TRIBUNAL D’ARBITRAGE
(constitué en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide de la SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC. (SORECONI), organisme d’arbitrage agréé par la RÉGIE DU BÂTIMENT DU QUÉBEC chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.q. c. b-1.1))
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
DOSSIERS N° : 080227001 Soreconi
98113-1 APCHQ
MONTRÉAL, le 29 septembre 2008
ARBITRE : Marcel Chartier
Diane Latreille
Bénéficiaire
c.
Léonard Caron & Fils Ltée
Entrepreneur
et
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc.
Administrateur de la garantie
SENTENCE ARBITRALE
Identification des parties
BÉNÉFICIAIRE |
Diane Latreille 4780 Michaud La Plaine Terrebonne J7M 2 B1
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ENTREPRENEUR |
Léonard Caron & Fils Ltée 1319 Berger Laval H7L 4Z7 |
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ADMINISTRATEUR |
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc 5930 Boul. Louis-H-Lafontaine Me Élie Sawaya Tél. : (514) 353-9960 Fax : (514) 353-3393 |
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Mandat
L’arbitre a reçu son mandat de la société Soreconi, en date du 25 juin 2008.
Historique du dossier
28 octobre 2002 |
Évaluation et factures de construction de maison en 5 pages au montant de 101 924,67$ en date du 28 octobre 2002; travaux de reconstruction de maison en 3 pages en date du 3 décembre 2002, du 10 mars 2003, du 11 septembre 2003, aux montants respectifs de 40 000$, 39 545,39$, et de 11 502,51$ |
17 janvier 2003 |
Réception du bâtiment
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28 septembre 2005 |
Contrat de Garantie |
30 octobre 2007 |
Procuration |
11 octobre 2007 |
Lettre de Diane Latreille à l’entrepreneur |
19 novembre 2007 |
Demande de réclamation |
16 janvier 2008 |
Décision de l’administrateur |
26 mai 2008 |
Demande d’arbitrage |
25 juin 2008 |
Avis d’audition pour le 3 juillet 2008 |
12 août 2008 |
Nouvel avis d’audition pour le 25 septembre 2008 |
25 septembre 2008 |
Audition |
29 septembre 2008 |
Décision |
[1] L’historique du dossier fait partie intégrante de cette sentence arbitrale.
Liste des pièces produites au dossier
Pièces A-1 à A-8 inclusivement : Cahier de pièces émis par l’administrateur
Pièce B-1 : un rapport d’expertises préliminaires par Le Groupe conseil Progresco pour le compte de Mme Diane Latreille, bénéficiaire, portant la date du 8 juillet 2008.
AUDITION du 25 septembre 2008
[2] L’audition a eu lieu au domicile des bénéficiaires, 4780 Michaud, La Plaine Terrebonne .
[3] Étaient présents à l’audition :
a) Mme Diane Latreille, bénéficiaire
b) M. Yvan Plouffe, témoin de la bénéficiaire,
c) Mme Danielle Dufresne, témoin de la bénéficiaire,
d) Me Élie Sawaya, procureur de l’administrateur,
e) M Luc Bondaz, surintendant.
M. Caron le représentant de l’entrepreneur n’est pas présent.
[4] Les bénéficiaires viennent en arbitrage suite à une décision de l’administrateur en date du 16 janvier 2008 dont voici la teneure :
«Anjou, le 16 janvier 2008
Madame Diane Latreille
4780, Michaud
La Plaine (Québec)
J7M 2B1
Objet : Décision de l’administrateur
Bénéficiaire(s) : Claire Latreille
Entrepreneur : Léonard Caron & Fils ltée
Adresse du bâtiment : 4780, Michaud, La Plaine
Dossier # : 98113-1
Madame,
La présente fait suite à votre demande de réclamation reçue à nos bureaux le 29 novembre 2007.
Nous constatons que les points énumérés dans votre correspondance ont été dénoncés par écrit dans la quatrième année de garantie, soit après l’échéance des garanties relatives aux malfaçons non apparentes et aux vices cachés, lesquelles sont respectivement de 1 an et 3 ans suivant la réception du bâtiment. La seule portion de la garantie demeurant applicable s’avère celle touchant les vices majeures tel que décrit au contrat de garantie.
Conséquemment, l’administrateur doit s’assurer, pour que cette garantie s’applique, que le critère ci-après mentionné soit rencontré;
· Les points dénoncés constituent-ils un vice majeur au sens du contrat de garantie?
En d’autres termes, y a-t-il perte de l’ouvrage résultant d’un vice de conception, de construction ou de réalisation ou encore, d’un vice de sol?
Selon la description que vous faites dans votre correspondance mentionné ci-haut, l’administrateur est plutôt d’avis que les situations dénoncées ne rencontrent pas ce critère.
Par conséquent, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ doit rejeter votre demande de réclamation. Vous trouverez donc ci-joint votre chèque de cent dollards (100.$) que nous vous retournons.
Marcel LaPierre
Conseiller senior
Division des garanties
c.c. Léonard Caron & fils Limitée »
[5] En début d’audition, le soussigné, avec les parties, a procédé à une inspection du sous-sol. Tous y ont noté de sérieux problèmes d’humidité, de moisissure, de pourriture un peu partout aux fenêtres, aux murs, au placoplatre.
[6] En effet la bénéficiaire Diane Latreille et son témoin Yvan Plouffe ont mentionné des correctifs à apporter à 5 endroits, plus particulièrement :
1. de la moisissure dans les pièces arrière et avant du sous-sol avec condensation,
2. moisissure et pourriture dans une chambre en avant au sous-sol depuis le début dit, M. Plouffe,
3. dans la chambre de toilette, l’on peut noter condensation, eau et moisissure, fait remarquer M. Plouffe,
4. dans la chambre arrière (sous-sol), l’échangeur d’air coule depuis le début, malgré une réparation en 2004, rien n’a changé et c’est rendu maintenant au milieu de l’isolation, dit M. Plouffe,
5. dans la chambre à droite (sous-sol), le châssis est moisi ou humide à la grandeur, dit M. Plouffe.
[7] Par la suite, Me Sawaya, le procureur de l’administrateur, a souligné que la demande d’arbitrage a été faite le 26 mai 2008, soit 4 mois après la réception de la décision de l’administrateur, alors que l’article 19 du Règlement prévoit un délai de 30 jours. Le procureur reconnaît que ce délai n’est pas de rigueur. Toutefois la bénéficiaire, dans ce cas-ci, n’était pas dans l’impossibilité d’agir même si elle était à l’extérieur du pays car elle avait donné une procuration à Danielle Dufresne et Yvan Plouffe (pièce A-4).
[8] Questionnée par Me Sawaya, la bénéficiaire admet avoir donné une procuration à Danielle Dufresne, mais elle déclare aussi qu’elle ne connaissait pas ce délai de 30 jours, ne connaissait pas le délai de 6 mois de la découverte des vices pour la dénonciation, ne connaissait pas, non plus, les délais de 1 an et 3 ans, sauf celui de 5 ans pour réclamer à l’entrepreneur.
ANALYSE DE LA PREUVE
[9] L’arbitrage est un peu comme un procès "de novo". Aussi le procureur de l’administrateur a -t-il passé en revue tous les délais du Règlement, et il a fait la preuve écrite et testimoniale qu’aucun n’a été respecté, en y incluant bien sûr, celui mentionné dans la décision de l’administrateur en date du 16 janvier 2008.
[10] L’administrateur a raison d’écrire que les points énumérés par la bénéficiaire ont été dénoncés dans la quatrième année de garantie. L’administrateur aurait pu ajouter que, de toute façon, comme l’a soumis son procureur à l’arbitrage, la dénonciation ne doit pas excéder 6 mois de la découverte des vices ou malfaçons, en vertu de l’article 10.
[11] Le 17 janvier 2003, (pièce A-3 du Cahier de pièces émis par l’administrateur) la bénéficiaire Mme Diane Latreille dénonce à l’entrepreneur et à l’administrateur 4 correctifs à apporter, soit :
1. Portes et fenêtres
2. Perrons et balcons
3. pare-vapeur
4. moisissure
[12] Le 11 octobre 2007, (pièce A-5 du Cahier de pièces émis par l’administrateur) Diane Latreille dénonce à l’entrepreneur :
1. "Les contrages de fenetre qui sont après moisirent" (sic)
2. "mur qui devient humide a cause de l’échangeur d’air"
3. "vous avez 15 jours pour envoyer quelqu’un pour inspecter ce qui n’est pas conforme"
[13] La pièce A-5 est reçue le 29 novembre 2007 par l’administrateur ainsi qu’il appert de l’estampille.
[14] Le 30 octobre 2007, (pièce A-4, qu’elle intitule " Procuration") la bénéficiaire, Diane Latreille donne une procuration à Yvan Plouffe et Danielle Dufresne " Enfin je leur donne le droit de prendre ma place"
[15] Le 19 novembre 2007, (pièce A-6) Danielle Dufresne envoie une demande de réclamation reçue le 29 novembre 2007 par l’administrateur ainsi qu’il y appert de l’estampille.
[16] Le 16 janvier 2008, l’administrateur envoie à Diane Latreille une décision à l’effet qu’il rejette la demande de réclamation parce que les "points énumérés" ont été déclarés tardivement, soit après l’échéance des garanties d’un an et de trois ans du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, à l’article 10 paragraphes 3 et 4 dont voici la teneure :
«10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
30 la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
40 la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les trois ans suivant la réception du bâtiment et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;»
[17] Même si la garantie de 5 ans, article 10, paragraphe 5 avait pu s’appliquer, dans ce cas-ci, ce qui n’est pas le cas, l’arbitre fait remarquer que le délai pour la dénonciation ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice. Ce serait encore tardif. L’article 10 paragraphe 5 édicte :
«10. 50 la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.»
[18] Or la bénéficiaire connaissait les vices depuis le 17 janvier 2003 (pièce A-3) et ils n’ont été dénoncés que le 19 novembre 2007 à l’administrateur, (pièce A-6) donc, de loin, en dehors des délais de l’article 10, sans justification.
[19] L’entrepreneur a fait preuve d’insouciance malgré les nombreux appels de la bénéficiaire d’une part et il a étiré sciemment et indûment les délais du Règlement d’autre part. En d’autres termes, il a abusé de la bonne foi de la bénéficiaire, une profane en la matière.
[20] Nul doute que l’entrepreneur est responsable de l’état avancé de moisissures des châssis mais est-il encore responsable légalement? Voilà un point qui reste à débattre entre la bénéficiaire et l’entrepreneur à l’exclusion de l’administrateur qui n’est plus lié en vertu des délais du Règlement su le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Le Règlement a des balises.
[21] En ce qui concerne le délai de 30 jours (article 19) pour soumettre le différend à l’arbitrage, ce point est postérieur aux délais plus haut mentionnés ; l’arbitre n’a donc pas à statuer sur ce point soulevé par le procureur de l’administrateur.
CONCLUSIONS
[22] POUR CES MOTIFS, l’arbitre,
[23] CONSIDÉRANT la preuve, les témoignages à l’audience,
[24] CONSIDÉRANT les dispositions du Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs,
[25] CONSIDÉRANT la doctrine et la jurisprudence sur le délai de six (6) mois de la découverte des vices et malfaçons, en vertu du Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs,
[26] CONSIDÉRANT que l’Administrateur a fait la preuve de la tardivité de la dénonciation écrite,
[27] CONSIDÉRANT que la bénéficiaire a reconnu la tardiveté de la dénonciation écrite,
[28] CONSIDÉRANT qu’il s’est écoulé plus de 3 ans après la réception du bâtiment lors de la réception de la demande de réclamation,
[29] REJETTE la demande de la bénéficiaire,
[30] MAINTIENT la décision de l’Administrateur à toute fin que de droit,
[31] RÉSERVE les recours de la bénéficiaire devant un Tribunal civil, s’il y a lieu.
COÛTS
[32] Les coûts de l’arbitrage pour une somme de 100$ sont à la charge de la bénéficiaire et la balance à la charge de l’administrateur conformément à l’article 123 du Règlement sur le partage des coûts.
Montréal, 29 septembre 2008
Marcel Chartier, avocat
Arbitre (Soreconi)