que le point 17 : Ondulations aux tôles décoratives nord et ouest qui faisait référence à l’élément 8 du formulaire de dénonciation à l’entrepreneur était ainsi libellé.

 

8. Tôles d’aluminium qui ondulent

Des Tôles décoratives en aluminium ondulent de façon très apparente lorsqu’exposées au soleil. Il est à noter que le constructeur a décidé de remédier à cette malfaçon pour la plupart des maisons subséquentes à la nôtre en y installant des tôles en acier et d’une plus grande épaisseur. Les tôles qui ondulent sont principalement situées en devanture (versant nord) et sur le versant ouest.

 

[116]  L’utilisation du terme principalement n’élimine pas les autres façades du bâtiment.  Les bénéficiaires ciblaient particulièrement deux côtés (nord et ouest, sans soustraire le côté sud.

 

[117]  L’arbitrage dans le cadre du Règlement (8) actuel doit être vu comme un appel de novo comme le soussigné en disposait dans l’affaire Syndicat des copropriétaires 6613-6635 boul. des Laurentides Laval c. 9141-0001 Québec Inc.

et Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ (9). Je me permets dans reprendre certains passages :

 

 

[63]                   Toute partie qui soumet un litige à l’arbitrage doit bénéficier du respect des principes suivants : le droit de faire part de sa position et de soumettre son litige à un décideur impartial et indépendant.

 

[64]                   La justice fondamentale que doit respecter toute entité décisionnelle se décline en deux principes de base connus : Audi alteram partem (le droit pour toute partie d’être entendue) et Nemo judex in causa sua debet esse (nul ne peut être juge dans sa propre cause).

 

[65]                   Afin que le droit d’être entendu soit effectif il faut reconnaître le droit de soumettre toute preuve pertinente, le droit d’appeler des témoins, de les contre-interroger et le droit de réplique dans certaines circonstances.

 

[68]                   Encore faut-il relire l’article 19 où le législateur utilise les mots « soumettre le différend » :

 

19. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur.

                                        (Je souligne)  

[69]                   L’une des parties n’étant pas satisfaite de la décision du conciliateur peut soumettre, présenter le différend à l’arbitrage et ce différent reste tout entier. Le législateur n’a jamais restreint la preuve pouvant être présentée.

 

 

[72]    L’arbitre peut trancher toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence.  Il est possible que les parties procèdent uniquement sur la foi du dossier de l’Administrateur sans présenter de nouvelle preuve.  Il est possible aussi de présenter une nouvelle preuve tant pour le Bénéficiaire que l’Entrepreneur.  Un fleuve de décisions le confirme.

 

[73]    L’arbitrage permet sans l’ombre d’un doute la possibilité d’approfondir le dossier par une enquête plus poussée.  Un élément de preuve nouveau qui vient confirmer ou infirmer un aspect du dossier original peut donc être présenté lors de l’audition.  Je dirais que toute preuve pertinente est donc admissible dans la mesure où les règles de l’équité procédurale sont respectées.  J’en conclue que l’arbitre a le pouvoir de livrer toute décision qui aurait dû être rendue en premier lieu, ce qui lui permet d’entendre toute nouvelle preuve portant sur l’objet de la décision contestée.  Toutefois ceci ne va pas jusqu’à permettre de modifier la nature de la question ou des questions en jeu.

 

[74]    La jurisprudence en matière arbitrale et rendue en vertu du

Règlement nous permet de constater que la preuve d’éléments subséquents sera recevable si elle facilite à infirmer ou à confirmer le bien-fondé de la décision du conciliateur et évidemment si elle est en lien avec la demande initiale.

 

[118]  Albert Mayrand, dans Dictionnaire de maximes et locations latines utilisées en droit (10) définit ainsi le procès de novo :

 

Le procès de novo est la reprise d’un procès déjà instruit, soit parce que le premier procès est entaché d’une irrégularité, soit parce qu’on en a appelé du jugement rendu.  À la différence de l’appel, dans un procès de novo on recommence le procès. Le procès de novo permet entre autre de recevoir, lors de l’audition, une preuve totalement différente de cette entendu en première instance.  Le tribunal peut aussi considérer de nouveaux éléments de preuve pour rendre sa décision.

                                           (Sic) 

[119]  Il va de soi que l’amendement qui est en fait un rectificatif de l’intitulé du point 17 doit être reçu par le Tribunal. Toutefois, l’administrateur n’ayant pas discuté du côté sud quant au bandeau d’aluminium, le Tribunal ne peut trancher ce volet.  Le dossier devra être retourné à l’administrateur afin qu’il en dispose.

 

 

2- ENTENTE ENTRE LES PARTIES

 

[120]   Monsieur Michel Duchesne a fait valoir que le 27 juin 2019 il a transmis un courriel (B-10) à monsieur Yann Montambault, le chargé de projet, relativement aux travaux à compléter et aux déficiences à corriger.  Le passage suivant doit être ramené :

 

Remplacer tôles extérieures qui sont en aluminium par des tôles en acier pour éviter qu’elles ondulent de façon permanente à cause du soleil.

 

[121]   Il faut rappeler que l’entrepreneur remplaça les recouvrements noirs en aluminium pour les poutres et les colonnes de la terrasse arrière en acier noir.

 

[122]   Devant la problématique des ondulations quant au bandeau décoratif en aluminium du côté nord et du côté ouest, Michel Duchesne réclame de l’entrepreneur (Yann Montambault en l’occurrence) que l’acier soit substitué à l’aluminium.  Selon le bénéficiaire le chargé de projet aurait alors acquiescé à sa revendication en ces termes.

 

Ne vous inquiétez pas, je suis convaincu qu’ils sont en acier et si toutefois c’est en aluminium on va vous les remplacer.

 

[123]   Monsieur Duchesne n’y verra pas l’exécution car le chargé de projet fut remplacé par Andrée-Anne Lebreux la nouvelle directrice de l’entrepreneur.

 

 

[124]   Du côté de monsieur Yann Montambault, ce dernier soutient qu’il n’a pas souvenir de cet engagement.  Il faut reprendre l’échange entre le Tribunal et le témoin sur cet aspect :

 

Q.                        Monsieur Duchesne référence à une discussion que vous avez eue verbalement quant à la tôle décorative et d’un engagement que vous auriez pris à faire les modifications. Je voudrais avoir votre version des faits quant à cette discussion.

 

R.                        Je ne peux pas nier qu’il y a eu cette discussion-là.  Par contre j’ai aucun souvenir qu’on allait remplacer ces moulures dont il est question aujourd’hui.  Est-ce que cette discussion a eu lieu? Possiblement, je m’en souviens pas.

 

[125]   Curieusement, le même témoin s’est rappelé le courriel du 26 avril 2019 qui donnait suite à celui du bénéficiaire transmis le même jour.

 

[126]   Cela dit, le Tribunal rappelle que le législateur reconnaît que la preuve d’un acte juridique peut être établie par le témoignage (art. 2811 C.c.Q.). La jurisprudence a appliqué cet énoncé de droit à plusieurs reprises. (11)

 

[127]   La loi ne rend pas obligatoire l’existence d’un écrit ou d’une signature pour être engagé.  Le principe d’un contrat est considéré conclu dès que l’accord est donné, lequel peut être simplement verbal.  Le contrat verbal est aussi valable et exécutable qu’un contrat écrit.  L’article 1378 du Code civil du Québec n’impose aucune formalité particulière.

 

1378 : Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation.

 

[128]   Le contrat aura pour but de créer une obligation et c’est à quoi une personne s’engage, ce qu’elle consent à faire ou ne pas faire, c’est ce qu’elle s’engage à fournir ou recevoir.

 

[129]   Dans le présent dossier aucun témoin du côté de l’entrepreneur n’a soutenu que monsieur Montambault n’avait pas l’autorité d’acquiescer à la demande du bénéficiaire.  Au surplus, le changement de parement apportés aux poutres et colonnes émanait du même chargé de projet.

 

[130]   En l’espèce, le bénéficiaire est formel et en rapporte le verbatim.  Selon ce dernier, il y a eu un engagement par le chargé de projet.  Pour monsieur

Montambault, il n’a pas souvenir de cet engagement mais il est possible que la discussion rapportée ait eu lieu.

 

[131]   Le Tribunal est d’avis qu’il y a eu une entente entre les parties.  Le bénéficiaire a par prépondérance de preuve établit qu’il y a bien eu un contrat intervenu entre le bénéficiaire et l’entrepreneur quant au fait qu’il devait changer le bandeau décoratif en aluminium foncé en tôle d’acier pour les côtés ouest et nord du bâtiment.

 

[132]   Ne pas reconnaître cette entente et ne pas la rendre exécutoire permettraient aux entrepreneurs de s’engager et changer d’avis après un certain temps. 

 

[133]   L’entrepreneur devra s’exécuter en conséquence.

 

 

3- L’ANGLE D’APPROCHE DE L’ADMINISTRATEUR EST-IL APPROPRIÉ ET ÉQUITABLE DANS LE PRÉSENT CAS ?

 

[134]   Dans sa décision le conciliateur écrit dans son analyse :

 

Les ondulations occasionnées par le phénomène de dilatation thermique des matériaux sont plus importantes pour les couleurs sombres et aussi plus visibles selon le point d’observation.  Toutefois, cette situation ne constitue pas en soi une malfaçon au sens du paragraphe 3 de l’article 10 du Règlement.

 

[135]   Trois éléments se retrouvent dans ce paragraphe, à savoir le phénomène de dilatation thermique des matériaux, le point d’observation et l’absence de malfaçon.  

 

[136]   La dilatation et la contraction des tôles de revêtement dues aux variations de température engendrent des contraintes qui accentuent les ondulations.  Certains appellent le phénomène de dilatation thermique, l’effet bilame.  Il apparait lorsque le matériau est exposé longtemps sous la chaleur du soleil.  Il est reconnu que l’impact est plus important sur l’aluminium que sur l’acier.

 

[137]   La dilatation thermique a pour conséquence une déformation ponctuelle des matériaux et elle est accentuée sur un matériau foncé.  Plus la tôle est épaisse, plus il est facile de maintenir un profil bas.

 

[138]   Le conciliateur semble dire dans la phraséologie empruntée que les ondulations, quelles qu’elles soient, n’entrent pas dans la catégorie d’une malfaçon. Pourtant lors de l’audience, il a fait valoir que la situation constatée lors de son observation du 3 octobre 2019 et au jour de l’audience ne pouvait constituer une malfaçon.  Sa conclusion est à l’effet que les ondulations constatées se situent objectivement dans ce qui est acceptable.

 

[139]   Pour les témoins de l’entrepreneur, ceux-ci ont ciblé uniquement la visite préalable à l’audience et ont conclu dans le même sens que le conciliateur.  De façon plus précise le témoin Montambault s’est exprimé ainsi : « C’était très beau, conforme et sans problème apparent ».  Pour Marie-Pierre Breton elle indique que la situation actuelle fait en sorte que le devoir de résultat a été atteint : … « C’est un très beau travail, un travail qui a atteint ce qui est souhaité en fonction de ce qui est tolérable et acceptable ».

 

[140]   Monsieur Duchesne de son côté a présenté des photos qui furent prises audelà de l’intervention de l’entrepreneur qui avait procédé à l’été 2019 au relâchement des vis.

 

[141]   La photo 26 (B-16) affiche les ondulations de la tôle en aluminium du côté nord du bâtiment, prise après le relâchement des vis, soit le 16 juin 2020.  La photo 27 (B-16) prise le même jour démontre les ondulations du bandeau en aluminium du côté ouest.  Une troisième photo (B-16, photo 28) prise le 8 février 2020 présente les ondulations du bandeau d’aluminium du côté ouest.  Encore une fois cette dernière est postérieure à l’intervention servant au relâchement des vis.

 

[142]   La problématique des ondulations avec le bandeau d’aluminium n’est encadrée par aucune règlementation ni guide de performance.  Il faut donc s’en remettre aux règles de l’art.  Toutefois, il importe de s’attarder quelque peu à la notion de malfaçon.

 

[143]   La garantie contre la malfaçon en faveur des bénéficiaires est prévue à l’article 27, 3e du Règlement et à l’article 2120 du Code civil du Québec.

 

[144]   Le juge Pierre J. Dalphond, de la Cour d’appel écrivait dans l’arrêt Domenico & Fils (1997) Inc.  C. Domenico Contracting Inc. (12) :

 

[7] L’art. 2120 C.c.Q. ne s’applique qu’en matière de réclamation du donneur d’ouvrage pour malfaçons (défauts mineurs). Elle ne requiert aucune preuve de faute et appelle à la responsabilité conjointe de tous ceux qui ont participé à la construction.

 

[145]   L’auteur Me Vincent Karim enseigne (13) :

 

1242.  Il nous semble que sur le plan juridique, l’obligation de l’entrepreneur quant à la qualité de l’ouvrage et sa conformité aux règlements, ne peut être transformée en obligation de moyens. La seule dérogation offerte au cocontractant est d’exclure la garantie légale pour les malfaçons après la réception de l’ouvrage, soit pour la durée prévue à l’article 2120 C.c.Q. L’obligation de l’entrepreneur ou des intervenants quant à la qualité de l’ouvrage et à sa conformité aux règles de l’art ne peut être qu’une obligation de résultat […]

 

1245. […]  l’article 2120 C.c.Q. À notre avis, cet article établit une garantie légale quant à la qualité de l’ouvrage et à sa conformité aux règles de l’art et aux stipulations du contrat.  Cette garantie légale […] sera mise en œuvre sur la simple preuve de conditions existantes lors de la réception de l’ouvrage ou découvertes durant la première année suivant cette réception. […] Il s’agit d’une garantie ayant pour but d’assurer au client la livraison d’un ouvrage de bonne qualité, conforme aux règles de l’art et exempt de malfaçons pour une durée d’un an, dès sa réception. […]

 

1251. L’article 2120 C.c.Q. établit donc une garantie légale qui oblige

l’intervenant en construction à un résultat précis et déterminé. […]

                 (Je souligne)

 

[146]   Madame Thérèse Rousseau-Houle, autrefois juge à la Cour d’appel, écrivait dans son ouvrage, Les contrats de construction en droit public et privé (14):

 

Certaines normes présentent la nature juridique d’un règlement administratif. Tel est le Code national du bâtiment lorsqu’il est adopté comme règlement … Le défaut de s’y conformer constitue automatiquement l’entrepreneur en faute …

                   

 

Si les règles de l’art sont celles qui assurent la perfection de l’ouvrage, elles visent aussi à assurer au propriétaire une exécution complète et totale de l’ouvrage.

 

[147]   Mon collègue, Me Robert Masson, apporta la définition suivante de la notion de « malfaçon » dans l’affaire Cordeiro et Construction Simon Cousineau Inc. et

Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (15) :

 

« MALFAÇON » : défectuosité ou défaut dans un ouvrage de construction imputable à l’ignorance, à la négligence ou à la malveillance, occasionné par un manquement à l’ensemble des renseignements qui régissent un métier ou aux normes applicables à un ouvrage, auxquelles l’entrepreneur est tenu, et qui assurent la perfection de l’ouvrage et une exécution complète et totale de l’ouvrage pour qu’il convienne à l’usage auquel il est destiné.

                                    (Je souligne)  

[148]   Dans l’affaire Jean-Louis Robitaille c. 97944357 Canada et al (16), l’arbitre apporte la définition suivante de la malfaçon :

 

Une malfaçon est un défaut dans un ouvrage qui porte atteinte à la qualité du bâtiment; un manquement aux normes qui assurent que les ouvrages de construction seront faits avec soin; un manquement aux règles qui régissent un métier et qui assurent la perfection de l’ouvrage, et dont l’inobservance conduit à un manquement à une obligation essentielle de livrer un ouvrage de bonne qualité.

                  (Je souligne)

 

[149]   Le Tribunal se permet de rapporter les propos de mon collègue, Me Tihor

Holländer (17) : 

 

[145]               Comme la perfection absolue n’est pas de ce monde, la règle d’art entre en jeu.  La défenderesse n’a pas établi l’écart acceptable relie à l’installation des bardeaux dans la noue de la toiture.

 

[146]               Cependant, il y a une distinction entre une exécution de haute qualité et finitions irréprochables qui tombe dans le champ d’application de la règle d’art et l’exécution liée aux l’installation des bardeaux dans la noue de la toiture dans le cas présent, que ne peuvent en aucun cas être considéré par le Tribunal comme entrant dans le champ d’application des règles d’art.

 

[147]               Selon la preuve présentée devant le Tribunal, le Tribunal conclut que la demanderesse a établi la malfaçon liée à l’installation des bardeaux dans la noue de la toiture au sens et en vertu de l’application de l’article 10(3) du Règlement.

        (Je souligne)

 

[150]   Il y a donc lieu de mettre en perspective la preuve en regard à ce que la jurisprudence, la doctrine nous enseignent et à ce que le législateur nous dicte.

 

[151]   Le premier constat que le Tribunal observe est le nombre important d’ondulations rapprochées et prononcées sur les photos prises par le bénéficiaire le 16 juin 2020 (B-16, photos 26 et 27) et le 8 février 2020 (B-16, photo 28) en comparaison avec les photos prises par le conciliateur (A-13, p. 22) et (B-16, photo 29).

 

[152]   Le second constat, ces mêmes photos, ne montrent pas d’amélioration quant aux ondulations et ce, même après le relâchement des vis.

 

[153]   L’évaluation faite par l’administrateur et les témoins de l’entrepreneur prend assise sur le constat observé lors de la visite des lieux, à 9 :00 du matin, le jour de l’audience.

 

[154]   La situation en l’espèce est particulière.  Particulière, car le phénomène de dilatation thermique débouche forcément sur des variantes quant aux ondulations dans le temps.  Ceci n’est pas contestable. Dès lors, le Tribunal doit forcément et nécessairement tenir compte de toute la preuve. Le bénéficiaire ne doit pas se voir imposer une décision où la situation est davantage favorable à l’entrepreneur à un certain moment. Au contraire, s’il y a un écart marqué à certaines dates, ou plus prononcé dans l’espace-temps, c’est-à-dire là où la malfaçon devient irréfutable et/ou manifeste celle-ci doit être sanctionnée.

 

[155]   Le fait de s’en remettre à une journée porterait préjudice aux bénéficiaires et le Règlement n’embrasse pas cette avenue.  Faut-il ajouter qu’il y a un écart marqué entre le bandeau d’aluminium du côté nord et côté sud avec les poutres et colonnes en revêtement en acier.

 

[156]   L’argument voulant que les ondulations sont davantage évidentes sous un angle préférablement à un autre ne devrait pas préjudicier aux bénéficiaires.

L’observateur indépendant ou l’acheteur éventuel mettra d’avant les observations qui confirment la malfaçon. 

 

[157]   L’argument avancé par madame Marie-Pierre Breton à l’effet que le type de pliage va guider le matériel à utiliser est repris ici :

 

La portion qui est à l’arrière sur la face ouest, en fait on a un murage qui est un peu comme un L ou un sept inversé donc la manière dont il est conçu ou dessiné, cette moulure est plus facile à travailler en acier alors que sur la portion qui est en façade et sur la face avant de la façade ouest qu’elle est un pliage en U ou en C inversé, c’est plus facile de travailler en aluminium.  Donc le type de pliage va souvent guider le matériel à utiliser.

 

[158]   Pour le soussigné, cette approche de l’entrepreneur ne respecte pas l’obligation de résultat (18) qui lui est imputable. Choisir entre deux matériaux et retenir celui qui est le moins performant dans les circonstances mais davantage flexible ne constitue pas la réponse à l’obligation de résultat (art. 2100 C.c.Q.) imputable à l’entrepreneur. D’autant que le bandeau d’acier a été utilisé par l’entrepreneur a un autre endroit.

 

[159]   L’analyse de l’ensemble de la preuve sous ce troisième questionnement amène le Tribunal à conclure qu’il y a malfaçon quant au bandeau d’aluminium pour la façade ouest et la façade nord.

 

 

4- INTERPRÉTATION DU DEVIS

 

[160]  Le contrat d’entreprise signé par les parties le 12 mai 2018 (B-1) stipule à l’article 3.1 que l’ouvrage livré devra être conforme aux plans et devis.

 

[161]  Le devis (A-6), à l’item 132001B, intitulé Finition mur intérieur indique au sous-item 13441 « Revêtement spécifique de type bandeau d’acier ».  Les bénéficiaires soutiennent que le bandeau devrait être en acier et non en aluminium.

 

[162]  Monsieur Duchesne rappelle que le seul endroit où le devis traite de « bandeau » c’est à cette section, laquelle mentionne le fibrociment, les moulures d’égouttement, la moulure de ventilation, le « soffite » d’aluminium, le fascia d’aluminium, l’aérateur à maçonnerie, les raidisseurs de joints alignés, les tablettes de pierre et le solin à brique.  De plus, les bénéficiaires relèvent qu’un seul bandeau sert à sa maison à l’intérieur du devis. Le Tribunal rappelle que monsieur Montambault a reconnu que la moulure de transition pouvait bien être le bandeau d’acier.

 

[163]  La preuve a révélé que le devis ne s’attarde pas spécifiquement ou en tous points au bâtiment des bénéficiaires. Qui plus est, il fut mis en preuve par le témoignage monsieur Duchesne que l’entrepreneur a utilisé l’acier pour les constructions subséquentes à la sienne. Cette assertion n’a jamais été contredite par l’entrepreneur. 

 

[164]  Pour madame Marie-Pierre Breton le devis ne fait qu’expliquer la composition du mûr standard et la méthode de construction.  Ce n’est pas un devis spécifique.  Pourtant elle ajoute « Le devis explique en mots ce qui est traduit en plan ». Pourquoi les bénéficiaires n’ont pas eu droit à un contrat spécifique ne laissant pas de place à toutes sortes d’interprétation? Cette situation ne doit pas préjudicier les bénéficiaires. 

 

[165]  Elle a justifié la pose d’aluminium ou de l’acier par la manière dont le murage est conçu.  Dans un cas il est plus facile d’utiliser l’aluminium que l’acier.  En bout de piste, le type de pliage va souvent les guider pour déterminer le matériel à utiliser. 

[166]  Il faut retenir le témoignage de monsieur Montambault dans la portion du contre-interrogatoire mené par Me Éric Provençal, procureur de l’administrateur.  Il s’agissait de savoir si le terme « bandeau » est nécessairement en lien avec le soffite (i.e. sous le soffite).  Le Tribunal reprend ce passage :

 

Non, pas nécessairement.  Je veux dire que le mot bandeau peut être interprété par plusieurs personnes différemment et peut-être utilisé par différents entrepreneurs pour différentes endroits.  Dans le devis, on ne précise pas où s’applique le mot bandeau.

 

[167]  Quant à l’administrateur, il a laissé le tout à l’appréciation du Tribunal.

 

[168]  La jurisprudence est unanime à l’effet qu’il faut considérer le contrat signé entre le bénéficiaire et l’entrepreneur comme un contrat de consommation.  Me Robert Masson écrivait dans SDC du 8673, 8675 et 8677 Centrale c. Construction

Melval Inc. et Garantie Habitation du Québec Inc. (19)

 

[35] Pour résumer. La garantie offerte par l’entrepreneur et administrée par la Garantie Habitation du Québec Inc. dans le cadre du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs est un contrat de cautionnement réglementé.  C’est aussi un contrat s’inscrivant au titre des lois de la protection du consommateur et, à certaines conditions, un contrat de consommation.  Enfin, c’est un contrat d’ordre public.

 

[169]  La Loi sur la protection du consommateur (20) édicte à son article 17 :

 

17. En cas de doute ou d’ambiguïté, le contrat doit être interprété   en faveur du consommateur.

 

[170]  Le Code civil du Québec, à son article 1432, stipule:

 

1432.  Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée.  Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur.

 

                                     (Je souligne)

 

[171]  Devant cette preuve contradictoire, le Tribunal doit trancher en faveur du bénéficiaire.  Le bandeau d’aluminium du côté ouest et nord devra être en acier.

 

[172]  Considérant que les bénéficiaires ont gain de cause les frais du présent arbitrage sont à la charge de l’administrateur tel que le prévoit le Règlement.

 

 

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT, LE TRIBUNAL :

 

 

  ACCUEILLE  

 

 

l’appel des bénéficiaires;

RETOURNE

 

 

 le dossier à l’administrateur afin qu’il dispose du bandeau d’aluminium sur le côté sud du bâtiment;

ORDONNE

 

 

à l’entrepreneur de changer le bandeau d’aluminium du côté ouest du côté nord du bâtiment en bandeau d’acier de la même épaisseur que celle attenante aux poutres et colonnes;

ORDONNE

à l’entrepreneur de réaliser ces travaux au plus tard d’ici le 7 novembre 2020, ce délai étant de rigueur;

 

 

ORDONNE       à l’entrepreneur de s’exécuter selon les lois et les règlements en vigueur et selon les règles de l’art;

 

 

 ORDONNE  à l’entrepreneur ou à défaut l’administrateur de

remettre le terrain en état et selon les règles de l’art;

 

 

ORDONNE

 

 

à l’administrateur de s’exécuter dans le même délai (45 jours) et avec les mêmes obligations advenant le refus, ou l’incapacité ou l’impossibilité de l’entrepreneur de s’exécuter;

CONDAMNE

 

 

l’administrateur à payer les frais d’arbitrage avec intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de carence de trente (30) jours;

RÉSERVE

à l’administrateur ses droits à être indemnisé par l’entrepreneur et/ou caution(s), pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place et ce, conformément à la convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

 

 

 

           LAVAL, CE 21 SEPTEMBRE 2020

 

Yves   Fournier

___________________________

YVES FOURNIER Arbitre

  

 

 

 

1.       MV et al c. Constructions Raymond et fils Inc. c. Garantie Abritat, CCAC : S17-061301- NP, 17 décembre 2018, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre;

2.       Entreprises Réjean Goyette Inc. c. P. Sayasen et E. Mondou, SORECONI 182811001, 22 octobre 2019, Yves Fournier, Arbitre;

3.       SORECONI : 110208001, 19 décembre 2011, Me France Desjardins arbitre;

4.       [1933] R.C.S. 456;

5.       F.H. c. McDougall, [2008] CSC 53 (Can ll).

6.       Rousseau c. Bennett, [1956] R.C.S. 89;

7.       Caisse populaire de Maniwaki c. Giroux, [1993] 1 R.C.S. 282;

8.       Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RLRQ c. B-1.1; 9. CCAC : S14-070901-NP, 1er juin 2014, Yves Fournier arbitre et repris notamment dans N. Vaccarello et Antonio La Rosa c. 9116-7056 Québec Inc. et Garantie Qualité Habitation,

SORECONI 181201001, 28 MAI 2018, Me Roland-Yves Gagné arbitre;

10.   3e éd. Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1994, p. 106;

11.   9155-6555 Québec inc. c. Desarts Communication inc., 2019 QCCA 1924; K. El Baroudi c. Mark Di Perno et al., 2019 QCCS 3190;

12.   2012 QCCA 1736

13.   Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), para 1242, p. 524 et ss.

14.   Coéditions Wilson & Lafleur, SOREJ, Montréal, p. 236

15.   060305001, GAMN 090474, 29-06-2006

16.   CCAC : S05-000401-NP, para. 54 et 55

17.   Jocelyne Gélinas c. Habitations Consultant H.L. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, CCAC : S12-022801-NP, 3 avril 2013

18.   Montréal (Communauté urbaine de) c. Ciment Indépendant Inc., J.E. 88-1127 (C.A.); Construction Cogerex ltée c. Banque Royale du Canada, J.E. 96-497 (C.A.) 19. SORECONI 07030001, 30 juin 2008 20. Chapitre P-40.1.