ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

GAMM   :    2011-19-006

                         APCHQ :     138419-1 (11-324.1PM)

 

 

ENTRE :

SDC PRINCE-OF-WALES XV

                                                                                               (ci-après le « bénéficiaire »)

ET :

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ

                                                                                                            (ci-après l’« administrateur »)

ET :

DÉVELOPPEMENT LES TERRASSES DE L’ÎLES INC.

                                                                                                            (ci-après l’« entrepreneur »)

 

 

 

DEVANT L’ARBITRE :

 Me Johanne Despatis

 

 

Pour le bénéficiaire :                                                  

Me Karen Abugaber assistée de :

Mme Anita Contreras

 

Pour l’administrateur :                                                     

Me Élie Sawaya

 

Pour l’entrepreneur :

Me Martine Brodeur, assistée de :

M. Mario Dargis

 

Date d’audience :                                                       

6 février 2013

Dernière correspondance :

2 avril 2013

Date de la sentence :                                                     

30 avril 2013

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

1107-8412-GAMM

SA-8102

Adjudex inc.

 

 

I

INTRODUCTION

[1]         Cette sentence décide du recours institué par le SDC Prince-of-Wales XV, le bénéficiaire, qui conteste en vertu de l’article 35 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Règlement, deux éléments d’une décision rendue le
11 mai 2011 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, l’administrateur.

[2]         Le recours concerne les réclamations relatives aux parties communes de cet immeuble construit par Développement les Terrasses de l’Îles inc., l’entrepreneur :

22. Absence de joint de scellement au périmètre de la dalle de béton du garage

[...]

25. Solins ne débordent pas de 5 mm par rapport à la face extérieure de la maçonnerie

Les faits

Le syndicat dénonce qu’à certains endroits, les solins flexibles présents sous les chantepleures au-dessus des ouvertures ne se prolongent pas suffisamment.

Bien que ces solins ne soient pas visibles à chaque ouverture, nous croyons qu’ils remplissent leur rôle, soit la protection contre la pluie.

À cet effet, l’Institut de la maçonnerie du Québec s’est déjà prononcée sur cette façon de faire en indiquant qu’à moins d’utiliser un solin métallique, non voit mal quel matériel aurait la durabilité suffisante pour demeurer ainsi apparent pendant plusieurs années sans être détruit par les intempéries ou autrement.

[...]

Analyse et décision (points 16 à 26) :

Bien que les points 16 à 26 aient été dénoncés par écrit au moment de la réception, l’administrateur est d’avis que les situations observées lors de l’inspection ne rencontrent pas les critères de la malfaçon.

En effet, les travaux exécutés par l’entrepreneur relativement à ces points nous sont apparue acceptables et conformes aux règles de l’art.

Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation du syndicat à l’égard de ces points.

 

II

PREUVE

[3]          Les réclamations visent les parties communes d’une copropriété construite par l’entrepreneur dont il est admis qu’elle est couverte par le Règlement.

[4]               Selon la documentation au dossier, la réception de la copropriété remonte au 25 mars 2010 et est précédée d’une inspection des parties communes réalisée par la firme Cossette & Touchette. Le rapport d’inspection signé par le technologue professionnel en architecture Réjean Touchette répertorie une série de problèmes dont les deux points en litige.

[5]               Notamment insatisfait des interventions de l’entrepreneur suite à cette inspection, le bénéficiaire achemine des réclamations à l’entrepreneur et à l’administrateur en octobre puis en décembre 2010.

[6]   Monsieur Yvan Mireault, architecte et conciliateur au service de l’administrateur, procède à une visite des lieux le 24 mars 2011 et fait rapport le 11 mai 2011. Monsieur Mireault, qui n’est plus au service de l’administrateur, n’a pas été cité à témoigner. Dans son rapport, il rejette les deux points en litige estimant que ces deux situations observées ne rencontrent pas les critères de la malfaçon. Insatisfait, le bénéficiaire se pourvoit en arbitrage; d’où les présentes.

[7]               Deux témoins ont été entendus. Le bénéficiaire a cité à titre d’expert monsieur Touchette qui avait procédé à l’inspection en 2010 et l’entrepreneur a fait entendre également à titre d’expert, monsieur Pierre Rhainds, chargé de projet à son emploi.

[8]               Je résume dans les paragraphes qui suivent les éléments de preuve présentés à l’égard des points en litige. 

 

 

Point 22 : Absence de joint de scellement au périmètre de la dalle de garage (des murs et des colonnes)

[9]               La visite des lieux a permis de constater que les colonnes et les murs du garage n'ont pas de joint de scellement et qu’à certains endroits le bas des colonnes s'effrite.

[10]           Selon monsieur Touchette, l'effritement observé au bas de certaines colonnes résulte de l’absence de joint de scellement et est anormal compte tenu de l'âge de l'immeuble. Monsieur Touchette ajoute qu’avec le temps, l'intégrité de l'immeuble dans son entier en sera affectée.

[11]           Toujours selon ce témoin, cette situation ne rencontre pas les exigences de la clause 4.4.2.1 du CNB, code intégré au Code de construction du Québec. Cette disposition prévoit :

Section 4.4. Exigences de calcul des structures spéciales

[...]

4.4.2 Structures de stationnement

4.4.2.1 Norme

1) les structures de stationnement doivent être calculées conformément à la norme CSA-S413 « Ouvrages de stationnement ».

[12]           Monsieur Touchette affirme que la norme CSA-S413 à laquelle réfère cette disposition traite du scellement du bas des murs et des colonnes d’un garage. Il en cite l’extrait suivant :

7.3.11 Sealers

7.3.11 A sealer shall be applied to vertical surfaces in any splash zones.

Note: Splash zones are usually limited to areas exposed to rain or snow outside the garage, where temporary ponding can occur before water drains away.

7.3.11.2 Where there is no membrane which extends up vertical surfaces in accordance with Clause 7.3.10.2, a sealer shall be applied to reinforced concrete walls, columns, and balustrades, up 600 mm from the top of the concrete slab.

[13]           Invité à commenter l’affirmation de monsieur Rhainds selon laquelle seules les dispositions de la norme CSA relatives aux calculs des structure seraient intégrées au CNB, monsieur Touchette exprime l’avis que l’intégrité des colonnes situées dans un garage a un impact sur la structure et qu’il est important que celles-ci résistent et ne s’effritent pas puisqu'elles assurent la stabilité du bâtiment situé au dessus ; d'où l'importance de les protéger. Autrement dit, selon lui, la protection de l'acier d'armature des colonnes est primordiale puisque les étages supérieurs doivent être supportés. C’est ce qui explique, selon lui, que la norme traite du scellement et pourquoi celui-ci est relié aux calculs des structures.

[14]           Contrairement à ce que soutient le rapport de monsieur Rhainds, monsieur Touchette affirme que la partie 3 du CNB s’applique bel et bien à ce type d’ouvrage. Il se réfère aux plans de l'architecte selon lesquels le garage a une projection au sol de 2,020 m2, soit plus de 600 m2. Or, poursuit l’expert, tout bâtiment ayant une aire supérieure à 600 m2 est régi par les parties 3 à 6 du CNB. Le témoin ajoute que le garage aurait pu être régi par la partie 9 s'il avait été subdivisé par des séparations coupe-feu afin de le doter de compartiments de moins de 600 m; ce qui n'est pas le cas.

 

Point 25 : Solins ne débordent pas de 5 mm par rapport à la face extérieure de la maçonnerie

[15]           Selon monsieur Touchette certaines ouvertures du bâtiment ne sont pas conformes à la clause 9.20.13.6.2 du CNB. Il mentionne le dépassement du solin par rapport à la face extérieure du parement de maçonnerie. La disposition en question prévoit :

9.20.13.6 Solins sous chantepleures de contre-murs extérieurs en maçonnerie

[...]

2) Les solins posés sous les chantepleures du contre-mur extérieur en maçonnerie d’un mur à ossature de bois doivent déborder d’au moins 5 mm par rapport à la face extérieure de l’élément de construction au-dessous du solin et remonter de 150 mm le long du mur à ossature de bois.

[16]           Dans son rapport, il écrit :

Cette exigence est difficilement réalisable. En effet, à moins d’utiliser un solin métallique, on voit mal que matériau aurait la durabilité suffisante pour demeurer ainsi apparent pendant plusieurs années sans être détruit par les intempéries ou autrement.

[17]           Monsieur Touchette ne partage pas l’affirmation que fait l’administrateur dans sa décision lorsque ce dernier conclut qu’il ne s’agit pas là d’une malfaçon en s’appuyant sur un extrait de l’Institut de maçonnerie du Québec.

[18]           Selon monsieur Touchette, ce texte reproduit dans la décision de l’administrateur ne recommande pas de passer outre les exigences du CNB ni de ne pas réaliser les prolongements de 5 mm.

[19]           D'ailleurs, ajoute-t-il, en août 2009, l'Institut de la maçonnerie du Québec a émis une recommandation à l'effet d’exiger le débord d'au moins 5 mm avec un solin souple « combiné avec un support rigide tel qu'un solin métallique ». Bien que l'Institut de la Maçonnerie du Québec soit un organisme à but non lucratif dont les avis n’ont ni valeur contraignante ni force de loi, monsieur Touchette estime que cette recommandation de sa part était conforme aux exigences du CNB.

[20]           Monsieur Touchette affirme avoir observé des dommages découlant de ce manquement, notamment l’apparition de rouille sur les linteaux dès la première année suivant la fin de la construction.

[21]           Monsieur Touchette a réitéré lors de son contre-interrogatoire que le débord de 5 mm est une exigence qui ne peut être contournée et ce, même si l'on installe un linteau en acier galvanisé ou un solin rigide. Peu importe, ce débord de 5 mm doit y être pour agir comme larmier.

[22]           Cité par l’entrepreneur, monsieur Pierre Rhainds situe en 2008 les travaux reliés à l'enveloppe extérieure de l'immeuble. À l’époque lui-même surveillait le chantier deux à trois fois par semaine. Il affirme que tous les solins ont été dotés d’une membrane autocollante de qualité supérieure.

[23]           Monsieur Rhainds ajoute que le solinage sert en fait à capter l'eau pour l'acheminer à l'extérieur du mur alors qu’un larmier sert plutôt à l’éloigner pour éviter qu'elle ne s'infiltre à l'intérieur. Selon lui, il serait impossible pour l'eau de s'infiltrer puisqu'une membrane autocollante a été installée en outre que cette façon de faire serait conforme au devis Permacon.

[24]           Selon monsieur Rhainds, il serait fréquent selon les pratiques et les règles de l’art en usage que des entrepreneurs qui installent des fenêtres ou font de la maçonnerie de couper volontairement le solin qui dépasse afin d’éviter qu’il ne se détériore sous l’effet des rayons du soleil et des intempéries. C’est d’ailleurs selon lui ce qui est suggéré dans le devis émis de Permacon.

[25]           Monsieur Rhainds souligne que les linteaux doivent être entretenus par le bénéficiaire en y appliquant de la peinture sur la partie exposée, c'est-à-dire au-dessous du linteau.

[26]           Interrogé en contre-preuve sur le devis de Permacon, monsieur Touchette affirme que ce dernier prévoit spécifiquement l'installation d'un solin souple en plus d'un solin rigide et qu’il reprend la recommandation de l'Institut de la maçonnerie du Québec. Il ajoute à ce sujet dans un complément à son rapport : 

Comme demandé, j'ai analysé le document « Devis Maître Série Architecturale Noble et Blocs de béton architecturaux à face éclatée/lisse ». Selon nos recherches, le bâtiment Prince-of-Wales XV ne  comporte pas de maçonnerie de la Cie Permacon. Les plans indiquent que la maçonnerie du bâtiment est de la Cie Hanson, collection St-Laurent, modèle Champlain 300. [Le plan en question et le Tableau des finis extérieurs agrandi sont joints à la présente plaidoirie pour votre convenance — le Bénéficiaire soumet lesdits documents sous la cote pièce B-24 en liasse] […]

Comme mentionné lors de l'audition, le devis de Permacon est un devis générique de Devis construction Canada. Ce document n'a aucune valeur légale. Il donne les exigences techniques pour l'installation d'un solin flexible combiné à un solin en acier galvanisé avec larmier. Il s'agit d'une installation non représentative de la condition des linteaux de l'immeuble. Dans les faits, la description de cette section correspond à la recommandation de l'Institut de la maçonnerie du Québec du 7 août 2009. Le retrait d'au moins 6 mm de la face extérieure du joint de mortier mentionné à la page 13 ne peut s'appliquer que pour les assemblages combiné à un solin en acier galvanisé avec larmier conformes à la recommandation de l'Institut de la maçonnerie du Québec du 7 août 2009.

Il s'agit donc d'un document qui ne concerne pas la situation de la copropriété Prince-of-Wales XV.

 

 

III

PLAIDOIRIES

Bénéficiaire

[27]           Commentant d’abord le témoignage de monsieur Rhainds, la procureure du bénéficiaire met en doute la crédibilité de ce dernier. Elle écrit dans sa plaidoirie :

Premièrement, il a intérêt, à titre d'employé, à rendre un témoignage favorable à son employeur. Deuxièmement, à titre de surveillant de chantier et de directeur de projet, il a joué un rôle important lors de la construction de l'immeuble. Ainsi, il a avantage à rendre un témoignage supportant la thèse de l'entrepreneur à l'effet que les points soulevés par le Bénéficiaire sont non-fondés. De plus, Monsieur Rhainds ne serait certainement pas venu témoigner à l'effet qu'il a mal fait son travail.

[28]           Se tournant vers le point 22 : Absence de joint de scellement au périmètre de la dalle de garage (des murs et des colonnes), la procureure soutient que la situation contrevient à la norme CSA-S413 et qu’il est faux de prétendre que la référence que fait la clause 4.4.2.1 à cette norme ne sert que pour les fins du calcul des structures spéciales.  Après avoir rappelé le témoignage de monsieur Touchette à cet égard, la procureure écrit :

Incidemment, la version anglaise dudit article se lit comme suit :

Parking structures shall be designed in conformance with CAN/CSA-S413, "Parking Structures"

La version anglaise de cet article ne laisse planer aucun doute. Le terme « designed » réfère à une façon de « désigner » ou de concevoir des structures, sans compter que la norme ne contient pas de table de calcul ou de chiffres.

De surcroit, on ne saurait passer sous silence l'article introductif de cette norme, soit l'article 0.1, qui se lit comme suit :

« This standard specifies the minimum design, construction, and maintenance requirements necessary for the structural durability of new parking structures, storage garages, and parts of buildings subject to vehicular traffic or used of parking. »

Lors du contre-interrogatoire de l'expert du Bénéficiaire, le procureur de l'Administrateur a tenté d'attaquer la crédibilité du témoin en insistant sur le libellé de l'article 7.3.11.1 de la norme CSA-S413 qui se lit ainsi :

7.3.11.1

A sealer shall be applied to vertical surfaces in any splash zones.

Note: Splash zones are usually limited to areas exposed to rain or snow outside the garage, where temporary ponding can occur before water drains away.

Or, il est clair que les zones d'éclaboussements sont « usually limited... ». Il ressort donc de la définition même du mot « usually » que ce n'est pas une règle absolue. Tel qu'expliqué par Monsieur Touchette, lorsque les voitures rentrent dans le garage de l'Immeuble, il est évident que la neige et/ou la glace chargée de sel causent des éclaboussements en fondant des voitures

L'article 7.3.11.1 mentionne que les zones d'éclaboussements verticales doivent être protégées par un scellant. Pour ces zones, la hauteur de l'application du scellant n'est pas limitée à 600 mm de hauteur.

L'article 7.3.11.2, d'application générale et en aucune façon limitée aux « splash zones », indique qu'aux endroits où il n'y a pas de membrane, comme en l'espèce, un scellant doit être appliqué sur les murs, colonnes et balustrade sur une hauteur de 600 mm à partir du dessus de la dalle. L'article 7.3.11.2 ne limite pas l'application du scellant aux zones d'éclaboussements.

[29]           Se tournant vers le point 25 : Solins ne débordent pas de 5 mm par rapport à la face extérieure de la maçonnerie, la procureure soutient que la visite des lieux a permis de constater que certains linteaux de l'immeuble présentaient une importante corrosion et ce, malgré le jeune âge de l'immeuble et cela, en raison du fait que le solin ne déborde pas de 5 mm. Cette situation, selon la procureure est contraire à la clause 9.20.13.6. 2) du CNB

[30]           Selon la procureure, la présence d’une malfaçon est démontrée. L'absence de solin et l'absence du débord de 5 mm constitue une malfaçon eu égard aux règles de l'art, au CNB intégré au de Code de construction du Québec et aussi aux conséquences sur l'immeuble expliquées par monsieur Touchette.

[31]           En terminant, la procureure réclame la somme de 5 679,30$ au titre de frais d'expertise.

 

Administrateur

[32]           Se tournant d’abord vers le point 22 : Absence de joint de scellement au périmètre de la dalle de garage (des murs et des colonnes), le procureur soutient que la situation observée ne rencontre pas les critères de la malfaçon. Le procureur écrit :

D’emblée, nous tenons à préciser que le rapport de M. Rejean Touchette du 5 mars 2010 (A-2), ne faisait aucunement référence à une norme relative au désordre dénoncé. En effet, lors de l’arbitrage, Monsieur Touchette réfère, pour la première fois, à la norme CSA-S413 «S413» (B-22), et au fait que l’absence de joint de scellement au périmètre de la dalle de béton du garage contreviendrait à ladite norme.

Monsieur Pierre Rhainds, expert de l’Entrepreneur, a clairement démontré que la section 4.4.2 du Code national du bâtiment 1995 (CNB) (B-22), s’applique uniquement pour le calcul des structures de stationnement.

[33]           Pour le procureur, les dispositions de la norme CSA-S413 portant sur les joints de scellement ne s’appliquent pas en l’espèce et par conséquent, la situation dénoncée ne contrevient à aucune norme.

[34]           A titre subsidiaire, le procureur soutient que si le tribunal en venait à la conclusion que toutes les dispositions de la norme CSA-S413 s’appliquent en l’espèce, il reste que la clause 7.3.11 de cette norme ne s’applique pas au garage intérieur du bâtiment. Le procureur écrit :

En effet, l’article 7.3.11.1 de la section 7.3.11 «Sealers», indique clairement qu’un «sealer» doit être appliqué sur toutes surfaces verticales «in any splash zones».

Cependant, dans la note qui suit l’article 7.3.11.1, le codificateur a défini explicitement l’emplacement visé par cette norme:

7.3.11.1

A sealer shall be applied to vertical surfaces in any splash zones.

Note: Splash zones are usually limited to areas exposed to rain or snow outside the garage, where temporary ponding can occur before water drains away.

Le codificateur ne parlant pas pour rien dire, s’il voulait étendre le «Splash zones» au-delà de l’extérieur du garage, il l’aurait spécifié. Le codificateur a pris le soin d’insérer une note sans équivoque afin de borner clairement l’emplacement du «Splash zones» à l’extérieur du garage. Modifier la note afin d’inclure indirectement le garage intérieur constitue une dérogation flagrante à la volonté du codificateur.

Conséquemment, nous vous plaidons que le Bénéficiaire ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer que le désordre dénoncé est une malfaçon existante et non apparente au sens du Règlement. Considérant ceci, nous vous demandons de rejeter la demande du Bénéficiaire relativement à ce point et de maintenir la décision de la GMN.

[35]           Se tournant ensuite vers le point 25 : Solins ne débordent pas de 5 mm par rapport à la face extérieure de la maçonnerie, tout en reconnaissant que les solins ne débordent pas de 5 mm par rapport à la face extérieure de la maçonnerie, tel que prescrit par l’article 9.20.13.6.2 du Code de construction, le procureur soutient qu’un solin est tout de même présent à chaque ouverture et qu’ils remplissent leur rôle, soit la protection contre la pluie.

[36]           Pour le procureur, la preuve révèle que l’omission du débordement des solins résulte d’un acte volontaire posé en conformité non seulement de l’usage et des règles de l’art du métier mais également du devis émis par Permacon afin de protéger les solins des rayons UV.

[37]           De plus, ajoute le procureur, l’entrepreneur a installé une membrane de qualité supérieure autocollante pour le solinage du bâtiment, une pratique normalement utilisé dans le domaine résidentiel.

[38]           Pour le procureur, le rôle d’un solin est de protéger le bâtiment de toute infiltration d’eau et non le linteau d’acier de la rouille ou de la corrosion. C’est la couche d’apprêt qui y est appliquée qui joue ce rôle. Les linteaux doivent être entretenus aux deux ans.

[39]           Or, rappelle le procureur, monsieur Touchette a témoigné à l’effet que la face extérieure des linteaux n’a fait l’objet d’aucun entretien de la part du bénéficiaire depuis la construction du bâtiment il y a environ 5 ans.

[40]           Le procureur soutient qu’il ne faut pas seulement s’arrêter aux prescriptions du CNB, mais plutôt de valider si l’élément en question rencontre ses objectifs. Or, dans le présent cas, l’objectif recherché est atteint puisque la preuve non contredite démontre qu’aucune infiltration d’eau reliée à l’installation ou à l’absence de débordement des solins n’a eu lieu.

[41]           Le procureur ajoute :

La preuve a spécifiquement démontré que le parement de briques n’est atteint d’aucun dommage causé par les linteaux d’acier.

L’entretien de la face extérieure des linteaux est de la responsabilité du Bénéficiaire. Ce dernier doit veiller à conserver et à protéger le bâtiment et doit réaliser les travaux d’entretien requis.

Le Règlement est clair à l’effet que les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat et la mauvaise utilisation du bâtiment sont exclues de la garantie.

Au surplus, la jurisprudence arbitrale majoritaire est à l’effet que les réclamations d’un Bénéficiaire basées sur la crainte et les appréhensions ne sont pas couverts par le plan de garantie.

[...]

Force est de constater qu’il y absence totale de preuve de la part du Bénéficiaire quant à toute forme de dommage découlant de l’absence de dépassement du solin. Aucune infiltration d’eau attribuable au solin ou à l’absence de dépassement de ce dernier n’a été démontrée par le Bénéficiaire.

Prétendre aujourd’hui que le rôle du solin est de protéger le linteau métallique est déraisonnable et ce considérant que la face extérieure dudit linteau ne sera jamais protégée par un solin.

La protection de la face extérieure, tel qu’il était démontré par l’expert Rhainds, ne s’effectue pas par un solin, mais plutôt par l’entretien du Bénéficiaire de cette partie exposée à l’eau et à l’air.

Finalement, la littérature et les experts en la matière sont tous unanimes quant au fait que le débord de 5 mm du solin est inutile. Par ailleurs, à moins d’utiliser un solin métallique, aucun matériel n’aurait la durabilité suffisante pour demeurer ainsi apparent pendant plusieurs années sans être détruit par les intempéries ou autrement.

Ainsi, des travaux majeurs à des coûts énormes pour installer un solin qui ne durera pas pendant plusieurs années sont complètement inutiles et ne contribueront aucunement à la protection du bâtiment.

Conséquemment, et pour les motifs exposés ici haut, nous prions le tribunal de rejeter la réclamation du Bénéficiaire relativement à ce point et de maintenir la décision de la GMN.

 

[42]           Quant à la réclamation pour les frais d’expertise le procureur écrit à ce sujet :

D’emblée, la GMN s’oppose à la production tardive de ces factures puisque le Bénéficiaire a déclaré sa preuve close. Cette façon de procéder prive la GMN de son droit de contre-interroger l’auteur de ces factures. À cet effet, nous aurions eu des questions à Monsieur Touchette si nous avions connu la teneur des factures en temps utiles.

Au surplus, rien ne s’opposait à ce que le Bénéficiaire fasse cette preuve lors de l’audition. Les frais ont tous, à l’exception de la facture du 24 février dernier, été occasionnés antérieurement à l’audition.

(…)

Enfin, nous ne pouvons présumer de la décision du tribunal d'arbitrage, mais il appert que le remboursement des frais d'expertises devra correspondre uniquement et seulement à ce qui a été nécessaire pour établir le bien-fondé d'un éventuel élément reconnu par le tribunal.

Nous vous soumettons ainsi respectueusement que dans l’exercice de sa discrétion, le tribunal doit mitiger le montant réclamé par l’expert. En effet, le remboursement, s’il y a lieu, doit refléter uniquement le temps de la préparation de l’expert, sa présence et son témoignage en ce qui a trait aux deux points traités pendant l’arbitrage.

 

Entrepreneur

[43]           La procureure écrit :

Pour chacun des deux points en litige, l’arbitre devra décider si la situation observée rencontre les critères de la malfaçon, au sens de l’article 10 (3) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, lequel prévoit :

10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

(...)

3°         la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

Pour le point 25, visant l’installation des solins, l’arbitre devra décider si les alinéas 2 et 3 de l’article 12 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sont applicables

[44]           Se tournant vers le point 25 : Solins ne débordent pas de 5 mm par rapport à la face extérieure de la maçonnerie, la procureure soutient que la preuve non contredite révèle qu’il y a conformité aux exigences des divers codes et normes, grâce à la présence d’un solin à chacune des ouvertures. Pour la procureure, la question concerne uniquement la méthode utilisée par l’entrepreneur, laquelle ne prévoit pas le dépassement du solin.

[45]           La procureure rappelle que l’objectif de l’installation d’un solin est de favoriser l’étanchéité de l’enveloppe d’un bâtiment. Or, pour la procureure, aucune preuve ne démontre qu’il y aurait eu infiltration d’eau découlant du mode d’installation des solins. En conséquence, selon elle, l’objectif visé par les dispositions soit l’installation de solins en vue d’assurer  l’étanchéité de l’enveloppe du bâtiment est atteint en l’espèce.

[46]           Se tournant vers la clause 9.20.13.5. du CNB, relative au dépassement du solin par rapport à la face extérieure du parement de maçonnerie, la procureure renvoie aux plans d’architecture du bâtiment en litige. Selon elle, ces plans ne prévoient pas un tel dépassement de sorte que la méthode choisie par l’entrepreneur leur est conforme. En outre, ajoute la procureure, aucun dommage n’a été observé et les tâches de rouille résultent d’un manque d’entretien du bénéficiaire.

[47]           La procureure poursuit :

Malgré la conformité des travaux aux plans et l’absence de preuve quant aux dommages au bâtiment, le bénéficiaire peut-il exiger le dépassement du solin ? Or, cette façon d’exécuter les travaux est très questionnable et très critiquée par la littérature et les fournisseurs de matériaux.

Pour la procureure, il n’existe aucune obligation selon les plans de l’immeuble en litige et selon le CNB de procéder à l’installation d’un solin métallique. La littérature et les experts sont unanimes quant au fait que le débord de 5 mm, sans le solin métallique, est conforme, mais inutile puisque peu durable.

Pour la procureure, dans les circonstances, ordonner des travaux qui représentent des coûts énormes, dans le but de respecter une exigence qui n’est pas prévue aux plans et devis et qui de l’avis des experts et de la littérature, est inutile et non durable.

[48]           Se tournant vers le point 22 : Absence de joint de scellement au périmètre de la dalle de garage (des murs et des colonnes), la procureure écrit :

De façon préliminaire, les parties divergent quant à l’application de la partie 3 du CNB, quant aux dispositions visant le scellement de la dalle de béton du garage.

La référence à l’article 4.4.2.1. du CNB n’apparaissant pas aux rapports de M. Cossette et a été soulevée uniquement lors de l’arbitrage.

M. Touchette réfère le Tribunal d’arbitrage à l’article 4.4.2.1., lequel réfère à la norme CSA-S413. On retrouve les dispositions visant le scellement, dans cette norme CSA-S413.

Dans un premier temps, M. Rhainds a témoigné à l’effet que la section 4.4 est intitulée « Exigences de calcul des structures spéciales » et que la section 4.4.2 est intitulée « Structure de stationnement ».

Le terme structure de stationnement est utilisé uniquement dans cette section, alors qu’ailleurs dans le Code, on utilise le terme garage de stationnement.

Il faut donner un sens, au fait que le codificateur a utilisé des termes différents. M. Rhainds témoigne à l’effet que le terme « structure de stationnement » dans une section relative aux « structures spéciales » signifie les structures de stationnement des garages multi étages et ne vise pas le bâtiment en litige.

De plus, l’article 4.4.2.1 est clair et réfère à la norme CSA-S413, uniquement pour la partie traitant du calcul de la structure. En conséquence, même si l’article 4.4.2.1. était applicable, M. Rhainds témoigne à l’effet que le Tribunal d’arbitrage doit considérer uniquement la partie traitant des calculs de la structure.

Pour ces motifs, l’entrepreneur soumet que la norme CSA-S413 n’est pas applicable au bâtiment en litige et qu’à défaut de l’écarter, les dispositions qui traitent du scellement de la dalle ne sont pas applicables.

[49]           A titre subsidiaire, poursuit la procureure, si le Tribunal décidait de se pencher sur la question du scellement, elle rappelle que le CNB n’a pas force de loi et qu’une contravention à celui-ci n’implique pas automatiquement qu’il y ait une faute. La procureure écrit :

Selon M. Touchette, le but du scellement est d’éviter que la neige chargée de chlore, qui est transportée par les voitures, endommage le béton et éventuellement l’acier d’armature.

Or, l’expert Touchette a admis lors de son témoignage, que considérant les pentes au garage dirigent l’eau vers le centre, il est improbable que les murs de fondation et la chambre électrique soient affectés par le chlore transporté par les voitures.

Ainsi, les travaux de scellement aux murs et à la chambre électrique seraient inutiles dans la présente affaire.

Quant aux colonnes, il y a absence de preuve à l’effet que les dommages constatés lors de la visite, soient reliés à l’effet du chlore. Les dommages constatés pourraient facilement être assimilés à des dommages, causés par le frottement d’un objet.

Les dommages énoncés par l’expert du bénéficiaire sont hypothétiques et permettent de conclure à l’absence de malfaçon.

Réplique

[50]           La procureure écrit :

Tant l'Administrateur que l'Entrepreneur citent le Code national du bâtiment dans le cadre de leur plaidoirie écrite. Or, en l'espèce, il faut plutôt se référer au Code de Construction du Québec. Tel que déjà exposé dans notre plaidoirie écrite, ce dernier a force obligatoire partout au Québec. Ainsi, nous soumettons respectueusement que le tribunal d'arbitrage saisi de la présente affaire ne peut faire abstraction de l'application du Code de Construction du Québec, qu'il doit donc s'assurer que ses dispositions ont été respectées, à défaut de quoi des mesures correctives s'imposent et doivent être réalisées.

Les dispositions du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs invoquées par l'Entrepreneur ne trouvent pas application puisqu'elles ne concernent que les bâtiments « non détenus en copropriété ».

[51]           Se tournant vers le point 22 : Absence de joint de scellement au périmètre de la dalle de garage (des murs et des colonnes), la procureure soutient que contrairement à ce qu’invoquent l’administrateur et l’entrepreneur, il y a bel et bien dommages et cette malfaçon découlant de la non-conformité à une exigence obligatoire du Code de construction du Québec, le bénéficiaire n’aurait pas à démontrer la présence de dommages pour réussir en l’espèce dès lors que l’entrepreneur avait contrevenu à pareilles exigences.

[52]           Quant aux arguments s’appuyant sur le libellé de la clause 7.3.11.1, la procureure en dit :

Quant à l'argument subsidiaire de l'Administrateur concernant le libellé de la note à l'article 7.3.11.1 de la norme CSA-S413, nous sommes également d'avis que le législateur ne parle pas pour rien dire. Ledit article prévoit :

7.3.11.1

A sealer shall be applied to vertical surfaces in any splash zones.

Note: Splash zones are usuallv limited to areas exposed to rain or snow outside the garage, where temporary ponding can occur before water drains away. [nos soulignés]

L'argument subsidiaire de l'Administrateur semble faire abstraction de la présence du mot « usually ». Si le législateur voulait que les « splash zones » soient nécessairement à l'extérieur du garage, il aurait remplacé le mot « usually » par « exclusively », « only » ou encore « solely ». L'interprétation que tente de donner l'Administrateur à cette note ne tient pas la route!

[53]           Abordant le point 25 : Solins ne débordent pas de 5 mm par rapport à la face extérieure de la maçonnerie, la procureure nie que la preuve démontrerait la présence d’un solin à chaque ouverture.

[54]           Pour la procureure, l'entrepreneur dénature la documentation émanant de l’Institut de la maçonnerie en suggérant que les objectifs et les buts visés par l'installation des solins sont de résister à l'infiltration d'eau. A cet égard, la procureure réfère à l’extrait suivant de la publication Maçonnerie-Info Vol. 1 #2 90-04 (B-23) qui traiterait précisément du rôle du solin:

6. La garniture d'étanchéité déborde légèrement la cornière pour bien la couvrir et éviter la rouille. […]

[55]           De la sort, il serait faux, pour la procureure, de prétendre, comme le font l'administrateur et l'entrepreneur, que le rôle du solin est de prévenir les infiltrations d'eau. Bien au contraire, dit-elle, l'objectif du solin est de protéger les linteaux d'acier de la corrosion. D’ailleurs, ajoute la procureure, ces linteaux étaient rouillés dès l’année suivant la fin de la construction.

[56]           Se tournant ensuite vers l’argument reposant sur le fait que les plans d’architecte ne prévoient pas le dépassement du solin, la procureure écrit :

Quant aux plans d'architecte qui ne feraient pas mention du dépassement du solin, nous ne pouvons que répondre que soit l'architecte a commis une erreur en omettant d'y référer, ou encore qu'il a pris pour acquis que les dispositions impératives du Code de construction du Québec seraient respectées sans avoir besoin de le préciser.

[57]           Commentant les frais d’expertise, la procureure soutient qu’ils sont raisonnables dans les circonstances avant d’ajouter :

Les factures ont été transmises lors de la transmission de la plaidoirie afin de finaliser le total. Ceci étant dit, aucun préjudice n'en résulte.

L'Administrateur questionne lesdites factures et plus particulièrement le fait qu'elles concerneraient des points qui n'ont pas fait l'objet du présent arbitrage. Ceci étant dit, nous sommes d'avis que n'eut été des décisions rendues par l'Administrateur, le Bénéficiaire aurait évité d'encourir de tels frais.

De plus, l'Administrateur questionne le temps facturé pour la préparation de ce dossier. En fait, les points en litige étaient tellement techniques qu'une telle préparation était nécessaire et ce, surtout afin de guider les procureurs soussignés dans le déroulement dudit dossier. D'ailleurs, la révision de la plaidoirie écrite était tout aussi nécessaire afin de confirmer que les éléments techniques avaient été bien relatés.

Le Bénéficiaire est donc bien fondé de demander que ceux-ci lui soient remboursés intégralement.

Subsidiairement, le Bénéficiaire s'en remet à la discrétion de l'arbitre à cet égard.

 

 

 

 

 

IV

ANALYSE ET DÉCISION

[58]           Le litige porte sur les points 22 et 25 de la décision du 11 mai 2011.

[59]           Le Règlement énonce et encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers le bénéficiaire. C’est donc en vertu de celui-ci que je dois déterminer les droits et obligations de chacun.

[60]           En l’espèce, les manquements reprochés à l’entrepreneur visent des parties communes d’une copropriété. Il y a lieu dans un premier temps de rappeler l’étendue des obligations de l’entrepreneur, et le cas échéant de l’administrateur, relativement aux parties communes d’une copropriété. L’article 27 du Règlement stipule :

27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :

1. le parachèvement des travaux dénoncés par écrit :

a) par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

b) par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes;

2. la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

3. la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

4. la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les trois ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

5. la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à  l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

[61]           Ainsi, selon cette disposition, l’administrateur assume à l’égard du bénéficiaire les obligations légales ou contractuelles de l'entrepreneur si celui-ci n'y satisfait pas et ce, à l’intérieur des limites définies au Règlement.

[62]           En effet, le Règlement délimite l’étendue de la couverture relative aux parties communes d’une copropriété après leur réception. Cette couverture est ramenée à quatre circonstances.

[63]           La première vise le parachèvement des travaux et les malfaçons apparentes qui concernent ces parties communes et qui sont dénoncés au moment de leur réception.

[64]           La seconde vise les malfaçons cachées originant des parties communes, i.e. celles résultant d’une déficience d’un des matériaux ou de l’exécution des travaux de construction, en autant que ces malfaçons cachées aient été découvertes dans l’année suivant la date de réception des parties communes et aient été dénoncées dans un délai raisonnable ne pouvant excéder six mois.

[65]           La troisième concerne les vices cachés, i.e. ceux qui rendent le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus (article 1726 du Code civil du Québec), en autant que ces vices soient découverts dans les trois ans suivant la réception et dénoncés en conformité du Règlement dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois de leur découverte.

[66]           Finalement, la quatrième couvre les vices de construction affectant les parties communes dès lors qu’on les découvre dans les cinq ans suivant la date de fin des travaux et qu’ils sont dénoncés en conformité du Règlement.

[67]           Ainsi, en outre de la garantie applicable au moment de la réception des parties communes, le Plan comporte trois garanties dont la durée respective est d’un an, pour les malfaçons non apparentes, de trois ans pour les vices cachés et de cinq ans, pour les vices de construction. En substance, malfaçon, vice caché et vice de construction sont des notions voisines qui se distinguent entre elles essentiellement par leur gravité relative.

[68]           Une fois défini le champ de la protection garanti par le Plan, il importe de se rappeler qu’en arbitrage autant qu’à la cour, juridiquement, toute partie demanderesse a le fardeau de démontrer le bien-fondé de ses prétentions au moyen d’une preuve prépondérante.

[69]           L’article 2804 du Code civil du Québec nous dit en quoi consiste une preuve prépondérante :

La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. 

 

Point 25 : Solins ne débordent pas de 5 mm par rapport à la face extérieure de la maçonnerie

[70]           Selon la preuve prépondérante, l’entrepreneur n’a pas respecté la norme énoncée à la clause 9.20.13.6 (2) du CNB en ce que les solins n’ont pas été installés en conformité de cette disposition.

[71]           Cela dit, l’entrepreneur et l’administrateur ont soutenu que la façon d’exécuter les travaux prévue à cette disposition serait très douteuse et fortement critiquée dans la littérature spécialisée ainsi que par les fournisseurs de matériaux. Cette affirmation s’appuie en outre sur un extrait d’une publication de l’Institut de la Maçonnerie du Québec et sur le devis Permacon.

[72]           Avec égards, l’examen des publications de l’Institut de la Maçonnerie du Québec déposées à l’audience ne permet de conclure que le débord de 5 mm ne serait pas requis. Quant au devis Permacon, l’expert Touchette affirme sans être contredit que ce devis ne s’applique pas à l’immeuble en litige. Somme toute, on a fourni aucun élément de preuve ni argument qui auraient permis d’écarter comme sans portée la clause 9.20.13 alors que les plans d’architecte renvoient expressément au CNB.

[73]            Cela dit, la question qui reste est de savoir si cette absence de conformité au CNB est synonyme de malfaçon au sens du Règlement et suffisante pour la mise en œuvre de la garantie en l’absence de la preuve de quelque signe matériel de préjudice en résultant.

[74]           La dénonciation du bénéficiaire remonte en effet au moment de la réception de sorte qu’elle doit en conséquence être analysée sous l’angle de la garantie contre les malfaçons prévue au règlement.

[75]           Ce concept de malfaçon ne doit pas être confondu avec ceux de vice caché ou de vice de construction. Bien qu’au cœur du débat, ce concept de malfaçon, faut-il le rappeler n’est nulle part défini au Règlement

[76]           J’ai déjà eu l’occasion de me pencher sur cette notion, notamment dans la sentence Kieu Thuy Truong et Cau Chiem et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, à laquelle je crois utile de me référer ici :

Ma compréhension des prétentions de l’administrateur et de l’entrepreneur est en effet que la mise en œuvre de la garantie contre les malfaçons non apparentes dans des circonstances comme celles-ci exigerait en plus la preuve d’un préjudice au bâtiment, preuve qu’ils soutiennent absente en l’espèce.

Je rappelle d’abord que la réclamation des bénéficiaires est présentée à l’administrateur dans la première année de garantie et qu’elle doit en conséquence être analysée sous l’angle de la garantie contre les malfaçons non apparentes.

Ce concept de malfaçon non apparente au sens du Règlement ne doit pas être confondu avec ceux de vice caché ou de vice de construction. Nous sommes en effet en présence de trois notions certes voisines mais néanmoins distinctes.

Selon le paragraphe 10 (3) du Règlement, la malfaçon non apparente est qui celle visée aux articles 2113 et 2120 du Code civil du Québec.

Pour ce qui est du vice caché, le Règlement renvoie aux articles 1726 et 2103 du Code civil du Québec. On voit donc, s’agissant du vice caché qu’il doit s’agir de problèmes qui rendent le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus. Pour ce qui est du vice de construction, le Règlement renvoie à l’article 2118, i.e. un vice sérieux pouvant entrainer la perte de l’ouvrage.

Dans le passé, il est vrai, le Règlement comportait une disposition qui restreignait à sa façon la notion de malfaçon. Avant d’être modifié en février 2006, l’article 10 in fine du Règlement prévoyait que [le] défaut de se conformer aux règles de l'art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment, notamment celles contenues au Code national du bâtiment du Canada, au Code canadien de l'électricité et au Code de plomberie, constitue une malfaçon sauf s'il ne porte pas atteinte ou n'est pas de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l'utilisation du bâtiment. 

Or, ce paragraphe a été abrogé lors de modifications au Règlement en février 2006. Le législateur a alors abrogé la condition voulant que la mise en œuvre de la garantie en raison d’une malfaçon soit subordonnée à ses conséquences susceptibles ou vraisemblables. Depuis février 2006, cette condition a disparu du texte relativement aux malfaçons.

(…)

Désormais pour cerner la malfaçon définie au Règlement, on peut, on doit, s’en remettre au concept issu de l’article 2120 du Code civil du Québec. Or, selon la  jurisprudence pertinente, la malfaçon au sens de l’article 2120 s’entend du fruit d’un travail fait avec des matériaux déficients ou d’un travail mal fait.

Dans Bordeleau c. Thomassin, 2002 IIJCan 34288, la Cour du Québec écrit ceci au sujet du concept de malfaçon : [Par.7 et ss]

 [L’article 2120 C.c.Q.] garantit l’absence de « malfaçons » dans l’ouvrage immobilier. Une « malfaçon » étant un travail mal fait ou mal exécuté, il faut se demander quelles sont les normes qui sont applicables pour déterminer si le travail a été ou non mal fait. [...].

Il faut en outre rappeler que la gravité de la malfaçon ou l’intensité de l’effet causé par la malfaçon n’est pas pertinente dans l’application de l’article 2120 C.c.Q..

[...]

[...]. En matière de contrat d’entreprise, l’entrepreneur a une obligation de résultat. L’article 2120 C.c.Q. l’oblige en outre à une obligation légale de garantie contre les malfaçons. Dès que le propriétaire a établi la présence d’une non-conformité de certains travaux aux stipulations contractuelles ou aux  « règles de l’art », qu’elles soient celles suivies généralement en construction ou qu’elles découlent d’une réglementation énonçant des règles minimales de construction comme le Code national du bâtiment, les personnes tenues à la garantie doivent répondre de ces malfaçons à moins de prouver que, dans les circonstances précises de l’espèce, la garantie ne trouve pas application. »

Or ici, selon ma compréhension, l’entrepreneur et l’administrateur ont prétendu pouvoir bénéficier de l’exception identifiée plus haut; argument que j’ai rejeté. Il y a donc présence d’une non-conformité à une norme pertinente soit le CNB.

[77]           Le Règlement ne prévoit donc pas que la mise en œuvre de la garantie contre une malfaçon soit subordonnée à la présence de conséquences matérielles observées. Puisque selon la preuve il a eu manquement au CNB en raison de l’absence de débordement de 5 mm des solins, ce manquement se traduit en une malfaçon au sens du Règlement.

[78]           Pour toutes ces raisons, cette réclamation est accueillie.

 

Point 22 : Absence de joint de scellement au périmètre de la dalle de garage (des murs et des colonnes)

[79]           En l’espèce, la preuve non contredite révèle que les colonnes et les murs du garage n'ont pas de joints de scellement, une situation qui contrevient à la norme CSA-S413, alors que selon l’administrateur et l’entrepreneur, elle ne serait d’aucune application ici.

[80]           Avec égards, l’entrepreneur et l’administrateur n’ont présenté aucun élément de preuve convaincant permettant d’écarter l’application du CNB à la situation dénoncée.

[81]           En effet, le témoignage de monsieur Touchette n’est pas contredit à cet égard alors que ce dernier affirme sur la foi des plans de l’architecte qu’en raison de l’aire du bâtiment, le garage est régi par la partie 3 du CNB. Or, selon la clause 4.4.2, les structures de stationnement doivent être calculées conformément à la norme CSA-S413 qui comporte une disposition relative au scellement obligatoire du bas des colonnes et des murs.

[82]           Or selon l’entrepreneur et l’administrateur, seules les sections de cette norme relatives au calcul des structures seraient intégrées au CNB. Ainsi la question du scellement ne touchant pas le calcul des structures en serait exclu.

[83]           A cet égard, l’expert Touchette, n’est pas contredit lorsqu’il explique qu’au contraire cette disposition s’applique au bâtiment visé puisqu'il y a lieu de tenir compte du poids des étages supérieurs situés au dessus du garage qui doivent être supportés par ces mêmes colonnes et murs. Or, si le bas de ces colonnes et de ces murs est fragilisé, cela aura, ce n’est que logique, un impact sur leur intégrité et par conséquent leur scellement est relié à la question du calcul des structures. Autrement dit, il faut s’assurer de protéger l'acier d'armature. D’ailleurs, le paragraphe introductif de cette norme se lit ainsi :

0.1 This standard specifies the minimum design, construction, and maintenance requirements necessary for the structural durability of new parking structures, storage garages, and parts of buildings subject to vehicular traffic or used of parking. »

[84]           Et sa clause 7.3.11.1 stipule :

A sealer shah be applied to vertical surfaces in any splash zones.

Note: Splash zones are usually limited to areas exposed to rain or snow outside the garage, where temporary ponding can occur before water drains away.

[85]           On a suggéré qu’en raison de sa formulation, cette clause ne s’appliquerait qu’à un garage extérieur et non souterrain. Il est vrai que cette clause renvoie nommément aux zones d'éclaboussements situées à l’extérieur mais avec égards, d’un façon qualifiée, i.e. non limitative du fait de l’emploi des mots usually limited. Le terme usually ne permet pas d’exclure la possibilité que des zones d’éclaboussement puissent se situer à l’intérieur d’un garage. D’ailleurs, comme l’a expliqué le témoin Touchette, lorsque les voitures entrent dans le garage, il est évident que de la neige ou de la glace chargée de sel sont appelées à s’y répandre et donc à produire des éclaboussements en fondant.

Mais il y a plus. La clause 7.3.11.2 prévoit que là où il n'y a pas de membrane, comme en l'espèce, un scellant doit être appliqué sur les murs et colonnes sur une hauteur de 600 mm à partir du dessus de la dalle et cela sans restreindre la nécessité de l'application d’un scellant aux seules zones d'éclaboussements.

[86]           Puisqu’il y a donc contravention à ces dispositions et donc, là aussi malfaçon au sens du Règlement, il y a donc lieu d’accueillir cette réclamation.

 

Frais d’expertise

[87]           Le bénéficiaire demande que lui soient remboursés ses frais d’expertise de 5 679.30$ encourus pour les services de monsieur Touchette.

[88]           L’article 38 du Plan stipule que l’arbitre  doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

[89]           En l’espèce, le témoignage de monsieur Touchette a porté sur les points 22 et 25, les seuls en litige.

[90]           Une partie des constatations faites par le rapport de monsieur Touchette ne portait pas sur des points en litige dans le présent arbitrage. En ce sens, il ne s’agissait pas d’une expertise « pertinente » au sens de l’article 38 du Plan.

[91]           Dans les circonstances, il ne serait pas raisonnable d'accorder la totalité des frais réclamés. En revanche, j’estime que la présence de monsieur Touchette à l’audience a été utile et que les factures portant les numéros 827 et 837 sont pertinentes au présent litige.

[92]           Par conséquent, je fixe à 4 380,55 $, les frais d’expertises remboursables.

 

 

 

 

V

CONCLUSIONS ET DISPOSITIF

[93]           Pour toutes les raisons qui précèdent, les réclamations concernant les points 22 et 25 sont accueillies. J’ordonne en conséquence à l’entrepreneur de prendre les mesures nécessaires pour corriger les situations et ce d’ici la fin juillet 2013. À défaut par l’entrepreneur de procéder aux travaux dans le délai qui sera convenu, j’ordonne à l’administrateur d’y procéder d’ici la fin novembre 2013.

[94]           Je déclare en vertu de l’article 38 du Plan que les frais de 4 380,55 $ encourus pour les services de l’expert Touchette seront à la charge de l’administrateur qui devra par conséquent les rembourser au bénéficiaire dans les 30 jours de la présente sentence.

[95]           Finalement, je déclare, conformément aux dispositions de l'article 37 du Plan que les coûts des présentes seront à la charge de l'administrateur.

Montréal, le 30 avril 2013

 

 

 

 

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Johanne Despatis, avocate

Arbitre

                       

 

1107-8412-GAMM

SA-8102

Adjudex inc