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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment:
CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
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ENTRE: MONSIEUR GUILLAUME BLAIS
(ci-après désigné « le Bénéficiaire »)
CONSTRUCTION MICHEL TURMEL LÉVIS INC.
(ci-après désignée « l'Entrepreneur »)
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC.
(ci-après désignée « l'Administrateur »)
No dossier CCAC: S11-041802-NP
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DÉCISION ARBITRALE DU 4 SEPTEMBRE 2012
CORRIGÉE EN DATE DU 11 SEPTEMBRE 2012
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Arbitre: Me Reynald Poulin
Pour le Bénéficiaire: Me Claudia Trudel
Pour l'Entrepreneur: Me Jérôme Beaudry
Pour l'Administrateur: Me François Laplante
Bénéficiaire: Monsieur Guillaume Blais 5338, rue de Lorraine Lévis (Québec) G6V 9K1 Et son procureur: Me Claudia Trudel Dussault Gervais Thivierge s.e.n.c.r.l.
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Entrepreneur: Construction Michel Turmel Lévis inc. 41, rue Sainte-Sophie Lévis (Québec) G1X 2L7 Et son procureur: Me Jérôme Beaudry Bernier Beaudry
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Administrateur: La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. 5930, boul. Louis-H. Lafontaine Anjou (Québec) H1M 1S7 Et son procureur: Me François Laplante Savoie Fournier
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DÉCISION ARBITRALE
[1] La demande d'arbitrage formulée par l'Entrepreneur dans le présent dossier vise une décision rendue par l'Administrateur en date du 22 mars 2011.
[2] Cette décision a accueilli la demande de réclamation du Bénéficiaire, laquelle mettait en cause l'affaissement de la résidence construite par l'Entrepreneur.
[3] Dans sa décision, l'Administrateur fait état que l'Entrepreneur conteste la date de fin des travaux qu'il a établie au 18 janvier 2005 et décide que cette dernière est celle à laquelle tous les travaux de l'Entrepreneur convenus par écrit avec le Bénéficiaire et relatifs au bâtiment étaient exécutés et qu'à cette date, le bâtiment était en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine. Il rappelle également que dans sa décision du 12 février 2010 impliquant les mêmes parties, il fut décidé que la fin des travaux avait déjà été établie au 18 janvier 2005 et que cela n'avait pas été contesté par aucune des parties en cause. Enfin, il ordonne à l'Entrepreneur d'effectuer les travaux correctifs qu'il a décrits.
[4] Insatisfait de cette décision, l'Entrepreneur a demandé l'arbitrage de celle-ci.
LES PIÈCES AU DOSSIER
[5] En début d'audience, il a été rappelé par le soussigné que le Cahier de l'Administrateur, comportant les pièces A-1 à A-32, faisait partie du dossier d'arbitrage. Le Tribunal y référera sous les mêmes cotes dans le cadre de la présente décision. La pièce A-24 a été complétée par le procureur de l'Entrepreneur en ajoutant un plan qui y était manquant. Le procureur de l'Entrepreneur a également produit des copies conformes aux originaux des baux produits à l'appui de la lettre du 15 mars 2011, pièce A-29. Les documents communiqués à l'arbitre sous cette pièce n'étant pas clairs, ces copies de baux viennent donc compléter cette pièce.
[6] Quant à l'Entrepreneur, celui-ci a produit et ajouté au dossier les pièces suivantes:
E-1 (en liasse): Photographies de l'immeuble en litige prises le 2 mai 2011 (aucune référence en preuve ne leur a été faite);
E-2 (en liasse): Preuve de divers déboursés hypothécaires pour l'immeuble en litige;
E-3: Document intitulé «Inspection de votre propriété - Directives à suivre» non signé et non daté;
E-4 (en liasse): Facture de Jean-Jacques Verreault & associés concernant des rapports d'avancement de travaux de construction de la propriété en litige;
E-5: Historique des déboursés hypothécaires par la Caisse populaire Desjardins de Lévis;
E-6 (en liasse): Lettre datée du 29 juin 2004 signée par les propriétaires de l'immeuble en litige et un locataire accompagnée d'un bail d'une durée d'un mois pour l'adresse civique 5340, de Lorraine, Lévis;
[7] Quant au Bénéficiaire, sa procureure a produit au dossier d'arbitrage les pièces suivantes:
GB-1 (en liasse):Photographies des lieux prises par le Bénéficiaire en date du 8 juillet 2011;
GB-2 (en liasse): Photographies des lieux (juillet 2011) à l'intérieur du logement 5336, de Lorraine, Lévis;
GB-3 (en liasse): Relevés datés du 28 mai 2009 et du 11 juillet 2011 préparés par M. Joël Brillant de la firme Hénault & Gosselin et concernant les immeubles sis au 5338, 5340, 5346 et 5356, de Lorraine, Lévis;
GB-4 (en liasse): Série de courriels échangés entre le Bénéficiaire et l'Administrateur entre le 27 juillet 2009 et le 14 septembre 2009;
GB-5 (en liasse): Photographies prises par M. Guillaume Blais;
GB-6 (en liasse): Facture de l'expert V. Fournier & associés et rapport d'expert de cette firme daté du 16 septembre 2011.
OBJET DE L'ARBITRAGE
[8] Par une lettre datée du 18 avril 2011, l'Entrepreneur a demandé l'arbitrage de la décision de l'Administrateur rendue le 22 mars 2011 et ce, pour différents motifs dont, notamment, l'existence même d'un vice majeur à la résidence en litige.
[9] Le 7 novembre 2011, le procureur de l'Entrepreneur a informé le Tribunal qu'il y avait désistement des moyens de contestation allégués au point 2 de sa demande d'arbitrage du 18 avril 2011 renonçant ainsi à présenter une preuve à cet égard. À la vérification de la lettre du 18 avril 2011, le soussigné, lors de l'audience, a requis des précisions additionnelles au sujet de ce désistement. Il fut alors confirmé que ce désistement portait sur les points 1.2 et 2 de la lettre du procureur de l'Entrepreneur. Ainsi, il fut confirmé à l'audience que la seule question demeurant en arbitrage était celle pertinente au délai de garantie. Plus précisément, l'arbitre doit décider, dans la présente affaire, si la réclamation du Bénéficiaire a été formulée à l'intérieur du délai édicté par le législateur pour la garantie portant sur la réparation des vices de conception, de construction, de réalisation et des vices du sol au sens de l'article 2118 du Code civil du Québec, soit la nécessité que ceux-ci apparaissent dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux.
[10] Également, la procureure du Bénéficiaire a demandé le remboursement des frais d'expert assumés par son client puisque l'Entrepreneur s'est désisté tardivement, selon elle, de sa contestation portant sur le vice majeur.
LES QUESTIONS EN LITIGE
A. L'Entrepreneur est-il forclos de contester la date de fin des travaux ?
B. L'Entrepreneur a-t-il démontré au Tribunal que le vice majeur affectant la résidence du Bénéficiaire ne s'est pas manifesté dans les cinq (5) ans de la fin des travaux ?
C. Le Bénéficiaire a-t-il droit à ses frais d'expert ?
L'ANALYSE
[11] Le Tribunal traitera des questions précédentes en référant à la preuve administrée devant lui lors des auditions.
A. L'Entrepreneur est-il forclos de contester la date de fin des travaux ?
i) Les décisions de l'Administrateur
[12] Le 12 février 2010, l'Administrateur a rendu une première décision (A-14) concernant la demande de réclamation du Bénéficiaire et qui concerne l'affaissement de son bâtiment. À la première page de cette décision, l'Administrateur a mentionné que tant la réception du bâtiment que la fin des travaux étaient survenues le 18 janvier 2005. La réclamation écrite du Bénéficiaire ayant été reçue dans la cinquième année de la garantie, l'Administrateur s'est référé à l'article 3.4 du contrat de garantie, lequel porte sur les vices majeurs. Traitant de la demande du Bénéficiaire, l'Administrateur, après avoir constaté un dénivelé à l'intérieur de la résidence d'environ 105mm, a décidé de ne pas rendre immédiatement de décision au sujet de la demande de réclamation et de revoir cette demande après réception du rapport de l'expert mandaté par l'Entrepreneur.
[13] Le 18 mars 2010, l'Administrateur a rendu une deuxième décision (A-16), laquelle faisait suite à celle rendue approximativement un (1) mois plus tôt. Une fois de plus, l'Administrateur a convenu de revoir la demande de réclamation du Bénéficiaire après réception, cette fois, du prochain relevé de l'arpenteur-géomètre mandaté par l'Entrepreneur. Le 7 février 2011 (A-25), soit à peu près un (1) an après la dernière décision, l'Administrateur, après avoir fait état de certaines correspondances échangées avec les procureurs des parties, a, cette fois, convenu de laisser un délai supplémentaire de trente (30) jours à l'Entrepreneur afin qu'il soit en mesure de remettre à l'Administrateur le rapport de son expert. À défaut, l'Administrateur a prévu que des mesures seraient prises afin de mener le «dossier à terme». Quelques semaines plus tard, soit le 22 mars 2011, l'Administrateur a rendu la dernière décision (A-30) dans le présent dossier. Dans cette décision, l'Administrateur est revenu sur la question de la date de fin des travaux qu'il avait préalablement établie dans sa décision du 12 février 2010 (A-14). En effet, puisque l'Entrepreneur avait récemment remis en question cette date, l'Administrateur réitéra que la fin des travaux était effectivement survenue le 18 janvier 2005 et rappela que les parties n'avaient pas contesté sa décision du 12 février 2010 (A-14) qui avait déjà établi la date de fin de travaux à ce moment. Aussi, l'Administrateur a accueilli la demande de réclamation du Bénéficiaire et ordonné à l'Entrepreneur d'effectuer des travaux qu'il a précisément décrits.
[14] Par une lettre du 18 avril 2011, le procureur de l'Entrepreneur a contesté tant la date de fin de travaux que la présence d'un vice majeur à la résidence du Bénéficiaire. Comme mentionné précédemment, l'Entrepreneur s'est désisté, en date du 7 novembre 2011, de son moyen de contestation qui concernait le vice majeur pour ne contester, désormais, que la date de fin de travaux. Selon l'Entrepreneur, la fin des travaux doit être assimilée à l'occupation de l'immeuble. Ainsi, le procureur de l'Entrepreneur prétend que cette fin de travaux serait survenue le 1er juillet 2004 et ce, pour des motifs précisés à la lettre du 15 mars 2011 (A-30) qu'il a transmise à l'Administrateur.
ii) La théorie de la renonciation à contester la décision de l'Administrateur et la notion de «chose jugée»
[15] Tel qu'il appert à la décision rendue par l'Administrateur le 12 février 2010 (A-14), celui-ci indique précisément que tant la réception du bâtiment que la fin des travaux sont survenues le 18 janvier 2005. Nous constatons à cette décision qu'après la réception de la réclamation écrite le 21 août 2009, l'Administrateur a procédé à l'inspection du bâtiment le 20 janvier 2010. Le Bénéficiaire et la représentante de l'Entrepreneur, Mme Lyne Palaroy, ont assisté à cette inspection. Après avoir résumé le contenu de la garantie et confirmé la réception de la demande de réclamation le 21 août 2009, l'Administrateur détermine que cette réclamation est survenue dans la cinquième année de garantie et que seule la garantie portant sur les vices majeurs peut trouver application. De même, il est énoncé que la demande de réclamation a été dénoncée par écrit à l'Entrepreneur et l'Administrateur à l'intérieur du délai raisonnable établi par le législateur.
[16] Le procureur de l'Administrateur a fait entendre, lors de l'arbitrage, M. Michel Hamel, technologue professionnel. M. Hamel est l'auteur des décisions du 7 février 2011 (A-25) et du 22 mars 2011 (A-30), cette dernière étant portée en arbitrage.
[17] M. Hamel explique qu'il est précisé à la décision du 12 février 2010 que tant la réception du bâtiment que la fin des travaux étaient survenues le 18 janvier 2005 puisqu'il n'y avait pas eu de transmission d'avis de fin de travaux par l'Entrepreneur. En fait, il témoigne que l'Entrepreneur a contesté, pour une première fois, cette date de fin de travaux par sa lettre du 15 mars 2011 (A-29). Contre-interrogé par le procureur de l'Entrepreneur, M. Hamel précise qu'il y a une différence entre la réception du bâtiment et la fin des travaux. Lorsque le procureur le réfère à la déclaration de réception du bâtiment A-1 signée par les parties en date du 18 janvier 2005, l'Administrateur reconnaît que cela peut être différent de la fin des travaux. Interrogé concernant certains courriels produits en liasse comme pièce GB-4 et provenant de Mme Johanne Lindsay, employée de l'Administrateur et qui concernaient des détails quant à la date de construction du bâtiment et la couverture de celui-ci aux termes du Plan de garantie, M. Hamel n'a pu fournir d'information à ce sujet. En fait, Mme Lindsay avait précisé aux courriels en preuve que le bâtiment avait été construit en 2004, sans plus, et avait référé à la déclaration de réception de bâtiment pour calculer le délai de couverture pour les vices majeurs de cinq (5) ans. Mme Lindsay n'a pas été assignée pour témoigner au dossier par l'une ou l'autre des parties.
[18] Le procureur de l'Entrepreneur a également référé M. Hamel au contrat d'entreprise et contrat de garantie A-2, lequel prévoit que les travaux devaient se terminer le 1er juillet 2004. M. Hamel n'a pu évidemment témoigner au sujet de cette date apparaissant au contrat d'entreprise. Précisons toutefois que ce contrat A-2 a été signé le 31 mars 2005, soit postérieurement à la construction de l'immeuble. M. Hamel ajoute également que la demande de réclamation du 29 août 2009 par le Bénéficiaire (A-4) concerne un affaissement et sa décision à ce sujet a été rendue, finalement, le 22 mars 2011. Enfin, M. Hamel explique que sa décision du 22 mars 2011 est identifiée comme addenda faisant partie intégrante de sa décision rendue le 12 février 2010. Il explique qu'il a qualifié cette décision à ce titre puisqu'il n'y a pas eu de déplacement de sa part et d'inspection additionnelle. À la fin du témoignage de M. Hamel, le procureur de l'Administrateur s'est engagé à transmettre au Tribunal copie du formulaire «Avis de fin de travaux». Comme convenu, ce formulaire a été transmis au Tribunal et aux procureurs des autres parties après l'arbitrage. À la révision de ce document, nous pouvons constater qu'il s'agit d'une «déclaration d'exécution finale des travaux» à être signée par l'Entrepreneur. Or, aucune telle déclaration n'a été expédiée par l'Entrepreneur dans le présent dossier.
[19] M. Michel Turmel, représentant de l'Entrepreneur, a aussi témoigné au sujet de l'absence de contestation de la décision A-14 rendue le 12 février 2010.
[20] En fait, M. Turmel affirme que Mme Lyne Palaroy était effectivement présente lors de l'inspection de l'Administrateur ayant conduit à la décision A-14. M. Turmel affirme avoir reçu copie de cette décision et qu'il en a pris connaissance à cette occasion. Après avoir vérifié les passages de cette décision concernant la garantie dont bénéficierait possiblement le Bénéficiaire (vice majeur) et le passage de cette décision intitulée «recours» à la page 4 et qui prévoit la possibilité de demander, en cas d'insatisfaction, l'arbitrage ou la médiation, M. Turmel admet que l'Entrepreneur ne s'en est pas prévalu. Contre-interrogé par la procureure du Bénéficiaire, M. Turmel admet aussi qu'il connaît le formulaire «Avis de fin de travaux». M. Turmel témoigne ne pas avoir complété ce formulaire puisque le bâtiment lui appartenait et qu'il était construit pour des fins personnelles. Il affirme qu'il était certain qu'il n'avait pas besoin d'enregistrer ce bâtiment et aussitôt que l'Administrateur a demandé de le faire, il s'est exécuté à défaut de quoi on lui aurait dit qu'il aurait à payer une amende.
[21] Cela complète essentiellement la preuve pertinente à la question de renonciation ou de «chose jugée».
[22] Le procureur de l'Entrepreneur prétend que les décisions de l'Administrateur avant celle du 22 mars 2011 sont interlocutoires et qu'elles ne sont pas soumises au délai de contestation. Il ajoute également que l'Administrateur lui-même a désigné cette dernière décision comme étant un addenda à la première (où l'on retrouve la date de fin des travaux selon l'Administrateur). Enfin, il plaide que l'Administrateur a reconnu que sa décision du 22 mars 2011 avait comme objet la demande de réclamation du Bénéficiaire. Par conséquent, il soumet que l'Entrepreneur pouvait contester la décision de l'Administrateur concernant la présence d'un vice majeur de même que le fait que la demande du Bénéficiaire était postérieure à l'expiration de la garantie pour vice majeur. C'est d'ailleurs ce que l'invitait à faire l'Administrateur, selon le procureur, dans sa décision en précisant qu'une partie insatisfaite pouvait la porter en arbitrage.
[23] Quant à la procureure du Bénéficiaire, celle-ci plaide qu'il y a «chose jugée» sur la question de la fin des travaux puisque l'Entrepreneur n'a pas contesté la décision rendue le 12 février 2010 (A-14). De même, il y aurait renonciation à contester la date de la fin des travaux et ce, en raison du comportement de l'Entrepreneur qui a fait défaut de ce faire à la première occasion.
[24] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal doit décider si le défaut par l'Entrepreneur d'avoir demandé l'arbitrage de la décision A-14, rendue le 12 février 2010, et qui est à l'effet, notamment, de confirmer que la date de fin des travaux serait intervenue le 18 janvier 2005, est fatal. En fait, l'Entrepreneur peut-il, dans le cadre d'une demande d'arbitrage d'une décision subséquente, remettre en question ce constat de l'Administrateur ? Il est utile de rappeler que la décision de l'Administrateur A-14 s'inscrit dans le cadre des obligations de celui-ci lui résultant de l'application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après désigné, de temps à autre, le «Règlement» et/ou «Règlement sur le plan de garantie»). Le Bénéficiaire en l'instance ayant déposé une demande de réclamation auprès de l'Administrateur, celui-ci se doit de la traiter conformément au Règlement. Ainsi, il a été mis en preuve que l'Administrateur a respecté les obligations qui lui incombaient aux termes de la loi. Dans ce contexte, il y a eu inspection de la résidence du Bénéficiaire le 20 janvier 2010 à laquelle assistait, notamment, une représentante de l'Entrepreneur. Le 12 février 2010, procédant à traiter la demande de réclamation du Bénéficiaire, l'Administrateur a rendu une décision. Afin de décider adéquatement de la demande du Bénéficiaire, l'Entrepreneur se devait de déterminer, selon lui, quel type de garantie demeurait applicable à l'égard de la résidence du Bénéficiaire à la lumière des informations qu'il avait recueillies. Ainsi, après avoir résumé les garanties possibles à la page 2 de sa décision, il a déterminé, compte tenu de ses vérifications auprès des parties, que la demande de réclamation du Bénéficiaire devait se référer à l'article 3.4 du contrat de garantie, lequel porte sur les vices majeurs. C'est à la lumière de ce qui précède que l'Administrateur a résumé les faits, analysé la situation et décidé de la demande de réclamation du Bénéficiaire. Précisant que sa décision a été rendue suivant les termes et conditions figurant au contrat de garantie, adoptés conformément au Règlement sur le plan de garantie et approuvés par la Régie du bâtiment, l'Administrateur a stipulé, à la page 4 de sa décision, que le Bénéficiaire ou l'Entrepreneur, insatisfait de celle-ci, pouvait exercer des recours, soit l'arbitrage ou la médiation.
[25] La preuve a révélé que l'Entrepreneur a reçu cette décision et qu'il n'a jamais demandé la médiation ni non plus l'arbitrage.
[26] Le 9 mars 2010, le procureur de l'Entrepreneur a fait suite à la décision rendue (A-14), laquelle précisait notamment que l'Administrateur était en attente de la réception du rapport de l'expert mandaté par l'Entrepreneur avant de statuer sur la présence ou non d'un vice majeur. Par cette lettre, le procureur de l'Entrepreneur transmettait deux (2) autres expertises d'un arpenteur-géomètre et requérait un délai additionnel pour que soit effectué un dernier relevé de niveau de la résidence du Bénéficiaire au printemps suivant.
[27] Le 18 mars 2010, l'Administrateur rendait une deuxième décision (A-16) accueillant la demande de l'Entrepreneur et convenait de reporter sa décision sur la présence ou non d'un vice majeur après réception d'un prochain relevé de l'arpenteur-géomètre mandaté par l'Entrepreneur.
[28] Après un échange de correspondances entre l'Administrateur et le procureur de l'Entrepreneur, ceux-ci ont, par une lettre du 9 juin 2010 (A-19), donné les motifs de l'Entrepreneur contestant la présence d'un vice majeur à l'immeuble du Bénéficiaire. Appuyant ses représentations des résultats des experts, le procureur de l'Entrepreneur a prétendu qu'il s'agissait davantage d'une malfaçon couverte par la garantie de un (1) an. Ainsi, la demande de réclamation du Bénéficiaire devait être rejetée puisque, en toute logique selon le Tribunal, plus de un (1) an s'était écoulé entre la fin des travaux et la demande de réclamation du Bénéficiaire. Une fois de plus, l'Entrepreneur ne contestait pas la date de fin de travaux mais s'y référait plutôt dans le cadre de son argument subsidiaire.
[29] Après quelques échanges de correspondances entre les parties, l'Administrateur a rendu une troisième décision en date du 7 février 2011 (A-26). Faisant état de l'historique du dossier et des demandes tant du procureur de l'Entrepreneur que du Bénéficiaire, l'Administrateur a convenu, dans cette décision, de laisser un délai supplémentaire de trente (30) jours à l'Entrepreneur avant de décider de la présence ou non d'un vice majeur. Tout comme au sujet de la décision précédente, les parties avaient l'occasion de porter cette décision en arbitrage ou demander la médiation, ce que ni l'un ni l'autre n'ont fait.
[30] Par une lettre du 8 mars 2011 (A-27), le procureur de l'Entrepreneur a requis, une fois de plus, un délai supplémentaire de un (1) an pour que soit observé le comportement de la résidence du Bénéficiaire. Le procureur a également ajouté que de délai devait être accordé à l'Entrepreneur puisqu'il n'y avait aucun fait au dossier qui pouvait permettre de conclure que la garantie de cinq (5) ans s'appliquait. Une fois de plus, la fin des travaux n'était pas remise en question, tout au contraire, puisque l'Entrepreneur référait à la garantie quinquennale en soutenant que la preuve était plutôt insuffisante pour qu'elle soit enclenchée.
[31] Le 11 mars 2011, l'Administrateur a rejeté la demande de l'Entrepreneur (A-28) et mentionné que lorsque le délai accordé à l'Entrepreneur arriverait à échéance, une décision serait rendue. Quelques jours après, soit le 15 mars 2011 (A-29) le procureur de l'Entrepreneur a, pour une première fois dans ce dossier et plus de un (1) an après la décision initiale de l'Administrateur A-14, invoqué que la réclamation du Bénéficiaire était prescrite. Le procureur s'exprime comme suit dans cette lettre:
«La présente fait suite à votre décision du 11 mars 2011 concernant le dossier mentionné en objet.
Nous vous informons que dans l'intervalle nous avons obtenu des informations supplémentaires qui nous permettent de conclure que la réclamation du bénéficiaire auprès de La Garantie des maisons neufs de l'APCHQ est prescrite.»
À l'appui de cette lettre se retrouvaient une série d'extraits de baux qui auraient été signés approximativement sept (7) ans auparavant, soit en 2004.
[32] Par sa décision rendue le 22 mars 2011 (A-30), l'Administrateur a réitéré qu'il avait déterminé, par sa décision du 12 février 2010, que la date de fin des travaux avait été établie au 18 janvier 2005 et que cette décision n'avait pas été contestée par l'une et/ou l'autre des parties. Au surplus, l'Administrateur a référé l'Entrepreneur à l'article 8 du Règlement qui définit la «fin des travaux», ce qui est évidemment différent de la date de signature d'un bail. De plus, rendant sa décision sur la demande de réclamation du Bénéficiaire, à savoir, la présence ou non d'un vice majeur, l'Administrateur accueille cette réclamation et ordonne à l'Entrepreneur d'exécuter des travaux correctifs. Le 18 avril 2011 (A-31), l'Entrepreneur demande l'arbitrage de cette dernière décision en remettant en question la date de fin de travaux et la présence d'un vice majeur. S'étant désisté de la demande d'arbitrage concernant le vice majeur, l'Entrepreneur maintient uniquement qu'il est en droit de remettre en question la date de fin de travaux, telle qu'établie par l'Administrateur, et plaide que la demande de réclamation du Bénéficiaire est maintenant hors délai.
[33] La narration des faits entre la première décision de l'Administrateur et la dernière de celui-ci permet au Tribunal de constater que l'Entrepreneur a reçu copie de la décision établissant la date de fin de travaux et agi en conséquence de cette détermination dans le cadre de ses écrits postérieurs ayant mené à quelques décisions additionnelles de l'Administrateur. Cette prémisse qu'est la date de fin des travaux est fort importante pour l'application du Règlement sur le plan de garantie. Dans le présent dossier, elle conditionne toutes les démarches ultérieures des parties y compris celles de l'Administrateur et des experts consultés. En effet, si la date de fin de travaux avait été antérieure ou postérieure au 18 janvier 2005, il y aurait eu possiblement rejet de la demande de réclamation ou même acceptation de celle-ci compte tenu des critères moins rigoureux à rencontrer pour avoir droit à la garantie pour vice caché ou même de malfaçon. La décision de l'Administrateur au sujet de la date de fin de travaux est donc primordiale et si l'une ou l'autre des parties est en désaccord avec celle-ci, elle doit se manifester et demander l'arbitrage ou la médiation conformément au Règlement. Le défaut de l'Entrepreneur d'avoir requis un tel arbitrage ou la médiation lui est fatal. Lui permettre de remettre en question cet élément à ce stade du dossier serait d'ignorer les dispositions du Règlement et serait même inéquitable envers le Bénéficiaire qui reverrait, ni plus ni moins, la recevabilité de sa demande de réclamation remise en question après plusieurs interventions des parties, de l'Administrateur et des experts. D'ailleurs, dans une telle hypothèse, un Bénéficiaire pourrait même prétendre à une date de fin de travaux postérieure à celle déterminée par l'Administrateur et, s'il avait raison, les interventions précédentes avec les experts et les différentes demandes à l'Administrateur pourraient s'être avérées complètement inutiles.
[34] À ce sujet, le procureur de l'Administrateur a soumis au Tribunal la décision de l'arbitre Me Jean Philippe Ewart dans l'affaire Syndicat de copropriété Habitation Bélair 4 c. Beau-Design inc. Bien que cette décision ne vise pas spécifiquement une question similaire à celle sous étude, elle a le mérite de confirmer qu'en l'absence de contestation de la détermination par un administrateur d'une date aux fins de l'application d'une garantie, une partie peut être forclose de remettre en question cet énoncé. Voici comment s'exprime Me Ewart à ce sujet:
«[63] L’Administrateur indique, par rapport et décision suite à une réclamation du Bénéficiaire, qu’il détermine une date de réception des parties communes, soit la décision05. Le Bénéficiaire est alors activement impliqué au processus, et certes au fait de la situation de l’immeuble puisque la décision05 découle d’une réclamation du Bénéficiaire en 17 points.
…
[65] Le Tribunal est d’avis que cette identification d’une réception des parties communes, dans ces circonstances particulières, emporte avis de fin des travaux, cristallisé à tout le moins alors que le Bénéficiaire ne porte pas cette décision05 à l’arbitrage.
[66] En effet, et de plus, la grande majorité des points à la décision05 sont adressés sous le couvert de l’expiration de délais applicables, délais qui courent de la date de réception des parties communes. C’est donc que cette date est de l’essence même de la décision05, la date de départ du délai étant au centre des paramètres de la décision.
…
[68] Pour donner un sens quelconque à la décision05 et à toute la mécanique de mise en oeuvre de la garantie prévue au Règlement, il faut considérer que la teneur de la décision05 emporte avis de fin des travaux puisqu’elle emporte réception des parties communes et que le Bénéficiaire n’a pas indiqué son désaccord ou différend avec cette position et détermination par l’Administrateur inscrite dans un processus où, de plus, le principe audi alteram partem, de permettre aux parties d’être entendues, a été intégralement respecté dans un processus où l’Administrateur exerce des fonctions quasi judiciaires et que la preuve n’a certes pas démontré qu’il n’a pas agi selon les critères requis de cesdites fonctions, au contraire.
[69] Le Bénéficiaire, bien qu’informé spécifiquement de cette détermination, n’a pas jugé opportun ou a omis de soulever ce différend dans les délais appropriés suite à cette décision de l’Administrateur et le Tribunal est d’avis que cette omission est fatale à sa prétention aujourd’hui qu’il peut après plusieurs années suite à cette décision soulever son désaccord. Cette détermination n’est plus uniquement unilatérale (par l’Administrateur) dans les circonstances.»
[35] Le procureur de l'Entrepreneur a référé le Tribunal au fait que l'Administrateur a écrit, dans la décision soumise à l'arbitrage, que celle-ci était un addenda à la première rendue dans ce dossier, soit celle du 12 février 2010 (A-14). Bien que cet argument apparaisse séduisant au premier abord, il ne résiste pas au fait que cette dernière décision statue sur la demande de réclamation initiale, comme en a témoigné M. Hamel, représentant de l'Administrateur, et ne peut faire revivre des droits de contestation sur un élément aussi important, soit la date de déclenchement des délais pour fins de garantie.
[36] En résumé, l'Entrepreneur n'ayant jamais demandé l'arbitrage ou la médiation de la décision de l'Administrateur rendue le 12 février 2010 (A-14), il ne peut remettre en question la date de fin de travaux, telle qu'elle y a été établie. Il ne s'agit pas, au strict sens juridique, de l'application de la notion de «chose jugée» mais plutôt un constat de l'arbitre soussigné de l'absence de demande d'arbitrage suite à une décision rendue par un administrateur. Les règles d'équité ne peuvent malheureusement, selon le soussigné, permettre à un entrepreneur, en l'absence de demande d'arbitrage et, par surcroît, dans le contexte précédemment mentionné, de remédier à ce défaut fatal
[37] Bien que ce qui précède suffit à rejeter la demande d'arbitrage de l'Entrepreneur, le Tribunal estime approprié de décider de l'argument soutenu par l'Entrepreneur à l'effet que la fin des travaux serait survenue avant cinq (5) ans de la demande de réclamation du Bénéficiaire.
B. L'Entrepreneur a-t-il démontré au Tribunal que le vice majeur affectant la résidence du Bénéficiaire ne s'est pas manifesté dans les cinq (5) ans de la fin des travaux ?
i) Irrecevabilité soulevée par la procureure du Bénéficiaire quant à ce moyen de défense de l'Entrepreneur et ce, aux termes des articles 19.1 et 65.1 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs
[38] La procureure du Bénéficiaire a mentionné que l'Entrepreneur ne pouvait reprocher le non-respect du délai de cinq (5) ans et ce, par application des articles 19.1 et 35.1 du Règlement. Or, le procureur de l'Administrateur a soulevé le fait que ces articles, même s'ils ne pouvaient pas en raison de leur texte, s'appliquer en l'instance, étaient non pertinents puisque non en vigueur au moment des événements ayant donné lieu à la réclamation du Bénéficiaire.
[39] En effet, ces articles 19.1 et 65.1 ont été intégrés au Règlement par l'effet du Décret 39-2006 du 25 janvier 2006 et concernant le Règlement modifiant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Même si ces articles pouvaient s'appliquer au présent dossier (ce que l'arbitre soussigné n'a pas à décider), ceux-ci n'étaient pas en vigueur au moment des événements ayant donné lieu à la demande de réclamation du Bénéficiaire. L'article 30 du Règlement modifiant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit qu'il entre en vigueur le 180e jour qui suit la date de sa publication à la Gazette Officielle du Québec. La Gazette Officielle où a été publié ce Règlement étant datée du 8 février 2006, l'entrée en vigueur est donc reportée six (6) mois plus tard et à un moment postérieur à la construction de la résidence du Bénéficiaire. D'ailleurs, le troisième alinéa de cet article 30, qui édicte que certaines modifications se retrouvant à ce Règlement s'appliquent au contrat de garantie en cours, n'inclut pas les articles cités par la procureure du Bénéficiaire.
ii) Le fardeau de la preuve
[40] Puisque l'Entrepreneur a porté en arbitrage la décision de l'Administrateur, il a donc le fardeau de convaincre le Tribunal d'arbitrage de la justesse de ses prétentions. L'une de celles-ci est le fait que la demande de réclamation du Bénéficiaire serait hors délai puisque plus de cinq (5) ans se seraient écoulés entre la fin des travaux et la demande.
iii) La définition de fin des travaux aux fins de l'application du Règlement
[41] Conformément à l'article 3.4 du contrat de garantie A-2 et à l'article 10, alinéa 5, du Règlement, le vice majeur est couvert s'il apparaît dans les cinq (5) ans «suivant la fin des travaux» et dénoncé, par écrit, à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[42] L'article 8 du Règlement définit les termes «fins des travaux» comme suit:
«8. Pour l'application de la présente sous-section, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
«fin des travaux»: la date à laquelle tous les travaux de l'entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs au bâtiment sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine;
(…)».
[43] Tel que mentionné précédemment, l'Administrateur a déterminé que la fin des travaux était survenue le 18 janvier 2005, ce que l'Entrepreneur n'a pas contesté conformément au Règlement. Malgré ce qui précède, le Tribunal dispose de l'argument de l'Entrepreneur et ce, en raison du fait qu'une preuve factuelle a été entendue en arbitrage à ce sujet. Par conséquent, l'Entrepreneur devait donc faire une preuve prépondérante (pour avoir gain de cause aux termes de son argument) que tous les travaux convenus par écrit avec le Bénéficiaire et relatifs au bâtiment étaient exécutés et que le bâtiment était en état de servir conformément à l'usage auquel on le destinait à la date qu'il soutient être cette fin de travaux, soit en juillet 2004. Contrairement à ce que prétend l'Entrepreneur, la fin de travaux n'est pas assimilée à l'occupation de l'immeuble.
iv) Analyse de la preuve testimoniale et documentaire pertinente
[44] Le procureur de l'Entrepreneur a fait entendre M. Pierre Pichette, conseiller en finances personnelles à la Caisse Desjardins de Lévis. Il est appelé à témoigner pour expliquer les déboursés hypothécaires dans le cadre de la construction de la résidence en cause. À la lumière des documents produits au dossier et comme il l'a affirmé, il n'était pas le représentant de la Caisse à l'époque contemporaine des événements. Il réfère le Tribunal à un historique de déboursés progressifs apparaissant à un document interne produit comme pièce E-5. Il témoigne à l'effet qu'après un premier déboursé, pour l'acquisition du terrain, quatre (4) déboursés progressifs ont été effectués par un notaire, à la demande de Desjardins. Avant chaque déboursé progressif, il témoigne que Desjardins demandait à la firme Jean-Jacques Verreault et associés de faire un rapport d'avancement. Les factures de cette firme sont produites en liasse comme pièce E-4 mais aucun des rapports n'a été produit au dossier du Tribunal. Selon les documents produits en liasse comme pièce E-2, l'Entrepreneur aurait reçu un dernier paiement au montant de 29 250,00 $ à titre de déboursé hypothécaire final. Cela correspondrait à la retenue que Desjardins oppose à l'emprunteur afin de s'assurer de la terminaison des travaux.
[45] Malheureusement, aucun représentant de Jean-Jacques Verreault et associés n'a été appelé à témoigner devant le Tribunal d'arbitrage sur les constats que cette firme aurait effectué dans ses rapports écrits, non plus produits, concernant l'exécution des travaux.
[46] Contre-interrogé par la procureure du Bénéficiaire au sujet de l'exécution et de la progression des travaux, M. Pichette témoigne qu'il se réfère totalement au professionnel, en l'occurrence Jacques Verreault et associés, pour le suivi des travaux et qu'il n'en a aucune connaissance personnelle.
[47] Contre-interrogé cette fois par le procureur de l'Administrateur, il affirme n'avoir jamais vu le contrat de construction et ajoute que les rapports du professionnel devraient indiquer le pourcentage de l'avancement des travaux avec une possibilité de réserve pour des travaux à être terminés ultérieurement, bien que ceux-ci sont souvent mineurs selon lui.
[48] M. Michel Turmel de Construction Michel Turmel Lévis inc. a aussi témoigné au sujet de l'exécution des travaux.
[49] Il explique que les travaux de construction se sont exécutés entre le 23 avril 2004 et le 1er juillet 2004. Les travaux étaient terminés à cette dernière date puisqu'il a loué les logements se retrouvant dans l'immeuble à ce moment. Il mentionne qu'il n'a pas besoin de signer de contrat de construction et qu'il faisait affaires avec lui-même. En fait, le Tribunal comprend que M. Turmel avait contracté un emprunt chez Desjardins pour la construction de l'immeuble, laquelle construction a été exécutée par Construction Michel Turmel Lévis inc. Il n'a aucunement témoigné sur l'ampleur des travaux ni non plus déposé les plans et devis de construction.
[50] Il décrit les baux conclus avec les locataires et produits ceux-ci en liasse comme pièce A-29.
[51] Quant à la déclaration de réception du bâtiment signée le 18 janvier 2005 et produite comme pièce A-1, il mentionne qu'il n'avait pas à compléter ce document selon lui. La date correspond uniquement à une date de transmission puisque l'Administrateur du Plan de garantie lui aurait indiqué qu'il était nécessaire qu'il enregistre le bâtiment et que cette déclaration soit complétée. Contre-interrogé au sujet du contrat d'entreprise A-2 signé en mars 2005 alors que les travaux étaient complétés selon lui, il mentionne encore qu'il n'était pas nécessaire d'avoir de contrat puisque le bâtiment lui appartenait. Il précise que ce n'était pas la première fois qu'il enregistrait un bâtiment et qu'il connaissait le fonctionnement d'un administrateur de Plan de garantie.
[52] Interrogé sur les baux produits en liasse comme pièce A-29 par la procureure du Bénéficiaire, M. Turmel précise certains faits. À l'adresse 5340, il semble que le cabanon devant le desservir n'était pas construit et qu'il devait l'être plus tard en cours de bail. De même, à l'adresse 5336, l'endroit de l'espace de rangement était à déterminer, soit sous le balcon ou dans un éventuel cabanon. Quant au 5338, une fois de plus, le cabanon devant le servir était à être construit et, cette fois, l'immeuble a été déclaré prêt pour l'habitation le 15 août 2004, soit deux (2) jours après la signature du bail. Bien que le cabanon ne soit pas visé par les garanties au Règlement, ce qui précède met en doute l'affirmation suivant laquelle la fin des travaux était arrivée le 1er juillet 2004. D'ailleurs, à une question du procureur de l'Administrateur, le témoin précise qu'il n'avait pas besoin de liste de déficiences en juillet 2004 puisqu'il était le propriétaire.
[53] Ce qui précède constitue la preuve pertinente administrée par le Tribunal concernant la «fin des travaux».
[54] Même si le Tribunal d'arbitrage avait décidé que l'Entrepreneur pouvait remettre en question la date de la fin des travaux, il appert que l'Entrepreneur aurait failli à démontrer, par preuve prépondérante, que la fin des travaux était survenue plus de cinq (5) ans avant la demande de réclamation du Bénéficiaire formulée le 21 août 2009.
[55] Bien que l'Entrepreneur ait administré une preuve au sujet des déboursés hypothécaires, aucun représentant de la firme mandatée pour suivre l'exécution des travaux et en faire rapport à l'institution financière n'a témoigné à l'appui des rapports écrits qui auraient été faits dans ce contexte, lesquels n'ont par ailleurs pas été déposés non plus au dossier du Tribunal. De plus, le Tribunal ne peut faire, en l'instance, une relation entre les agissements d'une institution financière et la finalisation des travaux, tels que prévus au Règlement. D'ailleurs, le représentant de l'institution financière a affirmé qu'il n'a jamais été sur les lieux de la construction et qu'il était, par surcroît, possible que même un déboursé final d'un prêt hypothécaire soit effectué alors qu'il demeure des travaux à exécuter. Dans le présent dossier, inutile de rappeler que puisqu'il n'a jamais été sur place, qu'il n'a pas vu les documents contractuels, que ceux-ci n'ont pas même été déposés au dossier du Tribunal d'arbitrage, il ne peut décrire ces possibles travaux en réserve ni non plus s'il demeurait certaines déficiences à exécuter à l'été 2004, comme il eût été possible selon le témoignage du représentant de l'Entrepreneur lui-même. Au sujet de cette fin de travaux, aucune facture de fournisseur ni non plus de quittance partielle et/ou totale pour ces travaux n'a été produite. D'ailleurs, la preuve a révélé que l'un des logements dans l'immeuble n'était disponible que le 15 août 2004, soit postérieurement à la date avancée de fin de travaux par l'Entrepreneur et tout près (moins de une (1) semaine) de la limite du délai de cinq (5) ans de garantie considérant le dépôt de la demande en date du 21 août 2009. Quant aux pièces au dossier, le Tribunal ne peut passer sous silence qu'il existe une déclaration de réception du bâtiment datée du 18 janvier 2005 et signée par le représentant de l'Entrepreneur et sa conjointe, de même qu'un contrat d'entreprise et contrat de garantie signé entre l'Entrepreneur et M. Turmel en mars 2005. Les explications données au sujet de ces documents apparaissent crédibles mais cette façon de procéder, soit de signer des documents à la demande de l'Administrateur à des époques non contemporaines aux faits y constatés, laisse le Tribunal songeur devant une preuve de fin de travaux, telle qu'administrée par l'Entrepreneur. Selon le Tribunal, l'Entrepreneur a malheureusement échoué à ce chapitre.
[56] Enfin, le Tribunal, même s'il a décidé que l'Entrepreneur n'avait pas contesté le constat de fin de travaux de l'Administrateur et qu'il ne pouvait le remettre en question et, même s'il avait pu, n'aurait pas fait une preuve prépondérante que plus de cinq (5) ans s'étaient écoulés entre la fin des travaux et la demande de réclamation du Bénéficiaire, traitera également l'argument de l'Entrepreneur à l'effet que plus de six (6) mois s'étaient écoulés entre la première manifestation du vice et la demande de réclamation du Bénéficiaire.
v) Délai de dénonciation du vice non respecté selon l'Entrepreneur
[57] À ce sujet, l'Entrepreneur avait également le fardeau de démontrer au Tribunal, par prépondérance de preuve, que la demande de réclamation du Bénéficiaire était irrecevable faute d'avoir respecté le délai de dénonciation prévu au Règlement.
[58] Selon la lettre du 21 août 2009 (A-4), le Bénéficiaire mentionne qu'il a constaté, en date du 27 juillet 2009, soit moins de six (6) mois auparavant, que le bâtiment dont il s'était porté acquéreur s'était affaissé vers l'arrière.
[59] En fait, la preuve est claire au sujet de la première manifestation du vice. Elle se situe à l'été 2009, comme mentionné au paragraphe précédent.
[60] M. Joël Brillant, représentant de Héneault & Gosselin inc., a témoigné avoir avisé une représentante de l'Entrepreneur en mai 2009 que le bâtiment qu'avait acheté le Bénéficiaire comportait une problématique d'affaissement. Or, M. Brillant a mentionné avoir eu une conversation téléphonique avec le Bénéficiaire à ce sujet en mai 2010. À ce moment, M. Blais est informé que Héneault & Gosselin inc. avait constaté, un (1) an auparavant, la problématique d'affaissement de sa résidence. Il fut alors convenu que M. Blais recommunique avec M. Brillant en juillet 2011. C'est au moment de cet appel en mai 2010 que M. Blais est informé des mesures prises par Héneault & Gosselin inc. en mai 2009. Avec cette preuve, le Tribunal ne peut accueillir le moyen d'irrecevabilité de l'Entrepreneur au sujet du délai de dénonciation d'autant plus que ce même entrepreneur a toujours contesté, jusqu'à son désistement, la présence même d'un vice majeur se contentant de prétendre, notamment à la lettre du 9 juin 2010 (A-19), que les relevés de niveau de l'immeuble appartenant au Bénéficiaire démontraient que l'immeuble n'avait pas bougé depuis un (1) an, que les visites avaient démontrées que l'intégrité structurale de l'immeuble était demeurée parfaite et qu'aucun désordre pouvant entraîner l'application de la garantie de cinq (5) ans n'avait été constaté. Selon l'Entrepreneur, le problème de dénivellement de l'immeuble constituait plutôt une malfaçon mineure. Vu le désistement de sa demande d'arbitrage, il est probable qu'il ait changé d'avis depuis.
[61] Il n'y a donc pas de preuve, ni non plus évidemment prépondérante, que le Bénéficiaire en l'instance n'a pas dénoncé, dans les six (6) mois de sa première manifestation, le vice majeur.
C. Le Bénéficiaire a-t-il droit à ses frais d'expert ?
[62] Enfin, la procureure du Bénéficiaire a demandé que les frais d'expert engagés par son client lui soient remboursés et ce, même si l'Entrepreneur s'est désisté de sa contestation quant à la présence d'un vice majeur.
[63] L'article 124 du Règlement prévoit que l'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'Administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel. Considérant que le Bénéficiaire a eu gain de cause dans la présente instance, le Tribunal doit analyser s'il fait droit à la demande du Bénéficiaire qui vise le remboursement des frais raisonnables d'expertises pertinentes.
[64] Selon la preuve, le Bénéficiaire aurait mandaté la firme V. Fournier & associés en juillet 2011, soit après la demande d'arbitrage formulée par l'Entrepreneur aux termes de sa lettre du 18 avril 2011 (A-31). Dans cette demande d'arbitrage, l'Entrepreneur conteste à la fois la recevabilité de la demande de réclamation puisque, selon lui, formulée plus de cinq (5) ans après la fin des travaux mais aussi la décision de l'Administrateur au sujet de la présence d'un vice majeur.
[65] Le Bénéficiaire a déposé en liasse au Tribunal, comme pièce GB-6, le rapport de ses experts accompagné de la note d'honoraires de ceux-ci s'élevant à la somme de 3 951,83 $.
[66] Or, après que la procureure du Bénéficiaire eut transmis au Tribunal et au procureur de l'Entrepreneur et de l'Administrateur copie de ce rapport d'expert le 21 septembre 2011, l'Entrepreneur se désistait, par lettre du 17 novembre 2011, du moyen de contestation pertinent au vice majeur.
[67] Les frais occasionnés par le Bénéficiaire l'ont été en raison de la contestation de l'Entrepreneur et ce dernier ne peut se désister, à cette étape du dossier, sans que, en équité, il n'ait pas à payer les frais raisonnables d'expertises pertinentes. Au moment de la préparation de cette expertise et après vérification du contenu de celles-ci par le Tribunal, le quantum des frais réclamés pour sa conception apparaît raisonnable et le contenu de cette expertise, produite au moment où il y avait toujours une contestation au sujet du vice majeur, pertinent. Conséquemment, le Bénéficiaire aura droit au remboursement de cette somme.
[68] Enfin, conformément à l'article 123 du Règlement et puisque, en l'instance, l'Entrepreneur était demandeur en arbitrage, les coûts de celui-ci seront payables par l'Administrateur et l'Entrepreneur mais partagés à parts égales entre eux.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE:
[69] REJETTE la demande d'arbitrage de l'Entrepreneur;
[70] MAINTIENT la décision de l'Administrateur rendue le 22 mars 2011;
[71] ORDONNE, en faisant appel à l'équité, à l'Entrepreneur de rembourser au Bénéficiaire la somme de 3 951,83 $ à titre de frais d'expertise;
[72] ORDONNE, conformément à l'article 123 du Règlement sur le plan de garantie, que les coûts d'arbitrage soient payables par l'Administrateur et l'Entrepreneur mais partagés à parts égales entre eux.
Québec, le 11 septembre 2012
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Me Reynald Poulin
Arbitre / Centre canadien d'arbitrage commercial (CCAC)