ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
ENTRE : DARYL HALLÉ
(ci-après le « Bénéficiaire »)
C. : CONSTRUCTION ET RÉNOVATION VINCENT ASSELIN INC.
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier SORECONI : 212005001
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Michel A. Jeanniot, CIArb.
Pour les Bénéficiaires : Monsieur Daryl Hallé
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Vincent Asselin
Pour l’Administrateur : Me Nancy Nantel
Date de l’audition : 27 octobre 2021
Date de la Décision : 17 janvier 2022
Identification complète des parties
Bénéficiaire : Monsieur Daryl Hallé
[...]
Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud
(Québec) [...]
Entrepreneur : Construction et rénovation Vincent Asselin Inc.
166, rue des Érables
Saint-Henri (Québec)
G0R 3E0
Et son représentant :
Monsieur Vincent Asselin
Administrateur : Garantie de Construction Résidentielle (GCR)
4101, rue Molson, 3e étage
Montréal (Québec) H1Y 3L1
Et son procureur :
Me Nancy Nantel
4101, rue Molson, bureau 300
Montréal (Québec) H1Y 3L1
L’arbitre a reçu son mandat de Soreconi le 15 mai 2021.
Valeur du litige
Le conciliateur évalue le litige à environ 18 600,00$, soit :
- 15 000,00$ pour la valeur des points en litige de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire (points 13-16-20 et 21).
- 3 600,00$ pour la valeur des points en litige de la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur (points 1-3-5-6 et 7).
Extraits pertinents du Plumitif
15.05.2021 Réception par le greffe de Soreconi la demande d’arbitrage par le Bénéficiaire
17.05.2021 Réception d’une copie de la décision de l’Administrateur
18.05.2021 Transmission aux parties de la notification d’arbitrage et de la nomination de Michel A. Jeanniot à titre d’arbitre
25.08.2021 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur
26.08.2021 Lettre aux parties : recherche des disponibilités pour la tenue d’un appel conférence / conférence de gestion
02.09.2021 Lettre aux parties : confirmation de la date / heure pour la tenue d’un appel conférence / conférence de gestion
08.09.2021 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal
23.09.2021 Courriel de l’Entrepreneur Construction et rénovation Vincent Asselin inc. qui entend se désister de sa demande d’arbitrage à l’encontre de la décision de l’administrateur
13.10.2021 Lettre de Me Jeanniot aux parties suite au désistement de l’Entrepreneur
27.10.2021 Audience en visioconférence
17.11.2021 Décision
LISTE DES ADMISSIONS
[1] Il s’agit d’un bâtiment unifamilial, isolé non détenu en copropriété. La réception du bâtiment par le Bénéficiaire est en date effective du 30 avril 2021 et la réception de la dénonciation écrite (du Bénéficiaire) est en date effective du 11 janvier 2021 (réception de la réclamation par l'Administrateur le 20 janvier 2021).
[2] Il s'agit donc de grief(s) véhiculé(s) au cours de la première année suivant la réception par le Bénéficiaire du bâtiment, aussi connu et identifié comme étant le [...], à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud (Québec) G0R 4B0 (ci-après le « Bâtiment »).
QUESTIONS EN LITIGE ET MISE EN CONTEXTE
[3] La demande d'arbitrage a source une décision de l'Administrateur datée du 16 avril 2021. Le Bénéficiaire porte en arbitrage la décision de l'Administrateur de refuser ses postes de réclamation quant aux points :
[3.1] Point 13 : « Fissure à la dalle de béton (garage) »
[3.2] Point 16 : « Isolation du vide sous-toit »
[3.3] Point 20 : « Béton / garage »
[3.4] Point 21 : « Plancher chauffant / garage »
[4] De façon très sommaire, l'Administrateur ne fait droit aux postes de réclamations / griefs du Bénéficiaire puisque d’opinion que :
[4.1] les fissures à la dalle de béton résultent d'un comportement normal des matériaux (point 13).
[4.2] la question d'isolation du vide sous toit (point 16) ne représente pas un désordre et bien que l'Entrepreneur n'ait pas respecté l’obligation contractuelle prévue, ce qui a, dans les faits, été installé, représente une équivalence.
[4.3] les postes de réclamations aux points 20 et 21 s'apparentent à une réclamation pour compensation monétaire en lieu et place de travaux correctifs. Ce qui, selon l'Administrateur, n'est pas prévu au règlement.
Le Bénéficiaire représente ce qui suit :
[5] Concernant le point 13 : « Fissure à la dalle de béton (garage) »
[5.1] Les fissures sont apparues très rapidement à plusieurs endroits (trop rapidement et trop de fissures pour qu'il puisse s'agir d'un comportement « normal »).
[5.2] Il y a des bruits d'impact sur le plancher (le Bénéficiaire est un garagiste et œuvre à son métier, à cet endroit). À certains endroits, les bruits d'impact révèlent un son sourd, ce qui lui indique un vide sous le plancher, suggérant ici malfaçon.
[5.3] Faisant référence à un rapport d'inspection pré achat daté du 17 mai 2021, sous la plume de Marie-Noëlle Massé (réseau de Vinci) - il appert de ce rapport que la dalle de béton a différentes épaisseurs. Ceci aurait été confirmé par différentes mesures prises en bordure du garage (voir les représentations sous les points 20 et 21 (supra)).
[6] Concernant les points 20 et 21 : (Béton / garage / plancher chauffant)
[6.1] Le Bénéficiaire relate que, alors que de l'équipement lourd aurait été installé/ancré sur la dalle de béton du garage, et bien que les spécifications de (6) six pouces d'épaisseur de béton avaient été requises de l’Entrepreneur, l'ancrage de pièces, de matériels et d'équipements qui impliquait un forage a révélé non seulement de très importantes irrégularités dans l'épaisseur du béton, mais également que, et contrairement à la demande de six (6) pouces minimaux de béton, la moyenne était de (4) quatre pouces d'épaisseur avec à certains endroits exceptionnellement cinq pouces et quart (5¼) d’épaisseur.
[6.2] Le Bénéficiaire nous fait mention que l'exigence de (6) six pouces avait été spécifiquement requise pour l'équipement de certaines machineries « lift hydraulique », utiles sinon nécessaires à l'utilisation (comprendre utilisation utile) de la pièce.
[7] Concernant le plancher chauffant :
[7.1] le plancher chauffant, selon le Bénéficiaire, aurait été mal installé. Ses constats personnels sont à l'effet que le « filage » pour l’apport thermique de tout le plancher a été très mal distribué, ayant de visu constaté une trop forte concentration du câblage thermique à certains endroits, avec la résultante d'un dégagement très inégal ayant rendu nécessaire l'installation de deux (2) thermostats.
[7.2] Un premier thermostat pour 90% de la surface du plancher.
[7.3] Un deuxième thermostat pour 10% de la surface du plancher (à l'endroit où les fils étaient exagérément concentrés).
[8] Avant de conclure, le Bénéficiaire aborde le point 16 (isolation du vide sous toit). Après avoir commenté, il suggère que ce qui a été installé ne représente pas dans les faits une équivalence (au niveau de la couverture et de l'isolation thermique entre des matelas) à ce qui fut contractuellement requis, soit de la mousse soufflée. Le Bénéficiaire nous représente que la mousse soufflée, qui avait été spécifiquement requise, devait représenter une isolation R-40 alors que (selon le Bénéficiaire) la réalité est que les matelas isolants représentent un facteur d'isolation R-31.
[9] Avant de conclure sur les représentations du bénéficiaire, ce dernier désire corriger le passage sous la plume de l'Administrateur à l'effet qu'il est faux et/ou incorrect que le bénéficiaire ait réclamé une compensation monétaire en lieu et place de travaux correctifs. Il s'agissait plutôt d'une option qui avait été offerte à défaut de pouvoir obtenir travaux correctifs.
L’Entrepreneur représente ce qui suit :
Témoignage de Monsieur Vincent Asselin (Entrepreneur):
[10] L’Entrepreneur initie ses représentations (la preuve) avec une discussion sur les points 13, 20 et 21 en « bloc » et sur les moyens utilisés ainsi que la quantité dont il a fait usage, en ce qui concerne les coulées de béton. Le soussigné ne reprendra pas ici en détail les étapes, accrocs, délais et complications puisque dans le cadre de ma juridiction et des questions en litige, la question des moyens n'est pas remise en question. Seule, ici, est mon appréciation de l'obligation de résultat. Sur cette obligation, j'y reviendrai plus tard, suite à mes commentaires, selon la preuve offerte par l’Administrateur (par son témoin, le conciliateur, monsieur Bérubé).
[11] Sur la question de l'isolation (point 16), l’Entrepreneur dépose, en preuve, une facture ou bon de commande (cotée E-1), laquelle fait référence à l'achat (pour fin de pose et l'installation) à la résidence du Bénéficiaire de matelas isolants « roses R-40 » et « R-31 ».
[12] L'Entrepreneur explique que si effectivement il avait été requis une mousse isolante soufflée, il a opté, de son propre chef, pour des matelas isolants. Ce qui avait été requis par le Bénéficiaire était un facteur R-40, et ce qui a été installé dans l'entre toits avait un facteur isolant de R-40.
[13] Le Bénéficiaire qui avait constaté sur le lieu de son chantier des sacs de matelas isolants R-31 avait, semble-t-il, été laissé sous l'impression que du R-31 avait été installé partout, donc dans les entre toits, et que ceci ne rencontrait pas les exigences contractuelles spécifiquement requises. Le Bénéficiaire aurait alors été induit en erreur, puisque le R 31 avait été installé non pas à l'entre toits (et au-dessus du garage), mais, dans les « entre planchers » à l'intérieur de l'enceinte du bâtiment résidentiel.
[14] Quant au fil chauffant (point 21 de la décision de l’Administrateur), l’Entrepreneur admet qu'il y a eu problématique, mais précise que depuis le temps, les travaux ont été adressés et qu'au moment présent, il ne subsiste aucun désordre.
La preuve offerte par l’Administrateur :
[15] Ce que je retiens du témoignage de monsieur Bérubé, conciliateur, sur le point 13 (fissure à la dalle de béton):
[15.1] Le conciliateur constate (3) trois fissures variant de 1 à 1,25 mm de largeur et nous suggère qu'il s'agit de fissures qui sont présentes sur une dalle flottante et que, selon lui et selon son expérience, il s'agit de fissures de retrait. Il n'y a aucun problème structural, aucun constat de désordre. Il ne peut donc pas reconnaître ceci comme étant un vice de construction, un vice caché ou même d’une malfaçon.
[16] Quant aux points 20 et 21 (béton et plancher chauffant / garage) :
[16.1] Il ne constate aucun désordre, bien qu’il soit possible que la dalle ne soit que de (4) quatre pouces au lieu de (6) six pouces. Il n'a pas pu constater de malfaçon ou autre désordre. Il s'agit possiblement d'une mésentente contractuelle, mais selon ce dernier les mésententes contractuelles ne sont pas de la juridiction du soussigné.
[17] Quant aux questions de chauffage, il précise, et le Bénéficiaire ne conteste pas « réellement » (sic) ce point, qu’il existe maintenant (2) deux thermostats, un thermostat maître et un thermostat esclave, que ceux-ci ont été installés puisqu’utiles, sinon nécessaires, à un transfert de chaleur thermodynamique acceptable pour un contrôle ambiant.
[18] D'ailleurs, l'intervention inopinée du Bénéficiaire, à ce stade du témoignage du représentant de l’Administrateur, est à l'effet que celui-ci est d'accord et accepte les correctifs qui ont été faits; il est tout simplement en désaccord avec les « travaux initiaux » (sic).
ANALYSE ET MOTIFS
Point 13 : Fissure à la dalle de béton (garage)
[19] Le Bénéficiaire fait valoir que les fissures sont apparues trop rapidement pour que l’on puisse prétendre qu’il s’agit d’un comportement « normal ». Il appuie ses dires sur le fait que la dalle de béton a différentes épaisseurs et qu’à certains endroits, les bruits d’impact produisent un son sourd, indiquant un vide sous le plancher.
[20] L’Administrateur, quant à lui, avance qu’il s’agit de fissures de retrait. En conséquent, l’on ne pourrait à son avis prétendre à un quelconque problème structural, constat de désordre, vice de construction ou malfaçon. De plus, ses prétentions sont appuyées par le témoignage de monsieur Bérubé, conciliateur, qui énonce que les (3) trois fissures variant de 1 à 1,25 mm de largeur sur une dalle flottante suggèrent plutôt des fissures de retrait, donc un comportement normal des matériaux.
Décision
[21] Le Tribunal d’arbitrage rejette la réclamation du Bénéficiaire, faute de preuve convaincante d’une malfaçon. Le Bénéficiaire ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve pour prouver que la conclusion de l’Administrateur à l’effet qu’il s’agit de fissures de retrait et d’un comportement normal des matériaux.
Point 16 : Isolation du vide sous-toit
[22] En ce qui concerne l’isolation du vide sous toit, le Bénéficiaire avance qu’il avait été contractuellement et spécifiquement requis une mousse isolante soufflé de facteur R-40 alors que les matelas isolants choisis par l’Entrepreneur sont de facteur R-31.
[23] Toutefois, il ressort de la preuve que les matelas isolants installés dans l’entre toits étaient bel et bien du R-40. Le R-31, quant à lui, a été installé dans les « entre planchers » à l’intérieur de l’enceinte du bâtiment résidentiel. Les exigences contractuelles ont donc été respectées.
Décision
[24] Vu la preuve, le Tribunal d’arbitrage se doit de rejeter la réclamation du Bénéficiaire sur ce point.
Point 20 : Béton/garage
[25] Concernant l’épaisseur de la dalle de béton au garage, le Bénéficiaire plaide qu’il avait exigé une épaisseur minimale de six (6) pouces de béton, tandis que la moyenne était de quatre (4) pouces d’épaisseur. Il spécifie avoir expressément exigé six (6) pouces d’épaisseur afin de pouvoir utiliser de la machinerie de type « lift hydraulique ». L’exigence de six (6) pouces n’étaient donc pas un simple caprice, mais une condition importante voire essentielle et nécessaire à l’utilisation utile du garage.
[26] L’Administrateur concède qu’il est possible que la dalle ne soit que de quatre (4) pouces au lieu de six (6) pouces. À cet effet, la procureure de l’Administrateur produit l’arrêt Desrochers c. 2533-0838 Québec Inc.[1] de la Cour d’appel.
[27] Voici les passages cités par la procureure de l’Administrateur :
[9] En ce qui concerne la question de la dalle du garage et du solarium, le juge note que les plans et devis prévoient une épaisseur de six pouces. L’intimée admet que celle-ci n’a que quatre pouces et que ni l’appelant ni l’architecte n’ont consenti à ce changement.
[10] Le juge conclut qu’il n’y a aucune preuve d’un préjudice matériel, pécuniaire ou esthétique engendré. La solidité de l’ouvrage n’est pas affectée. Celui-ci sert les fins auxquelles il est destiné. L’intimée ne s’est pas enrichie aux dépens de l’appelant.
[11] Comme aucun préjudice n’a été prouvé, le juge retient qu’il n’y a pas lieu de reconstruire l’ouvrage. La réclamation est rejetée.
[…]
[17] Il est admis que son épaisseur de quatre pouces n’est pas conforme aux plans qui prévoient six pouces. Par contre, le juge a accepté la preuve de l’expert-ingénieur entendu à l’initiative de l’appelant voulant que cette différence n’entraîne aucune conséquence sur le plan structural et constaté, comme il l’écrit aux paragraphes 152 et 153 de son jugement, des faits que l’appelant ne remet pas en cause :
[152] Il n’y a eu aucune preuve d’un quelconque préjudice qu’il soit matériel, pécuniaire ou esthétique. La solidité de l’ouvrage n’est pas en cause. La valeur du bâtiment n’est pas affectée. Il n’a pas été suggéré que l’entrepreneur se serait enrichi aux dépens du client.
[153] L’entrepreneur a simplement jugé qu’une épaisseur de six pouces était superflue que quatre pouces « faisaient la job», mais sans obtenir le consentement du demandeur.
[18] Dans ce contexte, la Cour estime que c’est donc à bon droit que le juge a refusé le recours à l’égard de cette question et qu’il n’y a pas lieu d’intervenir.
[28] Or, cette décision a déjà été produite devant mon collègue Me Roland-Yves Gagné une première fois dans Sylvie Tremblay et Construction Excel et La Garantie Abritat[2] et une deuxième fois dans Syndicat de la copropriété du 435 Willibrod et Les Développements immobiliers BCG Inc. et La Garantie Abritat[3].
[29] En 2016, Me Gagné s’est prononcé sur cette (même) plaidoirie (de la même procureure) comme suit :
[53] Il [l’Administrateur] plaide que l’application de l’arrêt récent (mai 2016) de la Cour d’appel dans Desrochers c. 2533-0838 Québec inc. permettrait (selon cette plaidoirie de l’Administrateur) le rejet de la réclamation vu l’absence de préjudice; toutefois, le Tribunal d’arbitrage soussigné ajoute que cet arrêt contient un élément qualifié par la Cour d’appel de crucial, soit que le client avait reçu la contrepartie complète correspondant à son paiement:
[21] Mais surtout, il est crucial de rappeler que l’appelant n’a payé que pour une dalle de quatre pouces vu la nature du contrat (coûts majorés) à la suite d’une décision de l’intimée prise dans l’intérêt du client (de l’appelant), de sorte que l’appelant a reçu la contrepartie complète (soit une dalle de quatre pouces) correspondant à son obligation de paiement. Il n’a pas subi de dommages dans les circonstances. (Notre caractère gras).
[30] Ensuite, en 2017, Me Gagné s’est à nouveau penché sur cet arrêt lorsque l’Administrateur a plaidé ce point devant lui dans l’affaire Willibrod:
[87] D’autre part, le Tribunal d’arbitrage, avec égards, ne partage par l’opinion du procureur de l’Administrateur et son interprétation a contrario de l’arrêt, à l’effet que la Cour d’appel en 2016 aurait redéfini en le restreignant le concept de la malfaçon par l’arrêt Desrochers c. 2533-0838 Québec inc.
[88] Comme il l’a souligné à l’audience, le soussigné a déjà analysé cet arrêt dans une décision antérieure suite à une pareille plaidoirie de l’Administrateur, soit l’affaire Sylvie Tremblay et Construction Excel et La Garantie Abritat.
[…]
[89] Puisque les décisions arbitrales sont publiques et que l’Administrateur a plaidé une seconde fois ce point devant lui, le soussigné a cherché si cet arrêt avait été commenté dans une autre décision arbitrale par un autre arbitre : ce n’est pas le cas à la date de la signature de cette décision.
Mésentente contractuelle
[31] La dichotomie entre l’épaisseur de béton demandée au contrat et celle réellement apposée constitue « possiblement une mésentente contractuelle » aux yeux de l’Administrateur, et celui-ci plaide que les mésententes contractuelles excèdent la juridiction du soussigné.
[32] Je me permets encore une fois de reproduire ici les propos de mon collègue Me Gagné, cette fois-ci dans SDC 6870 25e avenue, Montréal c. Les Constructions D.L.A. (Projet 25e Avenue) Inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.[4] :
[140] Ce que le Tribunal d’arbitrage a à trancher, est le différend quant à la réclamation du Bénéficiaire envers l’Administrateur du Plan de Garantie, que ce dernier a rejeté pour cause de mésentente contractuelle. Après avoir analysé le contrat intervenu entre les parties, l’administrateur n’est pas en mesure d’établir si l’entrepreneur a manqué à ses obligations légales ou contractuelles.
[141] Mentionnons d’abord que l’expression mésentente contractuelle, peut difficilement à elle seule est (sic) la base du rejet d’une réclamation, considérant qu’en général, une réclamation intervient normalement suite à la signature par l’entrepreneur et le bénéficiaire d’un contrat d’entreprise et d’un contrat de garantie; l’intervention de l’Administrateur fait donc souvent suite à une mésentente contractuelle.
[33] Tout d’abord, dans un cas de mésentente contractuelle, il s’agit d’évaluer si la preuve permet d’établir que l’Entrepreneur a rempli ou non ses obligations légales ou contractuelles, puisqu’à la base, le Tribunal arbitral a précisément pour mandat de trancher une mésentente.
[34] À cet égard, je cite les propos de l’arbitre Claude Dupuis dans l’affaire Fabrice Provost et Corporation immobilière Nortéka et La Garantie Habitation du Québec[5] :
[46] Le document remis au bénéficiaire par l’entrepreneur indiquait la présence d’un échangeur d’air, et non pas d’un système mécanique de ventilation.
[47] Il s’agit là d’une obligation contractuelle, et non pas d’une mésentente contractuelle, couverte par le plan de garantie.
Décision
[35] Dans le cas qui nous occupe, il est crucial (pour reprendre la terminologie de la Cour d’appel) de bien prendre en considération le fait que le Bénéficiaire n’a pas payé pour une dalle de quatre (4) pouces mais bien de six (6) pouces, et ce, pour des raisons bien précises, explicitées lors de la signature du contrat et avant le début des travaux (utilisation d’équipement et de machinerie de type « lift hydraulique »).
[36] En d’autres termes, l’épaisseur de (6) six pouces de béton a été spécifiquement requise par le Bénéficiaire (puisque nécessaire à son utilisation envisagée de la pièce) et le Bénéficiaire n’a reçu la contrepartie correspondante.
[37] C’est pourquoi le Tribunal d’arbitrage ne peut que rejeter l’argument de l’Administrateur selon lequel le différend entourant le Point 20 (béton/garage) est une mésentente contractuelle qui n’est pas de son ressort et/ou de la juridiction du Tribunal.
Point 21 : Plancher chauffant/garage
[38] Il reste maintenant à aborder le point 21, c’est-à-dire le plancher chauffant au niveau du garage. Aux yeux du Bénéficiaire, le plancher chauffant aurait été mal installé, ce qui a rendu nécessaire l’installation de deux (2) thermostats. L’Administrateur renchérit sur ce point, et ajoute qu’il y a dorénavant effectivement deux (2) thermostats, un maître et l’autre esclave, afin qu’il puisse y avoir un transfert de chaleur thermodynamique acceptable pour un contrôle ambiant.
Décision
[39] Considérant les circonstances, le Tribunal ne peut conclure ici à une malfaçon ou désordre, puisque la fonction des thermostats (et donc du plancher chauffant) est remplie. Au surplus, le Bénéficiaire a témoigné être en accord avec les correctifs apportés.
LES COÛTS D’ARBITRAGE
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE en partie la demande du Bénéficiaire;
REJETTE la demande du Bénéficiaire et MAINTIENT les décisions de l’Administrateur quant aux points suivants :
Point 13 Fissure à la dalle de béton (garage);
Point 16 Isolation du vide sous-toit;
Point 21 Plancher chauffant/garage;
ACCUEILLE la réclamation du Bénéficiaire, MODIFIE la décision de l’Administrateur quant au Point 20 de la façon suivante :
ORDONNE à l’Entrepreneur et subsidiairement à l’Administrateur, comme caution de l’Entrepreneur, à faire effectuer les travaux correctifs quant à ce Point 20 incluant, mais sans toutefois y être spécifiquement limité, retirer puis remplacer la dalle de béton du garage, assurant une épaisseur minimale de six (6) pouces, et ce, dans un délai de soixante-cinq (65) jours de la date des présentes, en conformité avec les règles de l’art.
ACCORDE au Bénéficiaire la prérogative d’accorder une extension du délai de soixante-cinq (65) jours si la fenêtre de temps initiale de quarante-cinq (45) jours lui cause préjudice.
ORDONNE à l’Administrateur du Plan de Garantie de payer en entier les frais et dépens d’arbitrage encourus dans le dossier.
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de l’Administrateur, ses successeurs et ayant droits, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisée par l'Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) action(s) et toutes sommes versées incluant les coûts exigibles pour l'arbitrage (paragraphe 19 de l'Annexe Il du Règlement) en ses lieux et place, et ce conformément à la convention d'adhésion prévue à l'article 78 du Règlement.
Montréal, 21 janvier 2022
_______________________
Michel A. Jeanniot, ClArb.
[1] 2016 QCCA 825.
[2] CCAC S15-011101-NP, 22 novembre 2016, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
[3] CCAC S17-041901-NP, 11 octobre 2017, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
[4] SORECONI 13251000, 2 juin 2014, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
[5] GAMM : 2011-09-004, 25 mai 2011, Claude Dupuis, arbitre.