ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC.
(SORECONI)
ENTRE : BENOÎT JACQUIN
JOSETTE TCHEUMALEU
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : MAISON CLÉ D’OR INC.
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier : SORECONI (193001001)
Adresse du bâtiment : [...], TERREBONNE
DÉCISION
Arbitre : Me Carole St-Jean
Pour les Bénéficiaires : Monsieur Benoit Jacquin
Madame Josette Tcheumaleu s’est jointe à l’audience vers midi
Pour l’Entrepreneur : Madame Lyzian Bertrand
Pour l’Administrateur : Me Pierre-Marc Boyer
Date de l’audition : 3 mai 2019
Date de prise en délibéré : 3 mai 2019
Date de la décision : 29 mai 2019
Identification complète des parties
Bénéficiaires : Monsieur Benoit Jacquin
Madame Josette Tcheumaleu
[...]
Terrebonne (Québec) [...]
Entrepreneur: Maison Clé d’or inc.
201-6900, Boulevard Arthur-Sauvé
Laval (Québec) H7R 3X9
Administrateur : La Garantie Construction Résidentielle
7171, rue Jean-Talon Est
Montréal (Québec) H1M 3N2
Et son avocat :
Me Pierre-Marc Boyer
7171, rue Jean-Talon Est
Montréal (Québec) H1M 3N2
1. Le présent arbitrage est tenu en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs B-1.1, r.8 (ci-après le « Règlement »).
2. Par décision de son conciliateur rendu en date du 21 août 2018 (pièce A-9 du cahier des pièces de l’administrateur), l’administrateur a rejeté les POINTS 1 à 4 de la réclamation des bénéficiaires, à savoir plus particulièrement les points suivants :
POINT 1 : Fenêtre du salon - Verre intérieur cassé
POINT 2 : Plafond de la cuisine endommagé par l’eau
POINT 3 : Salle de bain principale - Plancher de céramique
POINT 4 : Plancher de bois franc du salon
3. En date du 20 septembre 2018, les bénéficiaires soumettaient leur demande d’arbitrage à l’organisme d’arbitrage autorisé (pièce A-10).
4. Il appert du formulaire de demande d’arbitrage complété par les bénéficiaires (pièce A-10) que ces derniers ont identifié le POINT 2 et le POINT 3 dans la liste des points contestés.
5. Une audience préliminaire par conférence téléphonique a été tenue en date du 28 mars 2019.
6. Lors de cette audience préliminaire, les bénéficiaires confirment que les POINTS 2 ET 3 font l’objet de leur demande d’arbitrage et ajoutent le POINT 4 : PLANCHER DE BOIS FRANC DU SALON.
7. L’administrateur de même que l’entrepreneur se sont objectés à cette demande d’ajout du POINT 4.
8. Une audience par conférence téléphonique sur cette objection préliminaire a été tenue en date du 8 avril 2019.
9. Par décision rendue en date du 15 avril 2019, le Tribunal arbitral a permis l’ajout du POINT 4 : PLANCHER DE BOIS FRANC DU SALON.
L’audience du 3 avril 2019
10. L’audience a été précédée d’une visite des lieux par toutes les parties et leurs témoins.
La preuve des bénéficiaires
BENOIT JACQUIN
POINT 2 : PLAFOND DE LA CUISINE ENDOMMAGÉ PAR L’EAU
11. Au début du mois d’avril 2018, Monsieur Jacquin constate que le plafond de la cuisine située au rez-de-chaussée a été endommagé par l’eau.
12. Il investigue alors la provenance de cette fuite et il se rend dans la salle de bain des maîtres à l’étage laquelle pièce est située immédiatement au-dessus de la cuisine du rez-de-chaussée.
13. Cherchant à identifier la provenance de cette fuite d’eau, il retire une partie du scellant de la baignoire le long du mur donnant sur l’arrière de la propriété.
14. Il constate la présence d’un coulis sous le scellant.
15. Il transmet sans délai en date du 8 avril 2018 un courriel de dénonciation à l’entrepreneur et à l’administrateur (pièce A-4).
16. Il indique dans cette dénonciation que la baignoire n’aurait pas été installée selon les recommandations du fabricant.
17. Il déclare que la baignoire n’a pas été utilisée depuis la dénonciation, soit depuis avril 2018, et qu’il n’a fait aucun test additionnel depuis les derniers tests effectués lors de la visite du conciliateur en date du 14 août 2018.
18. Il reconnait que sa conjointe, la bénéficiaire Josette Tcheumaleu, a utilisé à plus d’une reprise la douchette pour nettoyer le podium sur lequel repose le bain ainsi que la céramique murale apposée autour du bain.
19. À l’aide des directives d’installation du fabricant (pièce A-6 - documentation explicative des bénéficiaires en date du 8 octobre 2018), il pointe dans un premier temps le croquis à la page 3 intitulé « Installation dans une alcôve » et ensuite le croquis à la page 4 intitulé « Installation de support de plate-forme ».
20. À son avis, l’installation de la baignoire n’est pas adéquate. Il explique que l’eau descend le long de la tuile de céramique installée au mur et stagne sur le scellant. Cette eau stagnante endommagerait le scellant.
21. Il réfère ensuite au schéma à la page 2 de la pièce A-6 intitulée « Bathtub walls with no showerhead - B413-18 ».
22. En réponse à une question du Tribunal arbitral, il reconnaîtra toutefois que le modèle de baignoire à collerette montré sur ce schéma ne correspond pas au modèle de sa baignoire.
23. Il réfère ensuite à une fiche technique de l’Association de la construction du Québec intitulée « Céramique dans les enceintes de baignoires et dans les douches » (FT-9.29.2) (pièce B-1) et attire l’attention du Tribunal arbitral sur les dispositions de l’article 9.29.2.1 qui exigent l’installation d’un revêtement mural imperméable.
24. En réponse à une question du Tribunal, il reconnaîtra toutefois que le revêtement mural constitué de carreaux de céramique est spécifiquement autorisé parmi les matériaux énumérés à l’article 9.29.2.2 et que le revêtement mural installé au pourtour de la baignoire est donc conforme à cette norme.
25. En résumé, Monsieur Jacquin exprime l’opinion que la baignoire n’a pas été installée selon les règles de l’art.
26. L’administrateur s’est alors objecté à ce que Monsieur Jacquin interprète les différents documents techniques produits en preuve et à ce qu’il exprime une opinion dans un domaine pour lequel il ne détient aucune expertise.
27. Cette objection a été maintenue.
28. Finalement, en réponse à une question de l’administrateur, Monsieur Jacquin déclarera qu’il ignore si la fuite d’eau s’est manifestée à plus d’une reprise et il confirmera avoir constaté la problématique vers le 8 avril 2018.
POINT 3 : SALLE DE BAIN PRINCIPALE - PLANCHER DE CÉRAMIQUE
29. La réclamation des bénéficiaires vise un seul carreau de la céramique du plancher de la salle de bain situé à l’entrée de la pièce.
30. La réclamation a trait à la présence d’un claquement de la tuile.
31. Monsieur Jacquin explique que ce même carreau a fait l’objet d’une réclamation et d’une réparation antérieure dans le contexte suivant : lors d’une précédente visite du conciliateur effectuée en date du 4 mai 2016, Monsieur Jacquin a dénoncé verbalement un claquement important de la tuile ainsi que la présence de fissures dans le coulis à son pourtour et une entente est intervenue séance tenante lors de cette visite aux termes de laquelle l’entrepreneur s’est engagé à effectuer les travaux correctifs requis.
32. Monsieur Jacquin reconnait que des travaux correctifs ont été effectués par l’entrepreneur mais il ignore la nature de ces correctifs puisqu’il n’était pas présent au moment de leur exécution.
33. Monsieur Jacquin n’est pas vraiment certain qu’il s’agit du même carreau de céramique.
34. Il confirme que la problématique a été découverte peu avant la dénonciation d’avril 2018.
POINT 4 : PLANCHER DE BOIS FRANC DU SALON
35. La dénonciation d’avril 2018 (pièce A-4) fait état de deux lattes du plancher de bois du salon qui bougent et se soulèvent.
36. Au soutien de ce POINT, Monsieur Jacquin a produit une vidéo de quelques secondes (pièce B-2) montrant en très gros plan une pression exercée avec le pouce sur une latte du plancher de bois et une très légère flexion de cette latte de bois.
37. Lors de la visite des lieux, Monsieur Jacquin refera le même exercice d’exercer une pression avec le pouce aux extrémités de deux lattes de bois situées à la jonction du salon et de la cuisine. Le mouvement de flexion ainsi observé est minime.
38. Il confirme que la problématique a été découverte peu avant la dénonciation d’avril 2018.
39. Monsieur Jacquin demande à produire les instructions d’installation du plancher.
40. L’entrepreneur s’objecte à la production de ce document aux motifs que cette pièce n’a pas été communiquée avant l’audience et que Monsieur Jacquin n’est pas expert dans le domaine de l’installation des planchers.
41. Le Tribunal arbitral rappelle à Monsieur Jacquin que le procès-verbal de l’audience préliminaire tenue en date du 28 mars 2019 indiquait spécifiquement que les parties disposaient d’un délai jusqu’en date du 12 avril 2019 pour produire toutes pièces au soutien de leur prétention. Également, Monsieur Jacquin n’est pas un expert dans le domaine.
42. Cette objection sera maintenue.
La preuve de l’entrepreneur
LYZIAN BERTRAND
POINT 2 : PLAFOND DE LA CUISINE ENDOMMAGÉ PAR L’EAU
43. L’entrepreneur a reçu la dénonciation du bénéficiaire en date du 8 avril 2018 (pièce A-4).
44. Madame Bertrand s’est rendue sur les lieux quelques jours plus tard pour constater la situation.
45. À son arrivée sur les lieux, elle constate qu’une partie du scellant autour de la baignoire a été retirée par Monsieur Jacquin.
46. Madame Tcheumaleu qui était présente sur les lieux déclare qu’elle utilise la douchette pour laver la céramique au mur et le podium au pourtour du bain.
47. Madame Bertrand lui mentionne alors qu’elle doit cesser cette pratique et que la douchette ne doit être utilisée qu’à l’intérieur du bain.
48. Un test d’eau est effectué afin de vérifier l’étanchéité des conduites d’eau et du drain d’évacuation : la baignoire est remplie d’eau et est ensuite vidangée après un temps d’attente. Le résultat est négatif, aucune fuite d’eau n’a été observée.
49. Le test sera refait lors de la visite du conciliateur en date du 14 août 2018 et aucune fuite d’eau n’a été observée.
50. Lors de la visite du conciliateur, Madame Tcheumaleu confirme qu’elle a utilisé la douchette pour laver la céramique au mur et le podium au pourtour du bain.
POINT 3 : SALLE DE BAIN PRINCIPALE - PLANCHER DE CÉRAMIQUE
51. Lorsqu’elle s’est rendue sur les lieux dans les jours suivants la dénonciation, Madame Bertrand n’a pas perçu le bruit de claquement de la tuile.
52. Lors de la visite des lieux ayant précédé l’audience, elle a constaté que le bruit de claquement ne s’est finalement manifesté qu’après plusieurs passages et uniquement lorsque Monsieur Jacquin a posé son pied à répétition à un endroit bien précis de la tuile.
53. Elle ajoute que ce claquement ne cause aucun problème et que ni le coulis, ni la tuile ne sont endommagés.
54. Cette situation est bien différente de la situation précédemment observée en 2016 et ayant fait l’objet de travaux correctifs : le coulis était alors craquelé et le claquement était audible.
POINT 4 : PLANCHER DE BOIS FRANC DU SALON
55. Lorsqu’elle s’est rendue sur les lieux dans les jours suivants la dénonciation, Monsieur Jacquin aurait déclaré que la problématique dénoncée n’existait plus.
56. Lors de la visite en date du 14 août 2018, la problématique n’a pas pu être constatée par le conciliateur.
JAN POPIK
POINT 2 : PLAFOND DE LA CUISINE ENDOMMAGÉ PAR L’EAU
57. Monsieur Popik est directeur de travaux à l’emploi de l’entrepreneur.
58. D’entrée de jeu, il corrige le témoignage de Monsieur Jacquin : la baignoire n’est pas installée dans une alcôve mais bien plutôt sur podium.
59. Le croquis d’installation dans une alcôve exhibé par Monsieur Jacquin n’est donc pas pertinent à la présente situation.
60. Le croquis à considérer est donc celui de l’installation de support de plate-forme et plus particulièrement le croquis de gauche (page 4 de la pièce A-6).
61. Il explique qu’un bain podium n’est pas une douche et que la finition protège uniquement des éclaboussures.
62. Lors de la visite ayant précédé l’audience, il a constaté la présence d’une trace d’eau ayant coulé le long du mur à l’extrémité du podium et ayant même endommagé légèrement la moulure de bois au plancher.
63. Il explique que la fuite d’eau ne peut pas provenir du robinet mal fixé.
64. Lors la visite des lieux effectués quelques jours après la dénonciation d’avril 2018, il mentionne que les bénéficiaires ont refusé qu’un test d’arrosage de la céramique soit effectué et qu’ils ont refusé d’ouvrir le plafond de la cuisine.
POINT 3 : SALLE DE BAIN PRINCIPALE - PLANCHER DE CÉRAMIQUE
65. Il explique les réparations effectuées à la tuile de céramique de la salle de bain en 2016 alors qu’un claquement était audible et que le coulis était endommagé.
66. La tuile a été retirée, le plancher de bois contreplaqué a été vissé à plusieurs endroits et la tuile a été remise en place avec un nouveau coulis.
67. Il mentionne que la situation actuelle est bien différente de celle constatée en 2016 alors qu’il a fallu chercher durant plusieurs minutes l’emplacement du claquement.
POINT 4 : PLANCHER DE BOIS FRANC DU SALON
68. Il explique qu’en période hivernale, le taux d’humidité baisse et qu’en période estivale, le taux d’humidité remonte.
69. Le bois est un matériau vivant.
70. Le plancher de bois franc préverni repose sur un plancher de bois contreplaqué lequel repose sur des poutrelles. Tous ces types de bois réagissent différemment.
71. Il affirme que le plancher a été posé selon les règles de l’art : il n’a observé aucun joint ouvert et le plancher est uniforme.
NICOLA SCRICCA
72. Monsieur Scricca est entrepreneur en plomberie et maître plombier.
73. Il confirme que c’est une installation de type podium.
74. Il affirme que le bain podium et le scellant ne sont pas conçus pour recevoir de l’eau en jet.
75. Il est d’opinion que l’installation est conforme.
76. Lors de la visite ayant précédé l’audience, il a constaté la présence d’une trace d’eau ayant coulé le long du mur à l’extrémité du podium et ayant même endommagé légèrement la moulure de bois au plancher.
EMMANUEL DESGAGNÉ
77. Monsieur Desgagné est entrepreneur en installation de planchers de bois franc depuis 9 ans.
78. Il a installé le plancher de bois franc de la résidence des bénéficiaires.
79. Il affirme que le plancher a été installé selon les règles de l’art.
80. Il explique que le bois est un matériau vivant et qu’il réagit aux variations du taux d’humidité.
81. La responsabilité de veiller au contrôle du taux d’humidité incombe au propriétaire.
La preuve de l’administrateur
JEAN-CLAUDE FILLION
82. Monsieur Fillion est membre de l’ordre des architectes depuis 25 ans. Il est conciliateur et conseiller technique auprès de l’administrateur depuis plusieurs années.
POINT 2 : PLAFOND DE LA CUISINE ENDOMMAGÉ PAR L’EAU
83. Il émet l’opinion qu’il doit y avoir eu une quantité importante d’eau pour endommager à tel point le plafond de la cuisine.
84. Il explique que dans une baignoire podium, les tuiles de céramique protègent des éclaboussures et non pas d’un jet d’eau constant.
85. L’étanchéité des joints de coulis est limitée comparativement aux joints de coulis en époxy utilisés dans une douche.
86. La responsabilité de vérifier le scellant incombe au propriétaire.
POINT 3 : SALLE DE BAIN PRINCIPALE - PLANCHER DE CÉRAMIQUE
87. Il mentionne que le bruit de claquement de la tuile de céramique n’a été observé qu’après l’insistance de Monsieur Jacquin à poser son pied au même endroit.
88. Il a constaté que le coulis était intact et impeccable.
89. Aucun bruit n’est observé lors d’un passage normal.
90. Il est d’opinion qu’il s’agit d’une tolérance normale.
POINT 4 : PLANCHER DE BOIS FRANC DU SALON
91. Il confirme que le bois est un matériau vivant.
92. Il n’a observé ni bombement, ni écartèlement.
93. À son avis, il s’agit d’une tolérance normale.
94. La situation ne rencontre pas le critère de gravité requis en matière de réclamation pour vices cachés.
L’argumentation
LES BÉNÉFICIAIRES
95. Quant à la baignoire, les bénéficiaires demandent que son installation soit effectuée conformément aux recommandations du fabricant.
96. Il soutient que la baignoire n’a pas été installée conformément aux règles de l’art.
97. Pour la définition des « Règles de l’art », il réfère à la décision rendue dans l’affaire de MV c. Les Constructions Raymond et Fils inc. et La Garantie Abritat inc. (17 décembre 2018 - Me Jean-Philippe Ewart).
98. Il soutient qu’il s’agit d’un vice caché, que ce vice est grave et que ce vice crée un déficit d’usage.
99. Il réfère à la définition de vices cachés reproduite à l’article 2.25 du contrat de garantie (pièce A-2) et soutient que cet article est muet quant au critère de la gravité.
100. Quant à la problématique de la céramique, il prétend qu’il s’agit d’une mauvaise exécution de la première réparation.
101. Finalement, pour le plancher de bois franc, il soutient que ce n’est pas normal que le plancher se soulève et bouge et qu’il s’agit d’un vice caché qui rend le bâtiment impropre à l’usage.
L’ENTREPRENEUR
102. L’entrepreneur soulève que Monsieur Jacquin n’est pas un expert et que le fardeau de preuve repose sur ses épaules.
103. Or, les bénéficiaires n’ont produit aucune expertise au soutien de leur demande et ils n’ont fait que des suppositions.
104. Quant à l’installation du bain podium, l’entrepreneur rappelle que Madame Tcheumaleu a reconnu avoir utilisé la douchette de façon non appropriée.
105. Quant au carreau de céramique, elle rappelle que des correctifs ont été effectués en 2016 et qu’il n’y a aucune fissure dans le coulis près de trois ans après ces correctifs.
106. Finalement, pour le plancher de bois franc, elle cite la décision rendue par Me Jacinthe Savoie en date du 15 novembre 2018 dans l’affaire de Nicole Roy c. Parc sur Rivière-Bromont, S.E.C. et la Garantie Construction Résidentielle (15 novembre 2018 - Me Jacinthe Savoie)
107. L’entrepreneur ajoute qu’une réclamation antérieure des bénéficiaires portant sur le même point a été rejetée par une sentence arbitrale rendue en date du 6 janvier 2017.
108. L’entrepreneur conclut qu’il n’est pas tenu à un standard de perfection.
L’ADMINISTRATEUR
109. Pour l’ensemble des points faisant l’objet de la demande d’arbitrage, l’administrateur rappelle que le fardeau de preuve repose sur les épaules des bénéficiaires.
110. En ce qui concerne l’installation du bain podium, les bénéficiaires n’ont pas réussi à repousser l’hypothèse retenue par le conciliateur, à savoir que l’utilisation inappropriée de la douchette est à l’origine de la fuite d’eau constatée au plafond de la cuisine.
111. Les bénéficiaires n’ont soumis aucune preuve d’expert au soutien de leur prétention alors que les témoins experts Scricca pour l’entrepreneur et Fillion pour l’administrateur ont tous deux soutenu la décision rendue par le conciliateur.
112. En ce qui concerne le carreau de céramique et le plancher de bois franc, l’administrateur soutient que ce n’est ni un vice caché, ni même une malfaçon et que les situations constatées n’excèdent pas les tolérances admises dans l’industrie de la construction résidentielle.
113. En terminant, l’administrateur demande au Tribunal arbitral de condamner les bénéficiaires au paiement de l’entièreté des frais d’arbitrage pour le motif qu’il s’agit du quatrième recours en arbitrage exercé par les bénéficiaires. Il soutient que cette succession de recours équivaut à une certaine forme de quérulence.
114. Conformément à son engagement à ce faire, l’administrateur a produit les trois (3) décisions arbitrales antérieures rendues entre les mêmes parties.
Décision
Le fardeau de preuve
115. Conformément aux dispositions de l’article 2803 du Code civil du Québec, le fardeau de preuve repose sur les épaules de celui qui veut faire valoir un droit.
116. Ledit article se lit comme suit :
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
117. Également, conformément aux dispositions de l’article 2804 du Code civil du Québec, cette preuve doit être faite selon le critère de la balance des probabilités.
118. Ledit article se lit comme suit :
2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
119. Les bénéficiaires ont donc le fardeau d’établir que la décision de l’administrateur est mal fondée et que leur demande d’arbitrage doit être accueillie.
120. Finalement, conformément au principe établi par la Cour Supérieure dans l’affaire de Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Dupuis (2007 QCCS 4701), il importe de rappeler que l’arbitre doit tenir compte de la preuve déposée devant lui :
[75] Il est acquis au débat que l’arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu’il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui.
(le souligné est nôtre)
L’analyse de la preuve
POINT 2 : PLAFOND DE LA CUISINE ENDOMMAGÉ PAR L’EAU
121. Dans sa décision rendue en date du 21 août 2018, l’administrateur résume comme suit ses constatations relatives au POINT 2 de la réclamation des bénéficiaires :
En mars 2018, les bénéficiaires disent avoir remarqué des dommages causés par l’eau au plafond de la cuisine, pièce qui se situe juste en dessous de la salle de bain principale.
Lors de la visite des lieux, nous avons effectivement constaté les dommages causés par l’eau sur les panneaux de gypse au plafond de la cuisine.
Nous avons visité la salle de bain principale située juste au-dessus de la cuisine afin de nous assurer qu’il n’y ait pas de fuite à partir de la plomberie.
Nous avons pour ce faire fait fonctionner le robinet de la baignoire et la douchette et aucune fuite d’eau n’a été observée, après quoi nous avons rempli la baignoire pour ensuite la vider et encore là, aucune fuite n’a été constatée.
Nous avons pu voir qu’une partie du joint de silicone est manquante sur le rebord de la baignoire et selon les discussions que nous avons eues sur place, il semblerait que les bénéficiaires aient retiré une partie du joint de silicone pour faire certaines vérifications.
Partout ailleurs autour de la baignoire, le joint de silicone est en bon état et aucune défectuosité n’est visible en lien avec les dommages causés au plafond de la cuisine.
Madame Tcheumaleu nous a expliqué qu’il lui arrivait à l’occasion d’utiliser la douchette pour nettoyer le rebord de la baignoire, incluant la bordure de céramique au mur, ce qui pourrait expliquer l’écoulement d’eau jusqu’au plafond de la cuisine puisque même si le pourtour de la baignoire est scellé, le dessus d’une baignoire podium n’est pas conçu pour être arrosé par une douchette.
122. Il conclura au rejet du POINT 2 dans les termes suivants :
La visite des lieux n’a pas permis de constater aucune fuite d’eau tant par le système d’alimentation en eau que par le système d’évacuation de la baignoire. De toute évidence, il semble s’agir d’un dégât accidentel ce qui ne relève pas de la responsabilité de l’entrepreneur.
123. En date du 20 septembre 2018, les bénéficiaires portaient notamment le POINT 2 en arbitrage en transmettant à un organisme d’arbitrage autorisé le formulaire de demande d’arbitrage (pièce A-10).
124. Outre la mention du POINT 2 dans la liste des points contestés, le formulaire ne fournit aucun détail sur les motifs de contestation des bénéficiaires.
125. Par contre, en date du 8 octobre 2018, les bénéficiaires transmettront un document explicatif au soutien de leur demande d’arbitrage (pièce A-6) dans lequel ils préciseront les motifs de leur contestation.
126. D’une part, ils soutiennent que l’installation de la baignoire n’est pas conforme au guide d’installation du fabricant ainsi qu’au TCNA (Tile Council of North America).
127. Également, ils soutiennent que l’installation du robinet de la baignoire est déficiente.
128. Les bénéficiaires reprendront ces mêmes explications lors de l’audience en référant au croquis d’installation dans une alcôve dans les directives d’installation du fabricant ainsi qu’au croquis B413-18 du TCNA.
129. Les explications des bénéficiaires seront toutefois rapidement contredites par celles de l’entrepreneur et de son expert alors que les témoins Popik et Scricca affirment qu’il s’agit non pas d’une installation dans une alcôve mais bien plutôt d’une installation sur podium.
130. Le croquis applicable serait donc celui d’une installation de support de plate-forme.
131. Quant au croquis B413-18 du TCNA, il présente l’installation d’un modèle de bain à collerette alors que la baignoire concernée n’en a pas.
132. Malheureusement, les bénéficiaires se sont lancés à avancer des explications dans un domaine spécialisé dans lequel ils ne détiennent aucune expertise. Il aurait certes été grandement préférable, pour ne pas dire nécessaire, que les bénéficiaires retiennent les services d’un expert dans le domaine pour étayer leur théorie.
133. Il aurait également certes été préférable pour les bénéficiaires de laisser en place le scellant au pourtour du bain à tout le moins jusqu’à ce que l’entrepreneur ait pu constater l’état de la situation.
134. La preuve est en effet muette quant à l’état de ce scellant avant qu’il ne soit retiré.
135. À vrai dire, les doléances des bénéficiaires ne semblent pas vraiment porter sur l’état du scellant mais bien plutôt sur la présence d’un coulis sous ce scellant.
136. Il y a toutefois absence de preuve d’un quelconque lien de causalité entre la présence de ce coulis sous le scellant et la fuite d’eau.
137. Il importe finalement de mentionner lors de la visite ayant précédé l’audience, le Tribunal arbitral a été à même de constater tout comme les témoins Popik et Scricca la présence d’une trace d’eau ayant coulé le long du mur à l’extrémité du podium et ayant même endommagé légèrement la moulure de bois au plancher.
138. Cette trace d’eau semble davantage confirmer plutôt qu’infirmer l’hypothèse du conciliateur selon laquelle les dommages causés par l’eau au plafond de la cuisine résulteraient d’une utilisation inadéquate de la douchette par la bénéficiaire.
139. Pour tous ces motifs, ce POINT sera rejeté.
POINT 3 : SALLE DE BAIN PRINCIPALE - PLANCHER DE CÉRAMIQUE
140. Lors de la visite des lieux ayant précédé l’audience, le Tribunal arbitral a été à même de constater tout comme les témoins de l’entrepreneur et de l’administrateur que le bénéficiaire Jacquin a dû passer et repasser à plusieurs reprises à un endroit bien précis du carreau de céramique pour finalement entendre un claquement à peine audible.
141. Le Tribunal est d’avis que cette situation répond aux tolérances admises de l’industrie.
142. Par surcroît, cette situation ne rencontre pas le critère de gravité d’un vice caché en ce qu’elle ne rend pas le bâtiment impropre à l’habitation ni ne réduit substantiellement son utilité.
143. Pour ces motifs, ce POINT sera rejeté.
POINT 4 : PLANCHER DE BOIS FRANC DU SALON
144. Lors de la visite des lieux ayant précédé l’audience, le Tribunal arbitral a été à même de constater tout comme les témoins de l’entrepreneur et de l’administrateur l’absence de bombement ou d’écartèlement.
145. Le Tribunal arbitral retient les explications fournies par les témoins experts Emmanuel Desgagné et Jean-Claude Fillion : le bois est un matériau vivant et il réagit aux variations du taux d’humidité.
146. Il importe d’ailleurs de mentionner que ce POINT n’apparaissait pas à la demande d’arbitrage initiale des bénéficiaires et a été ajouté par amendement.
147. Finalement, cette situation ne rencontre pas le critère de gravité d’un vice caché en ce qu’elle ne rend pas le bâtiment impropre à l’habitation ni ne réduit substantiellement son utilité.
148. Pour ces motifs ce POINT sera rejeté.
LES FRAIS D’ARBITRAGE
149. En terminant, le Tribunal arbitral doit statuer sur les frais d’arbitrage et plus particulièrement sur la demande de l’administrateur de condamner les bénéficiaires au paiement de l’entièreté des frais de l’arbitrage.
150. Cette demande est basée sur le fait qu’il s’agit de la quatrième demande d’arbitrage de la part des bénéficiaires.
151. Une première décision arbitrale a été rendue en date du 6 janvier 2017 par Me Pierre Brossoit.
152. Dans cette affaire, une première décision de l’administrateur rendue en date du 16 mai 2016 et portant sur 26 points a été suivie par une décision supplémentaire de l’administrateur rendue en date 12 septembre 2016 et portant sur 15 points
153. Suite au prononcé de ces deux décisions, la demande d’arbitrage des bénéficiaires portait sur 7 points. Un de ces points ayant été maintenu, l’administrateur a été condamné au paiement de l’intégralité des frais d’arbitrage.
154. Une seconde décision arbitrale a été rendue en date du 31 mars 2017 par Monsieur Claude Prud’homme, ingénieur.
155. Dans cette affaire, la décision de l’administrateur rendue en date du 8 décembre 2016 portait initialement sur 28 points et les bénéficiaires ont porté en arbitrage 6 points tranchés en faveur de l’entrepreneur.
156. Deux des six points faisant l’objet de la demande d’arbitrage des bénéficiaires ont été réglés à l’amiable entre les parties conformément aux recommandations de l’expert-ingénieur de l’entrepreneur.
157. Il est intéressant de noter que l’administrateur a présenté dans ce dossier une demande particulière relative au partage des coûts de l’arbitrage pour le motif que cette deuxième demande d’arbitrage des bénéficiaires présentait les caractéristiques d’un recours excessif et frivole.
158. Cette demande particulière a été rejetée, le Tribunal arbitral ayant déterminé que l’entente intervenue entre les parties était assimilable à un gain de cause pour les bénéficiaires.
159. Une troisième décision arbitrale a été rendue en date du 9 octobre 2017 par Monsieur Claude Prud’homme, ingénieur.
160. Dans cette affaire, la décision de l’administrateur rendue en date du 27 avril 2017 portait initialement sur 8 points et un seul point a été porté en arbitrage par les bénéficiaires.
161. L’administrateur a présenté derechef dans cette affaire une demande particulière relative au partage des coûts de l’arbitrage pour les mêmes motifs que ceux précédemment plaidés dans le deuxième dossier.
162. Bien que les bénéficiaires n’aient pas obtenu gain de cause sur le seul point ayant fait l’objet de leur demande d’arbitrage, cette demande particulière de l’administrateur a de nouveau été rejetée. Il nous apparaît opportun de mentionner que le Tribunal arbitral fait état dans sa décision de certains agissements de l’entrepreneur de nature à insécuriser les bénéficiaires, notamment : le manque d’information, l’absence de préavis de début des travaux et le non-respect du choix de la méthode corrective privilégiée par les bénéficiaires et l’exécution des travaux hors la présence d’un ingénieur.
163. Bien qu’en l’espèce il s’agisse de la quatrième demande d’arbitrage des bénéficiaires, il répugne à l’idée de sanctionner les bénéficiaires uniquement en raison du nombre de recours en arbitrage qu’ils ont exercés.
164. En effet, les trois précédentes décisions arbitrales rendues entre les mêmes parties non seulement ne révèlent aucun indice d’abus de la part des bénéficiaires mais par surcroît leur donnent, soit gain de cause, soit leur reconnaissent l’équivalent d’obtenir gain de cause en blâmant au passage l’entrepreneur pour ses agissements.
165. Également, il importe de mentionner qu’une partie des frais du présent arbitrage est attribuable à la contestation par l’administrateur et l’entrepreneur de la demande d’amendement des bénéficiaires visant à ajouter le point 4 à leur demande d’arbitrage laquelle contestation a été rejetée par décision rendue en date du 15 avril 2019.
166. Le Tribunal arbitral rappelle que le régime étatique mis en place par le législateur québécois lors de l’adoption du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs visait à protéger le consommateur immobilier.
167. La Cour d’appel dans l’affaire de Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes (2004 CanLII 47872) a d’ailleurs déterminé que : le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est d’ordre public.
168. Pour ces motifs, vu les dispositions des articles 123 et 116 du Règlement, ils seront partagés entre les bénéficiaires pour un montant de 50 $ et l’administrateur pour le reliquat.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE les POINTS 2, 3 et 4 ayant fait l’objet de la demande d’arbitrage des bénéficiaires;
DÉPARTAGE les coûts de l’arbitrage comme suit :
CONDAMNE les bénéficiaires à payer à l’organisme d’arbitrage la somme de 50 $ pour sa part des frais d’arbitrage;
CONDAMNE l’administrateur à payer à l’organisme d’arbitrage le reliquat des frais d’arbitrage;
LE TOUT avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle stipulée à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter d’un délai de trente (30) jours suivant la date de la facture émise par l’organisme.
Sainte-Agathe-des-Monts,
le 29 mai 2019
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Me Carole St-Jean
Arbitre