ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

 

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

 

Dhafir Burhan

 

 

(ci-après le « bénéficiaire »)

ET :

 

Construction Joma inc.

 

 

(ci-après l'« entrepreneur »)

ET :

 

La garantie Qualité-Habitation

 

 

(ci-après l'« administrateur »)

 

No dossier de La Garantie Qualité-Habitation : 10482

 

 

SENTENCE ARBITRALE

SUR UNE OBJECTION PRÉLIMINAIRE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

 

Pour le bénéficiaire :

Me Marc Lanteigne

 

 

Pour l'entrepreneur :

M. Michel Charron

 

Pour l'administrateur :

Me Avelino De Andrade

 

 

Date d’audience :

7 septembre 2004

 

 

Lieu d'audience :

Brossard

 

 

Date de la sentence :

6 octobre 2004

INTRODUCTION

[1]  À la demande de l'arbitre, l'audience s'est tenue à la résidence du bénéficiaire.

[2]  Outre Me Marc Lanteigne, M. Michel Charron et Me Avelino De Andrade, représentant les parties, étaient également présents lors de l'audience M. Dhafir Burhan, bénéficiaire, ainsi que M. Sylvain Beausoleil, conciliateur pour La garantie Qualité-Habitation.

[3]  À la suite d'une demande de réclamation du bénéficiaire, l'administrateur, en date du 11 mai 2004, a déposé son rapport d'inspection comportant 40 points.

[4]  Dans une lettre datée du 25 mai 2004, Me Marc Lanteigne, mandaté par le bénéficiaire, contestait la décision de l'administrateur relativement à 30 des 40 points du rapport précité.

[5]  Dès l'ouverture de l'enquête, le procureur de l'administrateur a soulevé une objection préliminaire, saisissant ainsi l'arbitre d'une requête en exception déclinatoire, basée sur le fait qu'une autre instance est déjà saisie du même litige opposant l'entrepreneur et le bénéficiaire, affaire dans laquelle La garantie Qualité-Habitation est mise en cause.

POSITION DES PARTIES

Position de l'administrateur

[6]  En date du 21 mai 2003, en défense à une requête en délaissement forcé et vente sous contrôle de la justice, le bénéficiaire a déposé une demande reconventionnelle devant la Cour du Québec.

[7]  Les parties impliquées dans cette demande reconventionnelle sont les mêmes que celles impliquées dans le présent arbitrage.

[8]  Selon le procureur, l'allégation formulée au paragraphe 33 de la demande reconventionnelle se réfère à une lettre datée du 23 octobre 2002, adressée à l'entrepreneur par Me Daniel D. Côté, mandaté par le bénéficiaire; cette lettre indique les mêmes défectuosités que celles inscrites dans la demande reconventionnelle.

[9]  Enfin, le bénéficiaire, dans sa demande, exige une compensation de 225 000 $.

[10]      Selon le procureur, devant les deux instances, il s'agit du même débat et des mêmes parties.

[11]      Ainsi, le bénéficiaire a choisi son forum, et le dossier suit son cours; il ne manque que la date du procès.

[12]      Dans l'hypothèse où l'arbitre déciderait de poursuivre la présente cause, il se pourrait qu'il en vienne à conclure que la décision de l'administrateur est mal fondée et qu'il enjoigne ce dernier de compléter les travaux, alors qu'un autre tribunal pourrait rendre une décision contraire; ceci représente un risque important.

[13]      L'objet de la demande reconventionnelle est le même que celui de l'arbitrage; alors qu'il aurait pu demander de référer le tout à l'arbitrage, le bénéficiaire a plutôt fait ce choix.

[14]      Le présent tribunal n'a donc pas compétence, le seul tribunal compétent étant la Cour du Québec, et c'est là le choix des parties.

[15]      Suite à l'action légale prise par l'entrepreneur, le bénéficiaire aurait pu demander de renvoyer le tout devant un arbitre.

[16]      L'administrateur est la caution de l'entrepreneur et il a les mêmes obligations que ce dernier; l'administrateur a alors le droit d'invoquer les motifs de l'entrepreneur, de même que ses propres motifs.

[17]      Relativement aux vices cachés, l'arbitre et un juge pourraient en venir à des décisions contraires. De plus, il se pourrait qu'un juge accorde une valeur à des travaux que l'arbitre aurait ordonné d'exécuter.

[18]      Il est vrai, dans le présent dossier, que c'est l'entrepreneur qui a parti le bal à la cour; il aurait pu soumettre le différend à un arbitre.

[19]      Toutefois, le bénéficiaire a le choix soit du plan de garantie, soit des tribunaux; comme le plan de garantie favorise le bénéficiaire, c'est son droit d'aller devant ces tribunaux.

[20]      À l'appui de son argumentation, le procureur a déposé un jugement rendu le 13 mai 2003 par l'honorable Monique Fradette, juge à la Cour du Québec, dans l'affaire Robert Gariépy c. Jean-Guy Simard et Servicemaster of Canada Limited ( REJB 2003-45302 ).

Position du bénéficiaire

[21]      Selon le procureur, le bénéficiaire n'a pas accepté le forum de la Cour du Québec.

[22]      Il a plutôt réagi à une requête en délaissement forcé et vente sous contrôle de la justice; c'est donc l'entrepreneur qui a parti le bal en mars 2003. Dans ces circonstances, le bénéficiaire ne pouvait pas ne rien faire et se borner à une défense « bonbon ». Il a donc fait cette demande reconventionnelle.

[23]      Après deux ans (octobre 2002 - septembre 2004), le bénéficiaire vit encore avec ses problèmes, et l'administrateur n'a rien fait pour faire avancer le dossier.

[24]      Considérant le paragraphe 36 de la demande reconventionnelle, le procureur est d'avis qu'il s'agit de deux débats distincts impliquant les mêmes parties.

[25]      Advenant que des réparations soient effectuées d'ici la date d'audience à la Cour du Québec, celle-ci en serait avisée, et le juge n'aurait pas à se prononcer sur ces questions.

[26]      Le procureur cite les articles du contrat de garantie relatifs aux aspects suivants : couverture de la garantie, limites de la garantie et recours.

[27]      Dans le présent dossier, l'on discute de l'application d'une garantie, et le texte prévoit que l'on s'adresse soit à un médiateur, soit à un arbitre.

[28]      Le procureur est d'avis que les parties ne peuvent s'adresser à la cour pour l'application de la garantie.

[29]      Dans la demande reconventionnelle, la cour est appelée à se prononcer selon le Code civil du Québec; il n'existe donc aucun risque de contradictions.

DÉCISION ET MOTIFS

[30]      Le bénéficiaire, dans la demande d'arbitrage présentée par son procureur, conteste la décision de l'administrateur relative aux points 11 à 40 de son rapport d'inspection.

[31]      L'on retrouve la presque totalité de ces 30 points dans la demande reconventionnelle.

[32]      Dans cette dernière, au paragraphe 39, une partie de la réclamation se présente comme suit :

39.        [...]

a)    Pour le parachèvement des travaux et la réparation              200 000 $

       des vices et malfaçons :

[33]      Contrairement à sa prétention, le bénéficiaire s'est bel et bien adressé à la cour pour l'application du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[34]      Dans l'application de la garantie, les notions de vices et malfaçons réfèrent au Code civil du Québec. D'entrée de jeu, il existe donc un risque de contradictions entre deux instances judiciaires.

[35]      Le juge Pierre E. Audet de la Cour du Québec, saisi d'une demande en irrecevabilité, a fait une analyse assez détaillée du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs relativement à la clause compromissoire[1].

[36]      Voici ce qu'il exprime au sujet d'une requête en irrecevabilité « partielle » :

[16]    Enfin, il est bien établi que la requête en irrecevabilité « partielle » n'est plus permise par le Code de procédure civile. Tout motif de rejet partiel d'une demande doit être plaidé en défense6. Il ne serait donc question d'un rejet ou d'un renvoi partiel de la demande devant un arbitre.

6      Giroux c. Hydro-Québec, note 1, Divco Ltée c. Université du Québec à Montréal, REJB 98-05587 (C.S.)

[37]      Dans cette cause, le juge Audet cite les commentaires suivants des auteurs Doyon et Crochetière[2] :

[28]    [...]

Une autre différence essentielle concerne le fait que le bénéficiaire, en cas de réclamation insatisfaite ou en cas de désaccord avec son entrepreneur, peut, au lieu de faire valoir lui-même ses droits devant une cour de justice, s'adresser simplement à l'administrateur du plan de garantie qui devra alors mettre en oeuvre la garantie pour le bénéficiaire.

[...]

[29]    [...]

Par ailleurs, quel sort les tribunaux de droit commun réserveront-ils à une telle disposition qui soustrait de leur juridiction ce régime de garantie supplémentaire né du Règlement? À ce que l'on peut déduire de la démarche de l'autorité réglementante, celle-ci a fait le pari de la légalité de son approche en se basant sur la prémisse que le bénéficiaire conservera son droit de se présenter devant un tribunal de droit commun, bien qu'un tel choix de sa part emportera renonciation à se prévaloir de la garantie supplémentaire accordée par le Règlement.15

15                  Id., pp. 193-194-195

[38]      La compréhension globale du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est à l'effet que ce plan bénéficie au consommateur, soit l'acheteur d'un bâtiment résidentiel neuf.

[39]      Ce plan procure au bénéficiaire, insatisfait de la ou des décisions rendues par l'administrateur, le privilège et le droit de demander l'arbitrage.

[40]      Toutefois, la doctrine et la jurisprudence nous enseignent que le bénéficiaire conserve son droit de se présenter devant un tribunal de droit commun, auquel cas il devra renoncer à se prévaloir de la garantie supplémentaire accordée par le Règlement, ou « un tel choix de sa part emportera renonciation ».

[41]      Dans le présent dossier, les deux actions ont été prises devant la cour un an avant la demande d'arbitrage.

[42]      Les réclamations du bénéficiaire devant la cour et en arbitrage sont quasi identiques.

[43]      Il y a risque de contradictions entre deux instances judiciaires.

[44]      POUR CES MOTIFS, le tribunal :

ACCUEILLE l'objection préliminaire soulevée par l'administrateur;

dans l'attente de la décision de la Cour du Québec, DÉCLINE juridiction.

[45]      En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 21 du Règlement, l'arbitre départage les coûts d'arbitrage de la façon suivante : 80 % à la charge de l'administrateur et 20 % à la charge du bénéficiaire.

BELOEIL, le 6 octobre 2004.

 

__________________________________

Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]

 



1.           Roberto Milzi et Carole Dorion c. Construction André Taillon inc., C.Q. Laval 540-22-007757-031, M. le juge Pierre E. Audet, 2003-10-28.

2            G. DOYON et S. CROCHETIÈRE, Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 1999.