ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

 

 

ENTRE :                                                        Syndicat de copropriété 3667346

 

(ci-après « Le Bénéficiaire »)

 

ET :                                                                Les Habitations Trigone 2000 inc.

 

(ci-après « L’Entrepreneur »)

 

 

ET :                                                                La Garantie Habitation du Québec

 inc.

 

(ci-après « l’Administrateur »)

 

No de dossier CCAC :         S12-021301-NP

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

 

 

 

Pour le Bénéficiaire :

 

Monsieur Imad Jaziri

 

 

 

Pour l’Entrepreneur :

 

Monsieur Yann Rocheleau

 

 

 

Pour l’Administrateur :

 

Me Avelino de Andrade

 

 

 

Date de la décision :

 

Le 6 août 2012

 

Identification complète des parties

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

1010, de la Gauchetière Ouest

Bureau 950

Montréal (Québec) H3B 2N2

 

 

 

Bénéficiaire :

 

Syndicat de copropriété 3667346

115, rue Daguerre

Candiac (Québec) J5R 6T2

 

Représenté par monsieur Imad Jaziri

 

 

 

Entrepreneur :

 

Les Habitations Trigone 2000 inc.

1981, rue Bernard-Pilon

Beloeil (Québec) J3G 4S5

 

Représenté par monsieur Yann Rocheleau

 

 

 

 

Administrateur :

 

La Garantie Habitation du Québec inc.

9200, boul. Métropolitain Est

Montréal (Québec) H1K 4L2

 

Représentée par Me Avelino de Andrade

 

 

Décision

 

 

Mandat :

 

L’arbitre a reçu son mandat du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (ci-après appelé le « CCAC ») le 16 février 2012.

 

Historique du dossier :

 

1er décembre 2011 :

Inspection du bâtiment par l’Administrateur (madame Karine Pépin);

 

 

22 décembre 2011 :

Décision de l’Administrateur sous la plume de madame Karine Pépin;

 

 

13 février 2012

Réception par le CCAC de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;

 

 

16 février 2012 :

Nomination de l’arbitre;

 

 

19 mars 2012 :

Réception par l’arbitre du cahier des pièces de l’Administrateur;

 

 

18 avril 2012 :

Conférence préparatoire par voie téléphonique;

 

 

23 mai 2012 :

Deuxième conférence préparatoire par voie téléphonique;

 

 

27 juin 2012 :

Audience;

 

 

6 août 2012 :

Décision arbitrale.

 

 

DÉCISION

 

Introduction

[1]       Le 21 août 2011, le Bénéficiaire envoya une dénonciation écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans laquelle il les informait que vers le 9 mai 2011, en montant les escaliers arrière de l’immeuble résidentiel en copropriété situé au 105 à 115 Daguerre, à Candiac (Québec), (ci-après appelé « le bâtiment »), il s’est aperçu que le plancher du balcon du premier palier était gondolé dans un coin et que la chambre électrique située en dessous de ce balcon était sérieusement endommagée à cause d’infiltration d’eau.

[2]       Après une visite d’inspection effectuée le 1er décembre 2011, l’Administrateur, représenté par sa conciliatrice madame Karine Pépin, rendit une décision dans laquelle il a constaté que :

            «          les joints de scellements des balcons de fibre de verre sont abîmés et à certains endroits inexistants, » et des

              « infiltrations d’eau étaient présentes à l’intérieur de la salle électrique extérieure.»

[3]       Cependant, l’Administrateur rejeta la réclamation du Bénéficiaire en invoquant les motifs suivants :

a)      Que l’entretien des joints de scellement doit être fait par le Bénéficiaire et que les réparations nécessaires par un manque d’entretien sont exclues du plan de garantie selon le paragraphe 29 (3) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après appelé le « Règlement »)[1].

b)        Que la situation décrite ne peut être couverte par le Plan de garantie contre les vices cachés car elle exige une dénonciation écrite dans les trois ans de la date de réception des parties communes; dans ce cas-ci, la réception des parties communes a eu lieu le 11 mai 2006 et la dénonciation/réclamation est datée du 21 août 2011, soit une période de plus de 63 mois;

c)         Que la situation précitée doit donc être considérée dans la perspective d’un vice de conception, de construction ou de réalisation et des vices de sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux des parties communes ou lorsqu’il n’y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et qui doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

            Ce type de vice est prévu au paragraphe 27(5) du Règlement. Selon la décision de l’Administrateur, la fin des travaux des parties communes a eu lieu le 7 avril 2006 (selon l’avis de fin des travaux.)

[4]       Cependant, sans préciser la raison exacte, l’Administrateur a refusé d’appliquer la garantie prévue par ce paragraphe 27 (5) du Règlement à la situation décrite par le Bénéficiaire.

[5]       Insatisfait de cette décision, le Bénéficiaire la porta en arbitrage auprès du CCAC qui m’a désigné comme arbitre.

[6]       Après deux conférences préparatoires avec chacune des parties et le soussigné, une audience a eu lieu le 27 juin 2012. Immédiatement avant l’audience, j’ai visité le bâtiment en compagnie des parties, du procureur de l’Administrateur et de l’expert du Bénéficiaire, monsieur Paquin.

Les questions à déterminer

[7]       Il y a deux questions générales auxquelles je dois répondre dans cette cause :

a)    Est-ce que les problèmes observés au balcon du premier palier et ceux à la salle électrique directement en dessous de ce balcon ont été causés par un manque d’entretien des parties communes de la part du Bénéficiaire ou par un défaut de construction?

Si je réponds qu’ils étaient causés par un manque d’entretien, ce qui constitue un motif d’exclusion du plan de garantie selon le paragraphe 29 (3) du Règlement, je dois rejeter la demande d’arbitrage.

Si je réponds qu’ils étaient causés par un défaut de construction, je dois poser la question suivante et y répondre :

b)      Est-ce qu’ils sont couverts par le plan de garantie?

Preuve concernant la première question : la cause des problèmes

[8]       Je peux résumer les éléments de preuve que je retiens comme suit :

Preuve du Bénéficiaire

Témoignage de monsieur Martin Paquin

[9]       Le premier témoin du Bénéficiaire est monsieur Martin Paquin, inspecteur en bâtiment. Il a déposé son curriculum vitae (pièce B-1) à propos duquel et il a été interrogé et contre-interrogé. Je l’ai reconnu comme témoin-expert.

[10]    Le Bénéficiaire a communiqué le rapport d’inspection de l’expert Paquin avant l’audience. Le témoin fait référence à son rapport. Ce rapport a été rédigé le 3 mai 2012, le lendemain de l’inspection. Il a été rédigé pour déterminer les causes exactes ayant entraîné des dommages affectant la chambre des compteurs électriques du bâtiment.

[11]                    Dans son rapport, le témoin-expert a écrit ce qui suit :

              « OBSERVATIONS À L’INTÉRIEUR DU BÂTIMENT

              Nous avons fait l’inspection à l’intérieur de la chambre des compteurs électriques et avons fait les constats suivants :

-       Forte odeur d’humidité et de moisissures dans cet espace.

-      Présence de moisissures et de champignons sur plusieurs composantes de bois du plancher, des murs et du plafond (photos 2,3,4,5,8,9,10 et 17).

-      Détérioration avancée (pourriture) de la majorité des composantes de bois (exemple photos 3, 5 et 10).

-      Traces d’infiltrations d’eau en provenance de la partie supérieure des murs et du plafond (photos 8 et 17).

-      Corrosion sur les boîtiers électriques (photo 6).

-      Absence de dalle de béton au sol (photo 1 et 10).

-      Présence d’un panneau de distribution et de disjoncteurs principaux dans cet endroit non-chauffé et humide (photo 7).

-      Absence de membrane d’étanchéité au plafond de la chambre des compteurs (photos 8 et 17).

              OBSERVATIONS À L’EXTÉRIEUR DU BÂTIMENT

              Nous avons fait l’inspection à l’extérieur du bâtiment et avons fait les constats suivants :

-      Rebords coupés et non-scellés de deux panneaux de fibre de verre (photos 13 et 14).

-      Élasticité excessive de ces deux panneaux de fibre de verre (photos 13 et 14).

-      Pente inadéquate d’un des panneaux de fibre de verre situé juste au-dessus de la chambre des compteurs (photo 15).

-      Descente de gouttière déversant l’eau à proximité de la base des murs de la chambre des compteurs (photo 18).

-      Espace inexistant entre la base du revêtement extérieur en vinyle et le trottoir de béton (photo 18).

              CONCLUSION

              La présente expertise avait pour objectif d’identifier les causes exactes ayant entraînées des dommages affectant la chambre des compteurs électriques. De plus, notre expertise avait pour but de déterminer les démarches à entreprendre afin de corriger adéquatement les problèmes en question.

              Selon les observations relevées sur place, il ne fait aucun doute que l’état de dégradation avancée des composantes de bois est anormal. La détérioration des murs, du plafond et du plancher de la chambre des compteurs a été causé par une infiltration d’eau importante en provenance de la jonction des panneaux de fibre de verre qui composent les balcons. Ces panneaux servent de dessus de balcons et de revêtement de toiture de la chambre des compteurs également.

              Lorsque nous observons attentivement une de ces jonctions, nous constatons que le rebord d’un panneau de fibre de verre a été coupé. Ce type de panneau, lorsqu’il est coupé, nécessite inévitablement un scellement adéquat à base de fibre de verre puisque son centre est composé de contreplaqué. Ces panneaux doivent être livrés sur mesure et ne doivent en aucun cas être coupés. Dans le cas qui nous concerne, aucune mesure adéquate n’a été appliquée afin de sceller adéquatement le rebord qui a été scié. L’eau s’est donc peu à peu infiltrée dans le contreplaqué entraînant ainsi une dégradation importante et prématurée du panneau. Une pente ne permettant pas un égouttement efficace a également et constatée vis-à-vis une des jonctions de panneaux (voir photos 12 et 14).

              La détérioration anormale du contreplaqué, situé entre les deux couches de fibre de verre, a causé un gonflement du rebord en question. C’est ce qui a nui à l’étanchéité. C’est précisément à partir de cet endroit que l’eau s’est infiltrée le plus (photos 13 et 14).

              Généralement, lorsqu’un panneau de fibre de verre sert aussi de recouvrement de toiture, aucun joint ne devrait se trouver vis-à-vis la pièce à couvrir. Aux dessus de la chambre des compteurs, nous en retrouvons deux.

              Il faut aussi tenir compte d’un autre problème significatif. L’état de dégradation extrême du plancher de bois de la chambre des compteurs semble avoir été causé par deux problèmes. Le premier est celui que nous venons d’expliquer ci-haut. Le deuxième est le fait qu’aucune dalle de béton n’ait été coulée vis-à-vis cette pièce. En effet, la structure de bois repose contre le sol en terre (photo 19). Tenant compte qu’un trottoir de béton est appuyé le long du pourtour de cette pièce, l’eau peut s’infiltrer entre le rebord du trottoir et le revêtement de vinyle (voir photo 18). La présence d’une gouttière déversant l’eau le long du mur de la pièce en question aggrave le problème. Il aurait plutôt fallu qu’une dalle de béton soit coulée au sol, à l’épreuve du gel et ayant une dimension suffisante pouvant servir de plancher de la chambre des compteurs ainsi que de trottoir. »

[12]    Lors de son interrogatoire, le témoin confirme que le plancher de la salle électrique a été mal conçue et mal construite. Elle aurait dû être construite 15 cm au-dessus du niveau du trottoir en béton qui touche directement ses murs extérieurs.

[13]    En ce qui concerne l’emplacement de disjoncteurs électriques, il déclare qu’ils devraient être placés dans un endroit chauffé, selon les normes d’électricité. La salle électrique n’est pas chauffée.

[14]    À ma demande, le Bénéficiaire prend l’engagement de me transmettre un document avec une copie aux autres parties, prévoyant ces normes d’électricité quant à l’emplacement des disjoncteurs dans un endroit chauffé.

[15]    En contre-interrogatoire, monsieur Paquin déclare qu’il est très difficile de donner une opinion, à savoir combien de temps ça prend pour qu’une infiltration d’eau cause des dommages, y compris l’apparition de moisissures. Même si les moisissures de couleur blanche se manifestent plus rapidement (que les moisissures de couleur foncée) il ne peut émettre d’opinion quant à la date approximative de leur apparition.

[16]    Il ne peut pas, non plus, donner d’opinion quant à la date approximative de la manifestation de la corrosion sur les caissons métalliques des disjoncteurs.

[17]    Il ajoute que l’absence d’une membrane d’étanchéité au plafond de la chambre électrique n’était pas visible au moment de la réception du bâtiment.

[18]    Il reconnaît que l’installation d’une membrane d’étanchéité au plafond de cette salle n’est pas requise selon le Code du bâtiment.

[19]    Selon son expérience, il ne peut pas dire combien de temps cela pourrait prendre pour qu’une infiltration cause des dégâts semblables à ceux qu’il a constatés au plafond de la salle électrique. Selon lui, cela dépendrait de la quantité d’eau qui s’y infiltrerait.


 

[20]    En ce qui concerne les cernes d’eau noirs qui apparaissent sur le balcon au-dessus de la chambre électrique, il déclare qu’ils sont causés par une mauvaise inclinaison de la surface du plancher qui ne permet pas à l’eau de descendre vers l’extérieur.

[21]    En ré-interrogatoire par le représentant du Bénéficiaire, il témoigne que l’entretien des joints du balcon au moyen de calfeutrage ne serait pas suffisant pour empêcher les infiltrations d’eau dans les joints. En marchant sur les joints, le calfeutrage se détériorerait constamment. Selon lui, « une toiture, c’est pas fait pour marcher dessus. »

Preuve de l’Administrateur

Témoignage de madame Karine Pépin

[22]    L’unique témoin de l’Administrateur est madame Karine Pépin, conciliatrice au service de l’Administrateur et l’auteur de la décision qui fait l’objet de cet arbitrage.

[23]    Après une révision de son curriculum vitae et un interrogatoire, suivi d’un contre-interrogatoire, je la reconnais comme témoin-expert.

[24]    Lors de son inspection du bâtiment, madame Pépin a constaté que le rebord du panneau du plancher du balcon n’a pas été scellé avant son installation. Elle reconnaît qu’il aurait dû être scellé, même sur le chantier, avant d’être installé. Elle reconnaît que le scellement des panneaux du balcon aurait dû être fait par l’Entrepreneur.

[25]    Selon elle, il s’agit d’un défaut qui était apparent pour une personne qui regarderait les bords du plancher du balcon du bas vers le haut ou pour une personne debout sur le balcon et qui se pencherait au-dessus de la balustrade en regardant vers le bas.

[26]    Elle opine que le Bénéficiaire aurait dû faire des inspections et des réparations annuelles des parties communes. Elle ajoute que le Bénéficiaire aurait dû corriger ce problème en faisant l’entretien.

[27]    En ce qui concerne les flaques d’eau qui causent des cernes d’eau sur le plancher du balcon, elle opine qu’il est normal que l’eau reste sur la surface du plancher pendant 24 heures après une pluie.

[28]    Elle a aussi constaté lors de son inspection d’importants dégâts d’eau dans la chambre électrique.

[29]    Lors de l’inspection, madame Catherine Tremblay, qui remplaçait le représentant du Bénéficiaire, monsieur Imad Jaziri, lui a mentionné qu’elle a entendu des commentaires à l’effet que les inspecteurs qui prenaient les relevés des compteurs électriques ont mentionné que le plancher de la chambre électrique n’était pas sécuritaire.


 

[30]    Elle opine que le problème de ce  plancher pourrait être un vice caché mais pas un vice de conception, de construction ou de réalisation au sens du paragraphe 27(5) du Règlement. Elle explique que dans sa décision, elle n’a pas décidé qu’il s’agissait d’un vice caché parce que la réclamation du Bénéficiaire n’a pas été faite dans le délai de trois ans prévu au Règlement.

[31]    Elle déclare qu’elle a établi la date de « Fin des travaux des parties communes » et celle de « Réception des parties communes  » selon les dates qui apparaissent aux formulaires intitulés « Inspection - pré-réception, fin des travaux - réception du bâtiment » (pièce A-2), les formulaires « Avis de fin de travaux des parties communes » (11 documents en liasse déposés comme pièce A-3). Ces dates apparaissent aussi dans un autre dossier de réclamation du Bénéficiaire auprès de l’Administrateur. Elle déclare qu’elle voulait que les dates dans cet autre dossier coïncident avec les dates de « fin des travaux des parties communes » et « réception des parties communes » dans le présent dossier de réclamation.

Preuve de l’Entrepreneur

[32]    Monsieur Yann Rocheleau, le représentant de l’Entrepreneur admet que le rebord du panneau au plancher du balcon aurait dû être scellé par l’Entrepreneur.

[33]    Il qualifie ce problème de « malfaçon ».

Prétentions des parties concernant la cause des problèmes

Prétention du Bénéficiaire

[34]    Le Bénéficiaire plaide que la cause des problèmes est un vice de conception ou de construction.

Prétentions de l’Administrateur

[35]    L’Administrateur ne soumet pas d’argument à l’effet que la cause des problèmes est un manque d’entretien. Il reconnaît l’existence de deux défauts de construction (manque de scellement des rebords des panneaux du plancher du balcon et un plancher trop bas à la salle électrique). Il qualifie le premier défaut de « malfaçon apparente » et le deuxième de «  malfaçon non apparente ». À cause de l’expiration des délais de dénonciation de tels défauts de construction prévus par le Règlement, leur réparation n’est pas couverte par le plan de garantie.

Prétentions de l’Entrepreneur

[36]    L’Entrepreneur reconnaît que le ou les rebord(s) du ou des panneaux du balcon aurait(aient) dû(dus) être scellé(s) par l’Entrepreneur avant son(leur) installation. Il qualifie ce(s) défaut(s) de « malfaçon(s) ». Vu l’expiration du délai de dénonciation prévu au Règlement relativement à une « malfaçon », il plaide que ce défaut n’est pas couvert par le plan de garantie.


 

Analyse et décision concernant la cause des problèmes

[37]    Les dispositions pertinentes du Règlement prévoient ce qui suit :

              «       26.    La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :

              5)      La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu’il n’y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

              29.    Sont exclus de la garantie :

              3)      Les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire;»

[38]    Je note qu’à l’étape de la plaidoirie, ni l’Administrateur, ni l’Entrepreneur ne prétendent que la cause principale des problèmes de dégâts d’eau du balcon et de la salle électrique provient du manque d’entretien des parties communes par le Bénéficiaire.

[39]    Toutes les parties reconnaissent que les rebords des panneaux du plancher du balcon forment deux joints au-dessus de la salle électrique n’ont pas été bien scellés avant leur installation.

[40]    De plus, je note que toutes les parties ont admis que le manque de scellement des rebords les panneaux qui forment des joints du plancher avant leur installation constituait un défaut de construction. La distinction réside dans leur qualification respective de ce défaut. Selon le Bénéficiaire, il s’agit d’un vice de conception ou de construction tandis que le procureur de l’Administrateur et le représentant de l’Entrepreneur le qualifient de « malfaçon ».

[41]    Selon la preuve, au moins à un endroit près de ces joints, il existe des cernes noirs qui témoignent de l’accumulation d’eau. Je retiens le témoignage de l’expert du Bénéficiaire à l’effet que ces cernes sont une manifestation d’une mauvaise pente à un endroit du plancher du balcon qui ne permet pas une évacuation rapide de l’eau après les averses de pluie ou la fonte de neige.


 

[42]    Est-ce qu’un scellement périodique des deux joints du plancher précité aurait pu éviter complètement les infiltrations d’eau à l’intérieur du plancher du balcon et ensuite vers la salle électrique? À ce sujet, je retiens le témoignage de monsieur Paquin. Monsieur Paquin nous a expliqué qu’un tel entretien au moyen de calfeutrage n’est pas une mesure corrective adéquate.

[43]    Selon mon appréciation de la preuve, la cause principale des infiltrations d’eau à l’intérieur du plancher du balcon est le manque de scellement des rebords de deux panneaux du plancher qui constitue au moins un et peut-être deux joints du plancher. Ceci est aggravé par une inclinaison inadéquate du plancher du balcon vers l’extérieur, au moins à un endroit près d’un des deux joints du plancher, qui permettrait une évacuation plus rapide de l’eau de pluie ou de neige.

[44]    En ce qui concerne le plancher dans la salle électrique, la preuve non contredite est à l’effet que ce plancher a été construit au même niveau que le trottoir en béton à l’extérieur de la salle électrique et que ceci est contraire aux règles de l’art. Il aurait dû être construit à 15 cm (selon le témoignage de monsieur Paquin) ou à un niveau de 6 à 8 pouces (selon la prétention de l’avocat de l’Administrateur) au-dessus de ce trottoir.

[45]    Selon mon appréciation de la preuve, ce défaut a aggravé les dégâts d’eau importants qui ont sérieusement affaibli le plancher de la salle électrique. Cependant, ce défaut n’a pas été la cause principale des dégâts qui sont très visibles à d’autres endroits de la salle électrique (au plafond et aux murs).

[46]    Pour ces raisons, je conclus et ce, sans beaucoup de difficulté, que la cause principale des infiltrations d’eau à l’intérieur du balcon et, de là, vers la salle électrique est une conception et construction qui est contraire aux règles de l’art, d’un et peut-être même de deux joints des panneaux du plancher du balcon.  De plus, l’emplacement de ces deux joints directement au-dessus des murs latéraux de la salle électrique constitue également un défaut de conception et de construction, de même que la sous-élévation du plancher de la salle électrique

[47]    Finalement, je conclus que ces vices de conception et de construction sont ceux mentionnés au paragraphe 27(5) du Règlement.

Preuve concernant la deuxième question : la couverture des réparations de ces vices selon le paragraphe 27(5) du Règlement

[48]    Étant donné ma conclusion que les problèmes ont été causés par des vices de conception et de construction, est-ce que les autres exigences du paragraphe 27 (5) du Règlement sont rencontrées pour que leur réparation soit couverte par le plan de garantie?


 

Preuve de l’Administrateur

Témoignage de monsieur François Lévesque

[49]    Le deuxième témoin de l’Administrateur est monsieur François Lévesque. Il témoigne au sujet du document intitulé « Inspection - pré-réception, fin des travaux - réception du bâtiment » déposée par l’Administrateur comme pièce A-2. Il s’agit d’un document de deux pages qui porte la signature du témoin. Il est daté du 11 mai 2006.

[50]    Monsieur Lévesque a signé ce document à titre de « Professionnel choisi par le syndicat des copropriétaires » selon le texte y préimprimé. Ce document porte également la signature de l’Entrepreneur avec la même date du 11 mai 2006.

[51]    Monsieur Lévesque témoigne que le mandat de compléter ce document, y compris sa deuxième page intitulée « Liste des éléments à vérifier » lui a été confié par l’Entrepreneur.

[52]    Son inspection a eu lieu les 10 ou 11 mai 2006. Il déclare que lors de son inspection, il a effectué un tour à l’extérieur du bâtiment seulement. Il n’a pas pénétré à l’intérieur du bâtiment, notamment dans la salle électrique.

[53]    Il confirme et tel qu’il a indiqué à la pièce A-2, que lors de son inspection, certains éléments faisant partie des parties communes du bâtiment, demeuraient encore « à faire » notamment les éléments suivants :

          -    Crépi sur la fondation;

          -    Fini extérieur avec un enduit;

          -    Gouttières et chutes (à terminer);

          -    Sorties ou prises d’air (devaient encore être calfeutrées).

          -    Terrassement;

          -    Asphalte

[54]    Il confirme que 22 autres éléments faisant partie des parties communes du bâtiment qui sont énumérés sur la « Liste des éléments à vérifier » faisant partie de la pièce A-2, n’ont pas été inspectés étant donné qu’ils se trouvaient à l’intérieur du bâtiment.

[55]    Lors de son inspection, il était seul. Aucun copropriétaire n’y était présent.

[56]    Il déclare que, de façon générale, « le bâtiment était terminé à 90% » lors de son inspection.


 

Preuve du Bénéficiaire

Témoignage de monsieur Imad Jaziri

[57]    Le deuxième témoin du Bénéficiaire est monsieur Imad Jaziri. Il est un des copropriétaires du bâtiment ainsi que l’unique administrateur du Bénéficiaire.

[58]    Il dépose en preuve un document intitulé « Inspection préréception/fin des travaux - réception du bâtiment » daté du 10 mai 2006 qu’il a signé et qui est également signé par une représentante de l’Entrepreneur. Le témoin ne se rappelle pas du nom de la représentante. Selon moi, il semblerait qu’il s’agit de madame Jacques (signature presqu’illisible). Ce document réfère à la partie privative du bâtiment de l’unité de condominium appartenant au témoin. Ce document consiste en deux pages. La deuxième page de ce formulaire également intitulée « Liste des éléments à vérifier » est identique à celle du formulaire portant le même nom signé par monsieur Lévesque et déposé sous la cote A-2.

[59]    Le témoin déclare que ce document a été complété par la représentante de l’Entrepreneur. À la page 2 de ce document, soit la liste des éléments à vérifier, cette représentante a indiqué comme des travaux à « parachever ou corriger », les mêmes éléments que ceux qui apparaissent sur la liste préparée par monsieur Lévesque, sauf un élément supplémentaire décrit comme « Revêtement extérieur en déclin ». Monsieur Jaziri explique que ce dernier élément supplémentaire référait au calfeutrage de toutes les fenêtres et ouvertures extérieures.

[60]    En ce qui concerne plusieurs documents déposés en liasse par l’Administrateur comme pièce A-3 et qui sont intitulés « Avis de fin des travaux des parties communes », le témoin déclare qu’il n’a jamais reçu un tel document, malgré le fait qu’il était connu de l’Entrepreneur à la date de la fin des travaux des parties communes qui y est indiquée, soit le 7 avril 2006.

[61]    Il dépose en preuve sous la cote B-3, un document daté du 13 octobre 2006 adressé à tous les copropriétaires et signé par monsieur Gérard Labrecque pour monsieur Patrice Saint-Pierre, administrateur de l’Entrepreneur. Ce document se lit en partie comme suit :

         

«À tous les copropriétaires du  à Candiac (Qc)

 Objet : Élection de votre administrateur

Madame, Monsieur,

Par la présente, nous vous demandons de bien vouloir vous réunir afin de former votre conseil d’administration en vue de procéder au transfert du syndicat de copropriété.

Dans un premier temps, vous devez organiser une réunion et ainsi nommer un administrateur de votre conseil d’administration. Ce dernier aura la responsabilité de vous représenter et ainsi s’occuper de la bonne gestion de votre bâtiment.  Une fois l’administrateur élu, nous lui demandons de nous contacter afin de prévoir une rencontre à notre bureau. Nous lui expliquerons en détail le fonctionnement du syndicat et nous lui remettrons les pièces justificatives des revenus et dépenses de votre syndicat.»

[62]       En contre-interrogatoire, il déclare qu’il est le seul administrateur du Bénéficiaire et qu’il a pris possession des parties communes du bâtiment en octobre 2006.

[63]       Il affirme qu’il a constaté pour la première fois la détérioration dans la salle électrique le 9 mai 2011. Avant cette date, il n’a pas vu de pourriture à cet endroit.

[64]       Il ajoute que les copropriétaires ne vont jamais dans la chambre électrique et que les seules personnes qui s’y rendent sont les inspecteurs qui prennent les données des compteurs électriques.

[65]       Il reconnaît qu’entre 2006 et le 9 mai 2011, il a du aller dans la chambre électrique.

[66]       Il explique que la raison pour laquelle il a visité la chambre électrique le 9 mai 2011 était parce qu’il avait constaté que le plancher du balcon au-dessus de cette salle gondolait et rebondissait.

[67]       Il ajoute qu’entre le 9 mai 2011 et la date de l’inspection par la conciliatrice de l’Administrateur, madame Pépin, le 1er décembre 2011, la dégradation à la chambre électrique a doublé.

Prétentions des parties concernant les autres exigences du paragraphe 27(5) du Règlement

Prétentions du Bénéficiaire

[68]       Le Bénéficiaire m’invite à statuer que la date de « fin des travaux des parties communes » retenue par l’Administrateur pour les fins de sa décision, à savoir, le 7 avril 2006 n’est pas valable. Il explique que plus de un mois plus tard, soit le 11 mai 2006, monsieur Lévesque, le professionnel choisi par l’Entrepreneur a reconnu selon la liste des éléments à vérifier à la page 2 de la pièce A-2, que certains éléments des parties communes n’ont pas été complétés et qu’aucun élément des parties communes à l’intérieur du bâtiment n’a été vérifié. Il soutient qu’à la date du 7 avril 2006 le Bénéficiaire, soit le syndicat des copropriétaires, n’était pas indépendant car il demeurait encore sous le contrôle de l’Entrepreneur.

[69]       Il soumet que je dois retenir le 13 octobre 2006 comme la date de la « fin des travaux des parties communes ». Il me rappelle que j’ai la discrétion de déclarer que cette date de fin des travaux a eu lieu six mois après le 13 octobre 2006.

[70]       Par ailleurs, il soumet que les autres exigences prévues au paragraphe 27(5) du Règlement ont été respectées : le délai entre la date de la fin des travaux des parties communes (le 13 octobre 2006 ou après, selon sa prétention) et la date de la dénonciation (le 21 août 2011) respecte l’exigence de cinq ans. Le deuxième délai de six mois maximum entre sa découverte du 9 mai 2011 et la dénonciation écrite ou réclamation du 21 août 2011 est également conforme au paragraphe 27(5).

Prétentions de l’Administrateur

[71]       Selon l’avocat de l’Administrateur, l’exigence de la « perte de l’ouvrage » prévue à l’article 2118 du Code civil du Québec auquel réfère le paragraphe 27(5) du Règlement n’a pas été prouvé.

[72]       En ce qui concerne la date de la « fin des travaux des parties communes », il soumet qu’elle devrait demeurer le 7 avril 2006 conformément à la décision de l’Administrateur, soit la date qui apparaît sur les formulaires A-2 et A-3 car, à cette date le bâtiment était prêt à servir à sa destination. Les travaux qui demeuraient à être effectués étaient des menus travaux et des travaux saisonniers.

[73]       En ce qui concerne le délai de dénonciation de six mois, il pose la question « Est-ce qu’il est probable ou moins probable que monsieur Jaziri ait découvert les problèmes de dégâts d’eau à la salle électrique seulement le 9 mai 2011 comme il l’affirme? »

[74]       Selon l’avocat, il s’agit d’une question de crédibilité de monsieur Jaziri. Il reconnaît ne pouvoir soumettre  aucun élément qui pourrait remettre en question le témoignage de monsieur Jaziri.

Analyse et décision concernant la « fin des travaux des parties communes »

[75]    Afin de déterminer la date de la  « fin des travaux des parties communes », les définitions suivantes qui apparaissent au Règlement sont utiles :

« 1,     Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

            « bénéficiaire » : une personne physique ou morale, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf et, dans le cas des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat de copropriétaires;

            25.      Pour l’application de la présente sous-section, à moins que contexte n’indique un sens différent, on entend par :

« fin des travaux des parties communes » : la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs aux parties communes sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine;»

[76]    Selon la preuve non contredite devant moi, il est clair que le 7 avril 2006, tous les travaux de l’Entrepreneur relatifs aux parties communes n’étaient pas achevés. Ceci ressort du témoignage de monsieur François Lévesque qui a été mandaté par l’Entrepreneur le 11 mai 2006 et de la Liste des éléments à vérifier qu’il a complétée, faisant partie de la pièce A-2. Il a reconnu dans son témoignage que de façon générale « le bâtiment était terminé à 90 % »

[77]    De plus, Monsieur Lévesque a reconnu que son inspection était incomplète, car il n’a vérifié aucune partie commune se trouvant à l’intérieur du bâtiment.

[78]    Je note que le fait que le bâtiment aurait pu être « en état de service conformément à l’usage auquel on le destine » le 7 août 2006, comme le prétend l’avocat de l’Administrateur n’est pas, selon moi, suffisant pour que je puisse conclure qu’à cette date la « fin des travaux des parties communes  » a eu lieu. Selon moi, la définition de cette expression à l’article 25 du Règlement cité ci-haut requiert que deux conditions soient remplies : la première est que tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le Bénéficiaire doivent être exécutés et la deuxième - que le bâtiment soit en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine.

Détermination d’une nouvelle date de « fin des travaux des parties communes »

[79]    Étant donné que selon moi, la fin des travaux n’a pas eu lieu le 7 avril 2006, soit la date retenue par l’Administrateur dans sa décision, et même pas le 11 mai 2006, je dois déterminer cette date.

[80]    Je note qu’il n’y a eu aucune preuve soumise lors de l’audience concernant la date de l’exécution ou le défaut d’exécution des travaux relatifs aux parties communes qui n’étaient pas encore complétés lors de l’inspection de monsieur Lévesque du 10 ou 11 mai 2006 et ceux à l’intérieur du bâtiment qu’il n’a pas vérifiés.

[81]    La définition précitée de la « fin des travaux des parties communes » réfère aux travaux de l’entrepreneur « convenus par écrit avec le bénéficiaire ». Selon la définition du mot « bénéficiaire » qui apparaît à l’article 1 du Règlement  cité au paragraphe 75 ci-haut, il s’agit du syndicat des copropriétaires.

[82]    En essayant d’interpréter la signification de l’expression « convenus par écrit avec le bénéficiaire », on peut se demander si un entrepreneur peut convenir par écrit avec un syndicat de copropriétaires qui demeure sous son contrôle, de l’exécution de ses propres travaux relatifs aux parties communes. Selon moi, il serait illusoire d’envisager un tel scénario comme probable. On peut également envisager comme peu probable un autre scénario où le syndicat, contrôlé par cet entrepreneur, déposerait une réclamation pour dénoncer un manquement de l’entrepreneur à exécuter les travaux de ce dernier qui ont été convenus par écrit avec lui.

[83]    Ceci m’amène à la conclusion que dans les circonstances, comme celles en cette cause, où il y a absence de preuve que tous les travaux de l’entrepreneur relativement aux parties communes convenus par écrit avec tous les copropriétaires - le mot « bénéficiaire » dans la définition de « fin des travaux des parties communes » à l’article 25 du Règlement signifie un syndicat de copropriétaires qui n’est pas sous le contrôle de cet entrepreneur.

[84]    Je remarque que mon interprétation du mot « bénéficiaire » est, jusqu’à un certain point, conforme à l’article 1081 alinéa 2 du Code civil du Québec qui vise les vices cachés. Cet deuxième alinéa se lit comme suit :

              « Le défaut de diligence que peut opposer le défendeur à l’action fondée sur un vice caché s’apprécie, à l’égard du syndicat ou d’un copropriétaire, à compter du jour de l’élection d’un nouveau conseil d’administration, après la perte de contrôle du promoteur sur le syndicat.»

[85]    Selon la preuve qui m’a été soumise, l’Entrepreneur lui-même reconnaît que le 13 octobre 2006, le syndicat des propriétaires était encore sous son contrôle. Ceci ressort de la lettre datée du 13 octobre 2006 adressée à tous les copropriétaires (pièce B-3) cité au paragraphe 61 ci-haut.

[86]    Aucune preuve ne m’a été présentée quant à la première réunion des copropriétaires au cours de laquelle, on peut présumer, un ou plusieurs administrateurs du syndicat des copropriétaires nommés par ces derniers ont été élus. Cette élection d’un ou plusieurs nouveaux administrateurs qui formerait la majorité du conseil d’administration du Bénéficiaire marquerait le transfert du contrôle de l’Entrepreneur aux copropriétaires du bâtiment ou au Bénéficiaire.

[87]    Au cours de son témoignage, monsieur Jazziri a indiqué qu’il était devenu un administrateur du Bénéficiaire en octobre 2006. Il n’a pas précisé la date exacte de son élection. Elle a eu lieu certainement après le 13 octobre 2006, soit la date de la lettre de l’Entrepreneur aux copropriétaires les enjoignant d’élire un administrateur.

[88]    À la lumière du témoignage de monsieur Jaziri et selon mon expérience professionnelle, je considère que monsieur Jaziri aurait pu raisonnablement être élu l’unique administrateur du Bénéficiaire le ou avant le 27 octobre 2006. Conséquemment, je conclus que le Bénéficiaire n’était plus sous le contrôle de l’Entrepreneur depuis le 27 octobre 2006 et c’est cette date que je retiens comme celle de la « fin des travaux des parties communes ».

Analyse et décision - perte de l’ouvrage selon l’article 2118 CcQ

[89]       Les vices de conception, de construction ou de réalisation et les vices du sol dont la réparation est garantie selon le paragraphe 27 (5) du Règlement sont ceux « au sens de l’article 2118 du Code civil ».

[90]       L’article 2118 du Code civil réfère à des vices de conception, de construction ou de réalisation d’un ouvrage immobilier ou d’un vice du sol qui entraîne « la perte de l’ouvrage » immobilier.

[91]       Cette notion de « perte de l’ouvrage » a déjà été interprétée par les auteurs et la jurisprudence. Selon cette interprétation la « perte de l’ouvrage  » ne nécessite pas que tout le bâtiment doit s’écrouler.

[92]       Selon les auteurs Rodrigue et Edwards[2] :

              « Pour se prévaloir de l’article 2118 C.c.Q., il n’est pas nécessaire d’établir ni le fait que l’ouvrage a péri ni le moment auquel il va s’écrouler. Il suffit de démontrer la présence des inconvénients ou d’un danger sérieux qui pourrait entraîner une perte de l’ouvrage, c’est-à-dire une perte potentielle. »

              Voir aussi à cet effet les auteurs Beaudoin et Deslauriers[3].

[93]        De plus, selon les mêmes auteurs, l’expression « perte de l’ouvrage » englobe aussi une perte partielle du bâtiment en autant qu’il s’agisse d’une partie importante de ce dernier. Voici ce qu’ils écrivent à ce sujet[4] :

              « Une simple perte partielle est suffisante lorsqu’il y a menace d’effondrement ou de fléchissement de certaines parties essentielles de l’ouvrage, ou encore de ses composantes essentielles. »

[94]       Selon la preuve devant moi, la dégradation importante du plafond, des murs et du plancher de la salle électrique constitue un inconvénient ou un danger sérieux qui comme on a vu plus tôt, constitue une perte potentielle de la salle électrique. De plus, selon mon appréciation, cette salle électrique où se trouvent les disjoncteurs pour les parties privatives ainsi que pour la partie commune du bâtiment de six unités de condominium, constitue une partie essentielle du bâtiment.

[95]       Il s’ensuit que cette dégradation de la salle électrique peut être considérée comme une « perte de l’ouvrage » immobilier au sens de l’article 2118 C.c.Q.

Dénonciation écrite dans les six mois de la « découverte »

[96]       Je note que les plaidoiries du Bénéficiaire et de l’Administrateur portent seulement sur la date de la découverte par le Bénéficiaire du vice ou de la perte.

[97]       Monsieur Jaziri, lors de son témoignage ainsi que dans sa lettre de dénonciation du 21 août 2011 (pièce A-5) a été très clair qu’il a découvert les vices et les pertes provenant des infiltrations d’eau à la salle électrique le 9 mai 2011, et pas avant.

[98]       Lors de son contre-interrogatoire, il a déclaré que depuis qu’il est administrateur du Bénéficiaire, soit depuis octobre 2006, il a dû se rendre à quelques reprises à la chambre électrique, mais qu’avant le 9 mai 2011, il n’a jamais constaté de problèmes à cet endroit.

[99]       Il a aussi mentionné que les autres copropriétaires ne se rendaient jamais à la chambre électrique.

[100]    Selon la preuve non contredite, les dégâts à la salle électrique ont avancé très rapidement. Ils ont doublé pendant la période de six mois entre le 9 mai 2011 (date de leur décuverte) et le 1er décembre 2011 (date de l’inspection par la conciliatrice, madame Pépin). Ils ont aussi grandement progressé entre la date de cette inspection et la date de ma visite des lieux en compagnie des parties avant l’audience, le 27 juin 2012, selon le témoignage de madame Pépin.

[101]    L’avocat de l’Administrateur m’invite à évaluer la crédibilité du témoignage de monsieur Jaziri quant à la date de cette découverte. Je note que lorsque j’ai demandé à Me de Andrade de m’indiquer des éléments dans le témoignage de monsieur Jaziri qui pourraient me permettre de mettre en doute sa crédibilité, Me de Andrade m’a indiqué qu’il n’en a pas.

[102]    Je dois ajouter que je n’ai pas trouvé de tels éléments dans le témoignage de monsieur Jaziri ni dans les documents que j’ai révisés, ni même dans son comportement au cours de son témoignage. Je considère donc que la seule preuve non contredite devant moi au sujet de la date de la découverte par le Bénéficiaire du vice ou de la dégradation de la salle électrique est à l’effet qu’elle a eu le 9 mai 2011.

[103]    Finalement, je conclus que la période de trois mois et demi entre la date de cette découverte (9 mai 2011) et sa dénonciation écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur (le 21 août 2011) est raisonnable pour les fins du paragraphe 27(5) du Règlement.

Commentaires supplémentaires

Date de « réception des parties communes »

[104]    Le Bénéficiaire m’a demandé de modifier la date de réception des parties communes du 11 mai 2006 à une date plus récente, soit le 13 octobre 2006 ou après.

[105]    Étant donné que j’ai conclu que les problèmes causés par l’infiltration d’eau à la salle électrique sont couverts par le paragraphe 27 (5) du Règlement, je n’ai plus besoin de statuer sur la date de réception des parties communes pour les fins de cette cause.

Emplacement chauffé pour les panneaux électriques

[106]    Deux jours après l’audience, le représentant du Bénéficiaire, conformément à son engagement préalable m’a transmis (ainsi qu’aux autres parties) un document intitulé « Question du jour » et émanant ostensiblement de la Corporation des maîtres-électriciens du Québec concernant l’installation de panneaux électriques. Ce document daté du 1er février 2010 porte le sous-titre « Peut-on installer un panneau électrique de type NEMA-1 dans un local qui n’est pas chauffé? » L’extrait pertinent de la réponse se lit comme suit :

              « Selon l’article 2-024 du Code de construction du Québec, chapitre V- Électricité 2007 (Code), le maître électricien doit vérifier auprès du fabricant si le panneau électrique et ses disjoncteurs de type NEMA-1 qu’il veut utiliser sont approuvés à cette fin. L’information sur le degré de protection que procurent les boîtiers contre les conditions environnementales telles que mentionnées à l’article 2-400 du Code se retrouvent dans le tableau 65 du Code.

              Pour les boîtiers de type NEMA-1 (tout usage), le boîtier sera protégé pour usage à l’intérieur dans des emplacements ordinaires. Il serait donc plus approprié d’installer, entre autres, un boîtier de type NEMA-2, le boîtier sera protégé pour usage à l’intérieur, aux endroits où le boîtier est exposé aux gouttes de liquide provenant de la condensation ou d’autres causes.»

[107]    Étant donné qu’aucune preuve ne m’a été soumise au sujet du type de panneau électrique qui est installé dans la bâtiment du  Bénéficiaire, et vu que ce document ne répond pas clairement à la question si le local où un disjoncteur de type NEMA-1 est installé doit être chauffé ou pas (en présumant que c’est ce genre de panneaux électriques qui est présentement installé dans le bâtiment), je considère que je ne peux pas me prononcer sur l’exigence que la salle électrique doit être chauffée ou pas. Cependant, vu l’importance du type de panneaux électriques qui doit être installé dans un endroit non chauffé (comme c’est le cas de leur emplacement présentement), je considère que cette question devra être abordée et résolue par l’Entrepreneur et l’Administrateur à l’étape de la réparation de la salle électrique, et si le Bénéficiaire n’est pas satisfait de la décision future de l’Administrateur à ce sujet, il pourra la porter en arbitrage.

Conclusions supplémentaires

[108]    À l’article 36, le Règlement prévoit que le bénéficiaire, l’entrepreneur et l’administrateur sont liés par la décision arbitrale dès qu’elle est rendue par l’arbitre. De plus, cette décision est finale et sans appel.

[109]    Quant aux coûts de cet arbitrage, l’article 37 du Règlement mentionne que ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts. Dans cette cause, le Bénéficiaire a eu gain de cause sur un aspect de sa réclamation.

[110]    Je considère que le rapport d’expertise de monsieur Paquin ainsi que son témoignage étaient pertinents. Conséquemment, l’Administrateur devra rembourser au Bénéficiaire les frais de l’expert Paquin afférant à l’inspection qu’il a réalisée le 2 mai 2012, aux frais pour la rédaction de son rapport du 3 mai 2012 (pièce B-1) ainsi qu’un montant d’honoraires relatif à la présence de monsieur Paquin lors de l’audience. Si le montant de tous ces frais, selon la facture de monsieur Paquin adressée au Bénéficiaire (dont une copie sera transmise à l’Administrateur) et dont le remboursement sera réclamé par ce dernier, est déraisonnable selon l’estimation de l’Administrateur, je réserve le droit à ce dernier de les contester à l’intérieur d’un délai de 15 jours après la soumission de la demande de remboursement par le Bénéficiaire à l’Administrateur. Je me réserve juridiction pour statuer sur la demande de l’Administrateur relativement au  quantum raisonnable de ces frais d’expertise pertinents.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ARBITRAL :

ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire concernant les dégâts d’eau à la salle électrique du bâtiment situé au 105 à 115 Daguerre, Candiac (Québec);

DÉCLARE que la réparation de la salle électrique qui doit comprendre aussi la réparation du plancher du balcon directement au-dessus de cette salle, est couverte par le Plan de garantie de l’Administrateur;

DÉCLARE que la date de la « fin des travaux des parties communes » de ce bâtiment est le 27 octobre 2006;

ORDONNE à l’Entrepreneur, le ou avant le 31 août 2012 de faire effectuer une inspection et vérification par un maître électricien de l’état actuel de tous les appareils électriques se trouvant dans la salle électrique du bâtiment précité, de constater leur état et faire des recommandations dans un rapport écrit quant à leur remplacement et la nécessité de leur installation dans un endroit chauffé, ainsi que de ttransmettre une copie de ce rapport au Bénéficiaire et à l’Administrateur; à défaut de l’Entrepreneur d’exécuter cette ordonnance le avant le 31 août 2012, ORDONNE à l’Administrateur de l’exécuter selon les mêmes modalités, et à l’intérieur du même délai;

ORDONNE à l’Entrepreneur, le ou avant le 2 octobre 2012 d’effectuer toutes les réparations nécessaires à la salle électrique du bâtiment, y compris les réparations du plancher du balcon au-dessus d’elle, afin de les rendre conforme à toutes les normes et aux règles de l’art de construction qui s’y appliquent; à défaut par l’Entrepreneur de se conformer à cette ordonnance de façon complète le ou avant le 2 octobre 2012, ORDONNE à l’Administrateur de procéder aux mêmes réparations selon les mêmes modalités et dans le même délai.

ORDONNE à l’Administrateur de rembourser au Bénéficiaire dans un délai de cinq jours ouvrables suivant sa réception de la demande de remboursement écrite du Bénéficiaire le montant des frais de l’expert Martin Paquin pour la rédaction de son rapport du 3 mai 2012, son inspection du 2 mai 2012 et pour ses heures de présence lors de l’audience du 27 juin 2012 (selon à la facture de l’expert Paquin transmise au Bénéficiaire et qui sera annexée à la demande de remboursement à l’Administrateur) et je réserve le droit de l’Administrateur de contester ces frais dans un délai de 15 jours suivant la soumission de la demande de remboursement par le Bénéficiaire, sur la base qu’ils sont déraisonnables, au moyen d’une demande écrite qu’il devra me  transmettre dans les cinq jours de la réception de la demande de remboursement, auxquelles fins je conserve juridiction pour statuer sur le montant raisonnable de ces frais; et


 

DÉCLARE que les tous les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

 

 

Montréal, le 6 août 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

Me ALBERT ZOLTOWSKI

Arbitre

 



[1]              R.Q.c. B-1.1, r.0.2

[2]              Chapitre intitulé La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, Me Sylvie Rodrigue et Me Jeffrey Edwards, La construction au Québec : Perspectives juridiques, Wilson & Lafleur 1/998, p. 434

[3]              La responsabilité civile, 7e Édition, volume 2,  Jean-Louis Beaudoin et Patrice Deslauriers, par. 2-274.

[4]              Voir référence no 2, p. 434

 

Décisions arbitrales soumises

                Syndicat en copropriété 670 Manoir Masson et Développement Magma inc., M. Guy Pelletier, arbitre, Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 09-078ES et 090304001, 2010-03-15;

                Syndicat des copropriétaires Les Cours Montrougeau (905-925) et Construction Bernard & Lapointe inc., M. Guy Pelletier, arbitre, Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 081121001 et 08-356FL, 2009-05-04;

                Syndicat 241, rue Deslières et Société en commandite Clairevue, (9136-7243 Canada inc.), Me Albert Zoltowski, arbitre, Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC), S08-090601-NP, 2008-12-05;

                Syndicat de copropriété MRLH  et Constructions G. Mélatti inc., Me Jeffrey Edwards, arbitre, Société pour la résolution de conflits inc. (SORECONI), 05071S001 et 13 249-10, 2006-06-07