ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (DÉCRET 841-98)

ENTRE :

CONSTRUCTIONS RÉNOVATIONS RÉALISTES

(L’« ENTREPRENEUR »)

ET :

LA GARANTIE DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS
NEUFS DE L’APCHQ INC.

(L’« ADMINISTRATEUR »)

ET :

CAROLE PILON ET BRUNO CYR

(LES « BÉNÉFICIAIRES »)

SENTENCE ARBITRALE

Arbitre :

Comparutions pour l’entrepreneur :

Me Johanne Despatis

 

Me Lucie Marier, procureure, assistée de :

M. Stéphane Laurin, entrepreneur

Mme Nancy Desjardins, adjointe administrative

M. Christian Monette, puisatier

 

Comparutions pour l’administrateur :                Me Luc Séguin, procureur, assisté de :

                                                                       M. Luc Bondaz, inspecteur-conciliateur

 

Comparutions pour les bénéficiaires :                Madame Carole Pilon, bénéficiaire

                                                                       M. Bruno Cyr, bénéficiaire

 

Date d’audience :                                             12 septembre 2005

Lieu d’audience :                                             Montréal, Québec

Date de la sentence :                                        13 octobre 2005

 

Adjudex inc.

0505-8216-GAMM

S/A 8011-05

 

I

LE RECOURS

[1] Constructions Rénovations Réalistes, « l’entrepreneur », conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ci-après le Plan, la décision suivante rendue le 8 avril 2005 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., « l’administrateur » :

« Le présent addenda fait partie intégrante du rapport d’inspection émis le 25 novembre 2004.

Il concerne le point 1 dudit rapport, pour lequel aucune décision n ’avait été émise dans le cadre du contrat de garantie, l’avis d’un expert étant nécessaire pour rendre une décision juste et éclairée dans le cadre du contrat de garantie.

Le rapport de l’expert mandaté reçu, nous sommes maintenant en mesure d’émettre des décision et commentaires en regard du point 1.

[...]

L ’entrepreneur devra se conformer à la décision rendue au point 1, et ce, d’ici le 31 mai 2005.

Concernant le point qui suit, nous devons nous référer à l’article 5.6 du contrat de garantie lequel stipule « la protection de l’obligation d’assurer l’alimentation en eau relative à une maison unifamiliale… »

Dans le cas présent, l’entrepreneur a fait défaut de se conformer à assurer l’alimentation en eau potable sufisante pour le bâtiment. Nous vous référons au rapport de la firme Donat Bilodeau Experts-Conseils inc., joint à la présente.

La malfaçon constatée est de nature à porter atteinte à la qualité, la sécurité ou l’utilisation du bâtiment.

De plus, conformément à l’article 3.2 du contrat de garantie, cette malfaçon a été dénoncée par écrit dans l’année suivant la réception.

Par conséquent, l’entrepreneur devra efectuer le [sic] travaux mentionnés ci-dessous.

1. QUANTITÉ D’EAU INSUFFISANTE AU PUITS ARTÉSIEN

L ’étude de l’expert démontre que la capacité de l’ouvrage de captage existant, ne répond pas aux besoins d’une résidence de trois chambres à coucher.

De l’acquisition de la propriété, en septembre 2003, jusqu ’en janvier 2004, il y a eu une très forte dégradation de la qualité physico-chimique de l’eau souterraine.

Après analyses, en janvier 2004, le propriétaire, sur recommandation de l’entrepreneur général, a engagé une firme spécialisée, afin de procéder au scellement d’une section du puits, au mois d’aout 2004.

À la suite de cette intervention, le propriétaire a noté une nette amélioration de la qualité de l’eau. Par contre, la capacité du puits s ’est nettement abaissée.

Nous sommes d’avis que le puits actuel est alimenté essentiellement par des sources de surface très fortement minéralisées, sa profondeur n ’atteignant pas les sources pouvant l’alimenter en quantité et en qualité sufisantes pour sufire à la demande du bâtiment.

Conséquemment, il devra forer un nouveau puits, en obturant l’ancien, tel que selon les recommandations décrites au rapport de l’expert du 5 avril 2005. »

[2]   Dans les faits, avant même l’épuisement du délai accordé par l’administrateur à l’entrepreneur pour procéder au forage d’un nouveau puits, l’administrateur avait autorisé la demande des bénéficiaires d’y faire procéder eux-mêmes sans délai en raison de l’urgence de la situation. Ces dits travaux ont été effectués par la société Les Puits artésiens Christian Monette inc. à la fin avril 2005.

[3]   L’administrateur m’avait informée en juin 2005 qu’il entendait présenter un moyen d’irrecevabilité à l’encontre de la demande d’arbitrage de l’entrepreneur au motif que celle-ci aurait été formulée en dehors du délai prévu à l’article 19 du Plan. Toutefois au début de l’audience tenue en septembre, le procureur de l’administrateur a annoncé qu’il renonçait à invoquer ce moyen.

II

LES FAITS

[4]   Les bénéficiaires ont signé l’acte de réception de leur résidence du 17 chemin Huot à Saint-Colomban le 19 septembre 2003, une nouvelle propriété construite par l’entrepreneur. Son alimentation en eau potable est assurée par un puits artésien creusé par la société Les Puits artésiens Christian Monette inc. en mai 2003, soit environ un mois avant l’entrée en vigueur du Règlement sur le captage des eaux souterraines, Q-2, r. 1.3 pris en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement L.R.Q., c. Q-2.

[5]   Monsieur Christian Monette, président de la société qui porte son nom, est puisatier depuis 1973. Il est venu décrire à l’audience les travaux effectués pour le forage de ce puits. Il affirme avoir frappé à 25 pieds une veine d’eau et avoir continué à creuser jusqu’à 168 pieds, niveau auquel le puits fournissait suffisamment d’eau pour la résidence.

[6]   En prévision de la signature de l’acte de vente le 23 septembre 2003, le bénéficiaire a procédé le 2 septembre précédent à un prélèvement de l’eau à sa future résidence. Il l’a expédié dans un laboratoire aux fins d'obtenir un certificat d'analyse bactériologique. Le lendemain, le laboratoire a émis son rapport où l’eau a été jugée conforme.

[7]   Comme question de fait, une analyse physico-chimique avait également était faite par le laboratoire sans toutefois que ses résultats ne soient transmis aux bénéficiaires. Cette analyse révélait que la turbidité ainsi que la présence de fer et de manganèse dans l’eau excédaient les normes acceptables. La preuve révèlera toutefois que la forte concentration en manganèse et en fer est caractéristique de l’eau à St-Colomban.

[8]   Quoi qu’il en soit, après avoir pris possession de sa maison à la fin septembre 2003, s’inquiétant de la couleur de son eau, monsieur Cyr a immédiatement contacté l’entrepreneur qui l’a rassuré en lui disant que cela pouvait prendre quelques semaines avant que la situation ne s’améliore.

[9]   Comme rendu en décembre 2003, explique monsieur Cyr, la situation ne s’était non seulement pas améliorée mais plutôt aggravée, il a à nouveau communiqué avec l’entrepreneur qui lui a alors suggéré d’installer un système de traitement de l’eau.

[10]           C’est dans ces circonstances que monsieur Cyr prélève le 9 janvier 2004 un nouvel échantillon de son eau qu’il transmet au laboratoire. Le même jour on lui remet un rapport d'analyse physico-chimique selon lequel les paramètres de couleur et de turbidité ainsi que la teneur en fer et en manganèse excédaient les normes acceptables.

[11]

Le tableau suivant résume ces différentes analyses :

Paramètre

Résultats    du 3

Résultats du 9

Concentration

 

septembre 2003

janvier 2004

maximale acceptable

Couleur

5

31

Plus petit que 15

Turbidité

2

30

5

Fer

1.8

7.95

0.3

Manganèse

1.1

19.4

.05

[12]              Selon monsieur Cyr, cette eau étant inutilisable, il a donc obtenu des soumissions pour l’installation d’un système de traitement dont il estime le coût à 8000$ en plus des frais d’entretien annuel. Ce système devrait de surcroît être installé au sous-sol de la résidence où il occuperait une place considérable.

[13]              Il a encore une fois contacté monsieur Laurin vers la mi-juin 2004 pour lui faire part de ses démarches, des inconvénients associés à l’installation d’un système de traitement d’eau ainsi que de son coût estimé. Ce dernier lui aurait alors dit qu’il y avait sûrement une infiltration d’eau de surface dans son puits et qu’il faudrait procéder à des travaux de scellement. Il lui aurait alors ajouté qu’il l’aiderait à effectuer lui-même ce travail, l’ayant fait déjà plusieurs fois par le passé et possédant déjà une partie des matériaux requis.

[14]              Toutefois, explique monsieur Cyr, l’entrepreneur n’est jamais venu effectuer les travaux de sorte qu’il a dû retenir la firme Pompaleau qui a scellé le puits le 27 août 2004. Monsieur Cyr ajoute qu’il n’aurait jamais pris l’initiative de faire ces travaux si l’entrepreneur ne lui avait pas dit que c’était la chose à faire; il s’est fié aux propos de l’entrepreneur à qui du reste il n’a pas demandé d’être remboursé du coût des travaux de scellement.

[15]            Quoi qu’il en soit, le soir même du 27 août, il n’avait plus aucune alimentation en eau de sa résidence, ce dont il a alors informé monsieur Laurin qui lui a dit « Tu l’as fait sceller arranges-toi avec tes troubles…»

[16]              Interrogé au sujet d’une conversation qu’il aurait eue avec monsieur Laurin, conversation qu’il situe après le scellement du puits, monsieur Cyr reconnait que monsieur Laurin lui avait alors mentionné la possibilité de recreuser le même puits, ce à quoi il avait répondu vouloir d’abord en parler avec madame Pilon. Selon ses vérifications, on ne pouvait pas recreuser un puits déjà scellé et au surplus tout ouvrage destiné à approfondir le puits existant aurait dû respecter les nouvelles normes règlementaires, ce que selon sa compréhension, l’entrepreneur n’entendait pas faire.

[17]              Monsieur Laurin qui a reconnu avoir à un certain moment proposé à monsieur Cyr de sceller une partie du puits et lui avoir dit avoir certains matériaux pour le faire, ajoute qu’après en avoir parlé avec son associé et monsieur Monette, le puisatier, la solution retenue avait été de recreuser dans le puits. Il ajoute avoir parlé de cette solution à monsieur Cyr mais est incapable de préciser quand. Selon monsieur Cyr, cette hypothèse ne lui aurait été mentionnée qu’après le scellement alors que selon l’entrepreneur ce serait avant.

[18]              Selon monsieur Laurin, le recreusage n’aurait pas posé de problème de conformité parce que la municipalité de Saint-Colomban ne l’exigeait pas, affirmation reprise par monsieur Monette.

[19]              Quoi qu’il en soit, le 30 août 2004, les bénéficiaires transmettent la lettre suivante à l’entrepreneur :

« Suite à plusieurs demandes de notre part auprès de votre compagnie, aucune démarche n ’a été entreprise afin de connaitre et de régler le grave problème d’eau émanant du puits artésien du 17 Chemin Huot à St-Colomban.

Suite à plusieurs tests et avis de plusieurs spécialistes (dont vous-mêmes), il y a constatation d’une infiltration d’eau de surface à l’intérieur de notre puits. Donc vendredi le 27 aout 2004, nous avons retenu les services d’un professionnel pour sceller le puits afin d’arrêter l’infiltration. Suite à cette démarche, nous constatons que le puits creusé à 175 pieds ne fournit plus sufisamment d’eau étant donné que cette infiltration était en fait l’alimentation principale du puits.

Nous vous demandons donc de respecter la garantie en vigueur et de prendre les moyens nécessaires afin de nous fournir une quantité d’eau adéquate dans les plus brefs délais. La qualité de vie de notre famille en est grandement afectée puisque l’eau est un élément essentiel dans une maison. »

[20]              Sur réception de cette lettre, affirme madame Nancy Desjardins, adjointe administrative chez l’entrepreneur, elle a contacté différentes personnes à l’APCHQ qui lui auraient affirmé que son patron ne pouvait être tenu responsable du problème parce que les bénéficiaires avaient pris l’initiative d’effectuer eux-mêmes des modifications au puits.

[21]              On lui avait aussi affirmé qu’il était inexact qu’une eau contenant du fer pouvait être considéré comme non potable. Selon madame Desjardins, ces mêmes personnes lui avaient dit que la « limpidité, la couleur, la saveur et l’odeur n’étaient pas indicatifs de la qualité de l’eau » et n’était que « des critères esthétiques. »

[22]              C’est sur la foi de ces échanges que le 10 septembre, l’entrepreneur répondait aux bénéficiaires qu’il n’était pas responsable de leur problème :

« [...]

Afin de prendre position de façon définitive dans ce dossier, nous avons fait plusieurs recherches afin de déterminer notre part de responsabilité dans votre requête.

 

En premier lieu, l’entrepreneur se doit de fournir une en quantité d’eau sufisante pour une utilisation normale et une qualité d’eau reconnue par les normes. Selon André Gagné directeur du service technique de l’APCHQ, la limpidité, la couleur, la saveur et l’odeur ne sont pas des éléments déterminants pour la qualité de l’eau. De plus, la concentration des divers métaux ne constitue pas, en eux seuls, un obstacle à la qualité de l’eau. Lorsque l’eau provient d’un puits de surface ou tubulaire et qu ’elle est destinée à la consommation humaine, l’eau doit être de bonne qualité et respecter les normes édictées dans le Règlement sur la qualité de l’eau potable. Seul l’analyse bactériologique fait par un laboratoire accrédité peut déterminer la qualité de l’eau. Comme le démontre l’analyse que vous avez efectuée avant l’achat de la maison, votre eau respecte toutes les normes physico-chimique et bactériologique (…). Donc notre responsabilité de vous fournir une eau en quantité et en qualité adéquate a été respectée.

En deuxième lieu, la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ exclus de sa garantie toutes réparations rendues nécessaires suite à des suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire (…). De plus, selon Me Jasmine Lafleur de l’APCHQ-Montréal et Me Racicot du contentieux de l’APCHQ, votre problème de quantité d’eau a été créé suite aux travaux efectués par une tierce personne ce qui a pour efet d’entraver la responsabilité ainsi que la garantie nous liant à notre sous-traitant et par le fait même, à vous, puisque nos travaux de forage ont été altérés par votre sous-traitant. »

[sic]

[23]              C’est dans ces circonstances, que l’administrateur est intervenu.

[24]            Monsieur Luc Bondaz, inspecteur-conciliateur au service de l’administrateur a procédé à une visite des lieux le 25 novembre 2004. Il est l’une des personnes contactées par madame Desjardins en septembre 2004; il était alors conseiller technique au service de l’administrateur. Il confirme avoir tenu certains propos à madame Desjardins mais c’était sans avoir le dossier en main et en s’appuyant sur sa compréhension du Code National du Bâtiment et, sans égard au Plan de garantie.

[25]              Devenu inspecteur-conciliation, il a procédé à une inspection sur place en novembre 2004. Il a alors jugé sur la foi des informations obtenues des bénéficiaires et de l’entrepreneur, que la quantité insuffisante de l’eau dans le puits constituait une malfaçon au sens du Plan. Selon sa compréhension des circonstances, les travaux de scellement du puits faits par les bénéficiaires l’avaient été sur la recommandation de monsieur Laurin.

[26]              Quoi qu’il en soit, monsieur Bondaz ajoute qu’à cette époque, il lui manquait des éléments techniques pour prendre une décision finale dans le dossier de sorte que son rapport de novembre 2004 a recommandé une expertise, expertise réalisée à l’hiver 2005 par l’ingénieur Donat Bilodeau, et qui devait mener au rapport en litige.

[27]           Monsieur Bilodeau est ingénieur spécialisé en géologie et en hydrogéologie depuis plus de 30 ans. Sa qualité d’expert a été reconnue à l’audience. Son rapport conclut au sujet du puits des bénéficiaires :

« L’historique de l’ouvrage de captage indique que le puits existant possédait une capacité sufisante pour les besoins en eau de la résidence à l’étude, mais la qualité de l’au était médiocre au point de vue physico-chimique. Les paramètres en excès (fer, manganèse, couleur et turbidité) peuvent être enlevés par un système de traitement adéquat. Les travaux de scellement, réalisés à la demande du propriétaire actuel de la propriété, ont occasionné une baisse de la capacité du puits en éliminant les principales venues d’eau contenant de l’eau fortement minéralisé.

L ’essai de pompage efectué sur l’ouvrage de captage de la propriété démontre que la capacité actuelle du puits est insufisante pour subvenir aux besoins en eau de la résidence sise au 17, chemin Huot à Saint-Colomban (Colomban). Les besoins en eau théorique, en demande de pointe, de la résidence sont 750 litres en 34 minutes.

Les données sur la qualité de l’eau souterraine de l’ouvrage de captage ne perm ettent pas de formuler une opinion sur sa potabilité compte tenu de l’absence d’analyse subséquemment aux travaux de scellement. Lors de l’essai de février 2005, l’eau était limpide et claire.

L ’ouvrage de captage actuel ne permet pas l’approvisionnement en eau de la résidence en quantité sufisante. La présence du scellement de plastique rend impossible toute modification de type approfondissement ou hydro-fracturation du puits afin d ’augmenter sa capacité de production.

Nous recommandons le forage et l’aménagement d’un nouvel ouvrage de captage selon les normes du RCES.

[...] »

[28]           Selon cet expert, la principale venue d’eau dans le puits avant les travaux de scellement était très médiocre. Il rappelle que la consommation d’eau ne se limite pas à celle que l’on boit et qu’il faut également tenir compte de ses autres usages pour les travaux domestiques. Certes, ajoute-t-il, la teneur élevée en fer et en manganèses ne tue pas mais elle peut causer des désagréments sérieux en outre d’être nuisibles pour les appareils domestiques. Tout cela est donc suffisant à ses yeux pour conclure qu’une eau peut être impropre à la consommation.

 

[29]            En définitive, selon lui, les résultats d'analyse physico-chimique réalisée en janvier 2004 permettent de qualifier l’eau présente dans le puits des bénéficiaires d’impropre à la consommation.

[30]            Selon l’ingénieur Bilodeau, même s’il était théoriquement possible de recreuser le puits déjà existant, cette solution n’était pas vraiment envisageable ici parce qu’il aurait fallu le faire en respectant la nouvelle règlementation, exigence qui aurait été aussi coûteuse sinon plus que le forage d’un nouveau puits.

[31]           Monsieur Bilodeau a écarté la possibilité pour les bénéficiaires de recourir à un système de traitement d’eau parce qu’un tel système qui traiterait une eau présentant les paramètres observés en janvier 2004 serait non seulement coûteux mais complexe à installer dans une résidence.

[32]           C’est là pour nos fins l’essentiel de la preuve. III

PLAIDOIRIES L’entrepreneur

[33]           Selon Me Marier, la clause 12 (3) du Plan exclut expressément toutes les réparations qui résultent d’une intervention des bénéficiaires. Or, en l’espèce, soutient la procureure, l’intervention des bénéficiaires relativement à leur décision de faire sceller le puits a exclu de la garantie les réparations demandées en l’espèce.

[34]           En effet, après avoir passé en revue la preuve, la procureure soutient que le scellement du puits n’a pas été fait suite à une recommandation de monsieur Laurin. Elle reconnait que cette possibilité avait été évoquée par l’entrepreneur dans le cadre de discussions avec les bénéficiaires mais précise que la preuve révèle que ce n’était en fait qu’une des deux options proposées par l’entrepreneur qui privilégiait plutôt celle de recreuser le puits.

[35]           Au surplus, ajoute la procureure, les bénéficiaires n’ont jamais mis l’entrepreneur en demeure en janvier 2004 pour lui demander de corriger les problèmes de la qualité de leur eau pas plus qu’il ne l’ont fait avant de procéder eux-mêmes au scellement.

[36]              Subsidiairement, la procureure souligne que si j’en venais à la conclusion que l’exclusion de la clause 12 (3) du Plan ne s’appliquait pas en l’espèce, elle soutient que l’entrepreneur ne devrait pas dans les circonstances être tenu d’assumer les frais du correctif exigé par l’administrateur soit de creuser un nouveau puits puisqu’il aurait pu tout simplement recreuser dans le puits existant à coût moindre. Autrement dit, Me Marier soutient qu’un recreusage dans le puits aurait été suffisant pour régler le problème et aurait coûté beaucoup moins cher à l’entrepreneur. A cet égard, la procureure rappelle le témoignage de monsieur Monette à l’effet qu’il n’aurait pas été nécessaire de respecter la règlementation.

[37]              En terminant Me Marier s’interroge sur la nécessité pour l’APCHQ d’avoir fait faire les travaux avant que le délai accordé à l’entrepreneur ne soit expiré. Ce faisant l’entrepreneur n’a pas eu l’opportunité de faire faire les travaux et obtenir un coût inférieure en raison de sa relation d’affaire avec monsieur Monette.

L’administrateur

[38]              Le procureur de l’administrateur rappelle que le présent arbitrage porte sur la contestation par l’entrepreneur de la conclusion de l’inspecteur-conciliateur Bondaz et que le mandat de l’arbitre l’oblige à se limiter à décider si cette décision est ou non conforme au Plan sans se pencher sur celle des sommes qui, le cas échéant, pourraient éventuellement être réclamées à l’entrepreneur pour le creusage d’un nouveau puits par un tiers.

[39]              Autrement dit, pour Me Séguin, il faut s’en tenir à décider du bien fondé de la conclusion de monsieur Bondaz selon laquelle le puits était affecté d’une malfaçon couverte par le Plan. C’est le cas selon lui et l’exclusion invoquée par sa vis-à-vis, i.e. celle prévue à la clause 12 (3) du Plan ne s’applique pas dans les circonstances du présent dossier.

[40]       Certes, reconnait le procureur, même si les travaux de scellement effectué par les bénéficiaires en vue de corriger la qualité de son eau avait pu contribuer à en réduire le débit, ces travaux n’ont été faits qu’à la suite de la recommandation en ce sens de l’entrepreneur lui-même. C’est, souligne le procureur, à la lumière de cette circonstance que monsieur Bondaz a jugé, à bon droit selon lui, que l’exclusion de la clause 12 (3) ne s’appliquait pas et a conclu qu’il y avait malfaçon au sens du Plan.

[41]              Finalement, traitant de la question du correctif ordonné, le procureur rappelle le témoignage de l’expert Bilodeau selon lequel il aurait été plus coûteux de recreuser le même puits que d’en faire un nouveau étant donné les exigences de la règlementation en vigueur depuis juin 2003.

IV

ANALYSE ET DÉCISION

[42]              Le litige porte sur le bien fondé de l’ordonnance de l’administrateur de procéder au creusage d’un nouveau puits afin de mettre fin au problème de l’insuffisance du débit de celui creusé par l’entrepreneur. Qu’en est-il du bien fondé de cette ordonnance?

[43]              Selon ma compréhension des propos de l’inspecteur Bondaz et de son rapport, ce dernier a jugé qu’il y avait bel et bien malfaçon et que le moyen d’y pallier était le forage d’un nouveau puits. De plus, selon lui, les travaux de scellement effectués par les bénéficiaires n’avaient pas eu l’effet juridique d’éteindre l’application de la garantie parce qu’il s’agissait de travaux faits sur la recommandation même de l’entrepreneur.

[44]              Pour sa part, sans nier le fait que le puits ne produisait pas une quantité suffisante d’eau, l’entrepreneur impute le problème aux travaux de scellement effectués par les bénéficiaires, ajoutant que cette initiative avait effectivement l’effet d’exclure la réclamation de la garantie. Subsidiairement, l’entrepreneur ajoute que le correctif imposé n’est pas le bon et qu’un recreusage du même puits aurait suffi.

[45]              La clause 12 (3) du Plan stipule que « sont exclus de la garantie » :

3. les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire.

[46]              Cette exclusion s’applique-t-elle en l’espèce? Comme l’indique ce texte, certaines exclusions visent des réparations « rendues nécessaires » ou encore « qui résultent » soit de la faute du bénéficiaire, soit de suppressions, de modifications ou d’ajouts faits par lui. Il doit à la lecture du texte exister un lien de causalité entre certaines réparations à faire et des gestes fautifs ou nocifs du bénéficiaire. La preuve d’un lien de causalité entre les deux est donc nécessaire

pour que ces exclusions entrent en jeu à moins que la preuve ne révèle que les gestes posés par le bénéficiaire l’aient été à la demande ou à la suggestion de l’entrepreneur.

[47]           La preuve révèle que dès les premiers jours qui ont suivi la prise de possession de leur résidence, les bénéficiaires ont signalé à l’entrepreneur leurs préoccupations au sujet de la piètre qualité de leur eau. Ce dernier les a assurés que cette situation était normale et qu’il pouvait s’écouler quelques semaines avant que tout rentre dans l’ordre. Les bénéficiaires ont donc attendu mais en vain. Ils communiquent donc à nouveau avec l’entrepreneur qui leur suggère cette fois l’installation d’un système de traitement de l’eau.

[48]            Or, les résultats des analyses de leur eau faites à l’initiative des bénéficiaires révèlent, selon la preuve prépondérante, que l’installation d’un tel système n’était pas une solution sérieusement envisageable non seulement en raison de ses coûts élevés mais également de l’espace considérable qu’il aurait occupé au sous-sol.

[49]           Toujours sans solution à leur problème en juin 2004, les bénéficiaires en saisissent à nouveau l’entrepreneur. Selon leurs dires, ce dernier leur mentionne alors qu’il y a probablement infiltration dans le puits et qu’il y a lieu de procéder à des travaux de scellement. Cette version des faits est en partie corroborée par l’entrepreneur lui-même quand il reconnait avoir offert aux bénéficiaires de les aider à y procéder sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à un tiers.

[50]            Par la suite, la preuve est en partie contradictoire. Les bénéficiaires racontent que c’est de guerre lasse qu’étant sans nouvelles de l’entrepreneur à la fin août, ils ont décidé de recourir à un tiers pour procéder aux travaux de scellement, travaux pour lesquels ils n’ont du reste présenté aucune réclamation à l’entrepreneur. A cet égard, le témoignage de monsieur Cyr est constant : ses conversations avec l’entrepreneur et les recommandations de celui-ci l’avaient convaincu que ces travaux règleraient définitivement le problème de la qualité de l’eau. Il est catégorique et précis dans son affirmation que l’idée de recreuser le même puits ne lui a été suggérée par l’entrepreneur qu’après les travaux de scellement.

[51]           De son côté, monsieur Laurin, qui ne nie pas avoir recommandé aux bénéficiaires des travaux de scellement comme solution possible, reconnait n’avoir rien fait à cet égard tout en admettant en contre preuve, après le témoignage de monsieur Cyr, avoir effectivement mentionné à ce dernier posséder une partie des matériaux nécessaires à ce genre de travail. Cette dernière affirmation s’inscrit à mes yeux précisément dans le sens suggéré par monsieur Cyr : on voit mal comment l’entrepreneur aurait pu offrir d’aider à une démarche qu’il aurait par ailleurs désapprouvée.

[52]           Quoi qu’il en soit, l’entrepreneur affirme sans toutefois pouvoir en préciser le moment, avoir reparlé à monsieur Cyr après avoir conféré avec monsieur Monette et avoir dit à monsieur Cyr que deux options s’offraient: celle de sceller le puits et celle de le recreuser, cette dernière étant sa préférée.

[53]           Monsieur Laurin affirme que ce ne serait qu’après cette conversation que les bénéficiaires lui auraient dit opter pour le scellement. Selon lui, ce ne serait que plus tard que les bénéficiaires l’ont rappelé pour l’informer que le puits était à sec.

[54]           Avec égards, le Tribunal préfère la version des bénéficiaires à celle qui voudrait que le scellement ait été fait à leur propre initiative et à l’encontre de l’opinion de l’entrepreneur. La version des bénéficiaires est la plus vraisemblable et la plus réaliste si l’on songe au problème qui les confrontait. Elle est aussi la plus logique.

[55]           Mais il y a plus. Rappelons que selon l’expert, le puits possédait une capacité suffisante pour les besoins en eau de la résidence mais que sa principale venue était de qualité médiocre au point de vue physico-chimique, au point que cette eau était à toutes fins pratiques impropre à la consommation. Ainsi, même avant les travaux de scellement, le puits était déjà principalement alimenté par une eau impropre à la consommation et dont les travaux de scellement visaient à éliminer l’infiltration dans le puits. Il est vrai que ces travaux de scellement ont, selon le rapport de l’expert, « occasionné une baisse de la capacité du puits » puisque qu’on a éliminé sa principale venue d’eau. Toutefois, selon ce que révèle la preuve, le problème constaté par l’inspecteur Bondaz a essentiellement trait à la mauvaise qualité de ce puits dès son origine. Or, ce vice est étranger aux travaux de scellement puisque ces derniers n’ont fait qu’éliminer l’infiltration dans celui-ci d’une eau impropre à la consommation. En effet, selon la preuve, ce puits n’avait pas, sans cette infiltration d’eau impropre, un débit suffisant.

[56]           Ainsi, dans de telles circonstances, l’argument invoquant la clause 12(3) du Plan doit être rejeté. D’une part l’entrepreneur ne saurait opposer la clause 12 (3) lorsque le geste reproché au bénéficiaire a été fait à sa suggestion même en outre que rien dans la preuve indique que les travaux de scellement auraient été mal faits. D’autre part, la preuve n’a pas démontré de lien de causalité entre les travaux de scellement et le faible débit de l’eau propre à la consommation fournie par le puits. Autrement dit, selon la preuve prépondérante, si les travaux de scellement ont permis de révéler l’insuffisance du débit d’eau propre à la consommation, ces travaux n’en sont pas la cause ni directe, ni indirecte. Je rejette donc l’argument invoquant la clause 12 (3) du Plan.

[57]              Qu’en est-il maintenant de la décision de l’administrateur d’ordonner à l’entrepreneur de forer un nouveau puits?

[58]            Avec égards, la preuve largement prépondérante révèle que cette solution était effectivement la plus susceptible de régler le problème. A cet égard, le témoignage articulé de l’expert Bilodeau est catégorique et convaincant : l’idée de recreuser le même puits, si tant est que cette solution eût été encore possible après les travaux de scellement, n’aurait pas été plus économique que celle retenue de creuser un nouveau puits puisqu’elle aurait elle aussi exiger les mesures particulières plus coûteuse liées à la nouvelle la règlementation en vigueur depuis juin 2003, i.e. le Règlement sur le captage des eaux souterraines.

[59]              Certes l’entrepreneur a affirmé que la municipalité de Saint-Colomban n’aurait pas exigé la conformité à ce règlement mais avec égards cette affirmation, faite au nom de la municipalité dont aucun représentant autorisé n’a témoigné, ne résiste pas à l’examen du règlement lui-même qui ne confère pas la discrétion que suggère l’entrepreneur.

[60]              En effet, l’article 65 de ce règlement fixait généralement l’entrée en vigueur au 15 juin 2002, si ce n’est pour les dispositions du chapitre II qui elles sont entrées en vigueur le 15 juin 2003. Or, l’article 20 de ce chapitre II dispose expressément :

Celui qui a aménagé ou approfondi un ouvrage de captage doit, dans les 30 jours qui suivent la fin des travaux, rédiger un rapport, conformément au modèle de présentation fourni par le ministre de l'Environnement, contenant les renseignements énumérés à l'annexe I. Le rapport doit attester la conformité des travaux avec les normes prévues au présent règlement.

Copie du rapport doit être fournie au propriétaire de l'ouvrage, à la municipalité et au ministre de l'Environnement.

[Caractères gras ajoutés]

[61]              Enfin, l’article 63 qui confie aux municipalités locales le soin de veiller à l'application, notamment à l’application de l’article 20, ne leur confère aucunement la discrétion suggérée par l’entrepreneur. J’en conclus que le recreusage du puits existant aurait dû se conformer aux normes en vigueur de sorte que la solution effectivement retenue était correcte et justifiée.

V
CONCLUSION ET DISPOSITIF

[62]           Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal rejette le recours et conclut au bien fondé de l’ordonnance de l’administrateur faite à l’entrepreneur de procéder au creusage d’un nouveau puits afin de mettre fin au problème de l’insuffisance du débit de celui creusé par celui-ci.

[63]            On le sait, dans les faits, les bénéficiaires, préalablement autorisés en ce sens par l’administrateur, ont déjà procédé au forage d’un nouveau puits, creusé en avril dernier par le puisatier Monette qui a aussi scellé l’ancien et ce, avant même que le délai initialement accordé à l’entrepreneur pour s’exécuter, qui contestait cette ordonnance, n’ait été écoulé.

[64]           Avec égards, la preuve a démontré à quel point la situation était devenue urgente : les bénéficiaires avaient besoin d’eau et leurs difficultés duraient depuis un temps suffisant.

[65]            Cela dit, la situation actuelle se distingue nettement de celle qui survient lorsque voyant qu’un entrepreneur ne donne pas suite à une ordonnance de sa part, l’administrateur opte comme le prévoit le Plan pour y faire procéder lui-même, à ses propres frais, quitte à ensuite en réclamer le coût à l’entrepreneur.

[66]            La question a été posée ici de savoir si dans l’éventualité où le présent recours était rejeté, l’administrateur pourrait autrement réclamer de l’entrepreneur le remboursement du coût des travaux entrepris.

[67]           Dans le contexte, je ne peux répondre à cette question ne serait-ce que parce qu’elle est prématurée. De plus, je ne suis pas saisie d’une réclamation en ce sens. En effet, la seule décision de l’administrateur qui est contestée ici est celle qui ordonne à l’entrepreneur de « forer un nouveau puits, en obturant l’ancien, tel que selon les recommandations décrites au rapport de l’expert du 5 avril 2005. » Nulle part, est-il question de sommes réclamées à l’entrepreneur en remboursement du coût des travaux correctifs menés par un tiers.

[68]           Dans ces circonstances, je confirme le bien fondé de la décision de l’inspecteur Bondaz d’ordonner le forage d’un nouveau puits. Toutefois, pour les raisons mentionnées ci-haut, je ne vais pas ordonner à l’entrepreneur de s’exécuter en ce sens puisque ce travail a déjà été fait. Ma décision ne doit toutefois pas être interprétée comme relevant l’entrepreneur de sa responsabilité à l’égard de la correction du problème qui affectait le puits.

[69]           Je ne vais pas non plus décider, vu la nature de la question dont je suis saisie, si dans les circonstances l’administrateur peut lui en réclamer les coûts. Si cette question n’est pas résolue à l’amiable, elle devra, le cas échéant être décidée dans un recours distinct.

[70]           En conclusion, en conformité de l’article 123 du Plan, j’ordonne que les coûts du présent arbitrage soient défrayés selon les proportions suivantes : 50 % par l’administrateur et 50 % par l’entrepreneur.

Montréal, le 13 octobre 2005

Johanne Despatis, avocate Arbitre