(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution de conflits inc. (SORECONI)
No dossier SORECONI : 091021001
No dossier Garantie 124064-1
Date: 23 avril 2010
ENTRE MADAME FADIA ST-FORT ET MONSIEUR VOLVICK BONNAIG
(ci-après « les Bénéficiaires»)
ET 9095-9032 Québec inc. - Excellence Construction
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : La Garantie DES BATIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ inc
(ci-après « l’Administrateur »)
Arbitre : Me France Desjardins
Pour les Bénéficiaires : Madame Fadia St-Fort
Monsieur Volvick Bonnaig
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Daniel Brunelle
Pour l’Administrateur : Me Élie Sawaya
Savoie Fournier
Monsieur Michel Hamel, inspecteur-conciliateur
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 21 octobre 2009.
2 octobre 2006 Contrat préliminaire et contrat de garantie
15 juin 2007 Déclaration de réception du bâtiment
15 juin 2007 Acte de vente
19 juin 2008 Lettre des Bénéficiaires à l’Entrepreneur
28 octobre 2008 Lettre des Bénéficiaires à l’Entrepreneur
4 février 2009 Lettre des Bénéficiaires à l’Entrepreneur, reçue le 16 février par l’Administrateur
15 avril 2009 Demande de réclamation à l’Administrateur
5 mai 2009 Avis de 15 jours aux parties
24 aout 2009 Décision de l’Administrateur
21 septembre 2009 Demande d’arbitrage des Bénéficiaires
21 octobre 2009 Nomination de l’arbitre
10 novembre 2009 Transmission du cahier des pièces de l’Administrateur
16 décembre 2009 Audition préliminaire par conférence téléphonique
23 mars 2010 Audition et visite des lieux
[1] Aucune objection préliminaire n’ayant été soulevée par l’une ou l’autre des parties, la compétence du Tribunal à entendre la demande d’arbitrage est établie.
[2] Les Bénéficiaires contestent la décision rendue le 24 août 2009 par l’Administrateur de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc, rejetant l’ensemble de leur réclamation.
[3] La demande d’arbitrage déposée en septembre 2009 visait les 6 points de la décision de l’Administrateur. Toutefois, lors de l’enquête et audition tenue au domicile des Bénéficiaires, ceux-ci ont déclaré abandonner le point 3 relatif à une fissure au mur de fondation, l’entrepreneur ayant procédé à la réparation.
[4] Le litige porte donc sur les cinq points suivants
§ Point 1 : Fissures aux finis de gypse
§ Point 2 : Vitrage fendu sur une fenêtre
§ Point 4 : Décollement du crépi sur la fondation
§ Point 5 : Ondulations aux finis de gypse
§ Point 6 : Décollement de la peinture au fini de gypse du plafond
[5] Une visite des lieux a précédé l’audition à laquelle étaient présents les représentants des parties déjà identifiés, et, en ce qui concerne les points 1, 5 et 6, monsieur Marc-André Dubois, représentant de la firme Systèmes Intérieurs Bernard et MNJ Associés Inc., qui a procédé aux réparations aux finis de gypse à la demande de l’Entrepreneur en août 2008.
LA PREUVE ET L’ARGUMENTATION
[6] Comme convenu lors de l’appel conférence tenu le 16 décembre 2009, l’Entrepreneur a transmis le jour même, les factures reliées à certaines réparations effectuées à la résidence. Pour leur part, les Bénéficiaires ont expédié le rapport d’inspection effectuée le 15 juin 2007 par l’expert AmeriSpec à l’Arbitre et à l’Entrepreneur mais pas à l’Administrateur. Malgré cela, après consultation dudit document, le procureur de l’Administrateur a déclaré ne pas s’objecter à son maintien au dossier d’arbitrage.
[7] Par ailleurs, vu l’absence à l’audience d’un témoin-expert représentant AmeriSpec, qui ne pourrait être contre-interrogé, le procureur de l’Administrateur s’est objecté au dépôt, par les Bénéficiaires, d’une récente lettre de la firme d’inspection. L’Arbitre a fait droit à l’objection.
La question des délais de dénonciation
[8] À l’audition, il a été porté à la connaissance de l’Administrateur et de l’Arbitre, que les Bénéficiaires avaient transmis deux dénonciations écrites à l’Entrepreneur. L’une en date du 19 juin 2008 et couvrant les points 1 et 4 de la décision de l’Administrateur (déposée sous la cote B-2). L’autre en date du 28 octobre 2008 et couvrant les points 2 et 5 (déposée sous la cote B-1). Celles-ci n’ont cependant pas été transmises à l’Administrateur.
[9] La dénonciation, transmise à l’Administrateur le 4 février 2009, est la seule qui a servi de base à la décision rendue par celui-ci le 24 août 2009.
[10] Les Bénéficiaires admettent qu’ils n’ont pas transmis copie à l’Administrateur, des dénonciations adressées à l’Entrepreneur en juin et octobre 2008. Tout en reconnaissant avoir lu et signé le Contrat préliminaire et de garantie, ils plaident qu’ils ne savaient pas qu’ils devaient informer l’Administrateur.
[11] Me Sawaya, pour l’Administrateur, réfère à l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui stipule que les défauts doivent être dénoncés à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans les 6 mois de leur découverte. Le non-respect de ce délai entraîne la déchéance du droit selon la jurisprudence majoritaire. Au soutien de son argumentation, il dépose trois décisions arbitrales.[1]
Point 1 : Fissures au fini de gypse
[12] Les Bénéficiaires ont découvert de nombreuses fissures aux murs de gypse de plusieurs pièces de la maison quelque part au mois de juin 2008. Une lettre (B-2) dénonçant le problème a été adressée seulement à l’Entrepreneur le 19 juin 2008.
[13] Après constat de la situation, l’Entrepreneur a donné mandat à Systèmes intérieurs Bernard & MNJ associés Inc. d’effectuer les réparations. Les travaux ont été complétés vers la fin du mois d’août 2008.
[14] Il appert que la situation a continué de se détériorer tel qu’en font foi les propos de monsieur Bonnaig dans la lettre adressée à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le 4 février 2009 :«Maintenant, jour après jour les fissures se multiplient».
[15] À la visite des lieux, la soussignée et l’ensemble des représentants des parties ont été à même de constater, tant dans le salon que dans l’escalier et la chambre des maîtres, de nombreuses fissures aux joints de gypse, particulièrement aux coins de métal, tel que décrit par l’inspecteur-conciliateur dans la décision de l’Administrateur
[16] Monsieur Daniel Brunelle, représentant l’Entrepreneur, témoigne à l’effet que, même s’il était d’avis que la dénonciation était «hors délai, soit un an passé la réception du bâtiment», il a embauché un expert pour corriger les fissures «parce qu’il y en avait beaucoup». Il ajoute qu’il est de la responsabilité des Bénéficiaires d’entretenir la maison. Or, dit-il, «les murs n’ont même pas été peinturés depuis les réparations».
[17] L’Entrepreneur a fait entendre monsieur Marc-André Dubois, représentant de la firme qui a effectué les travaux correctifs. Celui-ci témoigne à l’effet que l’employé qui a fait les réparations a 35 ans d’expérience. À l’instar de l’Entrepreneur qui indique qu’une maison «travaille» encore après 60 ans de vie, monsieur Dubois explique que l’environnement extérieur fait bouger la maison. À une question de monsieur Bonnaig à savoir si c’est acceptable et si de telles fissures devraient être réparées, le témoin répond qu’il ferait les réparations dans sa propre maison. Contre-interrogé par le procureur de l’Administrateur, monsieur Dubois indique que les fissures ne nuisent ni à la solidité, ni à la structure du bâtiment.
[18] Finalement, l’Entrepreneur plaide que ce qui a dû être fait l’a été. Habituellement, après un an, il refuse de corriger. Malgré tout, dans ce cas-ci, comme il y avait beaucoup de fissures, il a procédé aux réparations.
[19] Les Bénéficiaires allèguent que l’Entrepreneur leur avait dit que les travaux nécessiteraient une semaine alors qu’il n’a fallu que quelques heures, ce qui leur fait dire que le mandat n’était pas aussi large que ce que prétend l’Entrepreneur.
[20] Pour sa part, le procureur de l’Administrateur fait entendre l’inspecteur-conciliateur, monsieur Michel Hamel. Celui-ci réitère l’avis qu’il s’agit de fissures de retrait normales qui n’empêchent pas l’usage du bâtiment aux fins auxquelles il est destiné. «Ce n’est certainement pas un vice caché» ajoute-t-il. À la question de monsieur Bonnaig sur leur acceptabilité, monsieur Hamel convient que la situation n’est sans doute pas agréable mais que ça ne pose pas de problème structurel.
[21] L’Administrateur plaide que la dénonciation lui a été faite dans la 2ième année de la Garantie. Par conséquent, la décision a été rendue selon le critère du vice caché (Alinéa 4 de l’article 10 du règlement). Il faut donc, selon lui, quelque chose qui soit caché, ayant un degré de gravité assez haut qui rend le bâtiment impropre à l’usage. À l’appui de cette argumentation, Me Sawaya dépose deux décisions.[2]
Point 2 : Vitrage fendu sur une fenêtre
[22] Les Bénéficiaires témoignent à l’effet qu’une nuit froide, en janvier 2009, un gros bruit les a réveillés. Ils ont par la suite constaté que la fenêtre de la chambre principale était fendillée. Ils ajoutent que l’Entrepreneur (monsieur Brunelle) les aurait informés que le fabricant garantit pour une période de 5 ans et aurait promis de s’en occuper, ce qu’il n’a pas fait.
[23] Pour sa part, monsieur Brunelle affirme que c’était aux Bénéficiaires à s’en occuper car il ne fait jamais de promesses qu’il ne tient pas. Questionné par l’arbitre à savoir s’il a fourni les coordonnées du fabricant aux bénéficiaires, monsieur Brunelle répond qu’il ne se souvient pas si les Bénéficiaires lui ont demandé les informations mais, selon lui, c’est de leur responsabilité. Il ajoute : «je garantis un an». Enfin, il a référé les Bénéficiaires à l’APCHQ car pour lui, après un an, il n’y a plus de garantie de l’Entrepreneur.
[24] Monsieur Hamel témoigne ensuite pour l’Administrateur. Il explique que, puisque les fenêtres adjacentes fonctionnent bien, le fendillement est probablement dû à un bris thermique. Il constate de la buée mais pas d’infiltration d’eau. La situation n’a donc pas l’importance d’un vice caché.
[25] Le décollement et la chute du crépi des murs de fondation des deux côtés de la maison et aux marches de l’escalier extérieur furent largement démontrés à la visite des lieux. Les Bénéficiaires se disent inquiets de ce que cela cache comme problème .
[26] L’expert de l’Administrateur est d’avis que le crépi n’est qu’esthétique et n’a aucune fonction structurale ou de protection. Il ajoute que le décollement du crépi peut constituer une malfaçon mais n’a pas la gravité d’un vice caché. Au soutien de ses prétentions, Me Sawaya dépose trois décisions.[3]
Point 5 : Ondulations aux finis de gypse des plafonds.
[27] Des ondulations formant des bosses apparentes aux joints de gypse des plafonds du salon, de la salle à manger et de la chambre des maîtres ont été constatées lors de la visite des lieux.
[28] Ces ondulations ont été dénoncées à l’entrepreneur dans une lettre datée du 28 octobre 2008 (B-1) dans les termes suivants :
« Traces visibles de joints très mal faits au plafond de plusieurs pièces de la maison».
[29] Sur ce point, monsieur Hamel s’exprime ainsi dans la décision qu’il a signée pour l’Administrateur :
«À notre avis, les ondulations étaient visibles dès la réception du bâtiment bien qu’elles n’aient pas été dénoncées au formulaire de réception.
…….
En effet, à la lumière des constatations sur les lieux et des informations recueillies de la part des parties impliquées, il appert que dès la réception du bâtiment, des dommages étaient visibles à un point tel qu’un bénéficiaire raisonnablement diligent aurait dû se rendre compte de la présence des déficiences.»
[30] Monsieur Bonnaig a largement insisté sur la question de la visibilité des dommages entre autres, en contre-interrogeant monsieur Hamel en ces termes : «Pensez-vous vraiment que je n’aurais rien dit? Qu’est-ce qui vous fait dire que ces ondulations étaient présentes?»
[31] D’une part, les Bénéficiaires, corroborés en cela par les propos du représentant de l’Entrepreneur, ont fait valoir le rapport d’inspection effectué par la firme Amerispec pour les Bénéficiaires le jour de la réception du bâtiment. Ce rapport ne fait aucune mention de la présence d’anomalies et on peut y lire «satisfaisant» à l’égard des plafonds de toutes les pièces de la maison.
[32] Interrogés de nouveau par monsieur Bonnaig sur la question de savoir si les réparations doivent être faites, tant le témoin Dubois que l’Entrepreneur ont répondu que dans leur maison, ils auraient réparé. Ils conviennent que la situation n’est pas agréable mais ils en attribuent la cause à la sécheresse des matériaux. Contre-interrogé par le procureur de l’Administrateur, monsieur Dubois indique que, comme la surface n’est pas humide, ça ne nuit pas à l’usage du bâtiment. Les réparations à faire ne sont pas majeures : «On enlève et on recommence»
[33] Pour l’expert Hamel, ces ondulations constituent une finition tolérable dans le milieu de la construction et elles n’empêchent pas l’utilisation du bâtiment. En argumentation, Me Sawaya ajoute qu’il importe peu que la malfaçon soit apparente ou non; il faut regarder le problème sous la loupe du vice caché et les témoignages sont à l’effet qu’il ne serait pas structurel.
Point 6 : Décollement de la peinture au fini de gypse du plafond du salon
[34] À la visite des lieux, les Bénéficiaires montrent un trou et un gonflement au gypse ainsi qu’un décollement à la peinture au milieu du plafond du salon. Cette situation a été dénoncée à l’expert de l’Administrateur lors de son inspection .
[35] Les Bénéficiaires ne se souviennent pas exactement quand ils ont remarqué cela mais ce serait apparu en janvier 2009. Pour eux, il s’agit de conséquences des ondulations.
[36] De son côté, monsieur Hamel témoigne qu’à son avis, ce gonflement fait suite à un écoulement d’eau qui ne se serait jamais reproduit car, lors de l’inspection, il a fait couler les robinets et le plafond n’est pas devenu humide. En réponse à une question de Me Sawaya, il ajoute qu’après déduction de toutes les possibilités, il en conclut que ça ne peut être causé par autre chose. Le témoin Dubois est d’avis que la situation est la conséquence d’un écoulement d’eau. Pour réparer, on change les feuilles de gypse. L’Entrepreneur se dit convaincu que la situation résulte d’un dégât d’eau. Pour preuve, il ajoute que le scellant autour des appareils sanitaires dans la salle de bain à l’étage est fini. De leur côté, les Bénéficiaires affirment qu’Il n’y a eu aucun dégât d’eau.
[37] Me Sawaya plaide que les Bénéficiaires avaient le fardeau de prouver que la décision de l’Administrateur est déraisonnable. Or, ils n’ont pas établi la nature de ces anomalies. Il leur appartenait de démontrer le vice caché qui a causé le décollement de la peinture.
[38] Finalement, de manière générale, les Bénéficiaires plaident qu’ils n’ont pas d’expérience en construction. Pour eux, «l’APCHQ, ce devrait être nos yeux». Ils ont payé 5 ans de garantie par l’APCHQ et il n’y a aucun point en leur faveur dans la décision de l’Administrateur. Ça leur fait croire à collusion entre l’Entrepreneur et l’Administrateur. Me Sawaya, pour l’Administrateur, rappelle qu’on parle de garantie et non d’assurances. Cette garantie est régie par un règlement d’ordre public, d’application impérative, prévoyant des délais de rigueur. Le rôle de l’Administrateur est d’appliquer la garantie.
[39] Globalement, plaide Me Sawaya, le fardeau de la preuve incombe aux bénéficiaires, qui n’ont pas établi le caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur. Au soutien de son argumentation en regard du fardeau de la preuve que les Bénéficiaires devaient assumer, Me Sawaya dépose trois décisions[4].
ANALYSE ET DÉCISION
Les délais de dénonciation
[40] À l’audition, la preuve a révélé que les Bénéficiaires avaient transmis deux dénonciations écrites à l’Entrepreneur en date du 19 juin 2008 (couvrant les points 1 et 4) et du 28 octobre 2008 (couvrant les points 2 et 5). Celles-ci n’ont cependant pas été transmises à l’Administrateur.
[41] La première et seule réclamation des Bénéficiaires auprès de l'Administrateur pour l'ensemble des points est en date du 4 février 2009. Le procureur de l’Administrateur demande le rejet des point 1 et 4 en raison du non-respect par les Bénéficiaires du délai de dénonciation de 6 mois à l’Administrateur.
[42] Pour en décider, il faut se référer aux exigences de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs [5](ci-après le Règlement) qui stipule :
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
(Les soulignés sont de l’Arbitre)
[43] Il est clair, à la lecture des dispositions du Règlement que les dénonciations doivent être adressées par écrit, doivent être dénoncés à l’entrepreneur et à l’administrateur dans les 6 mois de leur découverte. Les Bénéficiaires ont-ils respecté ce délai?
[44] Il est en preuve que les Bénéficiaires ont transmis par écrit les dénonciations des 19 juin 2008 et 28 octobre 2008 à l’Entrepreneur quelque part dans les jours suivants la découverte des défauts auxquels elles réfèrent.
[45] Or, la dénonciation datée du 19 juin 2008 ne peut être interprétée autrement que référant à des malfaçons découvertes dans l’année suivant la réception du bâtiment. À ce sujet, le Tribunal fait sienne l’analyse de Me Johanne Despaties dans la cause Syndicat de copropriété du 7180 à 7186, 15e avenue et La Garantie des bâtiment résidentiels neufs de l’APCHQ et Habitations Charlukanna inc. [6] à l’effet que ce n’est pas la dénonciation d’un défaut qui doit être complétée dans l’année qui suit la réception du bâtiment mais la découverte d’une malfaçon.
[46] Ainsi, on ne peut systématiquement refuser une réclamation ou la considérer uniquement sur la base du vice caché au motif qu’elle a été dénoncée dans la deuxième année de la garantie. Elle aurait pu être découverte dans la première année de la garantie et n’être dénoncée que dans la deuxième année en respectant le délai raisonnable qui ne peut toutefois excéder 6 mois, ce qui n’est évidemment pas le cas pour les point 1 et 4, les Bénéficiaires n’ayant avisé l’Administrateur que plus de 7 mois suivant leur découverte, ne respectant pas ainsi les exigences réglementaires.
[47] Les Bénéficiaires ont représenté qu’ils ne savaient pas qu’ils devaient s’adresser à l’Administrateur. Ce n’est que lorsque l’Entrepreneur les y a référés qu’ils s’y sont adressés. Or, ils ont reconnu avoir lu et signé tant le Contrat préliminaire et de garantie que le formulaire d’inspection pré-réception du bâtiment. Le Règlement étant d’ordre public, il doit être interprété rigoureusement. Une défense d’ignorance de la loi n’est pas recevable. La jurisprudence majoritaire reconnaît le caractère impératif de l’obligation du bénéficiaire de dénoncer à l’administrateur les malfaçons et vices dont il se plaint dans un délai de six mois de leur découverte. La tardivité d’un tel avis à l’Administrateur ne peut être ignorée.
[48] En ce qui concerne les points 2 et 5, découverts quelque part en octobre 2008, ils ont été dénoncés à l’Administrateur le 4 février 2009, soit en conformité du délai maximal de 6 mois prévu au Règlement.
[49] L’Administrateur a rendu sa décision après avoir analysé les réclamations en regard de la garantie pour vices cachés.
[50] La révélation des dénonciations écrites à l’Entrepreneur en juin 2008 et en octobre 2008 a-t-elle pour effet de modifier le contexte dans lequel la décision de l’Administrateur a été rendue et, comme suite, les conséquences pour les parties?
[51] En ce qui concerne les point 1 et 4, la seule dénonciation transmise à l’Administrateur étant celle du 4 février 2009, soit dans la deuxième année de la garantie, on peut croire que celui-ci était justifié de les examiner sous l’angle du vice caché s’il ignorait les dénonciations à l’Entrepreneur en 2008.
[52] Quant aux points 2,5 et 6, découverts et dénoncés dans la 2 e année de la garantie, ils doivent aussi être analysés en regard des exigences du vice caché.
[53] Donc, pour décider du bien-fondé de la décision de l’Administrateur, le Tribunal doit décider, pour chacun des point, si la dénonciation est conforme aux règles prescrites et si les défauts allégués répondent à la définition de vice caché.
Point 1 : Joints de finition au gypse
[54] La preuve est à l’effet que les Bénéficiaires ont dénoncé par écrit la présence de fissures à l’Entrepreneur le 19 juin 2008. Des réparations ont été effectuées par un expert embauché par l’Entrepreneur au mois d’août 2008. Depuis les réparations, les joints de gypse sont à nouveau fissurés et de nouvelles fissures sont apparues, d’où la lettre adressée à l’Administrateur le 4 février 2009 qui fait également état de nombreuses vis à découvert sur les murs.
[55] L’anomalie de la situation en raison du nombre important de fissures, reconnue d’ailleurs par l’Entrepreneur qui est intervenu un an après livraison du bâtiment et le piètre qualité du résultat des correctifs apportés soulèvent des interrogations au Tribunal.
[56] Il est vrai qu’au cours de la première année, l’assemblage de divers matériaux sur le chantier dans des conditions difficiles et variables nécessite qu’ils s’apprivoisent, comme le reconnaît le législateur et le milieu de la construction. L’arbitre se questionne néanmoins si après stabilisation des composantes et après des réparations effectuées plus d’un an suivant la réception du bâtiment, on peut encore, plusieurs mois plus tard, parler de comportement normal des matériaux et exclure d’emblée tout autre problème.
[57] Quoique le Tribunal se questionne sur la «normalité» de la situation ici dénoncée et bien démontrée à la visite des lieux, il n’a d’autre choix, en application d’une jurisprudence bien établie, de rejeter la demande vu le défaut des Bénéficiaires de respecter le délai impératif de dénonciation à l’Administrateur. La décision de l’Administrateur est donc maintenue sur ce point.
Point 2 : Vitrage fendu sur une fenêtre
[58] Découvert en janvier 2009 et dénoncé tant à l’Entrepreneur qu’à l’Administrateur en février 2009, les Bénéficiaires ont ici respecté tous les délais de dénonciation prescrits par le Règlement.
[59] La réclamation relative au fendillement de la vitre d’une fenêtre de la chambre des maîtres, découvert dans la 2e année de la garantie a été refusés par l’Administrateur au motif qu’elle ne répond pas au critère de vice caché, l’usage de la fenêtre n’étant pas entravé. Ce point doit être analysé en référence aux critères du vice caché au sens de l'article 1726 du Code civil du Québec :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[60] À de nombreuses reprises à l’audition, sur plusieurs points, dont le point précédent et celui sous examen ici, l’Entrepreneur a insisté sur le fait qu’il n’offre une garantie que d’une année, après quoi il réfère les bénéficiaires à l’Administrateur de la garantie.
[61] L’Entrepreneur souhaitait sans doute ainsi démontrer la qualité de son service après-vente mais il convient néanmoins de lui rappeler que rien ne lui permet de se décharger des obligations auxquelles il est tenu en vertu du Code civil du Québec et du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, même au-delà de l’année suivant la livraison du bâtiment.
[62] L’Entrepreneur s’était engagé auprès des Bénéficiaires à communiquer avec le fabricant de la fenêtre, ce qu’il n’a pas fait et tente maintenant d’en imputer la responsabilité aux Bénéficiaires. Le Tribunal note toutefois que l’Entrepreneur s’est engagé, à l’audition, à fournir aux Bénéficiaires les coordonnées du fabricant des fenêtres.
[63] Il appartenait toutefois aux Bénéficiaires, qui avaient le fardeau de la preuve, de démontrer au Tribunal la présence d’un vice caché, ce qu’ils n’ont pas fait.
[64] Faute d’autres explications, les témoignages non contredits à l’effet que le fendillement serait dû à un bris thermique doivent être retenus et la décision de l’Administrateur maintenue.
Point 4 : Décollement du crépi sur la fondation
[65] Le décollement et la chute du crépi ne font aucun doute. Il est par ailleurs reconnu que le crépi de béton qui recouvre les murs de fondation est de nature purement esthétique.
[66] Les Bénéficiaires ont manifesté leur inquiétude mais n’ont présenté aucune preuve à l’effet que le décollement du crépi puisse affecter la fondation ou les structures des marches de l’escalier.
[67] Même si, de l’aveu même de l’expert Hamel, le problème pourrait être qualifié de malfaçon, le Tribunal n’a d’autre choix, en application d’une jurisprudence bien établie, de rejeter la demande vu le défaut des Bénéficiaires de respecter le délai impératif de 6 mois pour dénoncer à l’Administrateur. Au surplus, aucune preuve ne permet de conclure à la présence d’un vice caché. Par conséquent, la décision de l’Administrateur est maintenue sur ce point.
Point 5 : Ondulations aux finis de gypse
[68] Les ondulations aux plafonds de plusieurs pièces de la maison ont été découvertes quelque part en octobre 2008, c’est-à-dire dans la 2ième année de la garantie, et dénoncées à l’Administrateur en février 2009, soit dans les délais requis. Elles doivent donc être analysées à la lumière des exigences d’un vice caché au sens de l'article 1726 du Code civil du Québec .
[69] La preuve prépondérante, constituée entre autres du rapport d’inspection effectué par Amerispec pour le compte des Bénéficiaires le jour même de la réception du bâtiment et les témoignages à l’audience, ne permet pas de conclure que les ondulations étaient apparentes lors de la réception du bâtiment. Le tribunal ne partage donc pas les prétentions de l’Administrateur à cet effet.
[70] Par ailleurs, est-ce suffisant, de la part des Bénéficiaires, pour se décharger du fardeau de la preuve qui leur incombe en tant que demandeurs, d’amener les experts et l’Entrepreneur à témoigner qu’il serait souhaitable d’effectuer les réparations et que, s’il s’agissait de leur propriété, ils corrigeraient la situation? La seule démonstration de la présence d’ondulations, somme toutes plus ou moins visibles selon l’heure et l’angle de leur observation et décrites par l’expert Hamel comme en deçà des seuils de tolérance généralement admis dans le milieu de la construction, ne permet pas au Tribunal d’induire la présence d’un vice caché et d’écarter la décision de l’Administrateur, laquelle est donc maintenue.
Point 6 : Décollement de la peinture
[71] Les Bénéficiaires ont découvert le problème en janvier 2009, dans la 2ième année de la garantie et l’ont dénoncé en février 2009, soit dans les délais prescrits par le Règlement. Par conséquent, Le Tribunal doit décider si la preuve permet de conclure à l’existence d’un vice caché.
[72] Tel qu’établi dès les premières lignes de l’article 10 du Règlement, il doit y avoir manquement de l’entrepreneur à ses obligations pour que la garantie trouve application.
[73] Les Bénéficiaires ne peuvent identifier la cause du problème. Ils ont avancé l’hypothèse que les ondulations auraient causé, avec le temps, le décollement et le gonflement de la peinture jusqu’à définir un trou au beau milieu du plafond. Ils affirment qu’il n’y a jamais eu de dégât d’eau à l’étage supérieur comme le prétendent les représentants de l’Administrateur et de l’Entrepreneur.
[74] Les Bénéficiaires n’ayant pas réussi à démontrer la source des ondulations qui auraient causé le décollement de peinture ont par conséquent failli dans l’établissement de la cause du décollement de la peinture.
[75] Comme l’écrit Me Michel Jeanniot dans la décision Filomena Stante et Antonio Carriero c. Les Constructions Oakwood Canada Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ [7] :
«les Bénéficiaires sont en demande et tel quiconque porte une demande devant un Tribunal d’arbitrage, c’est la demande qui a le fardeau de preuve, qui a le fardeau de convaincre; sans que ce fardeau ne soit indu, ce sont les Bénéficiaires demandeurs qui ont l’obligation de démontrer le caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur ou, subsidiairement, que les points qu’ils soulèvent sont recevables dans le cadre de l’application du contrat de garantie».
[76] Les Bénéficiaires, qui avaient le fardeau de la preuve, n’ayant pu établir une faute de l’Entrepreneur, la décision de l’Administrateur est maintenue.
LA CONCLUSION
[77] L’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[8] Sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel.[9]
[78] À titre d’arbitre désigné, la soussignée est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie. L’Arbitre décide dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[79] En vertu de l’article 123 du Règlement, vu que les Bénéficiaires n’ont obtenu gain de cause sur aucun des points, l’Arbitre doit départager les coûts de l’arbitrage entre l’Administrateur et les Bénéficiaires.
123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[80] En l’espèce, en équité selon les articles 116 et 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage seront partagés entre les Bénéficiaires, pour la somme de 50$ et l’Administrateur pour la balance des coûts.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage ET MAINTIENT la décision de l’Administrateur sur tous les points, le tout sans préjudice et sous réserve des recours appropriés que les bénéficiaires pourraient porter devant les tribunaux civils.
LE TOUT avec frais à être départagés entre les Bénéficiaires (pour 50$) et l’Administrateur pour la balance des coûts.
Me France Desjardins
Arbitre/SORECONI
[1] Niki Apollonatos et George Karounis c. Habitations Luxim Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, décision arbitrale rendue le 4 juin 2008, par Me Jean Philippe Ewart; Sylvain Pomone et Syndicat de la copropriété 7615 rue Lautrec, Brossard c. Habitations Signature Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision arbitrale rendue le 14 janvier 2009 par Me Jean Philippe Ewart; Filomena Stante et Antonio Carriero c. Les Constructions Oakwood Canada Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision arbitrale rendue le 6 mai 2009 par Me Michel Jeanniot.
[2] Galyna Piskonova et Abdelali El-Khettabi c. Habitations Germat Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCQ, décision arbitrale rendue le 25 mars 2008 par Me Michel Jeanniot; Mathieu Vézina et Patrick Demers c. Constructions JPH Inc. et La Garantie Qualité Habitation, décision rendue par Me Michel Jeanniot, le 7 avril 2006.
[3] Syndicat de la coprpriété du 7180 à 7186, 15e avenue c. Habitations Charlukana Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision arbitrale rendue le 20 juillet 2008 par Me Johanne Despatis; Chantal brisson c. Groupe Lussier Lajoie Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision arbitrale rendue le 5 août 2009 par M. Alcide Fournier; Carole Barabé c. Habitations Qualitech Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision arbitrale le 7 avril 2009 par M. Claude Dupuis.
[4] Nadège Gustave , Richard Metellus et Georges Junior Gustave c. Les Constructions Brache-Côté Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision arbitrale rendu le 5 mars 2010 par M. Guy Pelletier; Filomena Stante et Antonio Carriero, op.cit note 1; Élise Chevrette et Paul Laurier c. Les Constructions Révélation R.L. Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, décision arbitrale rendue le 21 janvier 2008 par Me Johanne Despatis.
[5] LRQ, B-1.1,r.0.2
[6] Op cit. .note 3, p. 15 , parag. 44 à 52
[7] Op. cit. note 1, p. 10, parag. 36
[8] Article 116 du Règlement
[9] Articles 20 et 120 du Règlement