Lettre dossier

ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :   GAMM : 2017-16-008
QH : 88666 / Conciliation : 10976

 

 

ENTRE :

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 1713 LEBEL

(ci-après le « Bénéficiaire »)

 

ET

 

GESTION IMMOBILIÈRE AUB-BERT INC./GROUPE HABITATION TENDANCE

(ci-après l’« Entrepreneur »)

 

ET

 

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

(ci-après l’« Administrateur »)

 

DEVANT L’ARBITRE :          Me Karine Poulin

Pour l’Entrepreneur :                 Steve Marion

Pour le Bénéficiaire :                Sylvie Sabourin

Pour l’Administrateur :              Me François-Olivier Godin

 

Date d’audience :                     16 novembre 2017

Date de la sentence :               6 avril 2018

 

SENTENCE ARBITRALE

I

LE RECOURS

[1]          Le Bénéficiaire, Syndicat des copropriétaires du 1713 Lebel (ci-après appelé « Bénéficiaire » ou « SDC 1713 ») conteste en vertu de l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») la décision de l’Administrateur rendue le 13 avril 2017 qui rejette sa réclamation au motif que le problème de toiture (bardeaux) a fait l’objet d’une décision rendue le 15 septembre 2015, que le problème dénoncé relatif à d’installation des fascias ne constitue pas un vice de construction et enfin, que le remboursement demandé n’est pas prévu au plan de garantie.

[2]          Le présent dossier a été réuni pour audition commune avec les dossiers des syndicats de copropriétaires du 1705 et 1717 Lebel (ci-après appelés « SDC 1705 » et « SDC 1717 »), voisins du Bénéficiaire en l’instance, qui soumettent des problèmes similaires, voir quasi identiques à ceux en l’espèce. Bien qu’une seule audience ait eu lieu, le présent Tribunal rend trois (3) décisions, soit une (1) dans chaque dossier.

II

LES FAITS

[3]          La réception des parties communes du bâtiment a eu lieu le 19 décembre 2012 et la fin des travaux, quant à elle, est survenue le 27 juin 2012.

[4]          À l’été 2013, des travaux à la toiture sont effectués par l’Entrepreneur, sans que le Bénéficiaire en ait fait la demande. Il en va de même pour les bâtiments des SDC 1705 et 1717.

[5]          À l’été 2014, les copropriétaires s’aperçoivent que des bardeaux sont manquants sur la toiture et la situation est dénoncée à l’Entrepreneur, qui refuse d’intervenir. Par la suite, la situation est dénoncée de nouveau à l’été 2015, avec copie à l’Administrateur, et une décision est rendue le 15 septembre 2015, rejetant la réclamation au motif qu’il ne s’agit pas d’un vice caché.

[6]          Le ou vers le 2 septembre 2016, le Bénéficiaire note l’absence de certains bardeaux.

[7]          Suivant des discussions avec les copropriétaires de bâtiments adjacents, la firme Thermo Logik est mandatée pour procéder à une inspection de la toiture et des entre toits le 1er novembre 2016 et rend son rapport le 10 novembre.

[8]          Le 2 décembre suivant, une mise en demeure est transmise à l’Entrepreneur et dénonciation est faite à l’Administrateur le même jour. Par la suite, le 18 janvier 2017, une seconde mise en demeure est transmise à l’Entrepreneur en raison de nouveaux bardeaux qui sont arrachés, avec copie à l’Administrateur.

[9]          Toujours en janvier 2017, le Bénéficiaire procède aux travaux correctifs effectués à la suite du rapport de Thermo Logik du 10 novembre précédent. Il procède également à des travaux de calfeutrage préventifs le 22 février 2017 en même temps que les SDC 1705 et 1717.

[10]       L’inspection par l’Administrateur a lieu le 29 mars 2017 et la décision est rendue le 13 avril 2017. Monsieur Arès, inspecteur-conciliateur pour l’Administrateur, rejette les réclamations du Bénéficiaire au motif qu’il n’a pu observer de vice de construction en ce qui concerne l’installation des fascias, que la réclamation relative aux bardeaux de toiture a déjà fait l’objet d’une décision ayant acquis la force de la chose jugée et enfin, que les frais dont le Bénéficiaire demande le remboursement ne sont pas couverts par le plan de garantie.

III

LA PREUVE

Bénéficiaire

[11]       Monsieur Stéphane Sénéchal est l’auteur du rapport émis par Thermo Logik et daté du 10 novembre 2016. Le Bénéficiaire demande à ce qu’il soit reconnu expert et soit autorisé à émettre son opinion. À la suite des interrogatoires et contre-interrogatoires, l’Administrateur et l’Entrepreneur reconnaissent au témoin la qualité d’expert en toiture. Le Tribunal accepte de reconnaître ce statut au témoin.

[12]       Monsieur Sénéchal affirme avoir inspecté le bâtiment du Bénéficiaire ainsi que ceux de ses voisins, les SDC 1705 et 1717 pour un problème « d’arrachement au vent ». Selon lui, les déficiences observées sur chacun des bâtiments sont les mêmes, mais présentent des degrés de gravité différents.

[13]       Son témoignage consiste principalement à noter un certain nombre de déficiences liées au non-respect des recommandations du manufacturier, tel le clouage du bardeau dans la bande de colle plutôt que sous celle-ci, l’utilisation du mauvais type de colle vu l’installation du bardeau en période hivernale, l’absence d’une membrane sous-couche sur une distance d’environ dix (10) pieds le long du débord de toit sur chacun des bâtiments et l’installation déficiente du fascia. Selon le témoin, ce dernier élément favorise la formation de glace dans les soffites et, dans l’éventualité où il se formerait de très gros glaçons, il existe une possibilité d’infiltration d’eau dans le bâtiment, quoique peu probable. Il souligne que cette installation est anormale.

[14]       Il note également un manque d’étanchéité au pourtour des sorties de balayeuse et des tuyaux de gaz permettant ainsi des infiltrations d’eau dans l’entre toit. Il explique que l’installation faite par l’Entrepreneur fait en sorte que les joints d’étanchéité doivent être refaits tous les deux (2) ans. Un problème d’étanchéité existe aussi au niveau des évents de plomberie de sorte qu’en hiver, la condensation provoque des infiltrations dans l’entre toit. Il démontre la présence de laine mouillée et affirme qu’avec le temps, l’eau pénètre plus profondément pour s’infiltrer à l’intérieur de la partie habitable du bâtiment.

[15]       En somme, les déficiences notées existent, mais il indique que le revêtement est malgré tout généralement en bon état avec une usure normale pour un bardeau de quatre (4) ans. Il pourrait durer un autre dix (10) ans selon son témoignage. Pour corriger les anomalies observées, il recommande ce qui suit :

·        Réparer les bardeaux endommagés;

·        Refaire l’étanchéité autour des conduits de balayeuse;

·        Appliquer du scellant aux endroits requis "marquise" (voir photo 17-18)(sic);

·        Sceller les évents entre le tuyau et le manchon d’étanchéité;

·        Coller les bardeaux décollés;

·        Vérifier le coupe-froid de la trappe d’accès, pour éviter les pertes de chaleur.

[16]       En contre-interrogatoire, le témoin admet ne pas avoir vérifié les normes prévues au Code national du bâtiment (ci-après « CNB ») avant l’émission du rapport et avant son témoignage.

[17]       Il confirme que les seules infiltrations notées dans l’entre toit résultent du manque d’étanchéité dont il est fait mention ci-devant et le coût des réparations est d’environ 300 $. Il n’a noté aucune dégradation des matériaux à la jonction des tuyaux et du toit.

[18]       Ensuite, le témoin admet avoir utilisé plusieurs photos identiques dans les rapports émis pour les SDC 1705, 1713 et 1717, indépendamment du bâtiment représenté sur chaque photo. Au jour de l’audience, il n’est pas en mesure d’indiquer à quel bâtiment chaque photo se rapporte. Il explique son geste par le fait qu’il a pris ses meilleures photos pour montrer que c’est pareil partout.

[19]       Le témoin n’est pas en mesure d’indiquer la distance qui existe entre la ligne d’appui (ligne de clouage) et la bande de colle et il confond les bardeaux et les pureaux. Il ignore si certains manufacturiers permettent que les bardeaux soient cloués dans la bande de colle.

[20]       Après avoir affirmé qu‘un enduit en bitume doit être utilisé en hiver, il est forcé de corriger le tir et d’indiquer qu’il s’agit là d’une recommandation du manufacturier et que le CNB ne prévoit rien à ce sujet. Il ajoute toutefois que même si ce n’est pas obligatoire, c’est logique de le faire. Il admet aussi qu’avec l’arrivée du printemps, la chaleur active la colle de sorte qu’une bonne adhésion est tout de même possible avec la venue du beau temps à condition qu’il n’y ait pas de poussière.

[21]       Il n’a vu aucun signe d’infiltrations d’eau à l’intérieur du bâtiment, mais précise que sa visite a eu lieu à l’automne et non en hiver.

[22]       Monsieur Steve Marion, directeur technique chez l’Entrepreneur, témoigne ensuite à la demande des Bénéficiaires.

[23]       Il indique que ce n’est pas lui, mais plutôt un directeur de projet qui assure la supervision des chantiers et des échéanciers et que ce dernier ne monte pas sur les toitures. Il indique que l’Entrepreneur est tenu de respecter le CNB et qu’il appartient au couvreur de respecter ces mêmes normes dans l’exécution de son travail.

[24]       Quant aux normes applicables sur un projet particulier, les indications sont données par le directeur de projet au sous-traitant en fonction du contrat signé. Il indique que le CNB doit toujours être respecté, mais qu’un extra doit être négocié si l'on veut appliquer autre chose que le CNB, que ce soient les recommandations du manufacturier ou les règles de l’art.

[25]       Il affirme que Chambly est situé dans une zone venteuse, mais pas dans une zone de « grands vents ».

[26]       Il ne peut expliquer pourquoi des pureaux sont arrachés, mais il mentionne que parfois, ça arrive. Il affirme que, selon lui, le couvreur a respecté les règles de l’art.

[27]       Il admet que des travaux ont été faits sur la toiture du Bénéficiaire, à son insu. Il dit que lorsqu’il s’aperçoit qu’il manque un bardeau, il va réparer et n’attend pas de recevoir un appel à ce sujet. Il réfère le Tribunal et les parties à l’article 2100 du Code civil du Québec qui prévoit que l’Entrepreneur doit agir avec prudence et diligence, dans l’intérêt de son client. Il s’excuse d’avoir agi pour protéger la toiture du Bénéficiaire.

[28]       Madame Sylvie Sabourin représente le SDC 1713 et témoigne à l’audience. Elle dépose un historique des événements.

[29]       En somme, elle explique que la fin des travaux a eu lieu le 27 juin 2012. Par ailleurs, dès l’été 2013, des bardeaux sont arrachés de la toiture. Elle insiste particulièrement sur les réparations effectuées par l’Entrepreneur « en catimini ». À ce jour, elle ignore ce qui a été fait et pourquoi.

[30]       Elle ajoute que d’autres bardeaux sont arrachés à l’été 2014 et que l’Entrepreneur en est informé verbalement. Toutefois, la réponse de ce dernier n’est pas claire, mais, quoi qu’il en soit, rien n’est fait par l’Entrepreneur pour corriger la situation.

[31]       Croyant que la toiture est garantie cinq (5) ans, le problème tombe un peu dans les oubliettes et le Bénéficiaire revient à la charge avec sa demande à l’été 2015, mais cette fois l’Administrateur est notifié par écrit. Une inspection par l’Administrateur a alors lieu le 1er septembre 2015 et une décision est rendue le 15 septembre, rejetant la réclamation au motif qu’il ne s’agit pas d’un vice caché.

[32]       Selon le témoin, l’inspecteur-conciliateur lui aurait alors indiqué qu’en cas de refus de la demande, il leur conseillait de faire réparer ou d’aller en arbitrage.

[33]       Ne comprenant pas bien les implications de la décision rendue ni les dispositions du Code civil, le Bénéficiaire fait effectuer les réparations dont il réclame maintenant le remboursement et aucune demande d’arbitrage n’est formulée à l’encontre de la décision rendue.

[34]       Madame Sabourin réitère ensuite le témoignage rendu par Monsieur Morel dans le dossier SDC 1717 dont voici l’extrait pertinent, et fait siens les propos de ce dernier :

[32]      Ensuite, début juillet 2016, les copropriétaires du SDC 1717 découvrent que des bardeaux sont manquants à quelques endroits sur la toiture et dénoncent la situation à l’Entrepreneur le 7 juillet. Le lendemain, l’Entrepreneur indique que les travaux sont conformes aux règles de l’art et qu’il appartient aux copropriétaires de vérifier et d’entretenir la toiture au moins 2 fois par année, et après de forts vents.

[33]      Devant ce refus, le Bénéficiaire mandate la firme Toiture imper solution le 2 septembre 2016 pour procéder à une inspection de la toiture et remplacer les bardeaux manquants en vue d’éviter toute infiltration d’eau. Lors de cette inspection, un copropriétaire voisin, Pierre Thériault (SDC 1713), se présente sur les lieux et indique que leur copropriété éprouve les mêmes problèmes de perte de bardeaux de même que celle située au 1919, boulevard Lebel.

[34]      Étant donné que trois (3) copropriétés font face à la même situation, les copropriétaires font une tournée des bâtiments voisins et constatent que la situation semble généralisée. Cette situation est notamment observée sur le bâtiment du SDC 1705. Cette tournée des bâtiments avoisinants se fait entre septembre et novembre 2016.

[35]      Vu la généralité constatée, les différents syndicats, huit (8) au total, se regroupent et font inspecter les toitures et entre toits par la firme Thermo Logik qui note, selon les dires du témoin, des anomalies similaires sur tous les bâtiments. Cette inspection a eu lieu le 1er novembre 2016.[1]

[35]       Suivant la réception du rapport du 10 novembre, une mise en demeure est transmise à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur le 2 décembre suivant.

[36]       En janvier 2017, d’autres bardeaux sont manquants et une seconde mise en demeure est adressée à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur le 18 janvier 2017.

[37]       Par la suite, le 12 janvier 2017, le Bénéficiaire note que d’autres bardeaux sont manquants de sorte qu’une seconde mise en demeure est transmise à l’Entrepreneur le 18 janvier, avec copie à l’Administrateur

[38]       Le témoin reconnaît que la réclamation au point 1 de la décision du 13 avril 2017 (bardeaux de toiture) a fait l’objet de la décision rendue le 15 septembre 2015. Elle demande tout de même à l’arbitre de statuer en faveur du Bénéficiaire sur ce point.

[39]       Elle conteste aussi les conclusions de l’Administrateur quant au point 2 (installation des fascias) voulant qu’il ne s’agisse pas d’un vice de construction. Au soutien de sa position, elle dépose le document intitulé Mode de pose Bardeaux d’asphalte qui émane du fabricant, un extrait du CNB ainsi que le Guide de performance de l’APCHQ. Selon le témoin, il n’est pas normal d’avoir à faire un entretien aussi fréquemment. Madame Sabourin demande au Tribunal de prendre en compte la perte de valeur de l’immeuble en raison de ce problème pour conclure au vice de construction.

[40]       En réponse à l’argument voulant qu’il n’y ait eu aucune infiltration d’eau à ce jour, elle répond que c’est effectivement le cas, mais que c’est en raison du fait que le Bénéficiaire a entretenu l’immeuble en place et lieu de l’Entrepreneur.

[41]       Le Bénéficiaire réclame ainsi de l’Entrepreneur et, subsidiairement, de l’Administrateur, le coût des travaux effectués par le Bénéficiaire à la suite de la décision du 15 septembre 2015 ainsi que ceux des travaux effectués en janvier 2017 (suite au rapport de Thermo Logik) ainsi que les frais d’inspection et de présence à l’audience de Monsieur Sénéchal. Elle indique que les travaux effectués et dont le remboursement est ici réclamé étaient nécessaires, urgents et conservatoires conformément à l’article 34 (5) du Règlement.

[42]       À l’instar de Monsieur Morel (SDC 1717), elle affirme que Monsieur Arès n’est pas monté sur la toiture et, par conséquent, elle estime que ce dernier ne s’est pas acquitté de sa tâche correctement.

Entrepreneur

[43]       Monsieur Stéphane Dussault, couvreur, est entendu à la demande de l’Entrepreneur. Il affirme que l’installation du bardeau et des fascias est conforme aux règles de l’art.

[44]       Il indique qu’il existe plusieurs règles de l’art en la matière, en plus des recommandations du manufacturier et du CNB. Pour sa part, il choisit de faire ses installations en suivant les normes édictées au  CNB. Le choix de poser le bardeau avec de la colle ou du bitume découle du choix de l’Entrepreneur. Ici, l’Entrepreneur lui a dit de faire la pose en suivant les normes du CNB. C’est ce qu’il a fait.

[45]       Il ignore l’impact d’avoir posé les clous dans la bande de colle plutôt qu’en dessous. Il admet néanmoins qu’il est possible que certains clous aient été posés dans ladite bande, précisant du même jet que la distance entre la bande de colle et la ligne de clouage est très mince.

[46]       Il affirme avoir posé une membrane sous-couche sur toute la longueur des débords de toit, mais admet avoir été informé par l’Entrepreneur qu’il en avait oublié un bout.

[47]       Il confirme avoir fait les travaux de réparation à la demande de l’Entrepreneur en raison de pureaux manquants. Il utilise alors du bitume. Il s’agit, selon lui, de réparations permanentes et non temporaires. Il reconnaît toutefois la présence de clous apparents.

[48]       Interrogé sur la « normalité » du phénomène qu’on observe en l’instance, soit la perte de pureaux, il indique que c’est courant dans ce secteur fort venteux.

[49]       Il confirme avoir fait des réparations à quelques reprises sur les bâtiments visés à l’audition, directement ou par l’intermédiaire de ses employés, à la demande de l’Entrepreneur.


 

Administrateur

[50]       L’Administrateur fait entendre Michel Arès, inspecteur-conciliateur. Il est l’auteur de la décision rendue en l’instance.

[51]       Il explique que son rôle consiste à recevoir la dénonciation des bénéficiaires, à procéder à une inspection visuelle des lieux et à appliquer le Règlement quant à chaque point dénoncé, en fonction des dates pertinentes (réception des parties communes ou fin des travaux selon le cas).

[52]       Monsieur Arès indique qu’il a refusé de reconnaître le point 1 en raison du fait que ce dernier a déjà fait l’objet d’une décision rendue le 15 septembre 2015.

[53]       Quant au point 2 qui concerne l’installation des fascias, le Bénéficiaire dénonce un problème d’installation, savoir que le fascia a été installé sur la membrane de protection plutôt qu’en dessous de celle-ci.

[54]       Monsieur Arès explique que la fonction de la membrane est de protéger la structure de la toiture en cas d’accumulation de glace au débord de toit. De fait, l’eau qui peut s’accumuler au-dessus du barrage de glace créé au débord de toit peut s’infiltrer sous les bardeaux et pénétrer à l’intérieur du bâtiment s’il y a absence de membrane ou si celle-ci ne monte pas suffisamment haut.

[55]       Lorsqu’il y a une membrane et que celle-ci est installée correctement, l’eau qui s’écoule sur la membrane pour rejoindre le débord de toit et s’égoutter vers l’extérieur pénètre alors sous le fascia de sorte que l’eau s’égoutte dans les soffites plutôt que de rejoindre la gouttière ou le vide en l’absence de gouttières. Le fascia eût-il été installé correctement, soit sous la membrane, que ce risque n’existerait pas.

[56]       Quoi qu’il en soit, il déplore que Thermo Logik n’ait pas précisé les endroits où la membrane est manquante, car, si celle-ci est manquante au-dessus des balcons, ce n’est pas grave parce que ce n’est pas une zone chauffée et que donc, il n’existe aucun risque de formation de barrage de glace à cet endroit ni d’infiltrations d’eau.

[57]       En contre-interrogatoire, il se défendra d’avoir manqué à son devoir de faire ses propres constats en disant qu’il est neutre dans le dossier et qu’il n’est l’expert de personne. Selon lui, si les parties ont quelque chose à lui montrer, elles doivent le faire. En l’espèce, tout le monde est resté dans la rue et personne n’a insisté pour monter sur la toiture. Il s’explique mal le reproche qu’on lui fait aujourd’hui.

[58]       Monsieur Arès précise qu’en l’instance, il n’y a aucun problème et qu’il s’agit d’une malfaçon vu l’absence de formation de barrage de glace. Autrement, on serait en présence d’un vice caché (et non d’un vice majeur). D’abondant, il ajoute que s’il y avait formation de barrages de glace au débord de toit, ce serait alors un indicateur d’un autre problème, soit de ventilation, d’isolation ou autre.

[59]       Il indique qu’il ne faut jamais se fier au dernier plan de protection.

[60]       Pour la raison indiquée précédemment, Monsieur Arès n’est pas monté sur le toit et n’a donc pu faire ses propres constats. Il s’en est tenu au rapport de Thermo Logik. Sur la foi dudit rapport, il n’est pas en mesure de constater de vice majeur.

[61]       Enfin, quant au point 3 relatif au remboursement de frais de réparation et d’inspection, il conclut qu’il ne s’agit pas de frais engagés pour des réparations urgentes et conservatoires de sorte que celles-ci ne sont pas couvertes par le plan de garantie.

IV

PLAIDOIRIES

[62]       Madame Sabourin soutient que la situation actuelle est anormale. Elle estime déraisonnable la durée de deux (2) ans au cours de laquelle l’Entrepreneur assume l’entretien de l’immeuble à ses frais. Un délai de 7-8 ans aurait été plus acceptable.

[63]       Le Bénéficiaire se dit victime des manœuvres de l’Entrepreneur qui vient pelleter dans leur cour les frais d’entretien dont il est responsable.

[64]       L’Entrepreneur prétend avoir respecté les exigences du CNB alors qu’il n’en produit aucun extrait afin d’appuyer ses propos.

[65]       Selon elle, le témoin Dussault s’est contredit à quelques reprises dans son témoignage et elle invite le Tribunal à n’accorder aucune valeur à ce témoin.

[66]       Le Bénéficiaire prétend être en droit d’obtenir la réfection complète de la toiture et demande à ce que celle-ci soit refaite par un autre entrepreneur que le présent Entrepreneur ou son sous-traitant en raison du bris du lien de confiance.

[67]       D’abondant, Madame Sabourin plaide que la perte de valeur de l’immeuble constitue un vice majeur et que les frais engagés étaient requis en raison de la nécessité, de l’urgence et de la nature conservatoire des travaux effectués. Elle estime que le Bénéficiaire a droit au remboursement des frais réclamés. Elle ajoute qu’une somme de mille cinq cents dollars (1 500 $) doit être ajoutée à leur réclamation à titre de dommages-intérêts.

Administrateur

[68]       Me Godin soutient que la décision rendue par l’Administrateur est bien fondée et doit être maintenue.

[69]       D’entrée de jeu, Me Godin souligne qu’il y a chose jugée en ce qui concerne la réclamation du Bénéficiaire liée à la toiture puisque la décision rendue le 15 septembre 2015 par l’Administrateur n’a pas été portée en arbitrage. Le présent Tribunal n’a par conséquent pas compétence pour statuer sur cette question.

[70]       Quant au point 2 et qui concerne la membrane de protection d’avant toit (fascia), il soutient qu’il ne s’agit pas d’un vice majeur tel que reconnu par la jurisprudence.

[71]       Il ne voit aucun motif pour lequel le Tribunal devrait conclure à un vice de construction de nature à mettre en péril la pérennité de l’immeuble. L’installation inadéquate des fascias, telle que vue, n’a pas entraîné de conséquences graves de nature à affecter la solidité de l’ouvrage. Au soutien de sa position il dépose la décision SDC Les jardins du parc[2] rendue par Me Johanne Despatis et il invite le présent Tribunal à rendre la même décision.

[72]       En ce qui concerne la demande de remboursement de frais formulée par le Bénéficiaire, l’Administrateur plaide que les frais engagés pour la préparation du rapport de Thermo Logik n’ont pas été engagés dans le cadre de l’arbitrage, mais plutôt comme suite à la décision rendue en 2015 et à l’encontre de laquelle aucune demande d’arbitrage n’a été formulée.

[73]       Quant aux frais pour les travaux exécutés, quand bien même la preuve aurait démontré le caractère nécessaire, urgent et conservatoire de ceux-ci, rien ne permet d’octroyer un remboursement pour des frais liés à une réclamation non couverte par le Règlement. Il en est ainsi de la demande liée à la toiture et à l’égard de laquelle la décision rendue en septembre 2015 à l’effet de la chose jugée. Une demande non couverte par le Règlement ne devient pas admissible du seul fait que des travaux nécessaires, urgents et conservatoires doivent être effectués sur l’immeuble.

[74]       Enfin, Me Godin plaide que le témoignage de Monsieur Sénéchal n’a pas apporté un éclairage nouveau de nature à aider le Tribunal à rendre sa décision de sorte que le remboursement des frais de ce dernier ne doit pas être accordé.

[75]       Il demande donc le rejet pur et simple de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire.  

Entrepreneur

[76]       Pour sa part, l’Entrepreneur soumet que Monsieur Sénéchal a utilisé des photos identiques dans les différents rapports des SDC 1705, 1713 et 1717 sans égard au bâtiment représenté par les photos. Il est d’avis qu’il faut accorder peu de crédibilité à ce témoin.

[77]       Il ajoute que le Bénéficiaire n’a pas prouvé à quel endroit la membrane est manquante, ajoutant que le CNB permet de ne pas installer de membrane à certains endroits.

[78]       Pour sa part, il affirme fièrement être l’un des rares entrepreneurs à avoir la cote A-2 depuis l’instauration du nouvel administrateur du plan de garantie (GCR) il y a trois (3) ans. Selon lui, cette cote A-2 signifie qu’il est très performant.

[79]       Sur neuf (9) bâtisses construites dans ce secteur, il affirme que seulement quatre (4) bénéficiaires ont fait des réclamations, dont les SDC 1705, 1713 et 1717.

V

ANALYSE ET DÉCISION

[80]       La présente sentence dispose des points 1 à 3 de la décision rendue le 13 avril 2017 par l’Administrateur, sous la plume de Michel Arès, inspecteur-conciliateur.

[81]       Tout d’abord, je tiens à féliciter le Bénéficiaire pour la qualité de sa prestation et le professionnalisme dont il a fait preuve, notamment en ce qui concerne la présentation matérielle de sa documentation. Sa représentante était bien préparée au jour de l’audience et ce fut fort apprécié.

[82]       Malgré ce qui précède, je ne peux faire droit à la demande qui m’est soumise et c’est avec grand regret que je dois la rejeter.

[83]       Il sied de rappeler que le pouvoir qui m’est dévolu de trancher le présent différend découle du Règlement, lequel encadre les obligations de l’Entrepreneur et de l’Administrateur en vertu du plan de garantie. En outre, le Règlement prévoit ce qui suit :

27. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

 

(…)

 

4°  la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;

 

5°  la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu’il n’y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

29. Sont exclus de la garantie:

 

1°  la réparation des défauts dans les matériaux et l’équipement fournis et installés par le bénéficiaire;

 

2°  les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;

 

3°  les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire;

 

4°  les dégradations résultant de l’usure normale du bâtiment;

 

(…)

 

34. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 27:

 

1°  dans le délai de garantie d’un, 3 ou 5 ans selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l’entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l’administrateur en vue d’interrompre la prescription;

 

2°  au moins 15 jours après l’expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit l’administrateur s’il est insatisfait de l’intervention de l’entrepreneur ou si celui-ci n’est pas intervenu; il doit verser à l’administrateur des frais de 100 $ pour l’ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;

 

3°  dans les 15 jours de la réception de l’avis prévu au paragraphe 2, l’administrateur demande à l’entrepreneur d’intervenir dans le dossier et de l’informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;

 

4°  dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai accordé à l’entrepreneur en vertu du paragraphe 3, l’administrateur doit procéder sur place à une inspection;

 

5°  dans les 20 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire;

 

6°  à défaut par l’entrepreneur de rembourser le bénéficiaire, de parachever ou de corriger les travaux et en l’absence de recours à la médiation ou de contestation en arbitrage de la décision de l’administrateur par l’une des parties, l’administrateur, dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai convenu avec le bénéficiaire en vertu du paragraphe 5, effectue le remboursement ou prend en charge le parachèvement ou les corrections, convient pour ce faire d’un délai avec le bénéficiaire et entreprend, le cas échéant, la préparation d’un devis correctif et d’un appel d’offres, choisit des entrepreneurs et surveille les travaux;

 

(…)

 

116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

 

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.

 

Seul l’organisme d’arbitrage est habilité à dresser le compte des coûts de l’arbitrage en vue de leur paiement.

 

124. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

 

Le présent article ne s’applique pas à un différend portant sur l’adhésion d’un entrepreneur.

 

ANNEXE II

 

LISTE DES ENGAGEMENTS DE L’ENTREPRENEUR

 

L’entrepreneur s’engage:

 

1° à respecter les critères d’adhésion requis par l’administrateur conformément aux exigences prévues dans un règlement de la Régie du bâtiment du Québec portant sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;

 

2° à dénoncer à l’administrateur le dépôt d’un avis d’intention ou d’une proposition à l’égard d’une personne insolvable, fait en vertu de l’article 65.1 de la Loi sur la faillite et insolvabilité (L.R.C. 1985 c. B-3);

 

à respecter les règles de l’art et les normes en vigueur applicables au bâtiment;

 

(…)

(nos caractères gras)

 

[84]       En sus des obligations qui s’imposent à l’Entrepreneur en vertu du Règlement, ce dernier est également tenu de se conformer à toutes autres règles qui s’imposent à lui et notamment celles prévues au Code civil du Québec.

[85]       Cependant, en ce qui concerne l’Administrateur, ce dernier n’est tenu d’exécuter les obligations de l’Entrepreneur en sa place et lieu qu’en cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations prévues au Règlement dans les cas où celui-ci fait défaut de s’exécuter malgré une décision ayant acquis la force de la chose jugée.

[86]       Ainsi, les pouvoirs de l’arbitre sont limités à l’application du Règlement seulement. Autrement dit, si l’entrepreneur a manqué à une obligation prévue ailleurs qu’au Règlement, ou si les critères de couverture du Règlement ne sont pas satisfaits, l’arbitre n’a pas le pouvoir de rendre une ordonnance contre l’entrepreneur ni contre l’administrateur.

[87]       Ce serait le cas, par exemple, lorsqu’une demande est rejetée pour défaut d’avoir dénoncé la situation à l’administrateur dans le délai prévu au Règlement, ou encore lorsqu’un vice caché est découvert hors la période de garantie prévue au Règlement, mais que le délai de prescription civil n’est pas échu (trois (3) ans de la découverte du vice plutôt que trois (3) ans suivant la réception), sous réserves alors que les autres critères soient remplis. C’est donc dire qu’un bénéficiaire pourrait avoir des droits à faire valoir devant les tribunaux de droit commun, mais son recours alors ne viserait que l’entrepreneur et non l’administrateur.

[88]       Après avoir entendu la preuve et les représentations de part et d’autre, et suite à l’analyse du Règlement, tel qu’il s’applique à l’immeuble du Bénéficiaire, le Tribunal est d’avis que la réclamation du Bénéficiaire doit être rejetée et que la décision de l’Administrateur doit être maintenue.

[89]       En ce qui concerne le premier point, l’Administrateur a refusé de statuer au motif que cette dénonciation a déjà fait l’objet d’une décision de l’Administrateur le 15 septembre 2015 et que celle-ci a maintenant force de chose jugée.

[90]       C’est à bon droit que Monsieur Arès a décidé ainsi et il n’y a pas lieu de réviser sa décision sur ce point.

[91]       Quant au second point (fascia), Monsieur Arès a décidé que cette situation s’apparente à une malfaçon et vu les délais écoulés depuis la fin des travaux, soit plus de quatre (4) ans, il ne peut reconnaître la situation dénoncée. En somme, la décision est à l’effet qu’il ne s’agit pas d’un vice majeur.

[92]       Quoi que son raisonnement aurait avantage à être plus clair, il n’en demeure pas moins qu’au moment où l’Administrateur reçoit la dénonciation du Bénéficiaire en décembre 2016, un délai de plus de quatre (4)  ans s’est écoulé depuis la fin des travaux de sorte que seule la garantie de cinq (5) ans peut trouver application en l’espèce. Monsieur Arès a donc eu raison d’analyser la situation dénoncée à la lumière des critères relatifs au vice de construction.

[93]       Le Bénéficiaire étant demandeur en l’instance, il lui appartenait de convaincre le Tribunal du bien-fondé de sa position[3], à savoir que les problèmes dénoncés constituent des vices de construction de nature à mettre en péril la solidité ou la pérennité de l’immeuble au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec, lequel énonce ce qui suit :

2118. À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.

[94]       Le Bénéficiaire a plaidé, avec raison, qu’il n’est pas nécessaire que l’immeuble s’écroule pour qu’il y ait perte.

[95]       À ce titre, les propos de l’arbitre Despatis expriment bien l’état du droit sur cette question[4] :  

[45]           Dans Argonal inc. c. Sector Barbacki Shemie & Associés ltée, AZ-50081857, la Cour supérieure écrit : [paragraphes 23 et ss]

[23] La notion de « perte » [...] doit donc recevoir une interprétation large et s'étendre notamment à tous dommages sérieux subis par l'ouvrage immobilier.

 

[24] [...], il n'est pas nécessaire d'établir ni le fait que l'ouvrage a péri ni le moment auquel il va s'écrouler. Il suffit de démontrer que le défaut de construction constituait un vice important et sérieux qui risquait de nuire à la solidité et à l'utilité du bâtiment, c'est-à-dire une perte potentielle.  La simple menace de perte d'un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car elle entraîne, de manière immédiate, une diminution importante de sa valeur marchande et de son utilité.

(Caractères gras de Me Despatis)

 

[46]           En définitive le problème susceptible d’être reconnu comme un vice de construction doit en être un d’une gravité susceptible d’entrainer la perte de l’ouvrage.

[47]           Dans son ouvrage Les contrats de construction en droit public & privé, l'honorable Thérèse Rousseau-Houle analyse la responsabilité pour vice de construction et se penche notamment sur le sens à donner à l'expression perte de l'ouvrage que l’on retrouve à l’article 2118 du Code civil du Québec.

[48]           L’auteure commente le concept de perte qu’elle associe à une défectuosité grave et susceptible d'affecter la stabilité ou la solidité d'un ouvrage ou le rendre impropre à sa destination. Elle écrit :

Pour donner lieu à la responsabilité quinquennale, il faut en outre que les défauts constatés soient des vices de construction ou de sol entraînant la perte partielle ou totale de l'ouvrage.

[...]

a) Vices entraînant la perte partielle ou totale de l'ouvrage

Selon les termes de l'article 1688 [aujourd’hui 2118], la responsabilité quinquennale n'est engagée que « si l'édifice périt en tout ou en partie.» Cet article, constituant une exception au principe de la libération du locateur d'ouvrage par la réception, devrait normalement être interprété de façon stricte. Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l'égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d'assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n'ont jamais appliqué l'article 1688 [aujourd’hui 2118] à la lettre et n'ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes «périt en tout ou en partie» ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l'édifice et les défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux.

Le champ d'application de la garantie quinquennale n'est donc pas restreint aux désordres qui entraînent la ruine effective des ouvrages. De telles hypothèses sont d'ailleurs relativement peu fréquentes, car, lorsque la gravité des vices est susceptible de provoquer la ruine, l'effondrement de l'ouvrage se produit généralement en cours de construction et c'est alors la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur et de l'architecte qui peut être mis en cause. Il suffit pour engager la responsabilité quinquennale des constructeurs que le danger de ruine soit imminent, voire latent. La simple menace de ruine d'un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car l'ouvrage qui menace ruine perd une grande partie de sa valeur marchande et de son utilité. De même, une ruine simplement partielle est suffisante lorsque par suite des vices affectant les parties maîtresses de l'ouvrage, il y a menace d'effondrement ou fléchissement de certaines parties de l'immeuble ou simplement des fissures importantes pouvant causer la perte de composantes essentielles du bâtiment

[…]

b) Vices affectant la solidité de l'édifice ou le rendant impropre à sa destination

 Celle-ci s'étend à toutes défectuosités graves, à tous désordres qui, concernant la structure même de l'ouvrage ou ses parties maîtresses, sont de nature à compromettre la solidité. Si la jurisprudence a reconnu à maintes occasions que le terme «périr» de l'article 1688 [aujourd’hui 2118] n'est pas limitatif, elle a néanmoins réduit la portée aux vices graves causant des dommages sérieux aux gros ouvrages. Il doit s'agir de déficiences qui peuvent mettre en péril la solidité ou la stabilité de l'édifice ou de ses composantes essentielles.

(Caractères gras de Me Despatis)

[96]       En l’espèce, la preuve a démontré que le revêtement de la toiture est généralement en bon état et qu’une durée de vie additionnelle de dix (10) ans est envisageable. De plus, aucune infiltration d’eau n’est survenue jusqu’à présent, outre celles en lien avec le manque d’étanchéité au niveau des évents de plomberie. Le manque d’étanchéité découle d’un manque d’entretien et est exclu de la couverture du plan de garantie. Bien que le Bénéficiaire semble croire qu’aucun entretien n’est requis de sa part au cours des premières années, il fait erreur.

[97]       Aucune preuve voulant que la solidité ou la stabilité de l’immeuble soit en péril ou que la situation constitue un danger pour ses occupants n’a été faite, pas plus que celle de la grande diminution de la valeur marchande des unités ou de leur utilisation.

[98]       Aucun témoin n’a affirmé que la structure même de la toiture soit en péril en raison de l’installation déficiente du fascia ni que l’immeuble soit rendu impropre à l’usage auquel il est destiné. Au pire, la toiture devra être refaite plus rapidement que prévu. Certes, il s’agit d’un inconvénient et cela déplaît au Bénéficiaire. Cependant, rien dans la preuve soumise ne convainc le Tribunal qu’il y a péril en la demeure.

[99]       Contrairement à la situation qui prévalait dans l’affaire SDC Carrefour Renaissance[5] où l’expert de l’Administrateur a conclu que la situation présentait un risque d’infiltrations d’eau, il n’en est rien en l’espèce.

[100]    Il n’est pas loisible à l’arbitre de rendre une décision par sympathie ou en présumant et anticipant des événements qui n’ont pas été prouvés selon la balance des probabilités.

[101]    S’agit-il d’un inconvénient pour le Bénéficiaire? Oui.

[102]    Est-ce possible que le fonds de prévoyance doive être augmenté pour prévoir la réfection hâtive de la toiture? Oui.

[103]    Mais y a-t-il preuve que la structure du bâtiment est affectée ou qu’il y a perte, même potentielle, de l’ouvrage au sens de l’article 2118 C.c.Q.? Non.

[104]    Y a-t-il preuve de la perte de valeur importante des unités? Non.

[105]    Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’a d’autre choix que de conclure au rejet de la demande, faute par le Bénéficiaire de s’être déchargé de son fardeau de démontrer, selon la balance des probabilités, que le vice dénoncé est de nature à causer la perte totale ou partielle de l’immeuble ou d’une composante importante de celui-ci.

[106]    Le rejet de la présente demande est d’autant plus difficile que le comportement de l’Entrepreneur et par la suite de Monsieur Arès est inacceptable, sans compter la piètre qualité de l’expertise rendue.

[107]    Sans entrer dans le menu détail, qu’il suffise de dire que l’Entrepreneur se méprend clairement sur les obligations qui lui incombent lorsqu’il affirme qu’il peut se contenter d’effectuer ses travaux uniquement en fonction des normes édictées au CNB. Il est on ne peut plus clair que l’objectif recherché en l’espèce était la construction au moindre coût, quitte à faire fi des règles de l’art. De plus, en corrigeant une situation problématique en 2013, à l’insu du Bénéficiaire, l’Entrepreneur s’est organisé pour que passe inaperçu un problème qui aurait pu être couvert par la garantie eut-il été découvert et dénoncé à l’Administrateur en temps utile.

[108]    Monsieur Marion s’est excusé, avec une pointe d’arrogance, d’avoir voulu protéger le bâtiment du Bénéficiaire en effectuant des réparations sans attendre de recevoir un appel de service. Il aurait plutôt dû s’excuser d’avoir fait perde au Bénéficiaire des droits en vertu du plan de garantie. Car si la situation avait été découverte dès l’été 2013 et dénoncée à l’Administrateur dans les six (6) mois, la réclamation aurait été traitée à la lumière des critères applicables à la malfaçon.

[109]    Au pire, si la situation avait été découverte avant le 27 juin 2015 et dénoncée dans les six (6) mois suivants, l’analyse aurait été faite à la lumière des critères applicables au vice caché. En laissant s’écouler le temps, le Bénéficiaire n’avait pour toute garantie, en vertu du Règlement, que celle relative aux vices de construction.

[110]    Quant à Monsieur Arès, il se méprend tant sur son rôle que sur la nature du contrôle de qualité qu’il doit effectuer lorsqu’il procède à une inspection.

[111]    D’une part, il a raison de dire qu’il n’est l’expert d’aucune des parties. Par contre, il a l’obligation d’inspecter, et inspecter signifie, selon l’arbitre Morissette[6] :

[36]         Le devoir de l’Administrateur lorsqu’il est appelé à vérifier une dénonciation d’un bénéficiaire du Plan de garantie n’est pas de faire peser sur le consommateur le principe de droit du fardeau de la preuve.  Son rôle est de sauvegarder les droits des personnes qui bénéficient d’une protection décrite dans le Règlement.  Il doit prendre toutes les mesures qui s’imposent pour rendre une décision objective et neutre, basée sur les règles de l’art et technique (sic) du monde de la construction.  Il ne doit pas se satisfaire bêtement de simple document échangé sans en prendre connaissance ou n’en prendre connaissance qu’en partie.  Il ne doit pas apparaître ou donner l’impression de protéger son ancien patron ou l’un de ses importants membres;

[37]         (…) La personne qui procède à l’inspection doit toujours faire une enquête objective et complète des divers points dont se plaint un consommateur.  Les bénéficiaires sont pour la plupart des gens qui ne connaissent pas les prescriptions et techniques de construction.  Le Règlement a été justement adopté et laissé sous la férule de la Régie du Bâtiment pour mettre en place un processus pour la protection des acheteurs de bâtiments résidentiels neufs.  L’inspection sert à la protection d’acheteurs de bâtiments résidentiels neufs et à l’application du plan de garantie;

[38]         Inspecter est synonyme de contrôler, examiner, explorer, fouiller, prospecter, scruter, surveiller.  L’inspecteur doit faire ce travail et en venir à une décision éclairée en fonction de ses propres trouvailles et après une analyse complète et sérieuse de toute la documentation qu’il a en main, que cette documentation lui ai (sic) été remise par un Bénéficiaire, un Entrepreneur ou que son travail lui a permis d’obtenir.  L’inspecteur doit être une personne connaissant les méthodes et règles de construction et s’il ne connaît pas un produit ou les causes d’un désordre, son enquête doit lui permettre de rendre une décision éclairée, objective et dénuée d’intérêt;

(…)

[109]     (…) L’administrateur est chargé d’examiner le bâtiment en vertu d’une mission spécifique et de vérifier la qualité du travail de l’Entrepreneur sur le désordre trouvé.  Il contrôle, examine, surveille et fait une enquête objective de la situation soumise à son appréciation.  Arrivé à  sa décision, il détermine de la couverture en fonction des exclusions et conditions d’application du règlement.  Il s’agit d’examiner avec soin.  Pour inspecter, il ne faut pas que se satisfaire des représentations de l’Entrepreneur, il faut contrôler ces représentations.  Il n’y a pas de fardeau de preuve, il y a un devoir de vérification qui permet aux bénéficiaires du Règlement de bénéficier du Plan de Garantie;[7]

(nos soulignements, références omises)

[112]    En l’espèce, Monsieur Arès n’a pas procédé à une inspection. Monsieur Arès ne pouvait se contenter de lire le rapport d’un tiers, quand bien même celui-ci n’est pas contesté, et d’en tirer des conclusions qui font perde des droits au Bénéficiaire, que le législateur a voulu protéger en adoptant le Règlement, d’autant plus que la toiture n’était pas inaccessible, contrairement à son affirmation.

[113]    Pour preuve, Monsieur Sénéchal y est monté et comme son rapport l’indique, il y a une trappe d’accès sur la toiture.

[114]    Monsieur Arès ne pouvait pas plus conclure que la méthode d’installation n’a pu être observée « due à la hauteur » alors que c’est en raison de son défaut de procéder à l’inspection qu’il n’a pu l’observer. Une situation qui ne peut être observée est une situation où les symptômes dont se plaint un bénéficiaire n’ont pu être observés lors de la visite parce que ceux-ci ne se sont pas manifestés. Citons à titre d’exemple des bruits de tuyauterie. Ici, la situation n’a pu être observée uniquement en raison du fait que Monsieur Arès ne s’est pas donné la peine de monter sur la toiture. Ayant en main la dénonciation du Bénéficiaire et même le rapport de son expert, il savait qu’il aurait à monter sur la toiture et il était de son devoir de se présenter sur les lieux avec ses outils de travail, dont une échelle.

[115]    Ensuite, Monsieur Arès se méprend sur la nature du contrôle de qualité qu’il doit faire lorsqu’il affirme qu’il ne peut exiger de l’Entrepreneur qu’il se conforme à plus que les exigences minimales que pose le Code national du bâtiment. L’Administrateur est chargé d’appliquer le Règlement et l’Annexe II de celui-ci prévoit l’obligation pour l’Entrepreneur de respecter les règles de l’art.

[116]    Ceci étant dit, les reproches faits à Monsieur Arès sont sans incidence sur l’issue du présent dossier puisque le fardeau de la preuve reposait sur les épaules du Bénéficiaire et que ce dernier ne s’en est pas déchargé.

[117]    De fait, le rapport de l’expert du Bénéficiaire ne lui est pas favorable. De plus, même en écartant l’expertise produite, vu la faible valeur probante qui découle des vices importants soulevés lors de l’audition (usage de photos ne représentant pas l’immeuble visé par le rapport, incapacité d’identifier précisément le bâtiment représenté sur les photos, absence de mention à cet effet dans le rapport, etc.), le sort du Bénéficiaire ne s’en trouve pas amélioré puisqu’il se trouve alors à n’avoir aucune preuve qui puisse soutenir sa position.

[118]    Aussi difficile qu’il soit de rejeter la demande du Bénéficiaire, le Tribunal ne peut recourir à l’équité pour accorder à une partie plus de droits que ne lui en accorde le Règlement[8].  

[119]    Enfin, sur la demande de remboursement des frais encourus formulée par le Bénéficiaire, Monsieur Arès, dans sa décision, soutient que celle-ci n’est pas couverte par le plan de garantie en vertu de l’article 9 (3) du Règlement.

[120]    De l’avis du Tribunal, la décision de Monsieur Arès doit également être maintenue sur ce point, malgré qu’elle souffre de quelques lacunes.

[121]    Tout d’abord, l’article 9 (3) s’applique aux bâtiments non détenus en copropriété divise. Ensuite, cette disposition traite de la garantie applicable avant la réception du bâtiment.

[122]    En l’espèce, la disposition pertinente est celle énoncée à l’article 34 (5) du Règlement et reproduit plus haut.

[123]    Cependant, les travaux dont le Bénéficiaire demande le remboursement sont, d’une part, ceux relatifs aux travaux exécutés le 6 novembre 2015, soit suite au rejet de la première réclamation en septembre 2015. Il s’agit donc de travaux correctifs et comme la décision rendue n’a pas été portée en arbitrage, il n’y a pas lieu de statuer sur le caractère nécessaire, urgent et conservatoire de ceux-ci. Me Godin a raison de plaider que ce n’est pas parce que des travaux sont  nécessaires, urgents et conservatoires que la réclamation, au départ inadmissible, devient admissible de ce fait.

[124]    D’autre part, le Bénéficiaire réclame aussi le remboursement du coût des travaux effectués le 17 janvier 2017, soit après l’ouverture de la réclamation auprès de l’Administrateur.

[125]    Cependant, en l’espèce, le Bénéficiaire n’a fait la preuve d’aucune urgence à procéder auxdites réparations, si ce n’est qu’il a suivi les recommandations émises dans le rapport de Thermo Logik.

[126]    Certes, le Bénéficiaire était inquiet et souhaitait mitiger ses dommages. Néanmoins, il faut plus qu’une simple affirmation voulant que les travaux étaient nécessaires. Il faut également que ceux-ci aient été requis, de manière urgente, pour éviter un plus grand dommage au bâtiment.

[127]    L’objectif de cette disposition est de protéger le bâtiment et par conséquent, les droits du bénéficiaire, mais également de voir à la protection des droits des autres parties qui peuvent vouloir investiguer la situation et se prémunir du droit de corriger à leurs frais, et possiblement à moindre coût.

[128]    Le Tribunal ne peut donc faire droit à la demande de remboursement de ces travaux.

[129]    À l’audience, la représentante du Bénéficiaire ajoute une réclamation au montant de 1 500 $ à titre de dommages-intérêts.

[130]    Rien dans la preuve ne permet de conclure que le Bénéficiaire a subi des dommages de nature à être indemnisés par l’octroi de dommages-intérêts. L’eût-il prouver que le Tribunal aurait eu à se prononcer sur la possibilité qu’offre le Règlement d’octroyer, ou non, des dommages au Bénéficiaire, mais comme ce n’est pas le cas, il n’est pas nécessaire ici de prendre position.

Frais d’expertise

[131]    En ce qui concerne les frais d’expertise et de présence à l’audience du témoin Sénéchal que réclame le Bénéficiaire, l’article 124 du Règlement prévoit que l’arbitre doit déterminer le quantum des frais d’expertise pertinente à octroyer au Bénéficiaire lorsque celui-ci a gain de cause, total ou partiel.

[132]    Or, le Bénéficiaire n’ayant eu gain de cause sur aucun point, le Tribunal ne peut faire droit à cette demande.

Frais de l’arbitrage

[133]    Quant aux frais du présent arbitrage, l’article 123 du Règlement prévoit que l’arbitre doit départager les frais entre l’Administrateur et le Bénéficiaire lorsque ce dernier est le demandeur et qu’il n’a gain de cause sur aucun point. C’est le cas en l’espèce.

[134]    Pour les raisons  invoquées ci-dessous, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu ici de recourir à l’équité et d’effectuer le partage des frais entre l’Administrateur et le Bénéficiaire dans les proportions suivantes, savoir 100 % pour l’Administrateur et 0% pour le Bénéficiaire.

[135]    D’une part, le Règlement octroie à l’arbitre le pouvoir de statuer en équité lorsque les circonstances le justifient.

[136]    D’autre part, la règle énoncée à l’article 123 du Règlement laisse à l’arbitre une très large discrétion quant au partage des frais. Puisque le recours à l’équité est permis pour interpréter de manière plus favorable à une partie une disposition du Règlement et ainsi corriger des injustices qui peuvent résulter d’une application littéraire de celui-ci, mais non pour octroyer à une partie plus de droits que le Règlement ne lui en confère, il apparaît ici pertinent de départager les frais tel qu’indiqué ci-dessus, d’autant plus que la tendance arbitrale est de condamner les bénéficiaires à une somme nominale lorsqu’ils n’ont gain de cause sur aucun aspect de leur demande.

[137]    L’équité est ici nécessaire entre autres choses parce que la situation à laquelle fait face le Bénéficiaire aurait peut-être pu être évitée si les réparations effectuées en 2013 avaient été faites à la vue et au su de tous, en toute transparence. Le Bénéficiaire fait face aujourd’hui au rejet de sa demande (fascia) en raison du fait qu’il ne s’agit pas d’un vice de construction et le Tribunal ne peut modifier cet état de fait en vertu de l’équité.

[138]    Cependant, le résultat aurait pu être fort différent si la situation avait été dénoncée plus tôt et qu’elle avait été évaluée en fonction des critères relatifs à la malfaçon ou au vice caché.

[139]    Au surplus, comme le sentiment de justice (ou d’injustice) qui fait suite à la réception d’une décision judiciaire, quasi judiciaire, voire même administrative dépend en grande partie du comportement des acteurs impliqués dans le processus décisionnel, il est évident qu’un sentiment d’injustice résultera de la présente décision pour le Bénéficiaire alors que l’Administrateur ne s’est pas acquitté correctement de sa tâche en ne procédant pas à une réelle inspection.

[140]    Le Tribunal est donc d’avis qu’il convient d’user de son pouvoir de juger en équité pour éviter au Bénéficiaire un plus grand sentiment d’injustice et d’insatisfaction face au système qui, somme toute, a adopté un plan de garantie pour la protection des acheteurs de propriétés neuves.

[141]    Conclure autrement aurait pour effet de laisser croire à l’Entrepreneur qu’il peut continuer à agir comme il l’a fait, et à l’Administrateur qu’il importe peu qu’il fasse son travail correctement, dans la mesure où les faits sont défavorables au bénéficiaire.

EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;

CONDAMNE l’Administrateur à payer la totalité des frais d’arbitrage liés à la demande du Bénéficiaire.

 

                                                                              Montréal, ce 6 avril 2018

 

 

 

                                                                                                                                                           

                                                                              Me Karine Poulin, arbitre

 

 

G1115- 92

S/A 177



[1] SDC 1717 Lebel c. Gestion immobilière Aub-Bert inc./Groupe habitation tendance et La Garantie habitation du Québec inc., GAMM, 6 avril 2018, Me Karine Poulin, arbitre.

[2] SDC Les jardins du parc c. La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, 2010 CanLII 36092 (QC OAGBRN).

[3] Code civil du Québec, art. 2803.

[4] SDC Les jardins du parc c. La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, préc. note 2.

[5] SDC Carrefour Renaissance 3410 c. 4032802 Canada inc. et Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec inc., GAMM, 15 août 2012, Me Jeffrey Edwards, arbitre.

[6] Lefrançois  c. 9125-3575 Québec inc. et La garantie des maîtres bâtisseurs inc., GAMM, 7 octobre 2010, Me Jean Morissette, arbitre.

[7] Lefrançois  c. 9125-3575 Québec inc. et La garantie des maîtres bâtisseurs inc., préc., note 6.

[8] Syndicat des copropriétaires Les Villas du Golf, Phase II, Copropriété du 4463 à 4469 Dagenais Ouest, Syndicat de Copropriétaires du 4471-4473 boul. Dagenais Ouest, Copropriété du 4475-4477 Dagenais Ouest, Copropriété du 4479-4481 Dagenais Ouest et Les maisons Zibeline et La Garantie Qualité habitation et La Garantie des maisons neuves de l’APHQ, CCAC, 15 mars 2010, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.