ARBITRAGE SELON LE RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(c. B-1.1, r. 8)
SOCIETÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS
(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)
____________________________________________________________________________________
DOSSIER NO: 131507001
MARIÈVE CHARETTE
DONALD HÉBERT
(LES « BÉNÉFICIAIRES »)
c.
CONSTRUCTION BEAU-VAIN INC.
(L’« ENTREPRENEUR»)
et
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
DE L’APCHQ INC.
(L’« ADMINISTRATEUR »)
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre : Me Roland-Yves Gagné
Pour les Bénéficiaires: Madame Mariève Charette
Monsieur Donald Hébert
Pour l’Entrepreneur: Monsieur Denis Picard
Monsieur Benoît Gagnon
Monsieur Christian Laurin
Monsieur Claude Cardinal
Monsieur Pascal Poissant
Pour l’Administrateur: Me François Laplante
Monsieur Yvan Gadbois
Date et lieu de l’audition: 13 décembre 2013
Palais de justice de Montréal
1 est rue Notre-Dame salle 14.10
Montréal, Qc.
Date de la décision : 9 janvier 2014
DESCRIPTION DES PARTIES
BÉNÉFICIAIRES
Madame Mariève Charette
Monsieur Donald Hébert
[…] Montréal, Qc. […]
ENTREPRENEUR
Construction Beau-Vain Inc.
a/s Monsieur Denis Picard
500, boulevard Saint-Martin Ouest, bureau 320
Laval, Qc.
H7M 3Y2
ADMINISTRATEUR
Me François Laplante
Marcoux Avocats
5930 boulevard Louis-H. Lafontaine,
Anjou, Qc.
H1M 1S7
ARBITRE
Me Roland-Yves Gagné
1010 ouest, de la Gauchetière #950
Montréal, Qc.
H3B 2N2
PIÈCES
L’Administrateur a produit les pièces suivantes:
A-1 (en liasse) Contrat préliminaire et contrat de garantie (incomplet) en date du 23 novembre 2010;
A-2 (en liasse) Formulaire d’inspection préréception en date du 20 avril 2012;
A-3 (en liasse) Complément de l’Annexe 1 au formulaire de préréception en date du 20 avril 2012 et photographies;
A-4 : Déclaration de copropriété divise d’un immeuble en date du 3 mai 2012;
A-5 : Acte de vente en date du 17 mai 2012;
A-6 : (en liasse) Courriels du Bénéficiaire à l’Entrepreneur;
A-7 : Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur en date du 22 novembre 2012;
A-8 : Décision de l’Administrateur en date du 18 juin 2013;
A-9 : Lettre du centre d’arbitrage (SORECONI) en date du 8 août 2013 et demande d’arbitrage.
Les Bénéficiaires ont produit les pièces suivantes:
B-1 Courriels en liasse;
B-2 Partie de B-1: Courriel du 30 avril 2012.
HISTORIQUE
L’unité de copropriété est située au […] à Montréal.
Le formulaire d’inspection réception est daté du 20 avril 2012 (pièce A-2).
Le 30 avril 2012, les Bénéficiaires envoient à l’Entrepreneur un « complément de l’annexe 1 au formulaire de pré-réception », document reçu par l’Administrateur le 11 octobre 2012 (pièce A-3).
L’unité de copropriété a été achetée le 17 mai 2012.
Le 18 juin 2013, l’Administrateur rend sa décision (pièce A-8) et le 15 juillet 2013, les Bénéficiaires en demande l’arbitrage (A-9).
MANDAT ET JURIDICTION
[1] Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par les Bénéficiaires, reçue par la Société pour la résolution des conflits - SORECONI le 15 juillet 2013, et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 8 août 2013.
[2] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.
LE DROIT
[3] Les Bénéficiaires ont produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement)
Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
[4] La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[1] a jugé que ce Règlement était d’ordre public
[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux
personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.
[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle
variera selon les circonstances factuelles […]
[39] Au mieux, nous sommes en présence d’un contrat réglementé, c’est-à-dire d’un contrat dont le contenu est imposé par le législateur et non par l’appelante, elle aussi obligée de se plier aux volontés du législateur et de faire approuver son plan par la Régie[15][2].
[5] La Cour supérieure affirme dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis[3]
[75] Il est acquis au débat que l'arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu'il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui. Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie.
[6] La couverture du plan de garantie pertinente à la demande des Bénéficiaires est décrite à l’article 27 du Règlement (extraits):
27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:
a) par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;
b) par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes ;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
[7] L’audience a été précédée d’une visite de lieux.
[8] Dans sa décision intérimaire du 25 septembre 2013, le Tribunal d’arbitrage prit acte :
[1.1] de la déclaration du Bénéficiaire à l’effet que sa demande d’arbitrage ne porte seulement que sur l’installation du plancher du rez-de-chaussée (installation en entier), soit le point 8 de la décision du 18 juin 2013, point qui englobe
[1.1.1] les travaux correctifs qui auraient été demandés pour les points 18 et 27 si ces points n’avaient pas été abandonnés, et
[1.1.2] le point 6 (plancher qui s’enfonce près de l’îlot de la cuisine) qui a été accepté par l’Administrateur et pour lequel il n’y a pas de demande d’arbitrage;
et les autres points de la décision du 18 juin 2013 ne font pas l’objet d’une demande d’arbitrage.
[9] Le point 8 de la décision du 18 juin 2013 se lit ainsi (pièce A-8):
Installation du plancher au rez-de-chaussée
Les faits
Le bénéficiaire nous a expliqué que dès la réception du bâtiment survenue le 20 avril 2012, ils ont remarqué la situation.
[…] Analyse et décision (points 8 à 11)
Du point de vue de l’administrateur, les points 8 à 11 étaient apparents au moment de la réception en ce sens qu’ils étaient décelables pour un acheteur raisonnablement diligent.
Or il appert que contrairement aux exigences de l’article 3.2 [notre ajout : équivalent à l’article 27 2e alinéa du Règlement] du contrat de garantie, ces points n’ont pas été dénoncés par écrit au moment de la réception.
Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ces points.
[10] Avant de débuter, le Tribunal d’arbitrage a confirmé avec tous que l’arbitrage ne portait que sur l’absence de dénonciation au moment de la réception et non, sur le fond de la réclamation.
PREUVE ET PLAIDOIRIE
[11] Lors de l’audience, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont plaidé en même temps qu’ils ont présenté leur preuve, et l’Administrateur n’a pas présenté de témoin, pour cette raison, preuve et plaidoirie sont ici exposées ensemble.
Bénéficiaires
[12] Le 20 avril 2012, le Bénéficiaire a effectué une rencontre pour la réception de son unité de copropriété en compagnie de Tony Mulé, Gary Botelho et Guy Bond.
[13] Le Bénéficiaire déplore que les intervenants à son dossier ne soient pas présents à l’audience.
[14] Le Tribunal d’arbitrage signale que les Bénéficiaires n’ont pas demandé de remise pour cette raison, sans indiquer ici s’il aurait accordé une telle remise. Lors de la conférence préparatoire par conférence téléphonique tenue le 8 novembre 2013, l’Entrepreneur avait informé le Tribunal et les Bénéficiaires que Monsieur Gary Botelho serait présent à l’audience parmi ses témoins.
[15] L’Entrepreneur a affirmé à l’audience qu’il s’attendait à ce Monsieur Botelho soit présent et qu’il lui avait parlé récemment, et qu’il ignorait pourquoi ce témoin était absent - on s’est parlé hier, il n’y avait pas de problème.
[16] Quant à Gary Botelho, le Tribunal d’arbitrage est d’accord avec le Bénéficiaire qu’il était raisonnable pour lui qu’il s’attende à sa présence, mais pour les autres dont le Bénéficiaire déplore l’absence, le Tribunal d’arbitrage note que leur nom n’apparaît pas dans la liste des témoins de l’Entrepreneur qui apparaît au procès-verbal de la dernière conférence préparatoire à laquelle a participé le Bénéficiaire.
[17] Le Bénéficiaire témoigne avoir envoyé un courriel le 26 mars 2012 (page 108 de 194, pièce B-1) avec des photos de la portion du plancher. Extrait du courriel (la photo jointe n’a pas été produite à l’audience (ni avant celle-ci)) :
De: Donald Hébert
Envoyé: 26 mars 2012 16:10
À: Tony Mule Jr
Pièces jointes: 208.JPG
Bonjour Tony,
Sache que je suis très satisfait de tes services dans notre dossier. Ce que je dis ci-dessous n’a rien avoir avec toi, mais il faut que ce soit dit.
Mon meilleur ami étant installateur de plancher de bois, dans le passé il m’a sensibilisé à ce que « lui » appelle du travail bien fait.
Je ne crois pas que l’image ci-jointe corresponde à ses critères de qualité.
Mais bon, la job est faite! Peut-être prendre les précautions nécessaires au sous-sol.
[18] À l’annexe 1 du formulaire de réception (pièce A-2) signé le 20 avril 2012, il y est mentionné
[18.1] point 2 Remplacer lattes bois frigo (Touch-up) (notre ajout : dans la décision du 18 juin 2013, mentionné comme point 18 : Latte devant le réfrigérateur à remplacer);
[18.2] point 11 Touch up bamboo salon en face porte (notre ajout : dans la décision du 18 juin 2013, mentionné comme point 27 : Retouches du plancher de bambou devant l’entrée)
[18.3] point 16 Touch up bamboo face ilot (notre ajout : dans la décision du 18 juin 2013, mentionné comme point 6 - Plancher qui s’enfonce près de l’ilot de la cuisine).
[19] Les Bénéficiaires admettent avoir signé cette Annexe 1 mais insistent sur le fait que ce n’est pas eux qui l’ont rédigé mais Guy Bond -c’est pas nous qui avaient mis les notes.
[20] Les Bénéficiaires ont pris les clés de leur unité le 26 avril 2012 et emménagé le 27 avril 2012.
[21] Le 30 avril 2012, les Bénéficiaires décident de mettre leur Annexe 1 au propre - ils annulent les points 2, 11 et 16 pour les remplacer par le point 33 - niveler le plancher (installation), qui est le point 8 de la décision du 18 juin 2013, objet du litige.
[22] Ils envoient ce document (pièce A-3) par courriel à l’Entrepreneur le 30 avril 2012 (page 8 de la pièce B-1), et, reçu par ce dernier le 11 octobre 2012, à l’Administrateur (pièce A-3) - note : le soussigné a tronqué les adresses de courriels.
De: Donald Hébert
Envoyé: 30 avril 2012 21:50
À: Tony Mule Jr; info@
Cc: marievec@; guy.beauvain@
Objet: […] : Malfaçons et vices apparents dénoncés
Pièces jointes: Pré-réception_Complément-Annexe1.docx
Bonjour Tony,
Tu trouveras ci-joint un document ayant pour but de clarifier et de bonifier les malfaçons et vices apparents dénoncés avant et durant la rencontre d’inspection préréception du 20 avril 2012.
De là, tout doit être complété à mon entière satisfaction au plus tard le 11 mai.
On se reparle demain.
[23] La Bénéficiaire mentionne qu’ils (les Bénéficiaires) considéraient, rendu au 30 avril, que de remplacer des lattes, tel que demandé aux points 2 et 11, dépareillerait l’ensemble du plancher, et qu’il fallait en fait, demander de voir à l’installation du plancher au complet, d’autant plus qu’ils avaient acheté un plancher neuf.
[24] Parmi la série de courriels produits sous B-1 (à partir de la page 88), on trouve cet avis écrit à l’Entrepreneur en date du 10 octobre 2012, suivis de plusieurs autres:
From: donald_hebert@
To: tonymulejr@; sav@
CC: marievec@ guy.beauvain@
Subject: RE: […] : Malfaçons et vices apparents dénoncés
Date: Wed, 10 Oct 2012 16:38:04 -0400
Bonjour Tony,
Tel que discuté, tu trouveras ci-joint le statut des travaux de para-achèvements du […].
En résumé, il reste quelques ajustements à faire ici et là qui pourrons être pilotés par Guy.
Par contre, je désire vous rencontrer toi et Gary afin de discuter des points suivants :
1. […]
2. Installation du plancher rez-de-chaussée jugée inacceptable (voir le point 33)
3. […]
4. […]
Merci de vous rendre disponible dans les meilleurs délais, afin que l'on puisse en finir d'ici Noël.
De: sav
Envoyé: 12 octobre 2012 14:12
À: 'Donald Hébert'
Objet: RE: […] : Malfaçons et vices apparents dénoncés (prise 2: doc joint)
Bonjour M. Hébert,
Je confirme avoir reçu votre appel de service et quelle est maintenant en traitement.
Merci et bonne journée!!
(notre ajout : absence de nom à la fin du courriel)
De : Donald Hébert [mailto:donald_hebert@]
Envoyé : 15 octobre 2012 12:29
À : sav@
Objet : RE: […] : Malfaçons et vices apparents dénoncés (prise 2: doc joint)
Bonjour,
Je vous relance afin de savoir quelles seront les prochaines étapes pour en venir à finaliser ce que vous appelez « appel de service ».
Merci
De: sav
Envoyé: 16 octobre 2012 10:14
À: 'Donald Hébert'
Objet: RE: […] : Malfaçons et vices apparents dénoncés (prise 2: doc joint)
Bonjour M. Hébert,
Votre dossier est maintenant analysé et nous vous contacterons sous peu.
Bonne journée!!
(notre ajout : absence de nom à la fin du courriel)
De : Donald Hébert [mailto:donald_hebert@]
Envoyé : 22 octobre 2012 09:50
À : sav@
Cc : Tony Mule Jr; guy.beauvain@
Objet : FW: […] : Malfaçons et vices apparents dénoncés (prise 2: doc joint)
Bonjour,
Suivant les règles qui s’appliquent au plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, je vous avise qu’en date du 29 octobre si Constructions Beau-Vain n’est pas intervenu ou n’a pas pris entente avec moi pour le règlement à mon entière satisfaction des points mentionnés dans le courriel acheminé le 10 octobre à
Constructions Beau-Vain (voir courriel ci-dessous et document ci-joint), je me verrai dans l’obligation d’aviser l’APCHQ.
Cordialement,
[25] Les Bénéficiaires considèrent que l’Administrateur a erré dans sa décision du 18 juin 2013, puisque le point 8 de la décision (ex point 33 du complément à l’Annexe 1) était auparavant les dénonciations aux points 2 et 11 de l’Annexe 1 (réception) (en plus du point 16 qui ne fait pas l’objet de l’arbitrage), que c’est la même chose qui a été dénoncé le 20 avril 2012, en insistant que l’Annexe 1 a été rédigée non par eux mais par Guy Bond, en présence de Gary Botelho.
[26] Ils plaident l’application à leur cause des articles 1432 et 2831 du Code civil
1432. Dans le doute, le contrat s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en faveur de l'adhérent ou du consommateur.
2831. L'écrit non signé, habituellement utilisé dans le cours des activités d'une entreprise pour constater un acte juridique, fait preuve de son contenu.
[27] Le Bénéficiaire plaide aussi que la liasse de 194 pages de courriels (B-1) est la preuve qu’il a agit en acheteur diligent, contrairement à ce que l’Administrateur a écrit dans sa décision du 18 juin 2013.
[28] En contre-interrogatoire, le Bénéficiaire affirme
[28.1] avoir signé l’Annexe 1 (réception) après l’avoir lue;
[28.2] quant au sens de la mention « entente à conclure » à côté du point 33 Nivellement du plancher (Installation) du complément à l’Annexe 1 (A-3), en avoir parlé avec Guy Bond, qui travaillait physiquement tout près de son unité, qui lui répondait tout le temps, j’attends que le Bureau me revienne là-dessus;
[28.3] ne pas avoir envoyé de courriel à ce sujet à Guy Bond, puisqu’il pouvait communiquer avec lui verbalement, le bureau de Guy Bond était adjacent à son unité de condo;
[28.4] avoir annulé les points 2 et 11 de l’Annexe 1 parce qu’ils étaient compris dans le point 33 ces points-là font un tout (notre ajout : en fait, les points 2 et 16 sont annulé par le client, le point 11 est complété);
[28.5] pour tous les autres points à part les points 2 et 11 pour lesquels il est écrit « annulé par le client », ces points avaient été, ou réglés ou bien, ils les ont laissé tomber (même ajout : en fait, les points 2 et 16 sont annulé par le client, le point 11 est complété).
[29] En contre-interrogatoire, la Bénéficiaire ajoute que tout ce qui a été annulé au point 2, c’est qu’ils se disaient que si on remplace quelques nattes, cela peut rendre le plancher moins solide, alors qu’ils avaient acheté un plancher neuf.
[30] La Bénéficiaire plaide que leur réclamation n’est pas passé au fournisseur puisque les Bénéficiaires ne parlaient qu’avec le vendeur.
[31] Le Bénéficiaire plaide avoir respecté les délais de dénonciation, l’état du plancher a bel et bien été dénoncé par écrit, dans les délais prévus au paragraphe 3.2 du contrat de garantie.
[32] Il réitère que c’est Guy Bond qui a rédigé l’Annexe 1 (réception) -
ce n’est pas nous qui a pris les notes, on a peut-être pas mis les bons termes, les bons mots, on a juste visité on s’attendait pas à ce que ce soit difficile de travailler avec le constructeur, c’est qu’après qu’on a révisé nos notes avec l’ordinateur.
[33] Il tient à ajouter qu’il a eu de la difficulté à faire part de son point de vue lors de l’inspection qui a mené à la décision du 18 juin 2013; l’inspecteur n’était pas présent à l’audience.
[34] Ajoutons que le Bénéficiaire a mentionné lors de la conférence préparatoire que le point 8 de la décision du 18 juin 2013 (ou 33 du complément à l’Annexe 1) englobe
[34.1] les travaux correctifs qui auraient été demandés pour les points 18 et 27 (ou points 2 et 11 de l’Annexe 1) si ces points n’avaient pas été abandonnés, et
[34.2] le point 6 (plancher qui s’enfonce près de l’îlot de la cuisine) qui a été accepté par l’Administrateur et pour lequel il n’y a pas de demande d’arbitrage.
Entrepreneur
[35] Les témoins de l’Entrepreneur, Benoît Gagnon et Christian Laurin, ont parlé du fond de la réclamation, soit le plancher lui-même, ce qui n’est pas l’objet de la présente demande d’arbitrage, qui ne porte pas sur le fond.
[36] Claude Cardinal, représentant des ventes du fournisseur du plancher (planches et installation), et Christian Laurin, qui lui a vendu les planches, disent qu’ils n’ont jamais reçu d’appel à ce sujet.
[37] Claude Cardinal dit être toujours passé par Guy Bond.
[38] Denis Picard, qui n’était pas là en avril 2012, représentant l’Entrepreneur, dit que quand des points sont annulés par le client, l’Entrepreneur ne peut pas en faire le suivi - le « Bureau » n’a rien reçu puisque le point est annulé par le client.
L’Administrateur
[39] L’Administrateur n’a pas présenté d’autres preuves que ses pièces.
[40] Il plaide le contenu des articles 25 et 27 2o alinéa du Règlement pour conclure qu’au 30 avril, plus de trois jours s’étaient écoulés depuis la réception du 20 avril 2012
25. Pour l'application de la présente sous-section, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par: […]
«réception de la partie privative»: l'acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter la partie privative qui est en état de servir à l'usage auquel on la destine et dont, s'il y a lieu, certains travaux sont à parachever ou à corriger;
27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir: […]
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception; (ses soulignés).
[41] Il ajoute que les dates sont ici à retenir :
[41.1] le 20 avril 2012, date de la signature de l’Annexe 1 - réception (pièce A-2);
[41.2] le 27 avril 2012, les Bénéficiaires emménagent;
[41.3] le 30 avril 2012, les Bénéficiaires envoient à l’Entrepreneur leur liste (complément à l’Annexe 1 produit en A-3), et le 30 avril, on est plus de trois jours après la réception, donc cette liste n’est pas recevable.
[42] Il conclut de la preuve que les points 2 et 11 à l’Annexe 1 ne visaient qu’à remplacer des lattes, qu’il s’agissait d’une situation bien ponctuelle, précise, qu’il n’y avait aucune mention d’un problème plus général sur la qualité du plancher ou sur le nivellement comme mentionné sur la liste produite en complément de l’Annexe 1 (A-3).
[43] Les points 2 et 11 à l’Annexe 1 traitent d’une situation précise et non d’une situation générale, d’ailleurs, tous les points « annulés par le client » sont réglés ou on les a laissé tomber d’après le témoignage des Bénéficiaires.
[44] La situation du plancher décrite au point 33, apparente et existante lors de la réception, n’a pas été dénoncée par écrit et dans les délais.
[45] Il dépose les décisions dans Desjardins (paragraphe [7], voir plus loin) et Zanni (paragraphes [14] à [16], voir plus loin).
[46] En réplique, les Bénéficiaires disent que ces points ont été dénoncés et n’ont toujours pas été réglés, la communication ne semble pas avoir été bien faite, la situation perdure, persiste et demeure, ceux qui ont traité ce dossier ont fait la sourde oreille.
DÉCISION
[47] Les décisions arbitrales qui ont précédé la présente cause ont conclu à l’importance de la Déclaration de réception, document signé autant par le Bénéficiaire que l’Entrepreneur.
[48] Le procureur de l’Administrateur rappelle à juste titre deux décisions arbitrales à cet effet, dans Desjardins et Zanni.
[49] Dans Desjardins c. Vertex Construction Inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc.[4], notre collègue Claude Dupuis, arbitre, écrit:
[7] En cours d'enquête, les bénéficiaires ont admis que les égratignures ainsi que les défauts de peinture étaient présents et visibles lors de l'inspection pré-réception; le formulaire à cet effet, daté du 15 décembre 2007 et signé par les deux bénéficiaires et l'entrepreneur, ne fait aucunement mention de ces deux malfaçons.
[8] Le soussigné rappelle l'article 10.2° [notre ajout : ici, 27.2°] du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
[...]
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
[...]
[9] Puisque ces malfaçons apparentes au moment de la réception n'ont pas été dénoncées par écrit, les réclamations ayant trait aux deux éléments précités sont donc REJETÉES.
[50] Dans Zanni c Saint-Luc RDP et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[5], l’arbitre soussigné écrit:
[12] Le Bénéficiaire rapporte à l’audience avoir mentionné les nez de marche le 24 mai 2011 oralement au représentant de l’Entrepreneur avant de passer devant le notaire, disant avoir agit de bonne foi et croire en la bonne foi de tous. Il était entendu que l’aménagement extérieur était à faire après la vente et, pour lui, cela incluait le nez de marche, cela explique pourquoi cela n’est pas précisé dans la réception écrite (pièce A-2).
[13] Le père du Bénéficiaire mentionne que le représentant de l’Entrepreneur Jacques Dubuc a toujours dit « on va tout arranger ».
Point 13. Nez de marche avant
[14] Le Tribunal se doit de maintenir la décision de l’Administrateur quant au point 13 - il s’agit d’une malfaçon apparente et, pour être couverte par le Plan de garantie, elle devait être dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception; (article 10 (2) du Règlement).
[15] Dans l’affaire Guy Gauthier et al. c. Goyette Duschesne Lemieux Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[3], notre collègue Me Jeffrey Edwards écrivait :
[24] L’objectif et l’utilité de l’Étape 5 sont notamment de dénoncer les problèmes apparents à l’Entrepreneur et à l’Administrateur ainsi que les éléments que les acheteurs jugent incomplets ou insatisfaisants et devront être réparés. Dans l’éventualité où les acheteurs décidaient de demander à l’Entrepreneur de corriger ces problèmes et qu’une plainte à l’Administrateur devait être déposée, il est crucial que des éléments apparents aient été dénoncés dans l’Étape 5 à l’Entrepreneur pour être recevable en vertu de la protection d’une année pour les malfaçons apparentes (articles 3.1 et 3.2 du contrat de garantie).
[16] Le Tribunal ne peut accepter la prétention que le fait que l’aménagement extérieur n’était pas complété était la raison pour ne pas dénoncer le défaut de nez de marche avant apparent parce que ce point aurait été englobé. En regardant l’annexe (A-2), les Bénéficiaires avaient précisément dénoncé « tour porte de garage haut ondulé » et « nettoyer balcon arrière », mais pas le nez de marche. Le Règlement est clair, le nez de marche aurait dû être dénoncé pour bénéficier de la couverture du Plan de garantie et mais ne l’a pas été.
[51] Mentionnons également la décision rendue dans Morin c. 9131-7230 Québec Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[6] par notre collègue Me Michel A. Jeanniot, arbitre:
[15] J’accepte, d’emblée, qu’il s’agit de malfaçon.
[…]
[19] Les Bénéficiaires ont reconnus qu’ils n’ont pas été empêchés qu’une quelconque manière de présenter leur réclamation et/ou de faire part de leur réserve et/ou insatisfaction à l’intérieur du délai et/ou sur les formulaires prescrits par règlement. Ils ne plaident non plus leur ignorance des critères d’application du règlement.
[20] Je rappelle en l’espèce que le plan de garantie de l’Administrateur est au bénéfice des personnes qui ont conclu un contrat avec un entrepreneur pour la construction de bâtiment résidentiel neuf. Le plan garantie l’exécution des obligations légales et contractuelles de l’Entrepreneur sous réserve de certaines conditions, un contrat fortement réglementé dont le contenu est dicté par voie législative et réglementaire. […]
[24] Devant mon appréciation des faits et ma compréhension de la loi et la jurisprudence connue, la seule existence d’une malfaçon apparente au moment de la réception ou encore, l’inachèvement de travaux observables au moment de la réception, ne sont pas suffisants pour donner ouverture à un recours contre l’Administrateur en faveur des Bénéficiaires. En effet, il faut que ces situations aient été, en outre, dénoncées par écrit au moment même de la réception du bâtiment (ou dans les trois (3) jours qui suivent si les Bénéficiaires n’avaient pas encore emménagé).
[52] Rappelons, si besoin est, que l’article 27 2e du Règlement parle bien d’un délai, si le Bénéficiaire n’a pas emménagé, de trois jours qui suit la réception, et non, d’un délai de trois jours qui suit l’emménagement:
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception.
[53] Dans le cas présent, une Déclaration de réception a été signée par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 20 avril 2012 - toutefois, par la suite, le 30 avril, 10 jours plus tard et 3 jours après l’emménagement, les Bénéficiaires ont révisé cette liste, changé deux points concernant le remplacement de lattes à des endroits précis pour un nivellement général du plancher, plancher que le soussigné a vu et qui est plus grand que le devant du réfrigérateur, l’îlot de cuisine et l’entrée principale.
[54] La Cour d’appel dans Desindes (ci-haut) affirme que le Règlement établit les conditions essentielles du plan de garantie.
[55] Sans l’audition des témoignages des Bénéficiaires, donc de la preuve, il aurait été possible de conclure sur papier que le point 33 nivellement du plancher à la liste du 30 avril 2012 n’aurait pas été dénoncé en conformité avec les articles 25 et 27 du Règlement.
[56] De plus, il n’y a aucune contre-signature de ce point 33 par l’Entrepreneur contrairement à l’Annexe 1-Réception, de plus,
[56.1] le document complément à l’Annexe 1, produit en A-3, mentionne « entente à conclure » et
[56.2] les Bénéficiaires affirment que Guy Bond, représentant de l’Entrepreneur, disait « j’attends que le Bureau me revienne »;
cela ne représente en rien une preuve de conclusion d’un contrat synallagmatique entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur.
[57] Pendant l’audience, les Bénéficiaires ont témoigné avoir annulé les points 2, 11 et 16 parce qu’ils les avaient remplacés par le point 33.
[58] Ils affirment donc ne pas avoir renoncé à la réclamation concernant les points 2 et 11 (et 16, ce dernier seulement a été accepté dans la décision du 18 juin 2013).
[59] La Bénéficiaire a témoigné avoir remplacé les points 2 et 11 et écrit « annulé par le client » parce qu’ils considéraient qu’ils avaient acheté un plancher neuf et qu’ils n’avaient pas à accepter le simple remplacement de lattes, et avoir communiqué le tout à l’Entrepreneur le 30 avril et à l’Administrateur le 10/11 octobre 2012.
[60] Le document produit en A-3 - complément de l’Annexe 1 au formulaire de réception montre ce qui suit :
Point 2 - Remplacer la latte devant le bois frigo (touch-up) Statut : Annulé par le client
Point 11- Touch-up du plancher de bambou devant l’entrée Statut : complété
Point 16- Touch-up du plancher face à l’ilot - Statut : Annulé par le client
Point 33- Nivellement du plancher (Installation) - Statut : Entente à conclure
[61] Le témoignage des Bénéficiaires expliquant
[61.1] leur conduite et leurs intentions dans ce dossier et
[61.2] leur non-renonciation à leur réclamation quant aux points 2 et 11 de l’Annexe 1 dénoncée dans les délais prévus au Règlement
est crédible et la bonne foi se présume.
[62] La preuve testimoniale et documentaire démontrent que,
[62.1] d’une part, une partie de la problématique dénoncée au point 33 - nivellement du plancher- a été dénoncée dans les délais en vertu du Règlement - en remplaçant les points 2 et 11 (et le point 16 qui n’est pas objet du présent arbitrage car accordé par l’Administrateur) à l’Annexe 1-Réception par le point 33 du complément; et
[62.2] d’autre part, l’Administrateur a jugé deux situations analogues selon deux règles différentes -
[62.2.1] d’un côté, l’Administrateur a accepté le point 6 de sa décision - plancher qui s’enfonce près de l’îlot de la cuisine, en disant « on constate que les points […] 6 ont été dénoncés par écrit au moment de la réception » qui correspond à l’ex point 16 de l’Annexe 1-Réception Touch-up du plancher face à l’ilot (A-2) pourtant indiqué sur le complément à l’Annexe 1 (A-3) comme annulé par le client,
[62.2.2] d’un autre côté, l’Administrateur plaide à l’audience qu’il y a lieu de rejeter les points 2 et 11 à cause de l’indication annulé par le client et complété.
[63] La Cour suprême du Canada a écrit dans l'arrêt The Mile End Milling Co. v. Peterbourough Cereal Co.[7]:
La véritable règle de droit, c'est qu'on est jamais censé renoncer à un droit, et alors que l'acquiescement peut-être tacite, il doit être non-équivoque, c'est-à-dire l'intention d'acquiescer ou de renoncer doit être démontré.
[64] La Cour d’appel a suivi cette règle. Dans l’arrêt Union canadienne (L'), compagnie d'assurances c. Quintal [8], elle écrit :
[47] Pour qu'elle puisse avoir son plein et entier effet, une renonciation ne doit pas être équivoque :
[26] Tel que le rappelle le juge Forget dans la décision Construction Paval Inc. c. Camille Dionne Inc., J.E. 96-1678 (C.A.), « nul n’est présumé renoncer à ses droits ». Dans l’affaire Centre régional de récupération C.S. Inc. c. Service d’enlèvement de rebuts Laidlaw (Canada) Ltée, J.E. 96-1048 (C.A.), le juge Philippon précise qu’une renonciation à un droit peut être tacite, mais qu’elle doit être non équivoque. Il fait ainsi référence à ces propos du juge Mignault dans l’arrêt Mile End Milling Co. c. Peterborough Cereal Co., [1924] R.C.S. 120 :
La véritable règle de droit, c’est qu’on n’est jamais censé renoncer à un droit, et alors que l’acquiescement peut être tacite, il doit être non-équivoque, c’est-à-dire l’intention d’acquiescer ou de renoncer doit être démontrée.
(Voir des applications dans: Gestion Infopharm inc. c. BCE Emergis inc., J.E. 2002-1002 ; Hydro-Québec c. Hipotronics inc., J.E. 2000-1367 ; Agence de recouvrement Coll-Bec ltée c. Bell Canada, J.E. 98-1529 ); Bastien c. Beaulac, J.E. 2000-1963 (C.S.)). [17] Placements André Turgeon inc. c. Ville de Longueuil et al., [2003] R.J.Q. 774 (C.A.).
[65] La Cour d’appel dans l’arrêt Société de cogénération de St-Félicien, société en commandite/St-Felicien Cogeneration Limited Partnership c. Industries Falmec inc.[9] a écrit :
[58] […] La renonciation peut être implicite mais elle «doit être non équivoque, c'est-à-dire, l'intention d'acquiescer ou de renoncer doit être démontrée». […]
[83] Une partie peut toutefois renoncer à l'application d'une clause contractuelle ou d'une entente de façon expresse ou tacite mais cette renonciation doit être sans équivoque. Dans le cas d'une renonciation tacite, le tribunal doit donc nécessairement apprécier la conduite des parties pour constater ce fait et en inférer une conclusion soutenue par la prépondérance de la preuve.
[66] Dans l’affaire Hébert c. 2323-4255 Québec Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[10] notre collègue Jacques E. Ouellet déclarait :
[53] Néanmoins, il y est bien mentionné : «clou apparent - chambre des maîtres», ainsi que «vernis plancher, à corriger.»
[54] Il est vrai que cette dénonciation n’est pas détaillée, mais comme l’ont démontré les appelants, ce n’est pas une obligation.
[55] Je considère donc que la dénonciation a été faite correctement par les appelants et que leur demande est bien fondée.
[67] D’un autre côté, le Tribunal doit tenir compte des admissions
[67.1] de la Bénéficiaire, à l’effet que le point 33 est plus général et ne correspond pas exactement à l’addition des points 2 et 11 (plus 16), car elle craignait que le remplacement de lattes pouvait dépareiller son plancher neuf;
[67.2] du Bénéficiaire, à l’effet que la malfaçon qu’il dénonce aujourd’hui en 2013 était la même malfaçon existante lors de la réception le 20 avril 2012, le soussigné exclut donc être en présence d’une réclamation pour malfaçon au plancher non apparente au moment de la réception.
[68] Pour éviter un potentiel différend, le Tribunal d’arbitrage ajoute[11] qu’il changera les « titres » des points 18 et 27 de la décision du 18 juin 2013 pour les rendre conforme aux points 2 et 11 de l’Annexe 1 - Réception et à la preuve, pour les raisons suivantes :
[68.1] au point 2 de l’Annexe 1 - Réception, le mot « lattes » est écrit au pluriel, alors qu’il est écrit au singulier au point 18 de la décision du 18 juin 2013;
[68.2] au point 11 de l’Annexe 1 - Réception, il est mentionné « en face porte », alors que le point 27 de la décision parle de l’entrée - la preuve a démontré qu’il s’agissait ici de la porte du côté de l’entrée principale.
CONCLUSION
[69] La question soumise à l’arbitrage en étant une de délai de dénonciation seulement, le Tribunal d’arbitrage soussigné se doit donc d’accueillir en partie la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.
[70] Vu les articles 25, 27.2o et 116 du Règlement, vu la jurisprudence citée dans la présente décision et celle connue du soussigné, vu la preuve, mis à part le point 16 de la Réception (ou point 6 de la décision, déjà accepté par l’Administrateur et non objet de la demande d’arbitrage)
[70.1] les points 2 et 11 (ou 18 et 27 de la décision du 18 juin 2013) ont été dénoncés lors de la réception le 20 avril 2012 en conformité avec le Règlement et ils sont inclus dans le point 33 du 30 avril 2012 (ou point 8 de la décision) qui visait à les remplacer;
[70.2] le remplacement des points 2 et 11 (ou 18 et 27 de la décision) par le point 33 (ou point 8 de la décision) pour une correction plus globale de la problématique particulière de nivellement ou d’installation des lattes dénoncée lors de la réception n’a pas entraîné l’annulation de leur dénonciation quant aux points 2 et 11 (ou 18 et 27 de la décision) dûment effectuée en conformité avec le Règlement.
[71] Ni les conclusions de la présente décision, ni le présent paragraphe, ne doivent être interprétés comme étant une décision quant au fond de la réclamation, puisque le fond de la réclamation ne fait aucunement partie de la présente décision, car la présente décision ne porte que sur les délais de dénonciation. Pour cette raison, le Tribunal d’arbitrage se doit donc de préciser
[71.1] que la présente décision ne traite pas des travaux correctifs selon les règles de l’art que les Bénéficiaires réclament et, s’ils avaient raison quant au fond, que les Bénéficiaires pourraient obtenir quant aux points 2 et 11 de l’Annexe 1 - réception (ou 18 et 27 de la décision du 18 juin 2013), l’entrepreneur restant soumis à une obligation de résultat et d’agir selon les règles de l’art,
[71.2] que les Bénéficiaires et l’Entrepreneur gardent leurs recours, à supposer qu’ils soient fondés en faits et en droit, pour demander l’arbitrage en cas de différends quant aux travaux correctifs qui pourraient être susceptibles, ce dont le soussigné ne se prononce pas, de faire l’objet du fond de la réclamation.
FRAIS
[72] L’article 37 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[73] Les Bénéficiaires ayant eu gain de cause en partie sur leur demande d’arbitrage, les frais d’arbitrage seront à la charge de l’Administrateur du Plan de Garantie.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
ACCUEILLE en partie la demande des Bénéficiaires;
DÉCLARE que la dénonciation quant aux points 2 et 11 de l’Annexe 1 - Réception, ou, points 18 et 27 de la décision de l’Administrateur du 18 juin 2013, en tant qu’éléments partiels englobés dans le point 8 de la décision de l’Administrateur objet de l’arbitrage, a été faite dans les délais en conformité avec le Règlement et le contrat de garantie, dénonciation au sujet de laquelle, aucune décision de l’Administrateur n’a été rendue quant au fond;
ORDONNE à l’Administrateur d’effectuer une inspection et de rendre une décision quant aux points 2 et 11 de l’Annexe 1 de la Réception, ou, point 18 - Remplacer lattes bois frigo (Touch-Up) et point 27 - Touch up bamboo salon en face porte du côté de l’entrée principale - de la décision de l’Administrateur du 18 juin 2013 dans les délais prévus au Règlement;
CONDAMNE à l'Administrateur du Plan de Garantie à payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier.
Montréal, le 9 janvier 2014
__________________________
Me ROLAND-YVES GAGNÉ
ARBITRE/SORECONI
Jurisprudence citée :
La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, 15 décembre 2004.
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis (2007 QCCS 4701 26 octobre 2007, hon. juge Michèle Monast, j.c.s.)
Desjardins c. Vertex Construction Inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc., GAMM 2009-12-001, 25 mai 2009.
Zanni c Saint-Luc RDP et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, SORECONI 132204001, 30 septembre 2013, Me Roland-Yves Gagné, arbitre;
Morin c. 9131-7230 Québec Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, SORECONI 100104001, 24 janvier 2011.
Hébert c. 2323-4255 Québec Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, SORECONI 050209001 19 janvier 2006.
The Mile End Milling Co. v. Peterbourough Cereal Co., 1923 RCS 131
Union canadienne (L'), compagnie d'assurances c. Quintal 2010 QCCA 921.
Société de cogénération de St-Félicien, société en commandite/St-Felicien Cogeneration Limited Partnership c. Industries Falmec inc. 2005 QCCA 441.
Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E. 2002-1514 (Hon. juge Jacques Dufresne).
[1] AZ-50285725 du 15 décembre 2004.
[2] Renvoi [15] Articles 4, 5, 7, 18, 132 60 et 139 du Règlement.
[3] 2007 QCCS 4701 (hon. juge Michèle Monast).
[4] GAMM 2009-12-001, 25 mai 2009.
[5] SORECONI 132204001, 30 septembre 2013, Me Roland-Yves Gagné, arbitre; renvoi [3] SORECONI 050629001 et al., 3 novembre 2006, Me Jeffrey Edwards, arbitre.
[6] SORECONI 100104001, 24 janvier 2011.
[7] 1923 RCS 131.
[8] 2010 QCCA 921.
[9] 2005 QCCA 441.
[10] SORECONI 050209001 19 janvier 2006.
[11]
Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E. 2002-1514 (Hon. juge
Jacques Dufresne) : 97. L'article 116 du Règlement est
une autre manifestation de la volonté du législateur d'accorder une grande
latitude à l'Arbitre appelé à décider d'un différend : «Un arbitre statue
conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l'équité lorsque les
circonstances le justifient.»
98. Il n'est pas fréquent de retrouver une disposition expresse autorisant un
décideur à faire appel à l'équité. Cette mention est significative d'une
volonté de mettre en place, au bénéfice des parties visées par le Règlement, un
mécanisme de règlement des différends qui soit efficace.