TRIBUNAL D’ARBITRAGE

(constitué en vertu du RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂ TIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS,
sous l’égide de la SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC. (SORECONI) organisme d’arbitrage agréé par la RÉGIE DU BÂTIMENT DU QUÉBEC chargée d’administrer
la Loi sur le bâtiment
(L.R.Q. c. B-1.1))

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE LAVAL

DOSSIER N° : 050401001 (045628 GMN)

MONTRÉAL, le 6 mars 2007

ARBITRE : Me ROBERT MASSON, ing., arb.

MÉLANIE ALLARD et KEVIN BÉLIVEAU
Bénéficiaires - Demandeurs

c.

EDIL NORD INC.

Entrepreneur

et

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC.

Administrateur de la garantie

SENTENCE ARBITRALE

[1]       L’arbitrage en l’instance s'inscrit dans la foulée d'un arbitrage tenu sous la présidence de l'arbitre Jacques E. Ouellet dont la décision est datée du 7 mai 2006.


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MÉLANIE ALLARD ET KE VIN BÉLIVEAU C. EDIL NORD INC .

[2]           Cette décision du 7 mai 2006 ne traite pas du point numéro 26 du rapport d'inspection du 12 juillet 2004 : Inclinaison du plancher au bas de la porte donnant sur la salle d'eau.

[3]           Lors de cet arbitrage menant à la décision du 7 mai 2006, l'arbitre Ouellet a refusé de reconnaître l'expert des bénéficiaires si bien que l'audition de toute la preuve relative au point numéro 26 a été remise. C'est de cette seule question dont l'arbitre soussigné est saisi.

[4]           L’audience a lieu le 12 décembre 2006, précédée par une visite des lieux.

[5]           Les bénéficiaires réclament la correction de la malfaçon et le remboursement des frais d’expert.

[6]           La valeur de cette demande d’arbitrage telle qu’établie lors de l’audition, est d'environ 10,000 $

Les faits

[7]           Dans son rapport d'inspection précité, l'inspecteur traite ainsi du point numéro 26 :

"Concernant les points qui suivent, nous sommes en présence de malfaçons non apparentes qui, conformément à l'article 3.2 du contrat de garantie, ont été dénoncées par écrit dans l'année suivant la réception. Par conséquent, l'entrepreneur devra effectuer les travaux mentionnés ci -dessous.

...

26. INCLINAISON DU PLANCHER AU BAS DE LA POR TE DONNANT SUR LA SALLE DE LAVAGE

Dénonciation :

Le bénéficiaire dénonce le fait que le plancher de la salle d'eau au rez-de-chaussée soit incliné vers l'arrière du bâtiment au bas de la porte donnant sur la salle de lavage. Cette situation étant particulièrement visible lorsque la porte est en position fermée.

Inspection :

Lors de notre inspection, nous avons été à même de constater l'inclinaison du plancher au bas de la porte donnant sur la salle de lavage. Selon les observations effectuées sur place, cette dénivellation est une malfaçon qui nécessite un correctif.

La cause probable pouvant expliquer cette situation est l'installation à l'origine d'une poutrelle à un niveau inférieur par rapport à celles attenantes. Nous ne croyons pas qu'il s'agisse d'un affaissement de la structure du plancher depuis la réception du bâtiment en raison du bon état des matériaux adjacents.


Travaux :

L'entrepreneur devra donc apporter les correctifs nécessaires afin de régler la situation. Une intervention à la structure du plancher peut apporter des résultats notables mais avec des conséquences possibles aux finis attenants. Une modification du bas de la porte donnant à la salle de lavage pourrait également être considérée. L'entrepreneur devra s'entendre avec le bénéficiaire à ce propos et faire part de ses intentions au soussigné avant d'entreprendre les travaux. "

[8]           De l'historique des travaux de correction effectués par l'entrepreneur en conformité du rapport d'inspection du 12 juillet 2004 et relativement à ce qui nous     occupe en l'instance la preuve testimoniale et documentaire non contredite soumise lors de l’audience et de la visite des lieux en compagnie des parties et de leurs experts nous apprend ce qui suit.

[9]         Une colonne télescopique soutenant l’extrémité d’une poutre du sous-sol soutenant la structure du plancher a été installée trop courtement. Une poutrelle située sous la salle de lavage dont l'un des points d'appui est sur cette poutre n'était en conséquence pas au niveau causant ainsi une dénivellation du plancher.  L'entrepreneur a corrigé la hauteur de la colonne. Ce faisant, les niveaux de la poutre  et de la poutrelle ont été redressés et du même coup celui du plancher. Une fois cette correction appliquée et les vérifications faites, les experts s'accordent pour dire que la malfaçon constatée par l'inspecteur ne résultait pas d'un affaissement de la structure du plancher mais bien d'une situation occasionnée par le niveau trop court de la poutre au sous-sol.

[10]      L'allongement de la colonne a permis un redressement du niveau de la poutre et de la poutrelle avec comme effet de rajuster la sous structure du plancher de la salle de lavage ; de le redresser passablement Des mesures effectuées montrent encore une légère dénivellation du plancher d’environ 3/8 de pouce le long de l'arête d’un mur.

[11]      Pour se conformer à la directive de l'inspecteur, l'entrepreneur a voulu corriger l'effet apparent de la légère dénivellation du plancher en modifiant le niveau du bas de la porte de la salle de lavage, selon la deuxième suggestion de l’inspecteur.

[12]      C'est avec cette suggestion de l'inspecteur de modifier le bas de la porte que les bénéficiaires sont en désaccord. D'où la demande d'arbitrage sur cette question.

[13]      Avant d’aller plus loin, il y a lieu de dresser le portrait de la situation qui nous occupe.

[14]      Pour accéder à la salle de lavage, il faut d’abord entrer dans la salle d’aisance. Cette salle d’eau fait en quelque sorte office de vestibule pour la salle de lavage. Si la porte de la salle d’eau donne sur les espaces de vie de la résidence, celle de la salle de lavage n’est pas visible, en temps normal, si la porte de la salle d’eau est maintenue fermée.


[15]      Après la réception du bâtiment, les bénéficiaires ont changé toutes les boiseries

de la maison pour installer des portes, des plinthes et des cadres de portes et de fenêtre en bois d'une qualité dispendieuse. Il ne reste à changer que la porte et le cadre de porte de la salle de lavage. Et les bénéficiaires divergent d’opinion avec la suggestion de l’inspecteur. Ils trouvent inacceptable qu'on doive couper une porte de ce prix pour l'ajuster en fonction du niveau du plancher. Ils exigent que le niveau du plancher soit nivelé en enlevant le recouvrement de plancher en tuile et en soufflant le plancher avant de reposer une nouvelle tuile à l'identique. Le deuxième argument contre la suggestion de l’inspecteur en est un de principe. Ils sont d’opinion qu’on ne doit pas couper quelque chose à angle pour le faire paraître droit.

Discussion

A)        Analyse

[16]      Il est acquis que depuis l’allonge ment de la colonne télescopique, le plancher a été mis quasiment à niveau. Il ne demeure qu’une légère dénivellation d’environ ⅜ de pouce sur une longueur de 48 pouces.

[17]      Si l’on pouvait émettre l’hypothèse d'un vice de construction ou d'une malfaçon avant l’inspection de la sous structure de plancher et avant les travaux de correction effectués par l’entrepreneur, il n’en est maintenant plus question. Les mesures prises lors de la visite des lieux ont également permis de constater qu’il n’y a pas de fléchissement de la poutrelle située sous la salle de lavage mais qu’il s’agit plutôt d’une dénivellation linéaire horizontale. C’est celle dont il est fait état au paragraphe précédent.

[18]      Lors de son témoignage, Rhéal Galarneau l’expert appointé par les bénéficiaires

s’est employé à faire la démonstration des mesures du dénivellement du plancher Ces relevés indiquent une dénivellation horizontale du plancher de ⅝ de pouce sur 2 mètres (78 po); et le chant du bas de porte présente un interstice variant de ¼ à de pouce. Ces écarts, affirme-t-il, sont supérieurs à la dénivellation de ¼ de pouce généralement reconnu comme étant le maximum de tolérance permise.

 

[19]      L’expert Galarneau appuie son analyse sur différents manuels de référence et exprime l’opinion que les dénivellations horizontales relevées tant du plancher que du chant du bas de porte de la salle de lavage sont hors des tolérances généralement reconnues. Par ailleurs, il ajoute que les interstices inégaux qui sont visibles sous les deux chants des portes de la salle d’aisance et de la salle de lavage présentent une apparence inesthétique.

[20]      Il se réfère d’abord à l’article 9. 4.3 du Code national du bâtiment (1995). Cet article traite du calcul de la flèche maximale d’une poutre et des tolérances dans la dénivellation causée par le fléchissement. Le Code indique que la flèche maximale


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   autorisée pour les poutres et solives et platelage de plancher ne peut être supérieure à L/360.

 

[21]        Il réfère ensuite au Manuel de calcul des charpentes de bois, (1995, édition révisée 1999) du Conseil canadien du bois qui indique : " Faute d'une méthode d'évaluation plus précise des limites acceptables des flèches, une limite supérieure
égale à 1/360 de la portée (L/360) doit être imposée..."

 

[22]        Il cite aussi le National Association of Home Builders, Residential Construction ,

Performance Guidelines 2nd edition, p. 15, 16 qui traite des observations suivantes :

 

"Wood floor is uneven. Floors shall not have more than a ¼ inch ridge or
dépression within any 32 -inch measurement...

...

Wood floor is out of level. -No point on the surface of a wood floor shall be more than ½ inch higher or lower than any other point on the surface within 20 feet, or proportionnal multiples of the preceeding dimensions."

 

[23]        Enfin, à la demande du Tribunal d'arbitrage, l'expert Galarneau fournit une copie du manuel des lignes directrices de la SCHL concernant la performance d'une nouvelle construction : CMHC New Construction Performance Guidelines to be used in Pre- Delivery Performance Inspections version 6.0, juillet 2003, où l'on retrouve, au paragraphe 7.12 :

"7.12 Floor or ceiling is out of level

7.12.1 No point on a floor or ceiling should be more than 17 mm. (in.) higher
or lower than any other point on the surface within 6 meters (20 ft.) (Note : This     is 1/360 of the span)"

[24]        Lors de son témoignage, l’inspecteur de la garantie s’est référé à la section 2-21 du Guide de performance de l’APCHQ réalisé par l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec qui traite de "Bosse ou déflexion apparaissant sur le plancher ". On y lit :

"Performance minimale attendue.

Les planchers ne devraient pas avoir de bosses ou de déflexions supérieures à ¼ po (6 mm) à l'intérieur de toute mesure de 32 po (813mm)."

[25]        De toutes ces références on note d'abord qu'il s'agisse de déflexion ou de dénivellation linéaire horizontale, que la valeur de consigne reste la même. Mais pour s'y retrouver, il faut d'abord uniformiser ces valeurs.

,                                                                       déflexion ou de
,

[26]        En faisant les calculs d'équivalence nécessaires, les résultats des valeurs de tolérance varient de 1/12 à 3/8 de pouce pour des longueurs variant de 32 pouces à 20 pieds en passant par 36 et 48 pouces, selon le manuel de référence utilisé.


[27]      C'est en notant toutes ces références disparates que l'indication du Manuel de calcul des charpentes de bois, (1995, édition révisée 1999) du Conseil canadien du bois prend tout son sens : " Faute d'une méthode d'évaluation plus précise ..."

[28]      Quoi qu'il en soit, de toutes les références qui précèdent, on peut tirer, après les calculs d'équivalence, que la limite de tolérance des dénivellations peut varier entre ⅛  et 3/8 de pouce sur une distance de 48 pouces.

[29]      Les mesures recueillies par l'expert Galarneau sont à peine légèrement supérieures à ⅜ de pouce sur 48 pouces pour la dénivellation horizontale du plancher et de ⅜ sur 48 pour l'interstice du chant de bas de porte.

[30]      Le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que le léger dépassement du dénivelé horizontal du plancher (0.385 vs 0.375 po) est aussi acceptable compte tenu qu'il s'agit d'un local utilitaire qui n'est en général pas aperçu des espaces de vie. Quant à l'interstice du bas de porte, il est dans les limites de l'acceptable.

[31]      Le Tribunal d'arbitrage est donc d'opinion de rejeter la réclamation des bénéficiaires quant au point 26 de la décision du 12 juillet 2004 de l'administrateur de la garantie.

[32]      Mais il y a lieu de se rappeler que cette réclamation s'inscrit dans le cadre d'une demande d’arbitrage plus large que ce seul point et que les bénéficiaires ont obtenu gains de cause sur plusieurs points de leur réclamation.

B)        Les frais d'expert

[33]        Les bénéficiaires réclament le remboursement des frais d’expert qu’ils ont dû engager pour le témoignage de Rhéal Galarneau de Groupe Équipro. Cependant, aucune preuve n'a été faite à l'égard de ces frais. En conséquence cette réclamation ne sera pas retenue.

C)       Les frais d'arbitrage

[34]      Quant aux frais d’arbitrage, l’article 123 du Règlement édicte que :

 

“(...)

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.”


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[35]      Les bénéficiaires ayant obtenu gain de cause sur plusieurs points de leur réclamation, les frais de l’arbitrage doivent être supportés par l’administrateur de la garantie.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE :

[36]      REJETE la réclamation des bénéficiaires quant au point 26 de la décision du 12 juillet 2004 de l'administrateur de la garantie.

[37]      RAPPELE que cette réclamation des bénéficiaires s'inscrit dans le cadre d'une demande d'arbitrage plus large que ce seul point et que les bénéficiaires ont obtenu gains de cause sur plusieurs points de leurs réclamations.

[38]      REJETE la réclamation des bénéficiaires pour le remboursement des frais d’expert qu’ils ont dû engager pour le témoignage de Rhéal Galarneau de Groupe Équipro.

[39]      LE TOUT avec les frais de l’arbitrage à la charge de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

(S) Robert Masson

Me ROBERT MASSON, ing., arb.

Pour les bénéficiaires :

Mélanie Allard et Kevin Béliveau, personnellement

Pour l'entrepreneur :

Carmelo Palumbo, son président

Pour l'administrateur de la garantie : Me Luc Séguin

Savoie Fournier, avocats

Date d'audience : 12 décembre 2006