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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Jacques Chouinard

(ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

Construction Jolivar inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier APCHQ : 145927-1

No dossier GAMM : 2010-08-004

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour le bénéficiaire :

M. Jacques Chouinard

 

Pour l'entrepreneur :

M. Léo Ouellet

 

Pour l'administrateur :

Me Luc Séguin

 

Date d’audience :

21 septembre 2010

 

Documentation reçue jusqu’au :

24 septembre 2010

 

Lieu d’audience :

Cowansville

 

 

Date de la sentence :

6 octobre 2010

I : INTRODUCTION

[1]           Il s’agit ici d’une maison unifamiliale située à Cowansville et appartenant à M. Jacques Chouinard.

[2]           La réception s’est effectuée le 15 juillet 2008.

[3]           Dans une lettre datée du 17 juillet 2009, le bénéficiaire adressait à l’entrepreneur, copie conforme à l’administrateur, une réclamation comportant sept éléments à corriger; l’administrateur a reçu cette requête le 3 août 2009.

[4]           À la suite de cette réclamation, l’administrateur a émis un rapport de décision en date du 12 avril 2010.

[5]           M. Chouinard a alors choisi de porter en arbitrage les éléments suivants faisant l’objet de la décision de l’administrateur :

-       Béton désagrégé sur l’escalier extérieur avant

-       Ajustement de la porte séparant la maison et le garage

-       Mécanisme de la porte de garage non sécuritaire

[6]           Après avoir été dûment convoqué, l’entrepreneur n’a délégué aucun représentant lors de l’audience.

[7]           En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné :

-       M. Jacques Chouinard, bénéficiaire

-       Mme Marie-Claude Laberge, Service de conciliation pour la GMN de l’APCHQ

[8]           À l’appui de son argumentation, le procureur de l’administrateur a soumis la décision suivante : Syndicat de copropriété « Au pied du pont 2 » et Services d’immeubles Groupe Xpansion inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 21 février 2008, arbitre Claude Dupuis.

II : BÉTON DÉSAGRÉGÉ SUR L’ESCALIER EXTÉRIEUR AVANT

[9]           La visite des lieux a démontré que le béton sur l’escalier extérieur avant s’est désagrégé de façon prématurée.

[10]        En cours d’enquête, l’administrateur a admis qu’il s’agissait d’une malfaçon.

[11]        Le bénéficiaire a témoigné à l’effet qu’il a pris connaissance de la situation en avril 2009, alors que la réception du bâtiment a eu lieu le 15 juillet 2008; il a adressé sa dénonciation à l’administrateur le 17 juillet 2009.

[12]        Le procureur de l’administrateur argumente que cette dénonciation est tardive, soit deux jours après la durée de la garantie d’un an, et qu’il faut lire l’article 10.3° du plan de garantie en parallèle avec l’article 18.1° :

10.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

[…]

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

[…]

18.  La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 10:

  1°    dans le délai de garantie d'un, 3 ou 5 ans selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l'entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l'administrateur en vue d'interrompre la prescription;

[…]

[13]        Le soussigné soumet qu’en regard de l’article 10.3°, la présente réclamation du bénéficiaire est conforme aux exigences de cet article; en effet, il a découvert la malfaçon avant l’expiration de la garantie d’un an et il l’a dénoncée à l’administrateur bien avant l’expiration du délai de six mois, soit après trois mois de la découverte.

[14]        En regard de l’article 18.1°, le procureur de l’administrateur prétend que la dénonciation aurait dû être effectuée à l’intérieur de l’année de garantie, ce qui n’est pas le cas, puisque la réception a eu lieu le 15 juillet 2008 et la dénonciation le 17 juillet 2009, soit deux jours de retard.

[15]        En tout respect, cette interprétation de l’article 18.1° m’apparaît sévère et déraisonnable.

[16]        L’article 10.3° ne souffre pas d’interprétation, et ses exigences ont été observées par le bénéficiaire; cet article est source de droit et indique très clairement ce que la garantie du plan « doit couvrir », alors que le comportement du bénéficiaire y correspond. Par ailleurs, l’article 18 énonce une procédure qui m’apparaît, à l’alinéa 1°, être très ambiguë.

[17]        Endosser la position de l’administrateur signifierait qu’un bénéficiaire qui découvrirait une malfaçon la dernière journée de la garantie d’un an ne pourrait bénéficier de cette dernière.

[18]        Je rappelle ci-après quelques règles d’interprétation.

[19]        Les textes introductifs contribuent à expliquer le sens et la portée du texte de loi[1]; or, à l’article 10, l’introduction est source de droit, tandis qu’à l’article 18, l’introduction énonce une procédure.

[20]        En présence de termes imprécis ou ambigus, le texte reçoit une interprétation positive dans le sens qui convient le mieux à son objet[2].

[21]        Or, le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs a pour objet la protection du consommateur, et il serait déraisonnable d’annuler un droit en juxtaposant à un texte clair et précis un texte ambigu.

[22]        Pour ces motifs, la présente réclamation est favorablement ACCUEILLIE.

[23]        Le tribunal ORDONNE donc à l’entrepreneur de procéder aux travaux nécessaires, selon les règles de l’art, pour la réparation du béton désagrégé sur l’escalier extérieur avant.

[24]        Le soussigné ACCORDE à l’entrepreneur un délai de trente (30) jours à compter de la présente pour compléter ces travaux.

[25]        À défaut par l'entrepreneur de se conformer à l’ordonnance précédente, le tribunal ORDONNE à l'administrateur de procéder aux travaux requis dans le délai ci-devant prescrit.

III : AJUSTEMENT DE LA PORTE SÉPARANT LA MAISON ET LE GARAGE

[26]        Cette porte sert de moyen d’accès entre la maison et le garage.

[27]        Il est admis par l’administrateur que cette dernière n’est pas étanche aux vapeurs de carburant et que le ferme-porte automatique est défectueux; de plus, une seule charnière à ressort a été installée sur cette porte, ce qui va à l’encontre des normes.

[28]        Toutefois, en cours d’enquête, M. Chouinard, bénéficiaire, admet que dès l’automne 2008, il fut informé par les autorités municipales des non-conformités reliées à cette porte; il reconnaît de plus que dès l’hiver 2008-2009, il fut à même d’en constater les inconvénients.

[29]        Or, qu’il s’agisse de malfaçons ou de vices, l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs stipule qu’ils doivent être « … dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte… ».

[30]        Selon le témoignage du bénéficiaire, on constate qu’il s’est écoulé de sept à huit mois entre la découverte et la dénonciation écrite à l’administrateur.

[31]        Ce délai de six mois indiqué à l’article 10 du plan de garantie a été reconnu par la jurisprudence comme étant de rigueur.

[32]        Pour ces motifs, la présente réclamation est REJETÉE.

IV : MÉCANISME DE LA PORTE DE GARAGE NON SÉCURITAIRE

[33]        Lorsque nous traversons de la propriété au garage par la porte d’accès mentionnée à l’élément précédent, nous nous retrouvons sur un palier d’escalier à partir duquel une personne peut facilement se blesser à la tête en entrant en contact avec le rail de glissement de la porte; cette même personne pourrait éventuellement se blesser aux mains en les appuyant sur ce même rail, lequel est presque situé dans le champ de vision.

[34]        M. Chouinard a pris connaissance de cette situation lors de l’émission d’un certificat d’évaluation, daté du 11 juillet 2008, et destiné à la Banque de Montréal.

[35]        Voici un extrait de ce certificat :

Les travaux progressent normalement. Important; L’installation des rails de la porte du garage est inacceptable. En effet, les rails devraient être soulevées [sic] afin de ne pas nuire à la circulation sur la descente vers le garage. De plus le palier et la descente devraient être modifiés ou déplacés afin de ne pas obstruer la porte du garage. Ces situations sont à l’origine d’une importante désuétude fonctionnelle et nous vous recommandons une retenue additionnelle de 3000 $, jusqu’à la correction des problèmes.

[36]        Après avoir pris connaissance de ce certificat, le bénéficiaire a donc exigé chez le notaire une retenue de 3 000 $ jusqu’à ce que ce problème de sécurité soit réglé par l’entrepreneur; toutefois, cette situation n’a pas été dénoncée sur le document pré-réception.

[37]        L’entrepreneur a procédé à la correction de cette situation en octobre ou novembre 2008, et le bénéficiaire a libéré la retenue; cependant, après son intervention, le sous-traitant a déclaré au bénéficiaire que le problème de sécurité existait toujours, mais qu’il ne pouvait pas faire mieux.

[38]        Après cette intervention de l’entrepreneur, le bénéficiaire a noté une amélioration évidente, jusqu’à ce qu’un visiteur se blesse à nouveau; la visite des lieux a démontré que l’amélioration apportée par l’entrepreneur, soit le soulèvement des rails de la porte de garage, n’était pas suffisante.

[39]        Selon M. Chouinard, ce n’est qu’en janvier ou février 2009, lors de la consultation des plans, qu’il a pu constater la source du problème, soit la dénivellation entre le plafond du rez-de-chaussée et celui du garage, à savoir que cette dénivellation ne correspondait pas au plan de base.

[40]        De sorte que dans l’état actuel des choses, les rails du garage ne peuvent plus être soulevés à nouveau en vue d’enrayer définitivement le problème de sécurité.

[41]        La position de l’administrateur est à l’effet que cette situation était apparente lors de la réception et qu’elle n’a pas été dénoncée; de plus, cette situation n’a pas été dénoncée à l’administrateur dans les six mois de sa découverte, c’est-à-dire lors de l’émission du certificat daté du 11 juillet 2008 requis par la banque auprès d’une firme d’évaluateurs.

[42]        Lors de la visite des lieux, le soussigné a signalé aux participants que la largeur de l’escalier menant au palier ci-devant mis en cause lui semblait non conforme; la largeur de cet escalier a été mesurée à 29 po.

[43]        À la demande de l’arbitre, quelques jours après l’audience, Mme Marie-Claude Laberge, conciliatrice à la GMN de l’APCHQ, nous a fait part que selon le Code national du bâtiment, la largeur minimale d’un escalier dans un logement doit être de 33 7/8 po.

[44]        De l’avis du tribunal, il s’agit ici d’une situation qui a évolué lentement.

[45]        Lorsque le bénéficiaire en a pris connaissance dans le rapport de l’évaluateur daté du 11 juillet 2008, tout indiquait que la correction était mineure et simple, soit le soulèvement des rails; pour un non-initié, une telle solution peut découler d’une malfaçon facile à corriger, et une retenue de 3 000 $ telle que suggérée par l’évaluateur lui semble amplement suffisante pour sa protection.

[46]        Après l’intervention de l’entrepreneur en novembre 2008, le bénéficiaire se fait dire par le sous-traitant qui a soulevé les rails qu’il ne peut faire mieux et que le problème subsiste.

[47]        Toutefois, le bénéficiaire y trouve une nette amélioration, jusqu’à ce qu’un visiteur se blesse au contact de ces mêmes rails.

[48]        Selon son témoignage, ce n’est qu’en janvier ou février 2009 que M. Chouinard a découvert, par la consultation des plans, la gravité de la situation ainsi que l’étendue et la complexité des remèdes à y apporter.

[49]        Selon le tribunal, cette situation correspond à celle décrite à l’article 1739 du Code civil du Québec :

1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.

[50]        Le tribunal est aussi d’avis qu’après cette découverte en février 2009, le manquement de l’entrepreneur constituait plutôt un vice caché qu’une malfaçon, comme en fait foi la remarque de l’évaluateur de la banque : « Ces situations sont à l’origine d’une importante désuétude fonctionnelle… ».

[51]        Vu les circonstances, le tribunal estime que le délai de dénonciation débute en février 2009 et qu’ainsi la dénonciation a été acheminée à l’administrateur dans les six mois de la découverte; par ailleurs, étant donné que le tribunal considère qu’il s’agit plutôt d’un vice caché que d’une malfaçon, la dénonciation a été faite à l’intérieur de la période de garantie.

[52]        Pour ces motifs, la présente réclamation est favorablement ACCUEILLIE.

[53]        Le tribunal ORDONNE donc à l’entrepreneur d’effectuer les correctifs nécessaires, suivant les règles de l’art, afin de rendre sécuritaire le mécanisme de la porte de garage et de rendre conforme au Code national du bâtiment la largeur de l’escalier menant au palier d’accès à l’habitation.

[54]        Le soussigné ACCORDE à l’entrepreneur un délai de quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la présente pour compléter ces travaux.

[55]        À défaut par l'entrepreneur de se conformer à l’ordonnance précédente, le tribunal ORDONNE à l'administrateur de procéder aux travaux requis dans le délai ci-devant prescrit.

V : RÉSUMÉ

[56]        Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal :

ACCUEILLE       favorablement les réclamations du bénéficiaire ayant trait aux éléments « Béton désagrégé sur l’escalier extérieur avant » et « Mécanisme de la porte de garage non sécuritaire ».

REJETTE            la réclamation du bénéficiaire ayant trait à l’élément « Ajustement de la porte séparant la maison et le garage ».

Les coûts d’arbitrage

[57]        Conformément à l’article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont totalement à la charge de l’administrateur.

 

BOUCHERVILLE, le 6 octobre 2010.

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Claude Dupuis, ing., arbitre

 



[1]     Voir MORIN et BLOUIN, Arbitrage des griefs, Les Éditions Yvon Blais inc., 1986, p. 332-333.

[2]     Loc. cit.