ARBITRAGE EN VERTU
DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS
RÉSIDENTIELS NEUFS

 

 

ENTRE           George Bastos et Rose Marie Afonso, bénéficiaires demandeurs

ET :                  La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ, administrateur de la          garantie, défenderesse, (ci-après La Garantie APCHQ)

                        Le Groupe Platinum construction inc. entrepreneur mise en cause

 

COMPARAISSENT

pour les demandeurs

George Bastos, bénéficiaire

Stéphane Bossus, expert

Claude Latulippe, ingénieur, expert

Me Claire Savard, procureur

pour la défenderesse:

Luc Bondaz, inspecteur-conciliateur

Mario Lévesque, ingénieur, expert

Me Chantal Labelle, procureur

pour la mise en cause

Pierre St-Onge, contremaître

Claude Grégoire, contremaître

 

ARBITRE

Henri P: Labelle

FIN DE L'AUDIENCE

30 janvier 2006

DATE DE LA SENTENCE ARBITRALE

20 février 2006

 

NOTE :

 

1.                  Certaines des personnes mentionnées à la page couverture n'ont pas assisté à chacune des trois séances de l'arbitrage.

 

POSITION DES PARTIES

 

2.                  George Bastos se plaint du refus de La Garantie APCHQ d'assumer la responsabilité d'une fissure qui s'est produite dans un mur de béton de sa maison.

 

3.                  Dans le 3e rapport soumis par La Garantie APCHQ (daté du 1er septembre 2005), celle-ci fait état "qu'elle ne peut considérer" le point 1, façon de dire qu'elle considère que le point 1 n'est pas couvert par La Garantie APCHQ. (Le point 1 réfère à la "fissure horizontale au mur de fondation près de la porte de garage", que l'on retrouve à la page 2 du 1er rapport de La Garantie APCHQ, du 3 décembre 2004). Deux raisons sont invoquées:

·                    dénonciation en retard, selon les articles 3.2, 3.3 et 3.4 du contrat de garantie,

·                    la fissure résulterait des travaux d'aménagement paysager réalisés par le bénéficiaire, et donc non couverte par le contrat de garantie, en vertu de l’article 4.3 du contrat de garantie.

 

SÉANCE D'ARBITRAGE DU 16 NOVEMBRE 2005

 

4.                  Avant de procéder à la première séance d'arbitrage, les personnes présentes se sont rendues à la maison du bénéficiaire et ont fait l'inspection des éléments de la construction sur lesquels l'arbitrage porte, ainsi que de l'état des lieux.

 

5.                  George Bastos a fait part qu'il a donné un mandat à Stéphane Bossus de faire une expertise pour déterminer la cause de la. fissure. Celui-ci a préparé un rapport en date du 15 novembre 2005. Ce rapport a été déposé au début de la séance d'arbitrage.

 

6.                  George Bastos a ajouté qu'il a fait faire des excavations à proximité du mur fissuré pour permettre à Stéphane Bossus de réaliser l'expertise qu'il lui a commandée,

 

7.                  Me Chantal Labelle a demandé à l'arbitre de se prononcer, dans un premier temps, sur la recevabilité de la plainte du bénéficiaire, compte tenu qu'elle aurait été dénoncée en retard car, a-t-elle ajoutée, il n'y aurait pas lieu de dépenser temps et argent pour déterminer qui est responsable de la fissure si l'arbitre devait conclure que la plainte est irrecevable due à la dénonciation tardive.

 

8.                  Elle a rappelé que l'acte de vente date du 3 septembre 1999, que la réception et la prise de possession date du 29 septembre 1999 et que le bénéficiaire a dénoncé à La Garantie APCHQ la présence de la fissure le 5 septembre 2000.

 

9.                  George Bastos a déclaré qu'il ne se rappelait pas exactement de la date à laquelle il avait remarqué la fissure pour la première fois, mais que c'était au cours de l'hiver de l'année 2000, soit en janvier, ou en février ou peut-être même au mois de mars.

 

10.             Claude Grégoire a aussi déclaré que la fissure s'était produite au mois de janvier, ou février, ou mars 2000.

 

11.             George Bastos a déclaré qu'à cette époque, il avait téléphoné à Claude Grégoire à plusieurs reprises pour lui parler de la fissure et de son état, car la largeur de la fissure variait. Claude Grégoire est venu regarder la fissure à quelques reprises. George Bastos a précisé qu'au début, la ligne sur la colonne était de la grosseur d'un cheveux. (Pendant l'audience, on a plusieurs fois référé à la partie du mur de béton à droite de la porte de garage et qui mesure une dizaine de pouces de largeur comme étant une "colonne" ou un "poteau", ce qui n'est pas le cas; c'est un mur, ou une partie de mur.) À l'hiver 2004 je me suis aperçu qu'elle était assez grande pour entrer un doigt, a ajouté George Bastos.

 

12.             Stéphane Bossus a déclaré que d'après lui la fissure était attribuable au gel du sol et que dans des cas de fissures de ce genre, la fissure au début de son existence pouvait être une micro fissure, qu'il était difficile dans un premier temps de la remarquer, et par la suite, de déterminer si une telle fissure constituait un défaut ou non, ou si elle était grave ou non. Ce n'est que lorsque la largeur de la fissure augmente à mesure que le temps passe que l'on se peut se rende compte de sa gravité.

 

13.             George Bastos a fait état d'une lettre qui lui a été envoyée par La Garantie APCHQ le 15 septembre 2000 à ce sujet, qui prouve d'après lui qu'il avait déclaré le problème à La Garantie APCHQ avant l'expiration du délai de 6 mois que le contrat de garantie lui imposait à compter de la première manifestation de la fissure.

 

14.             Chantal Labelle a fait part qu'elle n'était pas au courant de cette lettre. La séance a donc été ajournée pendant quelques minutes pour lui permettre de vérifier auprès de son bureau de l'existence de cette lettre, ce que son bureau lui a confirmé.

 

15.             Chantal Labelle a fait part qu'elle ne s'était pas préparée pour discuter aujourd'hui du fond de la question (la cause de la fissure, sa gravité et qui devait en assumer la responsabilité). De plus, n ayant reçu qu'aujourd'hui le rapport de l'expert du bénéficiaire, elle n'était pas en mesure de le commenter. Il lui fallait aire examiner ce rapport par le personnel technique de La Garantie APCHQ.

 

16.       La séance a donc été ajournée jusqu'à une date indéterminée, pour permettre aux défendeurs d'examiner le rapport de l'expert du bénéficiaire et de leur permettre d'être entendus à l'audience.

 

ENVOI DE DOCUMENTS

 

17.       Le 25 novembre 2005, Chantal Labelle a fait parvenir aux intéressés des copies de :

·        une plainte du Syndic de l'Ordre des ingénieurs du Québec alléguant que Stéphane Bossus aurait dérogé au Code de déontologie de l'Ordre à six reprises entre les années 2001 et 2003,

·        une attestation qu'il n'était plus membre de l'Ordre des Ingénieurs depuis le 10 juin 2005,

·        une contre-expertise de la part de Mario Lévesque, ingénieur, datée du 22 novembre 2005.

 

SÉANCE D'ARBITRAGE DU 20 JANVIER 2006

 

18.       La reprise de l'audience a eu lieu le 20 janvier 2006. Au début de la séance, les parties m'ont informé qu'ils voulaient essayer d'arriver à une entente et je me suis retiré. À mon retour, Chantal Labelle a fait le rapport suivant

 

·        il y a entente sur la cause de la fissure et l'entrepreneur admet sa responsabilité,

·        il y a entente sur la méthode de correction,

·        il n'y a pas entente sur les frais d'expertise, ni sur les frais d'excavation, ni sur les coûts de remise dans l'état où ils étaient auparavant les divers éléments affectés par les travaux d'excavation.

 

19.       George Bastos a déposé certains documents à l'appui des dépenses            qu'il a encourues, soit :

 

·        D-1 duplicata d'un chèque du 14 août 2000 à l'ordre de C.M.C Paysagiste Pavage au montant de $4,000.00 pour les travaux d'aménagement paysager qu'il a fait exécuter autour de sa maison,

·        D-2 facture de Scellant International du 16 novembre 2005 au montant de $4,485.97 pour des travaux d'excavation exécutés à proximité du mur comportant la fissure,

·        D-3 facture de Scellant International du 9 décembre 2005 au montant de $4,647.01 pour des travaux de remblayage en pierre exécutés l'emplacement des excavations,

·        D-4 facture de CELB inc. (Le Centre d'Expertises Légales en Bâtiments et Ass. inc.) du 8 novembre 2005 au montant de $1,265.28 pour l'expertise réalisée par Stéphane Bossus et son rapport du 15 novembre 2005,

·        D-5 facture de Les Expertises Latulippe & Associés inc. du 7 décembre 2005 au montant de $1,725.38 pour une contre-expertise technique réalisée par Claude Latulippe et son rapport daté du 9 janvier 2006. (Claude Latulippe a précisé que cette facture couvrait son temps jusqu'à midi le 20 janvier 2006)

 

20.             L'autre partie ayant exprimé une opinion que les deux factures de Scellant International leur semblait anormalement élevées, Georges Bastos a expliqué qu'il avait eu beaucoup de difficulté à trouver un entrepreneur, à cause de l'approche de l'hiver et donc de l'urgence de faire les travaux d'excavation. Il dit avoir fait de nombreux téléphones, pendant des semaines, pour trouver un entrepreneur, que plusieurs avaient refusé de venir voir sur place et qu'un d'entre eux était même venu sur place et avait refusé de s'engager à faire le travail. George Bastos a déclaré qu'il ne connaissait pas l'entrepreneur qu'il avait engagé mais que la mère d'un des ouvriers qui a fait les travaux travaillait au même endroit que sa femme (la femme de George Bastos). George Bastos a déclaré que c'est à la suite de la recommandation de Bossus qu'il a fait faire les travaux d'excavation mais que Bossus ne lui a pas fait de recommandation quant au choix d'un entrepreneur. Les ouvriers ont travaillé une journée entière (de 8 heures à 5 heures) et le lendemain de 8 heures à environ 2 heures. Il a offert de montrer les chèques qu'il avait faits pour payer les factures qu'il a présentées.

 

21.             George Bastos a déclaré qu'à la suite des recommandations de Bossus et de Latulippe (second expert retenu par Bastos) il serait désirable de remblayer les excavations à cause de l'hiver. II a expliqué avoir confié ce travail au même entrepreneur qui avait fait les travaux d'excavation parce que celui-ci avait fait du bon travail la première fois.

 

22.             Luc Bondaz a fait part qu'il estimait la valeur des travaux d'excavation comme suit: une pépine avec opérateur : 8 heures @ $ 70; un journalier : 8 heures à @ $ 35, un camion avec opérateur : 4 heures à $70; soit un total de $1,120. Un montant raisonnable se situerait donc entre $ 1,2000. et $ 1,500. d'après lui. Pour le remblayage, à peu près le même montant, auquel il y aurait lieu d'ajouter environ $300 pour les matériaux. (À la séance du 30 janvier, Pierre St-Onge a confirmé l'estimation de coût horaire d'une pépine avec opérateur, soit de $ 70 à $ 75, assujetti à l'exigence d'un minimum de 4 heures.)

 

23.             L'expert Stéphane Bossus a déclaré que l'excavation lui avait permis de conclure qu'à son avis, la fissure avait été causée pal le gel qui a soulevé le mur de béton situé du côté droit de la maison. Il a identifié la cause à un joint horizontal ouvert mesurant plus d'un pouce entre la fondation du mur et le mur proprement dit (on a souvent utilisé l'expression "joint froid" au           ours de l'audience pour référer à ce joint ouvert). Ce joint est situé à une faible profondeur, une profondeur que le gel atteint en hiver. Ce joint peut soit se remplir d'eau ou de matériel gélif, le remblayage ayant été fait de matériel gélif. L'eau, ou le matériel gélif selon le cas, prend de l'expansion en gelant, ce qui a causé le soulèvement du mur. Cette cause a été amplifiée du fait que la fondation du mur n`est pas pare-gel. (On dit d'une fondation qu'elle est pare-gel si elle est à une profondeur plus grande que le niveau à partir duquel le sol ne gèlera jamais.) Le dessous de la fondation de ce mur West qu'à une profondeur de 43 pouces de la surface du sol, ce qui est inférieur aux exigences du Code national du bâtiment, qui est de 47 pouces Ainsi, le sol sous la fondation peut avoir gelé, causant le soulèvement de l'ensemble de l'empattement et du mur. Le mur, retenu à sa partie supérieure par le poids de la maison, s'est comporté comme un morceau rectangulaire de carton que l'on placerait en position verticale sur une table et sur lequel on appliquerait une pression sur son arête supérieure. Ce carton flamberait (se déformerait latéralement), c'est-à-dire qu'il courberait. C'est ce qui est arrivé au mur de droite. Sauf que le béton étant un matériau qui, à toute fin pratique n'est pas flexible, le mur a fissuré plutôt que de flamber, et ceci sur une longueur d'une trentaine de pieds.

 

24.             S'il y avait eu une pression latérale causée par le matériel gélif dont est composé le sol à côté du mur droit de la maison, le mur en bloc de béton qui retient ce remplissage se serait déplacé bien avant que le mur de béton de la maison cède. Or il n'en est rien, ce qui prouve qu'il n'y a pas eu de poussée latérale et que seul le soulèvement du mur de béton est la cause de la fissure.

 

25.             La fondation a été coulée à certains endroits sur du remplissage et à d'autres sur du sol non remanié.

 

26.             Il a résumé les travaux correctifs qu'il a recommandés dans son rapport dont les principaux sont: une petite étude géotechnique pour déterminer si le sol sous l'empattement (pendant l'arbitrage on a aussi utilisé. le mot "semelle.) a une capacité portante égale sur toute sa surface, l'ajout d'une barrière thermique, le colmatage de la fissure dans le mur de béton avec de la résine d'époxyde, la reprise du crépi, la démolition et la reconstruction de la partie en saillie du mur de béton (longueur d'environ 5 pieds qui excède la devanture de la maison et qui supporte ce qu on a appelé le balcon au cours de l'audience), la correction de la hauteur du drain français pour assurer son écoulement et son raccordement au puisard, la pose d'un cordon étanche pour obturer le joint froid et le remblayage avec matériaux non gélifs.

 

27.             L'expert Claude Latulippe, à qui George Bastos a demandé une seconde expertise, après avoir reçu de la part de La Garantie APCHQ des documents qui pouvaient mettre en doute la crédibilité de l'expert Bossus, a témoigné à son tour. À son avis, le drain français, qui était visible a la suite des travaux d'excavation, West pas parfaitement efficace du fait que son extrémité est située plus bas que son exutoire (vers le puisard situé dans le garage) ce qui empêche à l'eau de surface qu'il capte d'être complètement évacuée vers le puisard et lui permet au contraire de séjourner dans le drain, ce qui peut causer des accumulations de substances au fond du drain et réduire progressivement l'écoulement de l'eau. De ce fait, la durée de fonctionnement de ce drain, qui devrait être normalement d'une quarantaine d'années, sera considérablement réduite.

 

28.             De plus, la position du drain permet l'accumulation d'eau à la hauteur du joint froid auquel l'expert Bossus a fait allusion dans son témoignage. Ainsi il se dit d'accord avec Bossus quant à l'effet de soulèvement du mur causé par le gel, mais seulement dans une très faible mesure. À son avis, la principale cause du fléchissement du mur (ou de son flambage) est une poussé latérale, causée en hiver, par le gel du matériel gélif dont est composé le remblayage qui est en contact avec le mur. Comme la fissure est apparue avant que le bénéficiaire n'ait fait exécuter les travaux d'aménagement paysager, ce ne sont pas les travaux paysagers qui ont causé la fissure.

 

29.             Il y a quelques explications possibles pour le phénomène qui s'est produit, soit :

·        que le remblayage ait été fait par l'entrepreneur, au cours des travaux de construction, à un moment avant même que le béton du mur de fondation ait atteint une force suffisante pour résister à la poussé latérale que le remplissage, ainsi qu'éventuellement le compactage, occasionne,

·        que le remblayage ait été fait avant la mise en place du plancher de la maison, lequel procure un certain contreventement au mur sur lequel il repose,

·        que des activités au cours de la construction près du mur de la maison, par exemple le passage d'un poids lourd, aurait causé une poussée sur le mur,

·        que la position du drain français, qui est en contrebas de son exutoire, aurait permis à de l'eau de séjourner dans le sol gélif et aurait causé une poussée latérale en période de gel, avant la réalisation des travaux paysagers.

 

30.             Même si aucune de ces hypothèses ne peut être démontrée aujourd'hui, Latulippe ne voit aucune autre cause possible qui aurait pu causer la fissure, sauf dans une très faible mesure par le soulèvement, selon la théorie de Bossus. car la cause la plus importante, de beaucoup, et déterminante, est une poussée latérale.

 

31.             A l'objection de Me Chantal Labelle qui lui a souligné que son rapport ne fait aucune mention de la nécessité de colmater le point froid parmi les travaux correctifs qu'il recommande, Latulippe a répondu que ce n'est pas un changement d'idée mais plutôt un oubli dans son rapport écrit.

 

32.             L'expert Marin Lévesque (expert de La Garantie APCHQ) quant a lui a           éclaré qu'à la profondeur de 43 pouces telle que mesurée par Bossus, il fallait ajouter environ 3 pouces pour l'épaisseur du plancher du garage ce qui fait un total de 46 pouces, qui est très près de la profondeur exigée par le Code nationale du bâtiment (47 pouces) pour une fondation et il considère cette fondation pare-gel, donc que le sol n'a pas gelé à cette profondeur et il conclut que le mur n'a pas subi de poussée provenant de gel sous l'empattement. De plus, si ce mur avait été soulevé parle gel à son extrémité où l'excavation a été faite, ce n'est pas une fissure horizontale qui se serait produite, mais bien         une fissure verticale, ou à la limite une fissure à 45 degrés. Il exclut donc tout soulèvement de ce mur par le gel, y compris un soulèvement qui aurait été causé par une matériel gélif ou de la glace dans le joint froid. Finalement, le soulèvement du mur de béton, le cas échéant, aurait causé des dommages au balcon, alors qu'il n'y en a pas eu. Ainsi, la théorie du soulèvement du mur doit être complètement écartée. Le sondage ne m'apparaît pas nécessaire.

 

33.             Le fait que tous les témoignages concordent en ce qu'il n’y a eu aucune infiltration d'eau à travers le mur droit de la maison prouve à son avis que le drain français a fonctionné efficacement, car s'il avait permis à l'eau de surface de s'accumuler au-dessus du drain, plutôt que d'être évacuée par le drain français, cette eau stagnante aurait fini par traverser le mur de béton et pénétrer dans la maison. Les photos de l'extrémité du drain français prises par Bossus ne démontrent pas à son avis que cette extrémité est plus basse que le tuyau d'exutoire du drain, qui est aussi visible sur les photos. Ceci parce qu'il n'est pas possible d'après les photos, souvent trompeuses, de tirer une telle conclusion. De plus, sur place il a constaté que c'est seulement l'extrémité du drain qui lui a paru basse et que l'extrémité du drain aurait très bien pu être abaissée par un coup de pelle lors des travaux d'excavation. Le coude qui reliait l'extrémité du drain et l'entrée de l'exutoire a été enlevé après les travaux d'excavation et il est nécessaire que sa remise place soit faite de façon que l'écoulement du drain français puisse se produire.

 

34.             Il considère qu'il n'est pas nécessaire de démolir et de reconstruire le mur ou une partie du mur droit de la maison La solution pratique de corriger le problème serait de boulonner des plaques d'acier du côté intérieur du mur, dans le garage. et de colmater la fissure avec de l'époxy. La dimension des plaques, leurs épaisseurs et leurs espacement peuvent être calculés par un ingénieur-conseil et il offre de faire ce travail.

 

35.             Il s'est dit étonné

·        de l'envergure des travaux d'excavation qui ont été faits dans le but de déterminer la ou les causes de la fissure. Des travaux de moindre envergure auraient été suffisants pour fournir les informations recherchées.

·        qu'à certains endroits l'excavation avait été faite à une profondeur un peu  plus basse que de dessous de l'empattement, ce qui risquait de causer la dégradation du sol sous l'empattement.

·        d'apprendre qu'on avait pas colmaté le joint froid, comme deux experts l'on recommandé, avant de procéder aux récents travaux de remblayage, ce qui aurait pu être fait à très peu de frais à ce moment. Surtout quand on tient compte du nom de l'entrepreneur qui a fait les travaux (Sellant International).

 

36.             Après la fin des témoignages et des interrogatoires des experts, l'audience a été ajournée jusqu'au 30 janvier 2006.

 

SÉANCE D'ARBITRAGE DU 30 JANVIER 2006

 

37.             À la reprise de l'audience, George Bastos a déclaré qu'il avait oublié de dire précédemment que le balcon de sa maison s'était affaissé de quelques pouces. Je ne tiens pas compte de cette allégation qu'il aurait dû faire en présence des experts avant que ne se terminent leurs témoignages et leurs interrogatoires, ce qui leur aurait permis de témoigner sur cette allégation, ou d'exprimer des opinions.

 

38.             George Bastos a déposé une facture de Les Expertises Latulippe & Associés inc. du 23 janvier 2006 au montant de $ 503.24 pour la participation de Claude Latulippe à la séance d'arbitrage au cours de l'après-midi du 20 Janvier 2006 (D-6), ainsi qu'une facture de CELB inc. (Le Centre d'Expertises Légales en Bâtiments et Ass. inc.) du 23 janvier 2006 au montant de $1,288.28 pour la présence de Stéphane Bossus à la séance d'arbitrage du 20 janvier 2006   (D-7).

 

ARGUMENTATIONS ET COMMENTAIRES DE L'ARBITRE

 

39.             Pierre St-Onge a confirmé qu'il était disposé faire les corrections requises au mur fissuré, qu'il savait comment les faire et a rappelé que les travaux de correction qu'il exécuterait seraient garantis pour 5 ans.  Il n'avait pas besoin des opinions d'un expert, et encore moins de deux experts, pour savoir quels travaux de correction étaient nécessaires. À son avis il ne devrait pas être tenu de payer pour les travaux d'excavation ni de remblayage, travaux qu'il n'avait Jamais commandés et pour lesquels le bénéficiaire ne lui a pas demandé d'autorisation avant de les entreprendre.

 

40.             Me Chantal Labelle a transmis et déposé au cours du déroulement de l'arbitrage sous la rubrique "cahier d'autorités" une dizaine de sentences arbitrales dans le but de guider l'arbitre dans la sentence qu'il rendra. Entre autres, l'une fait allusion à la juridiction de l'arbitre, qui n'aurait pas à se prononcer sur les méthodes que l'entrepreneur utilisera dans le cas ou un arbitre contraindrait un entrepreneur à exécuter des travaux correctifs. Quoi qu'il en soit, dans le présent cas je considère qu'il est de mon devoir de ne pas me limiter à écrire par exemple que je rejette la position du demandeur ou du défendeur mais aussi de statuer, dans une affaire comme celle-ci, la nature des travaux que le défendeur aurait à exécuter, le cas échéant.

 

41.             Chantal Labelle a aussi souligné qu'il n'était pas nécessaire que le bénéficiaire ait recours a deux experts, qui, a-t-elle dit, on dit a peu près la même chose, ce qui prouve qu'un seul aurait été suffisant. Sur ce point, je ne partage pas son opinion. Au contraire, les opinions de deux experts étaient très différentes quant aux causes de la fissure. D'après Bossus, la fissure dans le mur était due à une force verticale provenant du gel à l'endroit du joint froid et peut-être aussi par le gel provenant du dessous de son empattement. D'après Latulippe, la fissure provenait principalement, et presqu'exclusivement, d'une force latérale provenant du remblayage du côté droit de la maison. L'expert Lévesque est d'accord avec Latulippe alors qu'il est en complet désaccord avec Bossus sur ce point. De plus, c'est Latulippe qui a énoncé quatre causes probables pouvant expliquer la poussée latérale, dont l'expert Lévesque s'est dit en accord avec trois d'entre elles.

 

42.             Dans son plaidoyer en date du 30 janvier 2006, la procureur de La Garantie APCHQ a souligné qu'avant que le bénéficiaire n'entreprenne des travaux d'excavation  "on n'a jamais été consulté, on n'a jamais été mis en demeure, on ne nous a jamais montré une soumission" laissant ainsi entendre que La Garantie APCHQ aurait alors pu poser des gestes qui auraient eu comme effet d'éviter le recours à l'arbitrage pour régler le problème ainsi que toutes les dépenses qui en découlent. J'ai compris cela comme un reproche à l'endroit du bénéficiaire. Je considère que le bénéficiaire n'a pas à être blâmé pour avoir posé les gestes qu'il a posés, vu que La Garantie APCHQ avait pris plus de cinq mois pour se prononcer définitivement sur le problème et à mon avis il était justifié ne pas essayer de faire changer la décision de La Garantie APCHQ par une mise en demeure. Il pouvait conclure au contraire qu'après cinq mois de réflexion La Garantie APCHQ devait être très certaine de sa décision et ce ne serait pas une mise en demeure qui la ferait changer d'idée. À mon avis un consommateur ne devrait jamais être obligé de mettre en demeure un fournisseur de garantie pour qu'il honore sa garantie. La Garantie quant à elle ne devrait pas attendre une mise en demeure avant d'agir.

 

43.             Je rappelle que dans le premier rapport de La Garantie (3 décembre 2004), Luc Bondaz écrit, concernant le point 1 (Fissure horizontale au mur de fondation près de la porte de garage) "L'entrepreneur est d'accord procéder aux correctifs."

 

44.              Dans le second rapport, daté du 21 mars 2005, Luc Bondaz écrit à propos de ce même point 1 : "Ne pouvant établir la cause précise de cette manifestation, nous mandaterons sous peu un expert en structure."

 

45.             Dans le troisième rapport, daté du 1er septembre 2005, (plus de cinq mois après le rapport précédent), Luc Bondaz écrit à propos du point 1 "La Garantie des Maisons neuves de l'APCHQ ne peut considérer le point 1 dans la cadre du contrat de garantie", façon de dire définitivement qu'elle n'a pas l'intention de corriger ou d'imposer à l'entrepreneur la correction de la fissure.

 

46.             Dans cette affaire, toutes les actions entreprises par le bénéficiaire pour enfin obtenir la reconnaissance de responsabilité de l'entrepreneur sont le résultat du refus de La Garantie de reconnaître cette responsabilité dès que le bénéficiaire se fut plaint de la présence de la fissure. En effet, dans les trois rapports signés par Luc Bondaz,.les raisons données pour "que La Garantie ne puisse pas considérer" la fissure qui a fait l'objet de l'arbitrage se sont avérées incorrectes. Ce refus, non fondé comme les évènements subséquents l'ont démontré, a été la cause de tous les frais que le bénéficiaire a encourus dans le but d'avoir gain de cause.

 

47.             D'après les témoignages entendus, il semble probable que certains des services que George Bastos a commandé dans cette affaire (expertises et travaux) auraient pu être obtenus à meilleur coût. Il est important de souligner que le bénéficiaire, un profane, pouvait se sentir démuni par rapport à La Garantie APCHQ, qui elle disposait de beaucoup de ressources pour mener à bien sa cause, soit un contentieux chevronné dans le domaine des garanties de maisons neuves, un entrepreneur en construction, des technologues permanents et le recours à un expert externe. De ce fait, George Bastos ne mérite pas d'être blâmé pour     avoir commandé les services qu'il jugeait sans doute nécessaire pour augmenter ses propres chances de succès, sans toutefois réussir à optimaliser leur efficacité et leurs coûts.

 

48.             Quant aux trois rapports d'expertise, je considère celui de Mario Lévesque le plus crédible principalement parce qu'il attribue la fissure exclusivement à une poussée latérale, dû à la direction de la fissure, ce qui me paraît la seule conclusion que l'on pouvait tirer de cette observation et aussi parce que je considère très appropriées ses recommandations quant à l'envergure et la nature des travaux à entreprendre pour corriger le problème.

 

SENTENCE ARBITRALE

 

49.             En me basant sur ce qui précède, j'ordonne à la défenderesse d'exécuter

·        les travaux de réparation de la fissure, l'amélioration du drainage le long du mur comportant la fissure et, si nécessaire, les corrections au drain français pour s'assurer qu'il évacue adéquatement les eaux qu'il capte, le tout selon les recommandations (le l'expert Mario Lévesque,

·        les travaux correctifs au mur en saillie, ainsi qu'au mur d'une dizaine de pouces de largeur à droite de la polie de garage de façon à ce que ces murs aient une apparence de murs neufs sans qu'aucun des travaux correctifs ne soit apparent,

·        les travaux d'aménagement paysager requis pour remettre les aménagements paysagers dans le même état où ils étaient avant que les travaux d'excavation aient été exécutés.

 

50.       J'ordonne de plus à la défenderesse de rembourser au bénéficiaire    les montants qu'il a déboursés, ainsi de ceux qu'il aura à débourser, pour acquitter les factures des experts dont il a retenu les services ainsi que les montants des deux factures qu'il a acquittées pour les travaux d'excavation et les travaux de remblayage que la compagnie Scellant International a exécutés.

 

51.       J'ordonne à la défenderesse d'acquitter tous les frais de l'arbitrage.

 

 

 

 

 

Henri P. Labelle, architecte arbitre