ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no : GAMM2020-03-18 JD

 GCR: 1 18708-29-37

 

ENTRE:

JEAN-FRANÇOIS DROUIN

(ci-après le « Bénéficiaire »)

LES CONSTRUCTIONS PHILIPPE DOSTIE INC.

(ci-après 1'« Entrepreneur »)

LA GARANTIE CONSTRUCTION

RÉSIDENTIELLE (GCR)

(ci-après 1'« Administrateur »)

 

SENTENCE ARBITRALE

 

AUDIENCE : Tenue vendredi le 10 juillet 2020

Étaient présents :

Pour le Bénéficiaire: M. Jean-François Drouin

Pour l'Entrepreneur • M. Philippe Dostie

Pour l'administrateur de la Garantie Me Pierre Marc Boyer et

Mme Camille Bélanger tp.

PIÈCES AU DOSSIER

Bénéficiaire . Aucune

 

Entrepreneur . Administrateur :  aucune

  Décision de l'Administrateur du 10 février 2020

  LE MANDAT

 

1 . Le soussigné a été mandaté pour agir à titre d'arbitre, par correspondance du

Groupe d'Arbitrage et de Médiation sur Mesure (GAMM) le 18 mars 2020.

2.            La demande d'arbitrage du Bénéficiaire fut présentée le 11 mars 2020.

3.            Compte tenu de toutes les restrictions et contraintes causées par la pandémie de la COVID-19, ce dossier a été retardé pendant plusieurs semaines.

4.            Aucune objection préliminaire ne fut présentée et la juridiction du Tribunal fut reconnue.

 

LES FAITS

 

5.            Le Bénéficiaire demandait l'arbitrage, relativement aux trois points faisant l'objet de la décision de l'Administrateur soit .

« 1. Effritement des marches à l'escalier de béton;

2.    Écoulement à la douchette de la baignoire;

3.    Ouverture de la fenêtre de la cuisine; »

6.            L'inspectrice conciliatrice de l'Administrateur de la garantie, Madame Camille Bélanger, avait alors rejeté la réclamation du Bénéficiaire, à l'égard des points 1 et 2, et pris acte du désistement du Bénéficiaire, relativement au point numéro 3;

7.            Lors d'une conférence téléphonique tenue le 19 juin 2020, le Bénéficiaire se désista également du point numéro 2 de sa demande d'arbitrage, soit . L'écoulement de la douchette de la baignoire, ne laissant ainsi qu'un point à débattre, lors de l'audience, soit le point numéro 1, relatif à l'effritement des marches à l'escalier de béton avant de la résidence.

8.            A la demande du procureur de l'Administrateur, Me Pierre-Marc Boyer, il fut décidé que l'audience d'arbitrage débuterait par une visite des lieux, puis se poursuivrait au domicile même du Bénéficiaire au [...] à Salaberry de-Valleyfield.

 

LA PREUVE

 

9.           Lors de la visite des lieux il fut aisé de constater qu'il y avait effectivement fissuration et effritement du béton formant le balcon avant de la résidence du Bénéficiaire.

10.       Lors de son témoignage sous serment, le Bénéficiaire mentionna qu'il avait remarqué que le béton commençait à manifester de minuscules fissures à la surface du palier supérieur, dès l'automne 2016.

1 1. Plus tard, il admit qu'à la fin du premier hiver d'usage de la résidence, il avait remarqué que la fissuration s'était amplifiée et que de l'effritement apparaissait

également, bien qu'il ait fait très peu usage de produits déglaçants pendant l'hiver.

12. Le Bénéficiaire allégua également, qu'à la fin du deuxième hiver, 2017-2018, la fissuration s'était amplifiée. Ce qui, d'ailleurs, continua à se manifester dans les deux dernières années. L'effritement de la surface du béton avait aussi augmenté.

13.      A une question du soussigné, le Bénéficiaire répondit qu'il n'avait, en aucun temps, avant sa dénonciation du 17 juillet 2019, pris contact avec l'Entrepreneur, pour lui faire part de ses constatations relatives au balcon, ni ne lui avait fait parvenir quel qu'écrit que ce soit.

14.      Lors de son contre-interrogatoire par le procureur de l'Administrateur, le Bénéficiaire répéta ce qu'il venait d'offrir en témoignage principal, sans y changer quoi que ce soit.

15.      Le témoin n'a apporté aucun élément de preuve à l'effet qu'il aurait été empêché de dénoncer la problématique à l'intérieur des délais prévus au Règlement et au Contrat de garantie.

16.      L'Administrateur de la Garantie fit ensuite témoigner Mme Camille Bélanger, l'inspectrice-conciliatrice, auteure de la décision du 10 février 2020, qui indiqua au tribunal que le fondement de sa décision était le retard du Bénéficiaire dans sa dénonciation des faits en litige, puisqu'il s'était écoulé plus de six (6) mois entre le moment de la découverte de la problématique et ladite dénonciation le 17 juillet 2019;

17.      D'autre part, Mme Camille Bélanger, souligna que, selon elle, considérant que la problématique s'était effectivement manifestée dans l'année suivant la réception du bâtiment le 12 août 2016 et l'observation des symptômes avant

et pendant l'hiver 2016-2017, il s'agissait, par conséquent, d'une problématique couverte par la garantie contre les malfaçons apparaissant à l'article 10 par. 3 du Règlement qui se lit comme suit :

« La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

4e « La réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découverte dans l'année qui suit la réception, visée aux articles 2113 et 2120 du Code Civil et dénoncées, par écrit, à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons; »

18.      Les articles cités du Code Civil vont comme suit .

« Article 2113 c.c.q, le client qui accepte sans réserve, conserve, néanmoins, ses recours contre l'Entrepreneur aux cas de vices et malfaçons non apparentes;

Article 2120 c.c.q. L'Entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur pour les travaux qu'ils ont dirigés ou surveillés et, le cas échéant, le sousentrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont tenus, conjointement pendant un an de garantir l'ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception, ou découverte dans l'année qui suit la réception. »

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

19, L'inspectrice-conciliatrice de l'Administrateur de la Garantie a pris pour acquis que le délai pour dénoncer une malfaçon, était de six mois (6), or, en vertu du nouveau Règlement sur le plan de garantie applicable depuis le 1 er janvier 2015, il s'agit plutôt d'un « délai raisonnable » que le tribunal et les intervenants de l'Administrateur doivent appliquer.

20.       Qu'en est-il du délai sur lequel nous avons à nous pencher dans le présent dossier, alors que les premières constatations datent de l'hiver 2016-2017, puis une aggravation des manifestations à l'hiver 2017-2018 pour finalement amener une dénonciation le 17 juillet 2019, sont établies par la preuve.

21.       Le tribunal pourrait-il acquiescer à la demande du Bénéficiaire, pour conclure à un délai raisonnable dans les circonstances, puisque, dit-il, s'il avait dénoncé la problématique dès le premier ou deuxième hiver, personne n'aurait conclu qu'il y avait effectivement un problème réel et aucune solution n'aurait été proposée ou apportée;

22.       Dans un litige de « Ulric Rousseau c. 9253-5400 Québec Inc. et PricewaterhouseCoopers, ès qualités d'administrateur provisoire du plan de garantie pour la Garantie Habitation du Québec Inc., sous la signature de Me

Jean Philippe Ewart, le 12 juillet 2018, nous pouvons lire que

[661 La jurisprudence considère que le caractère raisonnable du délai de dénonciation prévu à l'article 1739 C. c. Q. doit s'apprécier au cas par cas, en fonction des circonstances propres à chaque dossier. Il en est de même pour nos fins à l'article 27 du Règlement.

[671 Les auteurs Baudouin et Renaud écrivent (2016) que

Un délai plus long que la normale peut se justifier s'il y a des circonstances particulières, telles des tentatives de remédier aux problèmes, des pourparlers de rèqlement, des essais de réparation.

[681 La jurisprudence, à diverses reprises et depuis de nombreuses années, souligne des circonstances particulières pour justifier un délai raisonnable qui s'éloigne d'une règle qui demeure d'ailleurs empirique.

[691 La Cour d'appel (1988) dans l'affaire Meunier c. Fontaine sur une action en diminution de prix où la ratio est uniquement sur le délai raisonnable (alors sous 1530 C.C.B.-C) considère la question du préjudice au vendeur (appelant), et statuant que celui-ci n'a pas prouvé de préjudice créé par le délai de 9 mois qui s'est écoulé entre [de] la connaissance des défauts cachés », conclut que le « délai ne peut causer aucun préjudice à l'appelant » et détermine que ce délai est alors raisonnable.

23.       Il apparaît clairement au tribunal que le délai de trois années et demie couru, de la première constatation à la dénonciation, qui découle probablement plus d'une incompréhension ou ignorance des dispositions du contrat de garantie que de négligence, reste quand même excessif.

 

CONCLUSION

 

24.        CONSIDÉRANT le délai couru entre les premières constatations de la malfaçon affectant le béton du balcon avant de la résidence et la dénonciation, soit plus de trois (3) années;

25.        CONSIDÉRANT que le Bénéficiaire n'a démontré aucun empêchement quant à ce retard à dénoncer la problématique;

26.        CONSIDÉRANT la jurisprudence en la matière, Le Tribunal n'a d'autre choix que de REJETER la demande d'arbitrage;

POUR CES MOTIFS, le tribunal :

REJETTE la demande d'arbitrage du Bénéficiaire;

MAINTIENT la décision de l'Administrateur de la Garantie datée du 10 février 2020;

CONDAMNE le Bénéficiaire à payer les frais d'arbitrage à hauteur de 50$;

Au regard des articles 116 et 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs CONDAMNE L’Administrateur de la Garantie à payer tous les frais d'arbitrage sauf pour une somme de 50$ représentant la condamnation du Bénéficiaire auxdits frais.

 

 

FAIT À BOISBRIAND, le 17 juillet 2020

Jean Doyle, avocat

Arbitre

 

JDY : 2020-03-18-JD - (GAMM)

AUTORITÉ : Ulric Rousseau c. 9253-5400 Québec Inc. et PricewaterhouseCoopers, ès qualités d'administrateur provisoire du plan de garantie pour la Garantie Habitation du Québec Inc., par l'écriture de Me Jean Philippe Ewart, le 12 juillet 2018