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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier GAMM :

2009-19-007

QH :

57654-2866

 

Date :

7 juillet 2010

 

 

 

DEVANT L’ARBITRE :

JEAN MORISSETTE

 

 

SADRAC PLAISIR

et

JUNA JEAN-LOUIS

Bénéficiaires

c.

PLACE CLÉ D’OR INC.

L’Entrepreneur

Et

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

L’Administrateur de la Garantie

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

[1]   Les bénéficiaires, l’administrateur de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. C.B -1.1, r.02) et l’entrepreneur sont présents pour l’audition de l’arbitrage, immeuble sujet de la garantie ;

[2]   Les parties présentes reconnaissent ma nomination, ma juridiction et ma compétence à entendre et décider du présent arbitrage;

[3]   Il n’y a pas de requête préliminaire;

[4]   Les témoins ont été assermentés avant d’être entendus;

[5]   Les parties admettent le dépôt de consentement du cahier de l’administrateur A-1 à A-5;

[6]   Les bénéficiaires portent en arbitrage le point 9 de la décision de l’administrateur du plan de garantie du 23 novembre 2009;

[7]   Voici, inter-alia, cette portion du rapport de monsieur Normand Pitre, conciliateur de la Garantie Habitation du Québec inc. :

Nivellement du terrain

« Les propriétaires nous mentionnent que le nivellement brut du terrain, fait par l’entrepreneur, est inacceptable, des pentes se dirigeant vers les fondations de la propriété et également vers le terrain du voisin.

Lors de notre inspection, nous avons constaté la situation pour laquelle, de toute évidence, les travaux correctifs devraient être exécutés. Une partie des fondations étant présentement ensevelie, n’a reçu aucune couche de bitume à titre de protection hyfrofuge et pourrait de toute évidence, engendrer, par percolation, des infiltrations d’eau à l’intérieur du sous-sol de la propriété.

De plus, il est possible que de par l’inclinaison du terrain vers la propriété et compte tenu de la pente de celui-ci, que des accumulations d’eau importantes puissent se produire au printemps à la fonte des neiges, lesquelles pourraient créer des infiltrations d’eau à différents endroits dont, où entre autre, au coin arrière droit, là où le parement de vinyle se situe présentement à proximité du sol.

De plus, le propriétaire pourrait être tenu responsable du déversement de ces eaux de surface chez le voisin, puisqu’il existe une pente assez abrupte entre son terrain et celui du voisin à l’endroit où les blocs de remblai se sont arrêtés.

Après toutes ces constatations, il nous apparaît évident que les blocs de remblai, servant de muret de soutènement, auraient dû être mis sur le côté inverse de la propriété, ce qui aurait permis d’avoir un nivellement plus que normal pour ladite propriété.

Toutefois, La Garantie se doit de statuer de la façon suivante :

Tel que stipulé à l’article 6.7.9 du contrat de garantie sont EXCLUS de la garantie : Les espaces de stationnement et les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment tels que les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain.

Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat. »

LE LITIGE

[8]   La visite des lieux me permet de constater que l’entrepreneur a aménagé les divers terrains de son développement immobilier, en plusieurs plateaux, à des niveaux différents, lui permettant de construire plusieurs maisons résidentielles, la pente naturelle des lieux se dirigeant vers la rivière des Mille-Îles.

[9]   Il est visuellement aisé de constater que les eaux de surface des terrains voisins adjacents (arrière et à droite) s’écoulent sur le terrain sur lequel est construit le bâtiment sujet de la garantie (pièce A-4);

[10]        Cette situation n’est pas conforme aux règles de l’art puisque les normes et techniques de construction établissent que les eaux de surface doivent être dirigées de manière à les éloigner d’un bâtiment;

[11]        Les bénéficiaires demandent qu’il soit ordonné à l’entrepreneur de refaire l’aménagement du terrain se situant à l’arrière de leur résidence en déplaçant le mur de soutènement à gauche pour le construire à droite;

[12]        De cette façon, la cour arrière pourrait être nivelée à une hauteur qui sera la même que le terrain voisin de gauche, assurera que l’eau ne soit pas dirigée vers sa maison par l’aménagement d’une contre-pente et permettrait que la fenêtre du sous-sol ne soit pas munie d’une margelle. Je souligne que selon la preuve, cette margelle n’est pas prévue aux plans de construction, ni installée à la maison modèle visitée avant la signature du contrat de construction;

[13]        Monsieur Sadrac Plaisir demande aussi que j’ordonne que des travaux d’imperméabilisation de la fondation soient repris, car il n’a pas été en mesure de constater de la qualité des travaux effectués par l’entrepreneur sur ce point;

[14]        Monsieur Jan Popik, pour l’entrepreneur, explique la pose d’une membrane et bitume sur la fondation pour corriger le désordre trouvé par monsieur Normand Pitre quant au défaut d’imperméabilisation de la fondation;

[15]        Les travaux étant exécutés et n’ayant aucune preuve sur le fait que ces travaux ne seraient pas adéquats, je constaterai cet aspect comme corrigé;

 

LA GARANTIE

[16]        La couverture du plan de garantie est encadrée par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, a.) ci-après appelé le « Règlement »;

[17]        À la section 2 du Règlement, à l’article 2, on peut lire :

« Article 2 : Le présent règlement s'applique aux plans de garantie qui garantissent l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d'un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction:

 

  1°    des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:

 

  a)      une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;

 

  b)      un bâtiment multifamilial à partir du duplex jusqu'au quintuplex;

 

  c)      un bâtiment multifamilial de plus de 5 logements détenu par un organisme sans but lucratif ou une coopérative;

 

  2°    des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:

 

  a)      une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;

 

  b)      un bâtiment multifamilial de construction combustible ;

 

  c)      un bâtiment multifamilial de construction incombustible comprenant au plus 4 parties privatives superposées ;

 

  3°    des bâtiments visés aux paragraphes 1º ou 2º et acquis d'un syndic, d'une municipalité ou d'un prêteur hypothécaire par un entrepreneur.

 

Pour l'application du présent règlement, les expressions «construction combustible» et « construction incombustible » ont le sens que leur donne le Code national du bâtiment - Canada 1995 (CNRC 38726F) y compris les modifications de juillet 1998 et de novembre 1999 publiés par la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies du Conseil national de recherches du Canada.

 

La destination d'un bâtiment s'établit à la date de conclusion du contrat. Cette destination est présumée valoir pendant toute la période de garantie et la garantie s'applique à l'ensemble du bâtiment. »

 

[18]        Pour que la garantie s’applique, il faut donc trouver un désordre à un bâtiment au sens du Règlement, le contrat étant en tout point calqué sur ce règlement;

« Article 7 : Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section. »

 

[19]        Plus loin, le Règlement détaille spécifiquement les exclusions de la garantie. Ainsi, à l’article 12, on y lit :

« Article 12 : « Sont exclus de la garantie:

 

  1°    la réparation des défauts dans les matériaux et l'équipement fournis et installés par le bénéficiaire;

 

  2°    les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;

 

  3°    les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l'entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire;

 

  4°    les dégradations résultant de l'usure normale du bâtiment;

 

  5°    l'obligation de relogement, de déménagement et d'entreposage des biens du bénéficiaire et les réparations rendues nécessaires à la suite d'événements de force majeure tels les tremblements de terre, les inondations, les conditions climatiques exceptionnelles, la grève et le lock-out;

 

  6°    la réparation des dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l'entrepreneur;

 

  7°    la réparation des dommages résultant des sols contaminés y compris le remplacement des sols eux-mêmes;

 

  8°    l'obligation d'un service public d'assurer l'alimentation en gaz ou en électricité du bâtiment;

 

  9°    les espaces de stationnement et les locaux d'entreposage situés à l'extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvragé situé à l'extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain;

 

  10°    les promesses d'un vendeur à l'égard des coûts d'utilisation ou de consommation d'énergie d'appareils, de systèmes ou d'équipements entrant dans la construction d'un bâtiment;

 

  11°    les créances des personnes qui ont participé à la construction du bâtiment.

 

Toutefois, les exclusions visées aux paragraphes 2 et 5 ne s'appliquent pas si l'entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l'art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment. »

 

(Souligné du soussigné.)

 

ANALYSE

[20]        Le désordre constaté et admis par le représentant de l’entrepreneur lorsqu’il suggère des travaux pour diriger l’eau de surface sur les côtés du bâtiment est-il sujet de la garantie?;

[21]        L’administrateur appuie sa décision sur les termes « système de drainage des eaux de surface du terrain » apparaissant à la fin de l’alinéa 9 de l’article 12 spécifiant les exclusions du plan de garantie;

[22]        Dans une décision qui m’est soumise par le procureur de l’administrateur, je me suis prononcé sur le fait que l’absence de piquet délimitant le terrain et un changement d’emplacement d’un stationnement étaient exclus de la garantie puisque spécifiquement mentionnés dans les exclusions détaillées à l’article 12 du Règlement[1];

[23]        Au règlement, la définition du terme « bâtiment » se lit ainsi :

« Article 1 : Dans le présent règlement, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

[…]

« bâtiment»: le bâtiment lui-même, y compris les installations et les équipements nécessaires à son utilisation soit le puits artésien, les raccordements aux services municipaux ou gouvernementaux, la fosse septique et son champ d'épuration et le drain français »;

[24]        Le nivellement brut du terrain est inacceptable selon le conciliateur de l’administrateur. Monsieur Normand Pitre ajoute même que de toute évidence des travaux correctifs devraient être exécutés;

[25]        Lors de l’audition, aucun témoin n’est venu contredire son rapport. L’entrepreneur, comme je le mentionnais précédemment admet que des travaux sont à exécuter et les bénéficiaires contestent la qualité des travaux que l’entrepreneur dit vouloir faire;

[26]        Par ailleurs, l’opinion de monsieur Normand Pitre sur les dommages potentiels au bâtiment sont explicites et se détaillent, en autre, ainsi :

« De plus, il est possible que de par l’inclinaison du terrain vers la propriété et compte tenu de la pente de celui-ci, que des accumulations d’eau importantes puissent se produire au printemps à la fonte des neiges, lesquelles pourraient créer des infiltrations d’eau à différents endroits dont, où entre autre, au coin arrière droit, là où le parement de vinyle se situe présentement à proximité du sol. »

[27]        Il termine cette partie de son rapport avec ce qui lui apparaît comme évident pour corriger le nivellement du terrain soit le déplacement du mur de soutènement à la droite du terrain arrière et une mise à niveau du sol avec le terrain voisin situé à gauche. L’entrepreneur refuse cette solution;

[28]        Advenant perte de l’ouvrage, l’entrepreneur sera face à sa responsabilité de droit commun de l’article 2118 du Code civil du Québec qui édicte :

« Article 2118: À moins qu’il ne puisse se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol. »

[29]        La définition du Petit Larousse illustré du mot « système » que l’on retrouve dans la nomenclature des exclusions, réfère à une combinaison d’éléments réunis de manière à former un ensemble, à un ensemble de moyen afin de produire un résultat, à divers éléments agencés et assurant une fonction déterminée[2] ;

[30]        Divers synonymes comme agencement, arrangement, combinaison, composition, configuration et ensemble sont suggérés dans le Grand Druide des Synonymes[3] ;

[31]        Malgré l’évidente responsabilité de l’entrepreneur et son défaut de proposer une correction adéquate et performante du système de drainage des eaux de surface, je dois décider de maintenir la décision de l’administrateur et rejeter en partie la demande d’arbitrage des bénéficiaires ;

[32]        Les divers niveaux des terrains voisins, la topographie du quartier, les pentes des rues, leur emplacement et localisation des autres bâtiments construits par l’entrepreneur dans son projet immobilier sont partie intégrante de la configuration des sols qui amène l’eau de surface vers le bâtiment sujet de la garantie ;

[33]        Les travaux qui doivent être exécutés par l’entrepreneur ne sont pas couverts par le règlement puisque le système de drainage des eaux de surface comprend l’ensemble des éléments agencés pour éloigner l’eau de surface du bâtiment sujet de la garantie et en assurer sa bonne fonction ;

[34]        Les divers niveaux de terrains des propriétés voisines, la pente des sols du petit boisé arrière, le remplissage d’espace pour aplanir les cours arrière voisines, la présence d’une rivière dans l’arrondissement immédiat des lieux sont tous partie du système de drainage des eaux de surface ;

[35]        Le code national du bâtiment, les règles de l’art et méthode de construction établissent clairement que l’entrepreneur doit faire des travaux correctifs ;

[36]        Par contre, le texte du règlement restreint la couverture du Plan de garantie en excluant spécifiquement les travaux qui sont à exécuter ;

[37]        J’ajoute que les travaux d’imperméabilisation et pose de membrane de la fondation étaient effectués au moment de l’audition et font suite à la décision du 23 novembre 2009, sujet de l’arbitrage ;

 

 


POUR ET PAR CES MOTIFS,

            DONNE ACTE des travaux d’imperméabilisation et pose de membrane à la fondation du bâtiment;

            REJETTE, en partie, la demande d’arbitrage des bénéficiaires quant aux travaux de nivellement du terrain comme partie du système de drainage des eaux de surface exclus du Plan de garantie en vertu de l’alinéa 9 de l’article 12 du règlement;

            Les frais payables par l’Administrateur conformément aux articles 21 et 123 du Règlement.

 

 

JEAN MORISSETTE, arbitre

 

 

MADAME JUNA JEAN-LOUIS

Bénéficiaire

Et

 

MONSIEUR SADRAC PLAISIR

Bénéficiaire

 

Et

MONSIEUR YVES BERTRAND pour

Place Clé d’Or inc.

[…] Laval (Québec)  […]

 

 

Et

 

ME AVELINO DE ANDRADE, Procureur de

LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION

7400, boulevard des Galerie-d’Anjou, bur. 200

Anjou (Québec)  H1M 3M3

 

 

 

Date(s) d’audience :

7 juillet 2010.

 

 



[1] Waddel et autres c. Les constructions Jacques Laporte inc. et La garantie habitation du Québec inc., GAMM 2009-11-005

[2] Le Petit Larousse illustré. ED. 2006, à jour www.larousse.fr

[3] Le Grand Druide des Synonymes, ED. Québec Amérique 2001