ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
ENTRE : FRANCIS BOISSEL;
(ci-après le « Bénéficiaire »)
ET : LES CONSTRUCTIONS CAMILLE VEILLETTE & FILS INC.;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier CCAC : S14-091201-NP
Décision
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour le Bénéficiaire : Me Pierre Soucy
Pour l’Entrepreneur : Me Lisa Fournier
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Date de la Décision : 15 octobre 2015
Identification complète des parties
Bénéficiaire : Monsieur Françis Boissel
[…] Trois-Rivières (Québec) […]
Et son procureur :
Me Pierre Soucy
Lambert Therrien
473, rue Radisson, C.P. 1900
Trois-Rivières (Québec) G9A 5M6
Entrepreneur: Les Constructions Camille Veillette & Fils Inc.
2254, St-Jean
Saint-Maurice (Québec) G0X 2X0
Et leur procureur :
Me Lisa Fournier
KSA Avocats
5790, boul. Étienne-Dallaire
Bureau 205
Lévis (Québec) G6V 8V6
Administrateur : La Garantie Habitation du Québec Inc.
9200, boul. Métropolitain Est
Montréal (Québec) H1K 4L2
Et son procureur :
Me François-Olivier Godin
Bélanger Paradis avocats
9200, boul. Métropolitain Est
Montréal (Québec) H1K 4L2
Plumitif
12.09.2014 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe du Centre
23.09.2014 Transmission aux parties, par le greffe, de la notification d’arbitrage
01.10.2014 Transmission aux parties, par le greffe, de la nomination de l’arbitre
17.10.2014 Réception de la comparution de Me Lisa Fournier (KSA Avocats) pour l’Entrepreneur
20.10.2014 Réception de la comparution de Me François-Olivier Godin (Bélanger Paradis avocats) pour l’Administrateur ainsi que du cahier de pièces
23.10.2014 LT aux parties recherchant disponibilités pour fixer appel conférence / conférence de gestion
26.11.2014 LT aux parties recherchant nouvelles disponibilités pour refixer (incompatibilité des dates précédemment proposées)
09.12.2014 LT aux parties, re : confirmation date et heure de l’appel conférence / conférence de gestion (au 6 janvier 2015)
06.01.2015 Appel conférence / conférence de gestion
07.01.2015 Procès-verbal d’appel conférence et transmission aux parties
23.03.2015 LT de Me Godin pour refixer appel conférence / conférence de gestion
23.03.2015 LT de Me Soucy pour refixer appel conférence / conférence de gestion
25.03.2015 LT de Me Fournier demandant copie du procès-verbal du 6 janvier 2015
01.04.2015 LT aux parties par le greffe, re : transmission d’une copie du procès-verbal du 6 janvier et recherchant disponibilités pour refixer appel conférence / conférence de gestion
02.04.2015 LT aux parties, re : confirmation date et heure de l’appel conférence / conférence de gestion (au 23 avril 2015)
22.04.2015 Courriel aux parties, re : rappel quant à l’appel conférence / conférence de gestion prévu le 23 avril 2015
10.06.2015 LT aux parties, re : confirmation date, heure et endroit de l’enquête et audition (prévue le 22 juin 2015)
15.06.2015 LT de Me Soucy demandant remise de l’enquête et audition prévue le 22 juin 2015
16.06.2015 LT aux parties, re : fut-il convenu d’une discussion entre les parties quant aux frais de remise du 22 juin (remise à moins de 30 jours)
16.06.2015 LT de Me Godin, re : pas d’opposition à la remise et position quant aux frais de remise
17.06.2015 LT de Me Fournier, re : pas d’opposition à la remise et position quant aux frais de remise
25.06.2015 LT aux parties, re : disponibilités pour refixer enquête et audition
29.06.2015 LT aux parties, re : confirmation de l’enquête et audition pour mercredi le 23 septembre 2015
17.09.2015 LT aux parties, re : confirmation date, heure et endroit de l’enquête et audition
23.09.2015 Enquête et audition, Palais de justice de Trois-Rivières, salle 3.11
15.10.2015 Décision
Admission
[1] Il s’agit d’une unité résidentielle non détenue en copropriété aussi connue et identifiée comme le […] à Trois-Rivières (ci-après l’«Unité»);
[2] Réception de l’Unité fut le 10 juin 2007;
[3] La première réclamation écrite du Bénéficiaire fut en date du ou vers le 28 février 2011;
[4] Il y a eu un (premier) rapport de conciliation daté du 5 mai 2011 (pièce A-4);
[5] Il y a eu une seconde réclamation écrite (demande de réouverture de dossier) du Bénéficiaire en date du 6 août 2014 (pièce A-5) et une «fin de non-recevoir» de l’Administrateur datée du 12 août 2014 (pièce A-7) (laquelle faisait réponse à la pièce A-5);
[6] Suite à la réception de cette «fin de non-recevoir» de l’Administrateur, le Bénéficiaire formule une demande d’arbitrage (pièce A-2);
Valeur en litige
[7] La valeur en litige est de classe 5 ( + de 60 000 $);
Décision
Questions en litige
[8] Une conférence téléphonique tenant place de conférence préparatoire eue lieu mardi le 6 janvier 2015. Il fut alors véhiculé par les procureurs de l’Entrepreneur (avec l’appui des procureurs de l’Administrateur) certaines exceptions;
[9] Il fut alors décidé, dans la collégialité, qu’il était opportun, avant de prévariquer temps et ressources sur le mérite des prétentions des parties, d’adresser les exceptions soulevées lesquelles sont :
[9.1] le document du 12 août 2014 (pièce A-7) n’inclut pas les éléments constitutifs d’une décision de l’Administrateur et n’est donc pas sujet à être porté en arbitrage;
[9.2] Les Bénéficiaires n’ont pas dénoncé la problématique en temps opportun (infine l’article 10 du Règlement[1]);
[9.3] À tout évènement, la couverture est périmée / expirée;
LA PREUVE
[10] Tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrai pas ici tous et chacun des éléments de preuves et de plaidoiries; je me permettrai de me limiter aux éléments déclencheurs d’importance;
Prétention de l’Administrateur
[11] Selon l’Administrateur, le rapport de conciliation du 5 mai 2011 (pièce A-4) est une décision «finale». Elle comprend tous les éléments advenant désaccord pour être portée en arbitrage. Elle incorpore les avis et la liste des centres d’arbitrage qui sont accrédités par la Régie du bâtiment;
[12] Le Règlement prévoit certaines formalités obligatoires à être incluses suite au(x) conclusion(s) de tout rapport de conciliation, notamment l’obligation de transmettre ce rapport par courrier recommandé. Selon la preuve administrée, ceci a été fait en 2011;
[13] Il n’y a pas eu de demande d’arbitrage formulée, du moins en temps opportun sur cette décision;
[14] Selon l’Administrateur, rien ne suggère, que le Bénéficiaire était alors dans l’impossibilité de faire une demande d’arbitrage suivant réception de la décision de 2011 (pièce A-4) et rien n’explique (comprendre ne justifie) pourquoi la demande d’arbitrage leur est parvenue plus ou moins trois (3) ans plus tard (pièce A-5). Donc, selon l’Administrateur, ce délai est totalement inacceptable;
[15] Suit une période d’immobilisme de trois (3) ans, le Bénéficiaire obtient un rapport d’expert (juillet 2014 à pièce A-6) qui démontre une situation potentiellement problématique d’où la demande de «réouverture» par le Bénéficiaire (pièce A-5);
[16] Subsidiairement, l’Administrateur nous plaide que si la correspondance de l’Administrateur du 12 août 2014 (pièce A-7) peut être considérée comme une «nouvelle décision» (ce qui n’est pas suggéré ni même inféré par ces derniers), cette «nouvelle décision» est bien fondée puisque la demande des Bénéficiaires a été formulée plus de deux (2) ans après l’expiration de la garantie;
Prétentions de l’Entrepreneur
[17] Les procureurs de l’Entrepreneur supportent la position de l’Administrateur à l’effet que la décision du 5 mai 2011 (pièce A-4) est une décision finale;
[18] Stylobate de cette réflexion, Me Fournier expose qu’on parle d’une Unité qui fut construite à Trois-Rivières et à une époque à laquelle on savait qu’il y avait des problématiques à la pyrrhotite. Monsieur Boissel (le Bénéficiaire), insatisfait de la décision du 5 mai 2011 (pièce A-4), ne fait rien. Il n’y a pas d’éléments entre mai 2011 et juillet / août 2014 qui explique ou autrement justifie l’immobilisme du Bénéficiaire; il n’y a pas, non plus, de preuve d’évolution de la situation ce qui la ramène à dire que le point de départ était les premières manifestations et donc, que la demande d’août 2014 (pièce A-5) est ostensiblement hors délais;
[19] Selon le procureur de l’Entrepreneur, ce que le Bénéficiaire tente ici est de faire «revivre» un vieux dossier «éteint» par le biais duquel il espère faire rétablir ses droits;
[20] Subsidiairement, et se référant aux pièces A-4, A-8 ou A-9, nous sommes en présence de deux (2) possibles dates de fin des travaux : soit le 10 juin 2007 ou le 20 août 2007. Donc, et à supposer qu’on accepte la plus tardive des deux (2) dates, soit le 20 août 2007 (comme la date de fin des travaux), la garantie offerte par l’Administrateur expirait au 20 août 2012. Le Bénéficiaire fait faire une expertise et formule une demande en 2014. Le plan de garantie est d’une durée limité, il est d’au plus cinq (5) ans et après (au plus tard) le 20 août 2012, il n’y avait plus de couverture;
Preuve du Bénéficiaire
Témoignage de Francis Boissel
[21] En 2011, Monsieur Boissel avait constaté des fissures sur le solage de son bâtiment et il avait des inquiétudes à savoir s’il y avait ou non «présence de pyrrhotite» (sic) dans l’amalgame qui composait les fondations de son Unité. Le conciliateur de Garantie Qualité Habitation est venu sur place pour vérifier les fissures et il informe le Bénéficiaire que selon lui, il s’agit de fissures de retrait, que ça n’avait pas de lien avec la pyrrhotite mais étant donné que la pyrrhotite pouvait «avoir des développements», le Bénéficiaire affirme que le conciliateur lui aurait alors déclaré «qu’il (comprendre le Bénéficiaire) devait garder sa maison sous observation» puis de l’aviser (l’Administrateur) s’il (le Bénéficiaire) voyait qu’il y avait une dégradation des fondations. Le Bénéficiaire lui aurait alors demandé si une «expertise» était nécessaire pour se faire répondre que «ça ne donnerait rien de faire faire l’analyse» étant donné que les taux acceptables n’étaient pas encore déterminé, qu’une étude était en cours puis que tant que cette «étude» n’était pas conclue, «les normes canadiennes acceptables ne seraient pas connues» (sic);
[22] Le Bénéficiaire témoigne ensuite à l’effet qu’il aurait alors contacté un dénommé Michel Bergeron de Béton Laurentides. Il avait déjà travaillé pour Béton Laurentides et connaissait ce Monsieur Bergeron. Ce dernier l’informe alors et le Bénéficiaire le cite : «dans le fond, je (Monsieur Bergeron) ne peux pas garantir qu’il n’y pas de pyrrhotite»;
[23] Faute de liquidité, le Bénéficiaire ne fait rien;
[24] Ce n’est que beaucoup plus tard (en 2014), alors que le Bénéficiaire, suite à certaines démarches en vue de vendre son Unité et conséquence que tous les acheteurs potentiels demandaient à avoir une analyse du béton, qu’une analyse fut obtenue (pièce A-6);
[25] Le Bénéficiaire est précis; la raison pour laquelle il n’a pas fait faire d’analyse en 2011 - 12 ou 13 était que financièrement, il n’en n’était pas capable et que plus tard (en 2014) ayant l’intention de vendre l’Unité, un rapport d’expertise sur le potentiel de gonflement sulfatique de granulat de béton est devenu une pré condition essentielle exigée de tout acheteur potentiel. Il dû alors s’y contraindre;
Contre interrogatoire de M. Boissel
[26] Aux questions des procureurs de l’Administrateur et de l’Entrepreneur, Monsieur Boissel déclare :
[26.1] Entre la réception de la décision du 5 mai 2011 (pièce A-4) et la transmission du rapport d’experts (pièce A-6), il n’a pas communiqué avec la garantie. Il n’a pas écrit de lettre, de courriel ou placer d’appel(s) téléphonique(s);
[27] Il justifie son immobilisme parce que c’était à lui à «soulever le point» si quelque chose se manifestait i.e. : s’il y avait aggravation ou détérioration. La garantie n’ayant pas dit : «on va revenir». Il n’avait pas à se demander si et/ou quand un représentant de la garantie «reviendrait», «c’était à moi (le Bénéficiaire) de faire suivi s’il y avait aggravation»;
[28] La compréhension du Bénéficiaire était à l’effet qu’il avait fait part d’une problématique à l’intérieur du délai de cinq (5) ans et qu’il y avait une interruption des délais tant et aussi longtemps que quelqu’un ne se (re)prononcerait pas;
Me Soucy intervient et précise
[29] L’Administrateur aurait déclaré que, et parce qu’il n’y avait aucun signe visible de détérioration, il (l’Administrateur) va «laisser la maison en observation». C’est ce qui aurait été dit au Bénéficiaire et le sens de ce propos est repris à la page 5 de 6 du rapport de conciliation du 5 mai 2011 (pièce A-4);
[30] Que l’Unité est, sera et demeurera en «observation» tant et aussi longtemps que ce problème qui affecte la région n’est pas «clarifié» par soit une décision des tribunaux ou, soit comme Monsieur Boissel le dit en rapportant les propos de Monsieur Robillard, que la science n’a pas déterminé les taux acceptables de pyrrhotite;
[31] L’article 18 du Règlement prévoit que la procédure d’arbitrage s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 10, ce qui est, selon eux, le cas. Le Bénéficiaire dénonce par écrit à l’Entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet, en 2011, une copie de cette dénonciation à l’Administrateur en vue d’interrompre la prescription. Ce que Me Soucy plaide aujourd’hui, c’est que la prescription a été interrompue au moment où Monsieur Boissel a dénoncé la problématique de pyrrhotite en 2011;
[32] Prescription a été interrompue par le dépôt de la plainte en 2011 et compte tenu du témoignage non contredit de Monsieur Boissel et des propos rapportés de Monsieur Robillard, compte tenu de l’interprétation du texte de la décision qui précise que présentement, il n’y a aucun signe ou aucun problème sérieux et qu’on invite alors le Bénéficiaire à suivre l’évolution des fondations et qu’on lui dit que «la garantie est toujours en vigueur parce qu’en observation», pour toutes ces raisons, la demande du Bénéficiaire de «réouverture» est opposable à l’Administrateur;
Réplique de l’Administrateur
[33] Selon l’Administrateur, lorsque ce dernier met un bâtiment «sous observation», ce que la garantie fait s’est de s’engager à un calendrier d’évènements (pouvant inclure un rapport complémentaire). On prévoit termes et délais. La décision du 5 mai 2011 (pièce A-4), qui est, selon l’Administrateur, la seule décision, ne fait pas mention qu’il allait avoir un rapport complémentaire, qu’il fallait revenir et/ou autrement (ré) évaluer la situation;
[34] La décision de 2011 ne prévoit aucune modalité de mise en observation. L’Administrateur n’a jamais prévu de faire un quelconque suivi pour la simple et bonne raison que la garantie n’a pas mis ce bâtiment-là sous observation. Sinon, ceci aurait été écrit noir sur blanc. Ce qu’on constate, à la lecture de cette décision, selon l’Administrateur, c’est : «par conséquent, la garantie ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat» et est absent que «le bâtiment est mis sous observation». C’est une décision qui est finale et toute l’interruption de la prescription est rompue, la décision est finale et les délais acquisitifs de prescription repartent;
[35] Les Bénéficiaires ont négligé de faire un suivi auprès de la garantie et aujourd’hui, interprètent une décision de 2011 afin de faire revivre un droit éteint depuis plus de trois (3) ans;
[36] Prétendre que la garantie a mis l’Unité sous observation et qu’elle «suspendait» les délais de prescription de manière indéfinie, non seulement c’est contraire au texte même de la garantie mais c’est contraire à «l’esprit de pérennité de la garantie» (sic);
[37] Si le Bénéficiaire adopte la position que cette décision de 2011 dit que l’Unité est garantie pour une durée indéterminée en faisant abstraction de tout délai prévu dans le Règlement, l’Administrateur, pour sa part, nous plaide que les arguments qui sont proposés par le Bénéficiaire au niveau de l’interruption de la prescription ne s’appliquent simplement pas parce que la décision, à sa lecture, s’explique d’elle-même et était finale;
JUGÉ
[38] Le passage ginglyme de la décision du 5 mai 2011 (pièce A-4) et porteur des prétentions du Bénéficiaire, de l’Administrateur et de l’Entrepreneur mérite ici d’être repris in extensio;
[39] Donc, et après avoir suggéré que la situation décrite est attribuable à un comportement normal des matériaux (comprendre des fissures de retrait dû à l’assèchement après livraison de l’Unité) et vu que les réparations rendues nécessaire par un comportement normal des matériaux sont exclues du plan de garantie, la plume de Monsieur Denis Robillard, T.P., avant de conclure, stipule :
«Présentement, aucun signe ne laisse présager un problème au bâtiment. La pyrrhotite étant un problème qui a une évolution très rapide, nous demandons au Bénéficiaire, dans les circonstances actuelles, de suivre l’évolution des dites fissures et signaler l’aggravation significative à son entrepreneur «Les Constructions Camille Veillette et Fils Inc.» et copie à «La Garantie Qualité Habitation» afin de procéder à une inspection supplémentaire.
Par conséquent, la Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat.»
[40] Plus tôt (à ce même rapport de conciliation) Monsieur Robillard s’était préalablement prononcé à l’effet que, et lors de son inspection des lieux, le Bénéficiaire n’avait pas démontré et le conciliateur n’avait pas constaté de défaut de construction à la fondation résultant de vices cachés ou de vices de construction;
[41] Le document (rapport de conciliation, pièce A-4), par la suite, se conclu en informant le Bénéficiaire des recours qui lui sont disponible. Si, à la suite de sa lecture de ce rapport, il expérience un différend, la médiation et/ou l’arbitrage lui étant alors disponible;
[42] À l’image de la Loi, il arrive que des documents suscitent des difficultés d’interprétation. Il arrive (trop souvent) que certains documents ne soient pas toujours rédigés de manière claire. Dans le cas sous étude, il est inexorable que les parties contestent le sens et la signification d’un des paragraphes du rapport de conciliation de l’Administrateur;
[43] Les règles d’interprétation ont, depuis longtemps, été définies et en bout de ligne, c’est le décideur qui interprète et qui doit rechercher le sens commun du document;
[44] L’interprétation relève du pouvoir d’appréciation des décideurs au fond. Cette appréciation est assortie, d’entre autre, une limite qui est celle de ne pas dénaturer et/ou modifier le sens ou la portée;
A) La méthode textuelle (le sens courant et le sens technique)
[45] La méthode textuelle ou littérale exige que l’on donne au texte (aux phrases) le sens des mots employés. Or, il est vrai que les mots n’ont pas de sens en soi mais plutôt le sens qui leur sont donnés dans des contextes. L’académie française suggère différents «cercles» de contexte qui contribuent à définir le sens des mots : il peut s’agir du sens courant ou populaire, de celui des dictionnaires généraux ou encore du sens conforme aux usages dans la communauté juridique (ou dans la communauté dont les parties sont membres). J’exclus ici des définitions que les parties elles-mêmes se sont données puisque ceci, ici, n’est pas applicable;
[46] Toujours selon l’académie française, tenancière de la «règle du texte clair», la méthode littérale devrait avoir préséance sur les autres méthodes;
[47] Cette méthode littérale exige que l’interprète soit fidèle au texte; elle se traduit par une présomption par l’ajout de mots ou l’élargissement du sens;
Le sens courant
[48] Le sens ordinaire des mots s’est d’abord le sens courant, le sens des mots dans le langage commun. Puisque ce sens est supposé connu de tous les membres de la société, mon expérience m’apprend que les juges attribuent fréquemment un sens «commun» à un mot sans faire appel à quelle qu’autorité que ce soit;
Le sens technique
[49] Certaines expressions possèdent un sens particulier dans un domaine d’activités spécifiques. Lorsqu’un contrat relève d’un domaine spécialisé ou porte sur des concepts techniques, il peut être approprié d’écarter le sens courant d’un terme pour y substituer le sens technique. Cependant, le sens courant sera néanmoins privilégié si le sens technique est incompatible avec le contexte ou l’objectif poursuivi; ici, aucun vocabulaire «technique» ne justifierait de dénaturer le sens «commun»;
B) La méthode contextuelle (contexte et cohérence, circonstances, méthode téléologique)
Contexte et cohérence
[50] L’article 1427 du Code civil du Québec invite à interpréter les phrases «les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble». Le principe est fondé sur une présomption de cohérence interne du texte. Un auteur n’est pas censé s’être contredit. Il faut donc interpréter en tenant compte de son contexte immédiat ou interne, c’est-à-dire des autres dispositions du même document;
[51] L’article 1426 C.p.c., quant à lui, suggère d’interpréter un document à l’aide de son contexte «externe» c’est-à-dire d’éléments qui ne figurent pas nécessairement au document mais qui peuvent donner des indices quant à l’intention des parties : ici, les circonstances dans lesquelles il a été rédigé et les usages doivent prévaloir;
Circonstances
[52] L’article 1426 C.p.c. peut, de plus, nous être d’utilité puisqu’il prévoit, entre autre, qu’il faut tenir compte des circonstances ayant entourées la conclusion d’un écrit. Ceci crée, en quelque sorte, une présomption voulant qu’une partie ait donné un sens conforme à l’usage des expressions qu’il emploie usuellement;
Méthode téléologique
[53] Ceux qui composent un document recherchent généralement à accomplir quelque chose. Or, les différentes dispositions d’un écrit doivent être considérées comme des moyens concourants à la réalisation d’un objectif. Ainsi, pour comprendre le sens d’une disposition, il est nécessaire de prendre cet objectif en considération et de retenir une interprétation qui favorise l’accomplissement plutôt qu’une interprétation qui compromet;
[54] Je me dois donc d’identifier l’objectif de l’écrit (pièce A-4);
[55] Appliquer les méthodes téléologiques exige que je recherche et que j’identifie l’objectif poursuivi par l’auteur. Pour ma part, cet objectif est exprimé en toutes lettres dans le document : «le Bénéficiaire n’a pas démontré et l’Administrateur n’a pas constaté de défaut, il s’agit d’un comportement normal des matériaux et qui est exclu de la garantie»;
[56] L’auteur, par la suite, informe le lecteur que «aucun signe ne laisse présager un problème sérieux» avant d’informer ce même lecteur que les problèmes reliés à la pyrrhotite peuvent connaître des évolutions très rapide et pour cause, demander au Bénéficiaire de suivre l’évolution des fissures et de signaler toute(s) aggravation(s) significative(s). Tel que ci-haut repris, l’Administrateur ensuite informe le Bénéficiaire des recours advenant insatisfaction de cette décision;
C) Non-renonciation à un droit
[57] Plusieurs décisions affirment également qu’une partie à un écrit n’est pas présumée renoncer à un droit. L’application de ce principe dépend également de ce qu’on considère comme un «droit». La présomption de non-renonciation a donc pour effet de protéger certains droits, facultés ou libertés que l’interprète juge particulièrement important;
[58] Bien que les tribunaux aient admis la possibilité d’une renonciation implicite, rien dans le texte sous la plume du conciliateur Robillard (pièce A-4) suggère que l’Administrateur entend se porter garant de vices de construction en-deçà et en-delà de la période quinquennale de couverture;
[59] Mon processus interprétatif me demande de faire appel au caractère raisonnable (ou déraisonnable) d’une interprétation et au-delà donc du sens de certains mots, la méthode textuelle, le sens courant et la méthode contextuelle m’imposent l’interprétation la plus plausible;
[60] Au-delà du sens de certains mots, ce texte m’apparaît clair : le rapport de conciliation du 5 mai 2011 (pièce A-4) est une «décision finale» et l’Administrateur avait alors déconsidéré la demande du Bénéficiaire et aucune renonciation à quelques délais n’y est suggérée;
Conclusions
[61] Le tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur les plans de garantie pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litige qui relève de l’application d’autre(s) loi(s) même s’il peut penser que d’autre(s) loi(s) pourraient s’appliquer au litige;
[62] Pour l’ensemble des motifs ci-haut repris, je me dois d’accepter et de maintenir la décision de l’Administrateur et je me dois de rejeter la demande du Bénéficiaire (la demande d’arbitrage). Le tout, sans préjudice et sous toute réserve du droit qui lui est sien (le Bénéficiaire) de porter devant les tribunaux civils sa prétention ainsi que de rechercher les correctifs qu’il réclame, sujet bien entendu aux règles de droit commun et de la prescription civile;
[63] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et vu que le Bénéficiaire n’a pas obtenu gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, je me dois de départager les coûts d’arbitrage entre l’Administrateur et le Bénéficiaire;
[64] En conséquence, les frais d’arbitrage aussi bien en droit qu’en équité, selon les articles 116 et 123 du Règlement, seront partagés entre le Bénéficiaire pour la somme de cinquante dollars (50 $) et l’Administrateur du plan de garantie pour la balance du coût du présent arbitrage;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;
MAINTIENT la décision du 5 mai 2011;
Le tout, avec frais à être départagé entre le Bénéficiaire pour le somme de cinquante dollars (50 $) et l’Administrateur pour la balance du coût du présent arbitrage.
Montréal, le 15 octobre 2015
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Me Michel A. Jeanniot
Arbitre / CCAC