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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
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ENTRE : |
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Jacques Charlier |
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(ci-après le « bénéficiaire »)
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ET : |
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Les Constructions Tradition inc. (faillie) |
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(ci-après l'« entrepreneur »)
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ET : |
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La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. |
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(ci-après l'« administrateur »)
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No dossier de La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ : 068433
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SENTENCE ARBITRALE SUR UNE REQUÊTE EN RÉCUSATION
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Arbitre : |
M. Claude Dupuis, ing. |
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Pour le bénéficiaire : |
Me Jacques St-Louis |
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Pour l'administrateur : |
Me Jacinthe Savoie |
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Date d’audience : |
20 juin 2005 |
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Lieu d'audience : |
Anjou |
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Date de la sentence : |
12 juillet 2005 |
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[1] Insatisfait d'une décision de l'administrateur, M. Jacques Charlier, au nom de cinq copropriétaires, adressait le 19 février 2005 une demande d'arbitrage au Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM). Il s'agit ici d'un bâtiment détenu en copropriété divise.
[2] Cette demande a été faite conformément à l'article 35 du décret 841-98 concernant le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[3] Seuls les organismes d'arbitrage autorisés par la Régie du bâtiment (articles 127 et suivants du décret) peuvent intervenir dans ce genre de dossier.
[4] À ma connaissance, il existe présentement trois organismes d'arbitrage autorisés par la Régie.
[5] Dans le présent dossier, l'administrateur avait transmis à M. Charlier les coordonnées des trois organismes dûment mandatés dans le cadre du programme de garantie, et le bénéficiaire a opté pour le GAMM.
[6] Quelque temps après cette demande d'arbitrage, les Caisses populaires Desjardins St-Hubert et de Brossard (créancières hypothécaires des unités détenues par les cinq copropriétaires ci - haut mentionnés) ainsi que le syndicat des copropriétaires du Carré des Coqs - 6275 (il y aurait, semble‑t‑il, douze unités en copropriété divise dans le bâtiment concerné) ont distinctement soumis une demande d'intervention dans le présent dossier, ce à quoi s'est opposé l'administrateur.
[7] Lors de l'audience portant sur la présente requête en récusation, Me Alexandre Franco représentait le syndicat de copropriété, et Me Daniel Séguin représentait les caisses; il n'y a pas eu d'objection à ce qu'ils puissent se prononcer sur cette requête.
[8] Ladite requête en récusation a été introduite par Me Jacques St‑Louis, représentant du bénéficiaire, dans une lettre en date du 13 juin 2005, laquelle se présente comme suit :
Le 13 juin 2005
Sans préjudice
Monsieur Claude Dupuis
865, rue Curie
Beloeil (Québec)
J3G 5N8
Par télécopieur : (450) 464-3072
Objet : ARBITRAGE - PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS
RÉSIDENTIELS NEUFS
Demande d'arbitrage de Jacques Charlier
No de dossier de la Garantie des maisons neuves de
l'APCHQ : 068433
Monsieur,
Nous avons appris, la semaine dernière, que vous avez rendu une décision dans un dossier impliquant l'entrepreneur impliqué au litige, à savoir Les Constructions Tradition inc. Vous trouverez, ci-annexé, copie de ladite décision.
Conséquemment et en raison des principes s'appliquant à l'impartialité et à la transparence du système de justice, nous croyons opportun que vous décidiez de vous récuser de l'arbitrage en cours.
Le fait que vous ayez rendu une décision eu égard à l'entrepreneur ayant procédé aux travaux eu égard à la présente affaires et ce, dans des circonstances similaires, nous croyons qu'il vaille mieux, dans l'intérêt de la justice, qu'un autre arbitre soit assigné pour les fins du présent arbitrage.
Comme vous le savez, il importe que justice soit rendu mais aussi qu'il y ait apparence de justice eu égard au processus visant la résolution du litige impliquant les parties en l'espèce où Les constructions Tradition inc ont agi à titre d'entrepreneur.
Je vous envoie la présente et ce, tel que vous l'avez requis dans votre lettre du 31 mai 2005 et tout de suite après que nous ayons appris l'information ci-haut relatée. Copie de la présente est également envoyée à Me Daniel Séguin, Me Alexandre Franco et Me Jacynthe Savoie ainsi qu'au Groupe d'Arbitrage et de Médiation sur Mesure. Tel que vous le verrez, nous demandons au Groupe d'Arbitrage et de Médiation sur Mesure de nommer dans les plus brefs délais un nouvel arbitre afin que nous puissions procéder le plus rapidement possible à l'arbitrage.
La présente demande est faite conformément aux articles 112 et suivants du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments.
Dans l'attente de vos nouvelles eu égard à la présente, je demeure à votre entière disposition.
(S) Jacques St-Louis
Me Jacques St-Louis, Adm. A., EAF
Avocat
JSL/cl
Cc : Me Daniel Séguin
Me Alexandre Franco
Me Jacynthe Savoie
M. Gilles Lavoie du GAMM
[sic]
[9] Cette lettre m'a été adressée par télécopieur à deux reprises, à moins de deux heures d'intervalle.
[10] Lors du premier envoi, la décision annexée était la suivante : 9079-8356 Québec inc. et Les Constructions Tradition inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Claude Dupuis, arbitre (GAMM), 2005-05-06.
[11] Lors du second envoi, la décision annexée était celle-ci : Martin St-Denis - ès qualité de représentant du syndicat de la copropriété du 292 Monchamp à Saint‑Constant et Les Constructions Tradition inc. (faillie) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Claude Dupuis, arbitre (GAMM), 2005-05-19.
[12] Le procureur du bénéficiaire, appuyé par le procureur du syndicat et celui des caisses, fonde sa requête sur le fait que le soussigné a rendu deux décisions impliquant le même entrepreneur que dans le présent litige, et ce, dans des circonstances similaires, tout particulièrement dans la cause de M. Martin St‑Denis.
[13] Vu que le soussigné a déjà rendu une décision sur des faits presque identiques, l'on connaît déjà le modus operandi de sa pensée et l'on sait déjà quelle sera sa décision.
[14] Puisque l'arbitre est déjà prédisposé eu égard à la présente affaire, les parties ont une crainte raisonnable.
[15] Le problème ne se situe pas au niveau de l'arbitre lui-même, mais au niveau d'une personne qui s'est déjà prononcée sur une question claire et précise; or, il importe qu'il y ait apparence de justice.
[16] Que représente pour une personne raisonnable l'opinion ferme de l'arbitre dans un autre litige impliquant le même entrepreneur?
[17] La décision de l'arbitre dans le dossier de M. Martin St-Denis constitue une thèse sur la question en litige.
[18] Ceci laisse croire au demandeur que le processus actuel est entaché, et il a presque l'impression de se rendre à l'abattoir; en prenant acte de ce fait, il serait plus sage que l'arbitre se récuse.
[19] Puisqu'il n'y a pas d'appel possible et que la sentence dans la présente affaire sera finale, l'arbitre se doit d'être très rigoureux; au moindre doute, il doit se récuser afin de permettre à un deuxième arbitre de mener le dossier à terme.
[20] Le procureur du syndicat mentionne que l'arbitre a la possibilité de juger en équité (en vertu, croit-il se rappeler, de l'article 116 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs) au-delà des règles de droit.
[21] Il ajoute que dans le présent dossier, ainsi que dans le dossier de M. Martin St‑Denis, deux parties, et non seulement une, sont les mêmes, soit l'entrepreneur et l'administrateur.
[22] Les parties citent l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, invoquant le fait que tout citoyen est en droit de recevoir justice par un tribunal qui ne soit pas préjugé, le tout étant considéré par une personne raisonnable; ici, il est à craindre que le tribunal ait un préjugé sur la décision à prendre.
[23] Se référant aux paragraphes 46 et suivants de la décision de l'arbitre dans l'affaire de M. Martin St-Denis, le bénéficiaire craint que le tribunal soit préjugé dans la présente cause.
[24] Le tribunal connaît les faits. D'entrée de jeu dans son introduction lors de la présente audience, il a indiqué que la plainte portait sur le parachèvement des parties communes; c'est là un motif sérieux de crainte de partialité.
[25] Au soutien de leurs prétentions, les procureurs ont déposé ce qui suit :
B En liasse : lettre de demande de récusation du 13 juin 2005 de Me Jacques St-Louis à l'arbitre Claude Dupuis; 9079-8356 Québec inc. et Les Constructions Tradition inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Claude Dupuis, arbitre (GAMM), 2005-05-06; Martin St-Denis - ès qualité de représentant du syndicat de la copropriété du 292 Monchamp à Saint‑Constant et Les Constructions Tradition inc. (faillie) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Claude Dupuis, arbitre (GAMM), 2005-05-19.
B Tanguay c. Assurances générales des Caisses Desjardins inc., REJB 2001-25734 (C.S.) (résumé et texte intégral).
B B. (A.) c. P. (F.), REJB 1998-09817 (C.S.).
B D. (G.) c. P. (J.), REJB 2000-19522 (C.S.).
B Lord c. Domtar inc., [2000] R.J.Q. 772 à 786 (C.S.).
B Lord et als c. Procureure générale du Québec et als, REJB 2000-18356 (C.A.).
B Dufour c. 99516 Canada inc., [2001] R.J.Q. 1202 à 1215 (C.S.).
B Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3333 c. Claude Dupuis et Société de transport de la Rive-Sud de Montréal, REJB 2001-24684 (C.S.).
[26] La procureure indique qu'il existe au départ une présomption d'impartialité et qu'il incombe aux requérants de prouver que l'arbitre doive se récuser.
[27] La jurisprudence déposée par les tenants de la récusation implique les mêmes parties, le même fait et le même débat, ce qui se dissocie complètement du présent dossier.
[28] Dans un cas, l'arbitre avait refusé à une partie le droit d'interroger des témoins.
[29] Dans un autre cas, le juge, en cours d'audience, avait passé des commentaires équivalant à une décision sur le fond.
[30] Dans une autre cause, le juge Jasmin s'est prononcé sur le fond du débat en cours et il avait une opinion ferme sur la question en litige.
[31] Dans une autre affaire, le juge avait exprimé des convictions fermes sur le fond lors d'un jugement interlocutoire.
[32] Dans le présent dossier, le seul motif invoqué par les parties adverses est que l'arbitre a rendu une décision dans une autre cause impliquant le même entrepreneur; il n'existe aucune preuve à l'effet que ce soit dans les mêmes circonstances.
[33] Il s'agit ici d'un tribunal particulier où les arbitres sont appelés à intervenir sur les mêmes questions et avec les mêmes intervenants; il arrive parfois que ce soit dans des dossiers impliquant le même entrepreneur.
[34] Tant que les faits ne sont pas dévoilés, on ne peut présumer de l'issue.
[35] La procureure rappelle que la réclamation de M. St-Denis avait trait au parachèvement des travaux après réception du bâtiment; ici, il s'agit de parachèvement des travaux avant réception du bâtiment.
[36] Acquiescer à une telle requête signifierait que le bassin d'arbitres est insuffisant.
[37] Est-ce qu'une décision rendue par un arbitre dans un dossier n'impliquant pas les mêmes parties est une raison suffisante de récusation?
[38] Or, dans ce dossier, il ne s'agit pas des mêmes parties, et les conditions sont différentes; de plus, la garantie s'applique différemment avant et après réception du bâtiment. Chaque dossier constitue un cas d'espèce.
[39] Accueillir cette requête procurerait au plaignant le choix de l'arbitre et mettrait en péril le processus d'arbitrage.
[40] À l'appui de son argumentation, la procureure a déposé ce qui suit :
B Code de procédure civile du Québec : L.R.Q., chapitre C-25, à jour au 13 septembre 2003, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 2003, articles 234 à 243 et 942.
B Henri KÉLADA, Les incidents, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2001, p. 127-131.
B Indalex Ltée et Métallurgistes unis d'Amérique, section locale 7785, [1990] T.A. 155 , D.T.E. 90T-376 , AZ-90141039 .
B Greenbaum c. Groupe Boudreau, Richard inc., B.E. (97BE-355), AZ-97026141 (C.S.).
B A... B... c. M... G..., C.S. Terrebonne 700-12-028827-996, juge Richard Mongeau, 2003-01-23.
B Magil Construction Canada Ltd. c. Molodet Investments Inc., J.E. 98-2107 , AZ‑98021986 (C.S.).
B Roxboro Excavation inc. c. 9004-6673 Québec inc., J.E. 98-639 , AZ-98021290 (C.S.).
[41] Le processus de nomination des arbitres au plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs a été brièvement décrit en introduction. En résumé :
B les organismes d'arbitrage sont autorisés par la Régie du bâtiment (article 127 du décret);
B l'administrateur informe par écrit le plaignant (bénéficiaire ou entrepreneur) du choix des organismes d'arbitrage (pratique courante);
B le plaignant choisit son organisme;
B l'organisme désigne l'arbitre (article 107 du décret).
[42] Cette procédure ne permet donc pas au plaignant de choisir l'arbitre.
[43] Contrairement à ce qui a été invoqué en cours d'audience par les tenants de la récusation, cette procédure ne procure aucunement, ni à l'administrateur ni à toute autre partie, une mainmise ou un contrôle dans ce processus de nomination.
[44] En accord avec le procureur du bénéficiaire, le soussigné est d'avis que ces principes sont les mêmes, tant pour les juges que pour les arbitres.
[45] Les principes relatifs à la notion de crainte de partialité peuvent s'exprimer de différentes façons; à cet égard, je fais miens les propos de l'honorable Jacques Delisle de la Cour d'appel dans l'arrêt Droit de la famille - 1559[1] :
Pour être cause de récusation, la crainte de partialité doit donc :
a) être raisonnable, en ce sens qu'il doit s'agir d'une crainte, à la fois logique, c'est-à-dire qui s'infère de motifs sérieux, et objective, c'est-à-dire que partagerait la personne décrite à b) ci-dessous, placée dans les mêmes circonstances; il ne peut être question d'une crainte légère, frivole ou isolée;
b) provenir d'une personne :
1° sensée, non tatillonne, qui n'est ni scrupuleuse, ni angoissée, ni naturellement inquiète, non plus que facilement portée au blâme;
2° bien informée, parce qu'ayant étudié la question, à la fois, à fond et de façon réaliste, c'est-à-dire dégagée de toute émotivité; la demande de récusation ne peut être impulsive ou encore, un moyen de choisir la personne devant présider les débats; et
c) reposer sur des motifs sérieux; dans l'analyse de ce critère, il faut être plus exigeant selon qu'il y aura ou non enregistrement des débats et existence d'un droit d'appel;
[46] Ou encore, on peut lire : une crainte raisonnable de partialité dans l'esprit d'une personne raisonnable face à une situation donnée.
[47] La Charte des droits et libertés de la personne du Québec[2] stipule : « [...] une audition publique et impartiale [...] par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé [...] ».
[48] Dans sa lettre de demande d'arbitrage du 19 février 2005 adressée au GAMM, M. Jacques Charlier indique qu'il fait cette demande « au nom des cinq (5) couples notariés y demeurant » et poursuit : « Le sujet de la présente n'est pas défini mais aura comme objectif principal « le parachèvement des travaux » [...] »; le reste de la lettre traite de procédure.
[49] En guise d'entrée en matière à deux séances réunissant les mêmes parties, soit lors de la conférence préparatoire du 15 juin 2005 et lors de l'audience de la présente requête, le soussigné s'est exprimé à peu près en ces termes : « Insatisfait de la décision de l'administrateur, M. Jacques Charlier, le 19 février 2005, a soumis au GAMM une demande d'arbitrage, l'objectif principal étant le parachèvement des travaux des parties communes ».
[50] Est-ce qu'un tel préambule signifie, comme le prétend le procureur du bénéficiaire, que l'arbitre connaît les faits?
[51] L'arbitre a emprunté les termes du plaignant dans sa lettre de demande afin d'informer les autres parties de l'objet de sa plainte.
[52] Est-ce que de tels propos tenant lieu d'introduction à une séance sont de nature à donner naissance à une crainte raisonnable de partialité dans l'esprit d'une personne raisonnable?
[53] Ou encore, à la suite d'une telle introduction, le tribunal est-il préjugé?
[54] Selon nous, poser ces questions, c’est y répondre.
[55] La première lettre du procureur du bénéficiaire au sujet de la présente requête était appuyée par la décision du soussigné dans l'affaire 9079-8356 Québec inc.
[56] Cette cause impliquait le même entrepreneur (non représenté lors de l'audience), mais un autre bénéficiaire, soit une compagnie à numéro.
[57] Dans ce dossier, il s'agissait d'une demande de remboursement d'acompte auprès de l'administrateur à la suite de l'achat par le bénéficiaire d'une unité privative auprès de l'entrepreneur.
[58] Or, le présent dossier concerne le parachèvement des travaux des parties communes.
[59] Nous sommes très loin des circonstances similaires invoquées par le procureur dans sa lettre de demande de récusation.
[60] Qui plus est, dans sa sentence relative à cette compagnie à numéro, laquelle effectuait par ailleurs des travaux de peinture en sous-traitance pour le compte de Les Constructions Tradition inc., l'arbitre a rejeté la plainte du bénéficiaire parce qu'il a estimé que l'acompte versé à l'entrepreneur avant sa faillite constituait une récupération de mauvaises créances, une situation non prévue au plan de garantie.
[61] C'est réellement là un cas particulier, un cas d'espèce.
[62] La deuxième lettre du procureur du bénéficiaire au sujet de la présente requête était appuyée par la décision du soussigné dans l'affaire Martin St-Denis.
[63] Cette cause impliquait le même entrepreneur (non représenté lors de l'audience), mais un autre bénéficiaire, soit M. St-Denis.
[64] Il s'agissait d'une demande de parachèvement des travaux des parties communes.
[65] La décision du soussigné dans cette affaire comportait deux volets : parachèvement des travaux avant réception du bâtiment et parachèvement des travaux après réception du bâtiment.
[66] Le paragraphe 37 de cette décision se lit comme suit :
La présente décision, sur la question du parachèvement des travaux relatifs aux parties communes avant réception, s'applique donc à un cas d'espèce.
[67] Or, M. Charlier se rappelle sûrement avoir joint à sa demande d'arbitrage copie de la décision de l'administrateur donnant naissance à sa plainte. Cette décision de l'administrateur est datée du 4 février 2005 et est signée par Mme Marie-Claude Laberge, architecte, inspecteur-conseil. En voici un extrait :
[...]
Concernant la garantie applicable aux parties communes du bâtiment, en vertu du règlement, celle-ci débute à la réception du bâtiment. La réception des parties communes du bâtiment se définit comme « L'acte par lequel un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriété déclare la date de la fin des travaux des parties communes. Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires. » Or, nous constatons qu'il n'y a pas de fin de travaux déclarée ni de réception des parties communes pour ce bâtiment.
Par conséquent, nous ne pouvons donner suite à votre demande en regard des parties communes du bâtiment puisque la garantie à cet effet ne trouve pas d'application dans le cas présent.
Toutefois, nous avons appris que « Les Habitations Trigone 2000 inc. » et l'entreprise « 9033-2008 Québec inc » se présentaient comme acquéreurs du bâtiment. Or, ces entreprises ont des liens avec l'entreprise « Les Habitations Trigone 2000 inc. » qui est accréditée au plan de garantie Qualité Habitation. Considérant cet éventuel transfert, nous vous encourageons à poursuivre les discussions concernant notamment le parachèvement du bâtiment en communiquant directement avec le nouvel acquéreur et Qualité Habitation.
[...]
[68] Dans cette lettre, l'administrateur indique clairement que la fin des travaux n'a pas été déclarée pour les parties communes; dans le présent dossier, il s'agit donc d'une demande d'arbitrage relativement au parachèvement des travaux des parties communes avant réception du bâtiment.
[69] La décision du soussigné dans l'affaire Martin St-Denis indiquait clairement qu'il s'agissait d'un cas d'espèce et non généralisé dans une situation de parachèvement de travaux des parties communes avant réception du bâtiment.
[70] Nous sommes très loin du dogme et de la thèse comme le prétend le procureur du bénéficiaire.
[71] Comment une personne raisonnable peut-elle avoir une crainte raisonnable de partialité lorsque l'arbitre indique, comme dans la décision soumise, de ne pas prendre pour acquis que cette sentence va s'appliquer dans tous les cas, mais qu'il s'agit bien d'un cas d'espèce?
[72] On peut comprendre que le bénéficiaire puisse avoir une certaine crainte de perdre sa cause; cela ne constitue pas pour autant une crainte raisonnable de partialité de la part du décideur ni un motif de récusation.
[73] Le tribunal est d'avis que chaque litige doit être tranché sur la base de la preuve recueillie à l’enquête.
[74] Contrairement à l'opinion des tenants de la récusation, il n'existe aucune preuve qui établit que l'arbitre connaît les faits relatifs à la présente cause.
[75] Contrairement à la jurisprudence déposée, il n'existe aucune preuve comme quoi le tribunal s'est déjà forgé ou a déjà émis une opinion sur la présente cause.
[76] Depuis le début de cette affaire, aucune inimitié ne s'est développée entre l'arbitre et l'une ou l'autre des parties.
[77] POUR CES MOTIFS, la requête en récusation est REJETÉE.
[78] Le tribunal communiquera sous peu avec les parties concernant la poursuite de l'audience sur les autres questions préliminaires et sur le fond du litige.
[79] L'arbitre réserve pour plus tard le partage des coûts de l'arbitrage, une fois que les résultats au mérite sur chacun des aspects de la présente réclamation seront connus, le tout conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
BELOEIL, le 12 juillet 2005.
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__________________________________ Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ] |